Date de début de publication du BOI : 20/12/1996
Identifiant juridique : 7G2121
Références du document :  7G212
7G2121

SECTION 2 MUTATIONS IMPOSABLES

SECTION 2

Mutations imposables

Les droits de mutation par décès atteignent, en principe, toutes les transmissions qui s'opèrent par le décès d'une personne.

Toutefois, dans certaines situations, ces droits ne sont pas dus (cf. ci-après 7 G 2122 ).

SOUS-SECTION 1

Mutations assujetties aux droits de mutation par décès

1Les droits sont dus soit que la transmission résulte d'une succession ab intestat ou d'un testament, soit qu'elle s'opère en vertu de tout autre acte de libéralité à cause de mort.

Les droits de mutation à titre gratuit sont-également exigibles en principe à raison des biens recueillis en vertu d'une clause d'accroissement ou de tontine insérée dans un contrat d'acquisition en commun.

  A. SUCCESSIONS AB INTESTAT

1. Successions ordinaires.

2Les droits de mutation par décès sont exigibles sur les successions dont la dévolution est réglée par la loi dans les conditions du droit commun (cf. ci-avant 7 G 2112 ), en dehors de la volonté du défunt, soit qu'il ait omis de l'exprimer, soit qu'elle ne puisse produire d'effet.

2. Successions anomales ou droit de retour légal.

3Les biens soumis au droit de retour légal (cf. ci-avant 7 G 2112, n°s 45 et 46 ) donnent lieu à la perception des droits de mutation.

  B. SUCCESSIONS TESTAMENTAIRES

4Les droits de mutation par décès s'appliquent également aux successions testamentaires, pour lesquelles la dévolution des biens résulte des dispositions de dernière volonté du défunt. Les libéralités ainsi faites par ce dernier sont les legs.

1. Classification des legs : cf. ci-avant 7 G 2112, n°s 48 à 51 .

2. Distinction des legs et des simples charges.

5Pour qu'une disposition présente le caractère d'un legs, il faut notamment que le bénéficiaire de la libéralité soit désigné ou que son identification soit certaine et ne fasse naître aucune contestation ; l'intéressé doit disposer de l'action en délivrance, c'est-à-dire de la possibilité d'exiger en justice que l'objet du legs lui soit remis.

Lorsque, par contre, le bénéficiaire du legs est indéterminé, il s'agit d'une simple charge imposée à l'héritier ou au légataire principal, charge dont l'exécution dépend de sa conscience ou de son appréciation des circonstances. Dans cette situation, aucun droit de mutation ne peut être réclamé. C'est l'héritier ou le légataire principal qui doit acquitter les droits de mutation par décès sur l'actif total de la succession.

Le législateur et les tribunaux se montrent cependant libéraux en ce domaine et l'interprétation des testaments est souvent nécessaire, notamment en matière de fondations ou de legs pieux.

C'est ainsi que la disposition faite au profit des pauvres d'une commune est un legs car le maire a qualité pour accepter les libéralités faites aux pauvres de sa commune.

Cas particulier : legs avec charge de dire des messes.

6Des legs sont fréquemment faits à des ecclésiastiques à charge de dire des messes. L'imposition de ces legs aux droits de mutation par décès pose deux questions : celle de savoir si ces legs constituent des libéralités et, dans l'affirmative, quel en est le véritable bénéficiaire.

La loi fiscale ne distingue pas entre les legs suivant qu'ils présentent pour le tout ou pour partie seulement les caractères d'une libéralité et le droit de mutation est, en principe, exigible sur toutes les transmissions par décès. Cette règle de perception est d'ailleurs conforme à la jurisprudence des tribunaux judiciaires selon laquelle les charges peuvent absorber tout l'émolument du legs sans faire perdre au légataire sa qualité juridique.

Dès lors, la circonstance que le montant d'un legs soit utilisé en totalité pour payer des honoraires de messes que le testateur a imposé au légataire de célébrer ou de faire célébrer reste sans influence sur l'exigibilité du droit de mutation à titre gratuit.

Par ailleurs, il n'est pas possible de considérer d'une manière générale que les legs faits à des ecclésiastiques à charge de dire des messes sont consentis aux associations diocésaines qui seraient exonérées de droit.

Mais pour l'interprétation d'une disposition testamentaire, le droit fiscal applique les règles du droit civil ou s'appuie sur les décisions jurisprudentielles qui attribuent à ces associations certains legs faits à des bénéficiaires indéterminés ou dépourvus de personnalité juridique tels que « l'église de... », « la paroisse de ... » ou « l'évêché de ... ».

