CHAPITRE 4 REMISE EN CAUSE DE LA DÉDUCTION. RÉGULARISATIONS
CHAPITRE 4
REMISE EN CAUSE DE LA DÉDUCTION. RÉGULARISATIONS
Dans la mesure où elle a été opérée à bon escient et où elle ne porte pas sur des biens exclus du droit à déduction (DB 3 D 15 ), la déduction exercée dans les conditions prévues aux chapitres précédents a un caractère définitif. Elle ne peut être remise en cause que dans les cas prévus à l'article 271-III du CGI, ainsi qu'aux articles 207 bis , 210 , 211 , 214 , 215 et 226 bis de l'annexe II à ce code.
D'autres régularisations peuvent être exigées sous la forme d'imposition d'une livraison à soi-même de biens ou de services conformément aux dispositions de l'article 257-8° du CGI. Pour plus de précision sur ce dernier point se reporter au BO 3 CA-94 du 8 septembre 1994, n°s 175 et suivants, ainsi qu'à la DB 3 D 1411, n°s 8 et suivants.
Les opérations de révision des déductions opérées dont il s'agit ici, différent selon qu'elles concernent soit des biens constituant des immobilisations, soit des biens autres que ceux constituant des immobilisations ou des services
SECTION 1
Régularisations relatives aux biens constituant des immobilisations
1Lors de l'institution de la déduction financière, le 1er octobre 1953 ( 3 D 11 ), il avait été prévu que la déduction ne serait définitivement acquise à l'entreprise que dans la mesure où le bien serait utilisé par elle pendant toute la durée de son amortissement.
Il en résultait que la cession des biens par l'entreprise motivait une régularisation de la déduction en fonction du temps d'amortissement restant à courir.
2Cette règle a été retenue jusqu'au 31 décembre 1958 ; mais les difficultés d'application qu'elle a suscitées ont conduit à substituer à la notion courante d'amortissement une période forfaitaire de cinq années ; tel a été notamment l'objet du décret n° 58-1423 du 31 décembre 1958.
3Cette disposition a été reprise aux articles 6 et 7 du décret du 1er février 1967 (articles 210 et 211 anciens de l'ann. II) et 1er du décret n° 69-161 du 13 fevrier 1969 (art. 226 bis ancien de l'ann. II) qui fixent les modalités de régularisation des déductions relatives aux biens constituant des immobilisations lorsque ceux-ci cessent d'être utilisés pour les besoins de l'exploitation avant le terme de la troisième année suivant celle de l'acquisition.
4Le décret n° 75-102 du 20 février 1975 a modifié les conditions de déduction de la TVA qui a grevé les immeubles qui constituent des immobilisations pour les entreprises : délai de régularisation porté à quinze ans et mode de calcul de la régularisation par quinzième.
5Le décret du 29 décembre 1979 a de nouveau modifié ces dispositions, de sorte que le délai de régularisation concernant les immeubles a été ramené de quinze à dix ans et que, dans ce cas, le calcul des régularisations est désormais opéré par dixièmes et non plus par quinzièmes.
6Le décret n° 89-301 du 11 mai 1989 a institué de nouvelles modalités de calcul de la régularisation en modifiant la rédaction de l'article 210 de l'annexe II au CGI (3 D 1411, n°s 46 et suiv. ).
7Enfin, le décret n° 95-1328 du 28 décembre 1995 porte de dix à vingt années la période de régularisation de la TVA relative aux immeubles livrés, acquis ou apportés à compter du 1er janvier 1996.
SOUS-SECTION 1
Régularisations se traduisant par le reversement d'une fraction
de la taxe effectivement déduite
Remarque. - À titre liminaire, il est rappelé que les règles applicables en matière de TVA aux cessions de biens mobiliers d'investissements sont définies à l'article 261-3-1°-a du CGI et commentées par la DB 3 A 123. Ainsi, lorsqu'un bien mobilier d'investissement a ouvert droit à déduction totale ou partielle lors de son achat, acquisition intracommunautaire ou livraison à soi-même, sa cession doit être dans tous les cas soumise à la TVA même lorsque cette cession intervient après l'expiration du délai de régularisation prévu à l'article 210 de l'annexe II au CGI.
