SOUS-SECTION 1 DÉDUCTION DU PASSIF
SOUS-SECTION 1
Déduction du passif
A. PASSIF DÉDUCTIBLE
1Pour la liquidation et le paiement des droits de mutation par décès, les dettes à la charge du défunt sont déduites de l'actif héréditaire, lorsque leur existence au jour de l'ouverture de la succession est dûment justifiée, par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite (CGI, art. 768 ).
Pour être déductibles de l'actif successoral, les dettes doivent donc être à la charge du défunt au jour de l'ouverture de la succession et leur existence doit être prouvée.
Ce principe souffre toutefois des exceptions.
1. Existence de la dette à la charge du défunt au jour du décès.
a. Règles générales.
2 Seules les dettes à la charge personnelle du défunt au jour de l'ouverture de la succession peuvent être admises en déduction de l'actif héréditaire.
Cette condition s'oppose à la déduction des dettes qui ne prennent naissance qu'après le décès.
Confirmant ce principe, la Cour de cassation a jugé que ne peuvent être admises au passif de la succession d'un agent d'assurances, agent immobilier et marchand de biens, les indemnités de licenciement du personnel de l'agence que les héritiers ont licencié à la suite du décès, ainsi que les salaires et charges sociales afférentes à la période postérieure au décès (Cass. Com. 19 novembre 1991 ; Bull. IV, n° 348, p. 241). L'arrêt est joint en annexe I à la présente sous-section.
Par ailleurs, il n'est pas nécessaire que les dettes soient liquides pour être déductibles. Il suffit qu'elles existent dans leur principe encore que leur montant ne soit pas arrêté.
Toutefois, la déduction ne peut être effectivement opérée que lorsque le montant de la dette est définitivement arrêté. Ainsi, une dette certaine dans son principe mais non encore définitivement fixée quant à son montant doit figurer dans la déclaration de succession pour mémoire. Elle sera admise en déduction par voie de réclamation lorsque son montant sera définitivement fixé et les droits perçus en trop seront restituables dans le délai de répétition.
1° Dettes dont l'existence est incertaine.
3 Les dettes dont l'existence est incertaine ne sont pas déductibles.
- Dette soumise à une condition suspensive :
La dette soumise à une condition suspensive n'est pas déductible à moins que la condition se réalise entre le décès et la souscription de la déclaration. Si la réalisation se produit après la souscription de la déclaration, la dette sera admise en déduction par voie de réclamation et les droits perçus seront restituables dans les délais de répétition.
- Dette litigieuse :
Les principes énoncés ci-avant sont applicables. Ainsi, les dettes litigieuses ne sont pas déductibles. Toutefois, si une reconnaissance judiciaire intervient entre le décès et la date de souscription de la déclaration, la dette sera admise en déduction ; si la reconnaissance intervient postérieurement au dépôt de la déclaration, la déduction pourra être admise par voie de réclamation et les droits perçus seront restituables dans le délai de répétition.
- Obligation de faire :
L'obligation de faire ne constitue pas une dette déductible au sens de l'article 768 qui ne concerne que les obligations de payer.
L'obligation de faire (art. 1101 du Code civil) est celle qui, consistant dans l'accomplissement d'un fait, reste indéterminée dans son coût et ne nécessite, pour son extinction, le prélèvement d'aucune somme ou valeur sur l'actif héréditaire.
Aussi, le montant indéterminé des travaux de ravalement enjoints par arrêté municipal ne constitue pas une dette à la charge du défunt certaine au jour de l'ouverture de la succession (Cass. Com. 23 février 1993, Bull. IV, n° 73, p. 49) [cf. annexe II].
- Obligation éventuelle ;
Le cautionnement est une obligation éventuelle, insusceptible d'être admise en déduction. Jusqu'à la défaillance du débiteur principal et la demande en paiement exercée par le créancier, la caution, serait-elle solidaire, n'est tenue, que d'une obligation éventuelle. En l'absence d'une telle demande au jour de l'ouverture de la succession, le montant du cautionnement ne constitue pas une dette déductible de l'actif au sens de l'article 768.
À cet égard, la Cour de Cassation a jugé que le montant d'un cautionnement solidaire, consenti par le défunt, qui n'a pas perdu son caractère d'obligation éventuelle au moment de l'ouverture de la succession ne constitue pas une dette certaine dont l'existence est justifiée au jour du décès (Cass. Com. 4 mai 1993, n° 784 D) [cf. annexe III].
2° Dettes soumises à une condition résolutoire.
4Elles sont déductibles, sauf réclamation d'un complément de droit lorsque la condition se réalise.
3° Dettes résultant d'un contrat conclu par le défunt antérieurement au décès et non affecté d'une condition suspensive :
5Elles sont déductibles dès l'instant où elles existent au jour du décès même si leur exigibilité n'est pas intervenue à cette date.
Le cas jugé par la Cour de Cassation était le suivant :
Mme X... , héritière de Mme Y... , avait fait figurer dans la déclaration de succession un passif, arrêté à une somme correspondant au montant de marchés de réfection de biens immobiliers fondés sur des devis acceptés par Mme Y... et facturés définitivement après son décès par les entrepreneurs.