En outre, l'exonération peut également être appliquée lorsqu'il résulte des dispositions testamentaires que le légataire nommément désigné n'est chargé, en fait, que de remettre les sommes léguées à une association diocésaine.

Tel est le cas, sous réserve de l'examen des situations particulières, du testament en faveur du « curé de telle paroisse ou de son successeur » ou de « M. l'abbé X... , curé de Saint-Martin ou de son successeur ».

Il en est de même du legs consenti au « curé de telle paroisse » dans la mesure toutefois où il apparaît clairement que l'auteur du legs a entendu gratifier le gestionnaire de la paroisse et non la personne titulaire de la fonction sacerdotale.

Bien entendu, lorsque le testament impose aux héritiers ou légataires l'obligation de faire célébrer des messes, sans indication de l'autorité ecclésiastique à laquelle seront versés les fonds, il n'y a là qu'une simple charge qui ne saurait donner ouverture aux droits de mutation par décès. Les héritiers ou légataires doivent déclarer tous les biens héréditaires sans déduction de la charge dont ils sont grevés.

3. Modalités des legs.

7Le testateur, pouvant disposer de ses biens de la façon la plus absolue, peut soumettre ses legs à une condition ou à un terme.

8a. Legs sous conditions.

1° Legs sous condition suspensive.

9Lorsque la condition est suspensive, le légataire n'a aucun droit certain et actuel sur le legs, dont le montant n'est pas déduit de l'actif recueilli par les héritiers ou légataires universels.

Lors de la délivrance du legs, les droits deviennent exigibles d'après sa valeur et selon les tarifs en vigueur au jour de la réalisation de la condition. En contrepartie, les droits versés en excédent par les héritiers ou légataires universels sont restituables après l'accomplissement de la condition.

2° Legs sous condition résolutoire.

10Lorsque la condition est résolutoire, le legs reçoit son exécution dès le décès, et les droits sont immédiatement exigibles.

b. Legs à terme.

11Dès l'instant où l'époque d'échéance du terme est connue d'avance ou dépend d'un événement dont on ignore la date exacte, mais qui arrivera certainement, les droits sont immédiatement perçus.

4. Legs de nature particulière.

a. Legs de somme n'existant pas en nature.

12Le legs particulier d'une somme d'argent qui ne se trouve pas dans la succession donne ouverture au droit de mutation par décès calculé d'après le degré de parenté du légataire particulier. Cette somme doit être déduite, en conséquence, de l'actif successoral revenant aux héritiers ou aux légataires universels.

b. Legs d'objets mobiliers ou d'immeubles n'existant pas en nature.

13Lorsque le testateur impose à ses héritiers ou légataires universels l'obligation de remettre à un tiers désigné des biens meubles ou immeubles qui n'existent pas dans sa succession, il en résulte deux transmissions :

- l'une qui s'opère au profit de l'héritier ou du légataire principal et qui porte sur la totalité des biens successoraux. Les droits de mutation par décès sont alors calculés sur l'actif total de la succession et d'après le degré de parenté des héritiers ou légataires universels ;

- l'autre qui s'effectue entre l'héritier ou le légataire principal et le légataire particulier et ne revêt pas un caractère gratuit. Cette transmission donne ouverture au droit de mutation à titre onéreux.

c. Legs secondaire.

14Le legs secondaire, c'est-à-dire le legs par lequel le testateur charge le légataire principal de remettre à un tiers, soit une partie du bien légué, soit une somme, est soumis au droit de mutation par décès d'après le degré de parenté du légataire secondaire. Il est déduit de la part revenant au légataire principal.

d. Legs en paiement d'une dette.

15Le droit de mutation par décès est dû si la disposition ne s'analyse pas en une reconnaissance de dette pure et simple.

Le legs d'un immeuble en paiement d'une dette donne ouverture aux droits de succession et ne s'analyse pas en une dation en paiement, mais la dette est déductible si les conditions prévues pour cette déduction sont réunies (cf. ci-après 7 G 2321 ).

e. Legs rémunératoire.

16Le droit de mutation par décès est dû sur le legs fait pour rémunérer la personne qui a rendu des services au testateur, sans qu'il y ait lieu de rechercher si ces services sont réels ou non. Le caractère de legs est incontestable lorsque les services rendus par le légataire ne sont pas appréciables en argent.

La disposition peut aussi, compte tenu des circonstances, constituer une reconnaissance de dette.

f. Legs verbal exécuté.

17Le legs verbal, en principe nul de plein droit, est susceptible d'être reconnu valable dans certains cas exceptionnels. C'est ainsi que le versement de sommes à un tiers par un légataire universel, en exécution des dernières intentions manifestées verbalement par le défunt, constitue un legs particulier assujetti aux droits.

g. Legs « de residuo ».