Par ailleurs, il est précisé qu'en application du IV de cet article 210, lorsqu'une entreprise cède un bien mobilier d'investissement pour lequel elle n'a bénéficié d'aucun droit à déduction et qu'elle a utilisé pour les besoins de ses activités placées dans le champ d'application de la TVA, elle est autorisée à délivrer à l'acquéreur, sous réserve que le bien en question constitue pour ce dernier une immobilisation affectée à des opérations ouvrant droit à déduction, une attestation mentionnant la TVA ayant initialement grevé le bien diminuée d'un cinquième par année ou fraction d'année écoulée depuis la date à laquelle le droit à déduction a pris naissance (cf. n° 57 ).
L'acquéreur peut déduire, dans les conditions de droit commun, la taxe ainsi calculée qui figure sur l'attestation que lui délivre le cédant.
1Aux termes de l'article 210 de l'annexe II au CGI la régularisation du droit à déduction exercé s'effectue en rendant « l'assujetti redevable d'une fraction de la taxe antérieurement déduite ». Avant l'entrée en vigueur du décret du 11 mai 1989, soit le 15 mai 1989, la régularisation avait pour base la taxe initialement déduite Les modalités de calcul de la régularisation ont été modifiées à compter de cette date (cf. n°s 45 et suiv ).
Par ailleurs l'article 210 de l'annexe II au CGI souligne le fait que la régularisation ne constitue pas toujours à proprement parler une opération de reversement qui se matérialiserait par un paiement effectif d'impôt. En effet, la fraction de taxe dont la déduction est reprise s'ajoute à la taxe due par l'entreprise au titre de la période de déclaration au cours de laquelle la régularisation est devenue exigible. Si l'entreprise est globalement créditrice au cours de cette période, la régularisation ne se traduit pas par un versement mais par une réduction du montant du crédit. C'est donc par commodité de langage que l'expression de « reversement » est utilisée.
A. ÉVÉNEMENTS RENDANT EXIGIBLE UNE RÉGULARISATION
D'une manière générale, la régularisation devient exigible lorsque l'immobilisation cesse d'être affectée à la réalisation d'opérations ouvrant droit à déduction ou fait l'objet d'une affectation l'excluant du droit à déduction.
Bien que l'article 210 de l'annexe II au CGI vise successivement les immeubles et les autres biens constituant des immobilisations, les événements qui entraînent la régularisation des déductions sont susceptibles d'affecter indifféremment les deux catégories d'immobilisations, exception faite de la disparition qui ne peut évidemment concerner que des biens meubles.
I. Cession ou apport d'immobilisation non soumis à la TVA sur le prix total ou la valeur totale
1. Principes.
2Lorsqu'une immobilisation est cédée ou fait l'objet d'un apport à titre onéreux dans un certain délai (cf. n°s 36 et suiv. ), et que cette cession ou cet apport ne sont pas soumis à la TVA sur le prix total ou la valeur totale du bien, l'assujetti cédant est redevable d'une fraction de la taxe antérieurement déduite (CGI, Annexe II, art. 210 ).
3Les événements susceptibles de donner lieu à la régularisation visée ci-dessus ont été limités par l'article 31-I de la loi de finances pour 1990 (loi n° 89-935 du 29 décembre 1989) en ce qui concerne les ventes de biens mobiliers d'investissement.
4Avant le 1er janvier 1990, sous réserve des dispositions des articles 257-13° et 15° du CGI et 24 de l'annexe IV à ce code, les ventes de biens mobiliers usagés faites par les personnes qui les avaient utilisés pour les besoins de leur exploitation n'étaient pas imposables à la TVA.
En contrepartie de cette exonération, lorsque la cession intervenait dans le délai de régularisation fixé à l'article 210-II de l'annexe II au CGI, la TVA effectivement déduite pour ce bien devait faire l'objet d'une régularisation.
5L'application combinée des articles 13-B-c de la 6ème directive TVA et 1er-2 a de la 18ème directive TVA ne permet plus de maintenir à compter du 1er janvier 1990 ce dispositif d'exonération avec régularisation.
En effet, l'article 13-B-c de la 6ème directive ne prévoit d'exonération que pour les livraisons de biens qui étaient affectés exclusivement à une activité exonérée si ces biens n'ont pas fait l'objet d'un droit à déduction et pour les livraisons de biens dont l'acquisition ou l'affectation était exclue du droit à déduction.
6Par ailleurs, la 18ème directive TVA, adoptée le 18 juillet 1989, fait obligation aux États membres d'imposer, à compter du 1er janvier 1990, toutes les cessions de biens mobiliers d'investissement au-delà du délai de régularisation des droits à déduction.
L'imposition à la TVA devient donc la règle communautaire pour toutes les livraisons de biens mobiliers d'investissement.
