SECTION 3 RÉGIME SPÉCIAL DES FUSIONS
SECTION 3
Régime spécial des fusions
SOUS-SECTION 1
Champ d'application
A. OPÉRATIONS CONCERNÉES
1Le régime fiscal de faveur s'applique aux fusions de type classique (CGI, ann. II, art. 301 B et 301 F ).
2Antérieurement au 1er janvier 1992, les opérations prévues à l'article 301 C de l'annexe II au CGI, dites « fusions à l'anglaise » bénéficiaient du régime spécial des fusions. L'article précité assimile en effet à une fusion les opérations qui aboutissent au transfert à une société relevant du statut fiscal des sociétés de capitaux de droits représentant au moins 75 % du capital d'une société relevant du même statut. Ces apports de droits sociaux étaient soumis, en principe, au seul droit fixe prévu à l'article 816-I-1° du CGI si la société bénéficiaire de l'apport conservait les titres pendant cinq ans.
Dès lors que le régime applicable depuis le 1er janvier 1992 aux apports ordinaires de droits sociaux est toujours plus favorable, les apports de droits sociaux, quel que soit le pourcentage du capital qu'ils représentent, peuvent, depuis le 1er janvier 1992, être enregistrés au droit fixe, actuellement de 1 500 F 1 , sans condition particulière.
I. Fusions de type classique
1. Définition.
3Il résulte des dispositions combinées des articles 301 B et 301 F de l'annexe II au CGI que constitue une fusion :
- soit la formation d'une société relevant du statut fiscal des sociétés de capitaux par plusieurs sociétés qui transfèrent l'ensemble de leur actif et de leur passif à la nouvelle société ;
- soit le transfert à une société 2 relevant du statut fiscal des sociétés de capitaux par une ou plusieurs sociétés de l'ensemble de leur actif et de leur passif, lorsque dans les deux cas :
- la ou les sociétés apporteuses sont dissoutes ;
- et les apports sont rémunérés par l'attribution de droits représentatifs du capital de la société bénéficiaire. Toutefois, ils peuvent faire l'objet de règlements sous une autre forme dans la limite de 10 % de la valeur nominale des droits attribués.
2. Caractéristiques.
4L'application du régime spécial des fusions proprement dites implique :
- un apport global de la totalité des éléments actifs et le plus souvent des éléments passifs du patrimoine des dites sociétés ;
- la disparition de la ou des sociétés apporteuses ;
- la remise aux membres de ces dernières de titres soumis aux aléas sociaux (actions ou parts sociales) sous réserve de la tolérance introduite par l'article 301 F de l'annexe II au CGI (cf. ci-dessous n° 9 ).
a. Auteur de l'apport.
5L'opération de fusion n'est pas incompatible avec le fait que la société appelée à disparaître se trouve déjà en liquidation si l'opération comporte l'apport en nature des moyens permanents d'exploitation de la société dissoute (RM n° 11389 à M. Louis Courroy, JO, déb. Sénat du 14 juin 1972, p. 950).
6En revanche, d'après la jurisprudence de la cour de cassation, l'expression « fusion de société » suppose la réunion d'au moins deux sociétés préexistantes, soit que l'une absorbe l'autre, soit que l'une et l'autre se confondent pour constituer une société unique.
Il faut donc qu'au résultat de l'opération, on constate une diminution du nombre des sociétés existant à l'origine. Par suite, n'ont pas le caractère d'une " fusion " :
- l'apport de la totalité de l'actif d'une seule société ancienne effectué au profit d'une société nouvelle en voie de formation (Cass. req., 21 juillet 1932, inst. 4131, § 14) ;
- l'apport à une société nouvelle d'une partie de l'actif d'une seule société ancienne, lorsque cette dernière conserve le surplus de son actif aux fins d'apurement du passif resté à sa charge et prononce sa dissolution peu de temps après (Cass. civ., 28 janvier 1946, inst. 4728, § 9) ;
- l'apport effectué à une société à responsabilité limitée en formation de la totalité de leurs droits sociaux par les membres d'une société du même type préexistante, dont la dissolution et la liquidation ont été constatées par un acte ultérieur (Cass. civ., 18 janvier 1960, BOED 1960-8176).
7 Cas particulier : Le regroupement de plusieurs sociétés anciennes en une société nouvelle unique constitue, en droit fiscal, une fusion, même si par ailleurs l'opération s'accompagne d'apports supplémentaires effectués par des personnes autres que les sociétés dissoutes.
Toutefois, dans cette hypothèse, quelle que soit la qualité de ces personnes (physiques ou morales), le régime spécial ne s'applique pas aux apports supplémentaires ainsi réalisés.
b. Objet de l'apport.