Le Tribunal a retenu que Mme Y... avait contracté l'obligation de payer le prix des ouvrages convenus à forfait et que cette dette, née dès la conclusion du contrat, existait au jour de l'ouverture de la succession, encore qu'elle ne fût pas exigible à cette date en raison de l'inachèvement des travaux, le contrat n'étant pas affecté d'une condition suspensive.
La Cour a estimé qu'en décidant, par ces motifs, que le montant des devis litigieux pouvaient être déduits de l'actif successoral, les juges du fond avaient fait une exacte application de l'article 768 du CGI (Cass. com., arrêt du 2 décembre 1986, aff. X... ).
4° Dette solidaire.
En application de l'article 1213 du Code civil, l'obligation solidaire se divise, sauf prétentions et preuves contraires, par parts viriles entre les codébiteurs.
Aussi, lorsqu'un emprunt a été contracté solidairement par le de cujus et son fils, héritier, la fraction de la dette solidaire incombant de ce chef à l'héritier n'est pas déductible de l'actif successoral.
En conséquence, seule est admise, comme passif déductible, la moitié du prêt ainsi contracté (Cass. Com. 4 mai 1993, n° 784 D), [cette décision est jointe en annexe III à la présente sous-section].
b. Exceptions Dettes nées postérieurement au décès et admises néanmoins en déduction.
1° Frais funéraires.
6 En droit civil, les frais funéraires sont des charges incombant aux seuls héritiers et, comme tels, ne constituent pas une charge réelle de la succession. Toutefois, par dérogation à cette règle, l'article 775 du CGI en admet l'imputation sur l'actif successoral dans la limite d'un maximum de 6 000 F sur justification produite par les héritiers. Cette limite de 6 000 F est applicable aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 1996 et résulte de l'article 7 de la loi de finances pour 1996 (n° 95-1346 du 30 décembre 1995). Antérieurement, la limite était fixée à 3 000 F. Ces dettes sont ainsi mises à la charge du défunt bien que nées après son décès. Elles sont déduites dans les mêmes conditions que les autres dettes (cf. ci-après, n°s 9 et suiv. ). Cela étant, par mesure de simplification, l'imputation des frais funéraires est admise sans justification lorsque ceux-ci n'excèdent pas la somme de 1 000 F.
Par frais funéraires, il faut entendre les frais assortis du privilège institué par l'article 2101-2° du Code civil.
À titre d'exemple et sans que la liste ci-dessous soit limitative, il est admis que constituent des frais funéraires :
- les frais d'inhumation et de la cérémonie qui l'accompagne ;
- les avis d'obsèques ;
- les billets d'invitation et de remerciements ;
- l'achat et la pose d'un emblème religieux sur la tombe ;
- l'acquisition d'une concession dans un cimetière ;
- la construction, l'ouverture et la fermeture d'un caveau ;
- les frais de transport du corps.
Mais sont exclus : les frais d'érection d'un monument funéraire, les frais de deuil et d'achat de fleurs et couronnes (toutefois, pour les frais de deuil, cf. ci-après n° 7 ).
2° Frais de nourriture, de logement et de deuil du conjoint survivant.
7 Aux termes de l'article 1481 du Code civil, lorsque la communauté existant entre deux époux est dissoute par le décès de l'un d'eux, le survivant a droit pendant les neuf mois qui suivent à la nourriture et au logement ainsi qu'aux frais de deuil à la charge de la communauté en ayant égard tant aux facultés de celle-ci qu'à la situation du ménage.
Il est admis qu'il soit tenu compte de ce passif dans la mesure de la part contributive du défunt dans le passif de communauté.
Le droit accordé au conjoint survivant au titre des frais de deuil couvre la somme nécessaire pour l'achat de ses vêtements de deuil et ne saurait englober les frais d'érection d'un monument funéraire. Ces derniers frais ne constituent pas, en effet, un passif de communauté et, par ailleurs, ils ne peuvent être admis en déduction de l'actif héréditaire (cf. ci-dessus n° 6 ).
Les frais de deuil sont justifiés par des factures acquittées ou des attestations de créanciers et les frais de nourriture et de logement par une estimation fournie par les redevables et soumise au contrôle de l'administration. À titre de règle pratique, le service est autorisé à s'en tenir à l'estimation contenue dans un acte de liquidation, lorsque la sincérité de celle-ci ne paraît pas douteuse et qu'il existe d'autres ayants droit que le conjoint survivant.
3° Frais d'ouverture d'un testament olographe déposé chez un notaire après le décès.
8Cf. ci-après n° 14 .
2. Preuve de la dette.
a. Mode de preuve.
9L'existence de la dette doit être prouvée par les modes de preuve compatibles avec la procédure écrite c'est-à-dire par des actes ou écrits ou encore par des présomptions suffisamment graves, précises et concordantes.