7L'article 31-I de la loi de finances pour 1990, publiée au Journal officiel du 30 décembre 1989 adapte en ce sens le droit interne au droit communautaire.
Il modifie à cet effet l'article 261-3-1°-a du CGI.
8Parallèlement, la prise en compte de l'ensemble des dispositions de la 6ème directive relatives au prélèvement, à la transmission gratuite et à l'affectation de biens à des fins étrangères à l'entreprise conduit, en application de l'article 257-8° du CGI, à étendre aux biens mobiliers d'investissement l'application de la taxation des livraisons à soi-même telle qu'elle est définie dans la documentation administrative (DB 3 A 1211).
9Par suite, en contrepartie de l'imposition de la cession ou de la livraison à soi-même, les régularisations de la taxe effectivement déduite prévues à l'article 210 de l'annexe II au CGI ne sont plus exigibles.
2. Applications.
a. Aux ventes de biens mobiliers d'investissement.
1° Avant le 1er janvier 1990.
10Les ventes de tels biens, par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leur exploitation étaient exonérées de TVA à l'exception de celles visées à l'article 24-I de l'annexe IV au CGI.
Au terme de cet article étaient notamment obligatoirement imposables :
- les fûts, tonnelets, jerrycans, tambours, touques, bidons métalliques, articles de foudrerie et de tonnellerie, containers, citernes, réservoirs vides ;
- les biens inscrits à un compte d'immobilisations, autres que ceux visés ci-dessus, et vendus à des négociants en matériel d'occasion avant le commencement de la quatrième année qui suit celle au cours de laquelle le droit à déduction a pris naissance.
Pour ces biens, le cédant n'avait donc pas à opérer de reversement d'une fraction de la taxe effectivement déduite.
2° À compter du 1er janvier 1990.
11Deviennent désormais taxables à la TVA :
- les ventes de biens usagés faites par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leur exploitation, c'est-à-dire, conformément à l'article 13-B-c de la 6ème directive TVA, des biens meubles corporels qu'un assujetti utilise pour les besoins de l'exercice de son activité imposable (ex. : matériel et outillage industriels, matériel de transport, matériel de bureau et informatique, cheptel et chevaux de course) ;
- et qui ont ouvert droit à déduction de la TVA.
En principe, un bien ouvre droit à déduction dès son acquisition, importation ou livraison à soi-même. Cependant, à titre exceptionnel, l'ouverture du droit à déduction peut être postérieure à l'acquisition, l'importation ou la livraison à soi-même (exemples : assujettis devenant redevables de plein droit ou sur option, autorisant le calcul d'un crédit de départ, changement d'affectation d'un bien d'un secteur exonéré à un secteur imposable).
12Par ailleurs, dans le cadre de la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens, lorsqu'il est admis que la cession ne soit pas soumise à la TVA, l'ouverture éventuelle du droit à déduction qui motive la taxation de la cession ultérieure doit être recherchée chez le cédant ou l'apporteur dès lors que le bénéficiaire continue la personne du cédant.
- Les livraisons à soi-même de biens mobiliers d'investissement affectés à des besoins autres que ceux de l'entreprise, soit :
• les cessions de biens mobiliers d'investissement à titre gratuit (sauf cas de la transmission à titre gratuit d'une universalité totale ou partielle de biens (cf. n° 74 ). Ainsi, lorsque des agencements et installations reviennent gratuitement au bailleur des locaux aux termes même du contrat de location, la mutation à titre gratuit ainsi effectuée doit faire l'objet, à compter du 1er janvier 1990, de la taxation de la livraison à soi-même prévue à l'article 257-8° du CGI. En contrepartie le preneur délivre au nouveau propriétaire des biens un document tenant lieu de facture faisant apparaître la taxe ainsi acquittée au titre de la livraison à soi-même. Ce dernier pourra déduire la taxe correspondante dans les conditions de droit commun.
• Les prélèvements de biens mobiliers d'investissement.
13En contrepartie de l'imposition de la cession ou de la livraison à soi-même, les régularisations de la taxe effectivement déduite prévues à l'article 210 de l'annexe II au CGI ne sont plus exigibles.
14En revanche, lorsque les cessions sont exonérées de TVA par des dispositions légales (ex : ventes publiques d'objets d'occasion), les régularisations sont exigibles.
Toutefois, les exportations ou les livraisons intracommunautaires exonérées de biens d'investissement usagés effectués par des redevables n'entraînent aucun reversement ; le cas échéant, le cédant pourra bénéficier d'une déduction complémentaire (3 D 1412, n°s 7 et suiv. ).