8L'apport global de la totalité des éléments actifs et passifs n'est pas incompatible avec la circonstance qu'une partie de l'actif reste écartée de l'apport global pour être affectée au règlement de tout ou partie du passif de la société absorbée. Dans cette situation, la société survit pour le règlement du passif, avant d'être effectivement dissoute (Cass. req. 21 juillet 1932, inst. 4131, § 14 ; Cass. civ., 13 février 1963, D. 1963, som., p. 95).
c. Rémunération de l'apport.
1° Principe.
9La rémunération des apports peut consister (art. 301 F de l'annexe II au CGI) :
- soit en l'attribution de droits représentatifs du capital de la société bénéficiaire ;
- soit pour partie, en l'attribution de tels droits et pour le surplus en un règlement sous une autre forme ; ce dernier règlement ne pouvant alors excéder une certaine limite (cf. ci-dessous n° 11 ).
Le versement d'une soulte, dans la limite prévue à l'article 301 F de l'annexe II au CGI, n'a donc pas pour effet de faire perdre à l'opération le bénéfice du régime spécial.
10 Cas particulier. - Remise d'obligations par des personnes morales absorbantes n'ayant pas le caractère de sociétés (cf. ci-dessous n° 13 ).
2° Montant et forme de la soulte.
11Le montant maximal de la soulte est fixé à 10 % de la valeur nominale des droits sociaux rémunérant l'apport.
La soulte peut consister en une remise d'espèces, de valeurs ou de biens soustraits aux aléas sociaux (obligations, titres de créances par exemple).
12En revanche, la prise en charge par la société bénéficiaire des apports de tout ou partie du passif de la société apporteuse ne saurait en principe, être considérée, au regard de l'article 301 F susvisé, comme correspondant au versement d'une soulte ou, pour reprendre les termes du texte, à un règlement partiel des apports sous une forme autre que l'attribution des droits sociaux.
Toutefois, l'administration conserve la faculté d'en démontrer le caractère fictif ou exagéré. Si ce caractère est établi, la prise en charge d'un tel passif doit être considérée comme déguisant, en réalité, le versement d'une soulte. Dès lors, celle-ci doit être prise en compte pour déterminer si la limite de 10 % se trouve ou non dépassée.
3° Cas particulier des entreprises nationales et personnes morales autres que les sociétés.
13Le régime spécial des fusions est applicable aux personnes morales autres que les sociétés et en particulier aux entreprises nationales (art. 17 de la loi n° 65-566 du 12 juillet 1965).
Compte tenu de l'impossibilité pour celles-ci d'émettre dans le public des actions ou des parts sociales, les apports qui leur sont consentis doivent alors être rémunérés par l'émission de titres d'emprunt à échéance d'au moins quinze ans.
Ces titres d'emprunt peuvent être :
- soit librement négociés par les personnes physiques ou morales qui les auront reçus ;
- soit remboursés par l'entreprise émettrice d'après tout mode d'amortissement qui n'a pas pour effet d'abréger la durée de vie moyenne des obligations. Tel est le cas, par exemple, de l'amortissement par annuités constantes ou par tranches annuelles de 1/15 au maximum.
En revanche, la personne morale émettrice doit s'interdire toute possibilité de remboursement par anticipation par voie de rachat en bourse ou de gré à gré.
d. Effet de l'apport.
14Chacune des sociétés apporteuses doit disparaître.
Les opérations d'apport partiel ou d'absorption partielle qui n'entraînent pas la disparition des sociétés apporteuses ne constituent pas des fusions véritables. Elles peuvent cependant, sous les conditions visées (cf. DB 7 H 3751 ) être placées sous le régime spécial des apports partiels d'actif.
II. Fusions dites « à l'anglaise »
1. Définition.
15Les milieux boursiers parlent d'offres publiques d'échange (OPE).
La fusion « à l'anglaise » est l'opération qui aboutit au transfert à une société relevant du statut fiscal des sociétés de capitaux de droits représentant 75 % au moins du capital d'une autre société relevant du même statut, dans certaines conditions définies aux articles 301 C et 301 F de l'annexe II au CGI.
La société bénéficiaire de l'apport doit notamment conserver pendant cinq ans les titres qui lui sont apportés.
Bien qu'il s'agisse d'un apport de titres, l'article 301 C de l'annexe II au CGI assimile l'opération répondant à la définition ci-dessus à une fusion.
2. Conséquences de la réforme du droit d'apport opérée par la loi de finances pour 1992.
16Jusqu'au 31 décembre 1991, l'article 301 C de l'annexe II au CGI permettait aux transferts de droits sociaux répondant à certaines conditions (cf. n°s 20 et suiv. ) de bénéficier du régime spécial des fusions prévu à l'article 816-I du CGI.
Ces apports ne supportaient donc en principe que le droit fixe de 1 220 F 3 , le droit proportionnel d'apport de 1,20 % n'étant pas applicable 4 .
17Depuis le 1er janvier 1992, le régime applicable aux apports ordinaires de droits sociaux est toujours plus favorable que celui des fusions.