La Cour de Cassation a jugé que la justification des dettes, prévue à l'article 768 du CGI par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite, peut résulter d'une transaction mettant fin à une procédure diligentée à l'encontre du défunt ; la circonstance que la transaction ait été acceptée après le décès par l'héritier en cette qualité n'étant pas de nature à s'opposer à la déductibilité de la dette dès lors que l'héritier investi de la saisine est substitué à son auteur au jour du décès de celui-ci (Cass. Com. 3 décembre 1991 ; Bull. civ. IV, n° 374, p. 258). [Le texte de l'arrêt est reproduit en annexe V].
La preuve par témoignage ou l'aveu des héritiers est exclue. Notamment, l'aveu des héritiers rapporté dans les énonciations d'un inventaire ou d'un acte de liquidation ou de partage ne peut être retenu. De même, ne sont pas admises les dettes qui ne sont justifiées que par un commencement de preuve par écrit, à moins bien entendu que ce commencement de preuve par écrit ne soit corroboré par d'autres présomptions suffisamment probantes.
Le titre de la dette peut être postérieur au décès. La preuve que cette dette est antérieure au décès peut être établie par tous autres documents.
b. Justifications à produire par les redevables.
10En application des dispositions des articles 768 du CGI, L 20 et L 21 du LPF, il appartient aux héritiers de justifier de l'existence au jours du décès d'une dette dont ils demandent la déduction de l'actif successoral.
La Cour de Cassation a jugé à cet égard que viole les textes susvisés le tribunal qui, pour admettre la demande de déduction d'un passif constitué par des paiements effectués par les héritiers pour le compte du de cujus plusieurs années avant son décès énonce que ces dettes existaient au jour du décès, sauf à l'administration à rapporter la preuve de leur extinction, ce qu'elle ne fait pas (Cass. Com. 10 mai 1994, n° 1122 D).
Cette décision confirme au demeurant la jurisprudence antérieure ; dans un arrêt du 24 mars 1992 (n° 573 D) la Cour avait en effet jugé qu'il incombait aux successibles, à la demande de l'administration, d'apporter la preuve de l'existence et du montant des dettes qu'ils prétendent déduire de l'actif de succession.
Les deux décisions figurent en annexe IV à la présente sous-section.
Par ailleurs, les dettes dont la déduction est demandée sont détaillées, article par article, dans un inventaire certifié par le déposant et annexé à la déclaration de la succession (CGI, art. 770 , 1er al.). Il est admis toutefois que l'inventaire puisse être inséré dans le corps de la déclaration.
Pour les dettes résultant d'actes authentiques, les redevables doivent indiquer, soit la date de l'acte, le nom et la résidence de l'officier public qui l'a reçu, soit la date de la décision judiciaire et la juridiction dont elle émane (CGI, art. 770 , 2e al.).
Toute dette constatée par un acte authentique et non échue au jour de l'ouverture de la succession ne peut être écartée par l'administration tant que celle-ci n'a pas fait juger qu'elle n'avait pas d'existence réelle (LFP, art. L 20, 4e al.).
En ce qui concerne les autres dettes, les héritiers doivent présenter les titres, actes ou écrits que le créancier ne peut, sous peine de dommages-intérêts, se refuser à communiquer contre reçu (CGI, art. 770 , 3e al.).
À cet égard, il convient de remarquer que les titres présentés à l'appui de la déclaration sont rendus au redevable après examen. Mention de cette présentation doit être faite en marge de l'inventaire des dettes.
Dans tous les cas, l'administration peut exiger des héritiers et autres ayants droit la production d'une attestation émanant du (ou des) créancier(s) certifiant l'existence de la dette à l'époque de l'ouverture de la succession (LPF, art. L 20 , 2e al.).
En pratique, il est prudent de l'exiger pour toutes les dettes relativement importantes même résultant de titres sous seing privé apparemment réguliers ou pour celles dont l'absence de remboursement antérieur au décès n'est pas absolument certaine.
Cette attestation, établie par le créancier sur papier non timbré et qui doit mentionner la dette de façon précise ne peut être refusée par ce dernier, sous peine de dommages-intérêts, toutes les fois qu'elle est légitimement réclamée (LPF, art. L 20 , 2e al.).
Le créancier qui certifie l'existence d'une dette doit déclarer, par une mention expresse, connaître les dispositions de l'article 1840 F du CGI relatives aux peines en cas de fausse attestation (LPF, art. L 20 , 3e al.).
L'attestation doit émaner du créancier, de tous les créanciers s'ils sont conjoints, de l'un d'eux s'ils sont solidaires. Si le créancier est décédé, l'attestation doit être signée par tous ses ayants droit à titre universel et non par un seul d'entre eux.
Lorsque ces justifications sont produites, la déduction doit être accordée lors de l'enregistrement de la déclaration, mais l'administration conserve le pouvoir de rectifier la déclaration de succession dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L 55 du LPF, si elle estime que les justifications produites sont insuffisantes (LPF, art. L 21 ).
Par ailleurs, la loi ne fait pas de distinction entre les dettes civiles et commerciales. La preuve des dettes commerciales est apportée conformément aux règles du droit commercial. Elle peut résulter des livres de commerce ou de la correspondance commerciale.