18La Cour de cassation a décidé, dans un arrêt du 21 octobre 1969, que le régime fiscal des mutations affectées d'une condition suspensive s'appliquait au legs « de residuo » qui contient une condition suspensive affectant la transmission au second légataire.

Au décès du testateur, le légataire institué en premier doit les droits de mutation par décès dans les conditions de droit commun. Le légataire institué en second ne doit rien.

Au décès du légataire institué en premier, le second légataire tenant son droit directement du testateur doit être taxé d'après le degré de parenté existant entre eux. Le régime fiscal applicable et la valeur imposable des biens transmis au second institué doivent être déterminés en se plaçant à la date du décès du premier gratifié. Mais les droits acquittés par le premier légataire doivent être imputés sur les droits dus sur les mêmes biens par le second institué.

5. Étendue des legs.

a. Legs supérieur à l'actif successoral.

19Les legs particuliers d'une valeur totale supérieure à celle des biens composant l'actif successoral doivent être réduits à cette valeur pour la perception de l'impôt. Dans ce cas, il est procédé à une répartition de l'actif au marc le franc entre les différents legs.

b. Legs excédant la quotité disponible.

20Les héritiers réservataires pouvant ne pas exercer l'action en réduction, il n'appartient pas au service des impôts d'opérer une réduction d'office ; celui-ci doit se conformer à la volonté exprimée par les parties dans la déclaration.

Exemple : cas d'un legs consenti par un mineur.

Un mineur de plus de seize ans a légué la totalité de ses biens à ses père et mère. Il est décédé à l'age de trente ans, sans avoir confirmé, par ignorance, au cours de sa majorité, les dispositions testamentaires prises au cours de sa minorité. Les héritiers ab intestat sont ses père et mère et deux frères germains. Ces collatéraux privilégiés ont renoncé à se prévaloir de l'article 904 1er alinéa du Code civil disposant que le mineur de seize ans non émancipé ne peut disposer par testament que jusqu'à concurrence de la moitié des biens dont la loi permet au majeur de disposer. L'administration doit respecter la volonté des parties, quant à l'exécution du testament.

  C. DONATIONS À CAUSE DE MORT

1. Principes généraux.

21Le droit de mutation par décès atteint également certaines libéralités qui ne doivent se réaliser qu'au décès du donateur et ne sont susceptibles de donner ouverture qu'au droit fixe au moment où elles sont effectuées.

Ce sont les donations éventuelles, les donations de biens à venir, appelées encore institutions contractuelles (Code civ., art. 1082 et 1093) et les donations cumulatives de biens présents et à venir (Code civ., art. 1084 et 1093).

Ces donations donnent lieu à la perception du droit de succession à l'avènement du décès quel que soit le parti pris par le donataire. L'impôt est liquidé sur la valeur des biens et d'après le régime fiscal applicable à la date du décès.

2. Cas particuliers.

22Lorsque la donation de biens présents et à venir n'est pas cumulative, mais se décompose en deux dispositions distinctes, le droit de donation est immédiatement exigible sur la valeur des biens présents.

Il en est de même si le donataire peut disposer dans l'immédiat de la toute-propriété, de la nue-propriété ou de la jouissance des biens présents.

  D. BIENS RECUEILLIS EN VERTU D'UNE CLAUSE D'ACCROISSEMENT OU DE TONTINE

  I. Généralités

23Par la clause dite d'accroissement, de réversion, de condition de survie ou de tontine insérée dans un contrat, les parties prévoient qu'au décès du ou des prémourants, la part de ceux-ci reviendra, sans indemnité, aux survivants, de telle sorte que le dernier vivant sera réputé seul propriétaire de la totalité du bien.

Une jurisprudence constante de la Cour de cassation analyse ces clauses comme conférant au survivant des coacquéreurs la propriété du bien tout entier, sous condition suspensive de survie, et à chacun d'entre eux la propriété de sa part, sous la condition résolutoire de son prédécés. Au plan fiscal, il en résulte qu'au décès de chacun des prémourants la part transmise devrait être taxée au droit de mutation à titre onéreux.

Pour limiter l'évasion fiscale résultant du recours accru à ce genre de stipulation, qui constituait un moyen d'éluder le paiement des droits de succession, l'article 754 A du CGI (issu de l'article 69 de la loi n° 80.30 du 18 janvier 1980) assujettit aux droits de succession les biens recueillis en vertu d'une clause de tontine insérée dans un contrat d'acquisition en commun.