Dès lors, les apports de droits sociaux, quel que soit le pourcentage du capital qu'ils représentent, sont enregistrés au droit fixe, actuellement de 1 500 F 5 , sans condition particulière.
B. CONDITIONS RELATIVES AU STATUT FISCAL ET À LA NATIONALITÉ DES PERSONNES MORALES PARTICIPANTES
I. Statut fiscal
18Le régime fiscal de faveur est réservé aux fusions, auxquelles participent exclusivement des personnes morales ou organismes passibles de l'impôt sur les sociétés (CGI. art. 816-I ).
Cependant, l'article 816 A-II du CGI ajoute que le régime de faveur est applicable même lorsque la société apporteuse n'est pas passible de l'impôt sur les sociétés mais à concurrence seulement des apports autres que ceux assimilés à des mutations à titre onéreux en vertu de l'article 809-I-3° du même code (cf. ci-dessous n° 26 ).
1. Personnes morales relevant du statut fiscal des sociétés de capitaux.
19Les personnes morales concernées sont les sociétés et collectivités dotées de la personnalité juridique, établissements publics, organismes de l'État jouissant de l'autonomie financière, organismes des départements et des communes, énumérés à l'article 206 du CGI.
Les personnes morales visées s'entendent des sociétés et collectivités dont les apports en nature, effectués à titre pur et simple, ne donnent lieu, en principe, qu'au droit fixe (CGI, art. 810-I) à l'exclusion des droits et taxes de mutation à titre onéreux.
Il s'agit :
a. Des personnes morales passibles de plein droit de l'impôt sur les sociétés :
20- sociétés anonymes 6 , sociétés en commandite par actions, sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas exercé l'option pour le régime fiscal des sociétés de personnes qui leur est offerte par l'article 239 bis AA, sociétés coopératives et leurs unions ;
- sociétés civiles qui ne revêtent pas l'une des formes indiquées ci-dessus lorsqu'elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 du CGI (à l'exclusion des sociétés civiles de construction-vente placées hors du champ d'application de l'impôt sur les sociétés par l'article 239 ter du code précité) ;
- établissements publics, associations et collectivités soumis à l'impôt sur les sociétés selon les modalités particulières définies à l'article 206-5 du CGI (cf. ci-dessous n° 25 ).
b. Des personnes morales ayant opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux :
21- sociétés en nom collectif ;
- sociétés civiles mentionnées au 1° de l'article 8 du CGI ;
- sociétés en commandite simple ;
- sociétés en participation ;
- entreprises à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique ;
- exploitations agricoles à responsabilité limitée mentionnées au 5° de l'article 8 du CGI ;
- groupements d'intérêt public mentionnés à l'article 239 quater B du CGI ;
- sociétés civiles professionnelles visées à l'article 8 ter du CGI.
c. Des personnes morales exonérées de l'impôt sur les sociétés en vertu d'une disposition spéciale :
22Il s'agit des personnes morales visées aux articles 207 à 208 sexies du CGI et notamment les établissements publics scientifiques, d'enseignement ou d'assistance.
d. Remarques.
231. Il n'est pas exigé que les sociétés participant à l'opération de fusion relèvent toutes de la même forme juridique ; il suffit qu'elles soient toutes passibles de l'impôt sur les sociétés. Ainsi, le régime spécial trouvera à s'appliquer en cas d'absorption d'une SARL par une société anonyme.
242. Pour apprécier si les personnes morales intéressées satisfont ou non à l'exigence d'être passibles de l'impôt sur les sociétés, il convient de se placer à la date de réalisation définitive de l'opération de fusion (cf. DB 7 H 3711, n° 16 ).
253. Les organismes sans but lucratif et, spécialement les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 sont passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206-5 du CGI alors même qu'ils ne perçoivent pas de revenus susceptibles d'être soumis à cet impôt. C'est pourquoi, il est admis que le champ d'application du régime de faveur des fusions, scissions et apports partiels d'actif en matière d'enregistrement soit applicable à ces organismes bien qu'ils ne poursuivent pas un but lucratif.
1 Tarif applicable depuis le 1er janvier 1998, 500 F du 15 janvier 1992 au 31 décembre 1997, 430 F du 1er au 14 janvier 1992.
2 Par définition préexistante (cf. ci-dessous n° 6 ).
3 Tarif en vigueur à l'époque.
4 En effet, la base taxable à 1,20 % était constituée par le boni de fusion, dégagé par la société absorbée. Or, en cas de fusion « à l'anglaise », la société dont les titres sont apportés n'étant pas en fait absorbée, aucun boni de fusion n'était dégagé.
5 Tarif applicable depuis le 1er janvier 1998, 500 F du 15 janvier 1992 au 31 décembre 1997, 430 F du 1er au 14 janvier 1992.
6 Y compris les sociétés par actions simplifiées.