Date de début de publication du BOI : 01/03/1995
Identifiant juridique : 4H1131
Références du document :  4H113
4H1131

SECTION 3 SOCIÉTÉS CIVILES

SECTION 3

Sociétés civiles

GÉNÉRALITÉS

1Deux conceptions juridiques président à la définition de la société civile.

Selon l'opinion la plus communément admise, les sociétés civiles se définissent essentiellement par leur objet. Constitue un objet civil l'exercice, en principe, d'activités qui ne sont pas régies par les règles du droit commercial : certaines opérations immobilières, activités intellectuelles ou libérales, par exemple.

2La seconde conception se réfère aux dispositions spécifiques de l'article 1845, 2ème alinéa du codé civil selon lequel, notamment, la société civile ne doit pas correspondre à une société qui revêt, de par la loi, un caractère commercial en raison de sa forme. Il en résulte que même si son activité est civile, une société ayant l'une des formes énumérées par la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 est commerciale en raison de sa forme. Tel est le cas des sociétés en nom collectif, des sociétés en commandite simple, des sociétés à responsabilité limitée, des sociétés anonymes, des sociétés en commandite par actions.

3Au plan de la législation applicable, les sociétés civiles relèvent des règles posées par les articles 1832 à 1873 du code civil modifiés par la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978.

4Toutefois, certaines sociétés civiles sont, en raison de leur activité, soumises à une réglementation particulière qui complète ou modifie les dispositions du code civil. Il en est notamment ainsi :

- des sociétés d'intérêt collectif agricole (SICA) [articles L. 531-1 à L. 535-4 et R. 531-1 à R. 535-1 du code rural] ;

- des sociétés civiles de construction-vente (loi n° 71-579 du 16 juillet 1971) ;

- des sociétés civiles professionnelles (loi n° 66-879 du 29 novembre 1966) ;

- des exploitations agricoles à responsabilité limitée (loi n° 85-697 du 11 juillet 1985).

Le régime des sociétés civiles issues de la loi du 4 janvier 1978 repose sur plusieurs principes. Il s'agit notamment :

5- de la sécurité des tiers par la publicité, notamment, des sociétés civiles (immatriculation sur un registre, obligation de procéder à la publication de tous les actes importants survenus au cours de la vie sociale : cession de parts, changement de gérant, transfert du siège...) ;

6- de la négociabilité et de la cessibilité des parts.

À peine de nullité des titres émis, les parts sociales ne peuvent être représentées par des titres négociables (article 1841 du code civil).

Les cessions de parts sociales doivent être constatées par écrit et sont rendues opposables à la société civile dans les formes prévues à l'article 1690 ou si les statuts le stipulent par transfert sur les registres de la société (article 1865 du code civil) ;

7- de la responsabilité des associés.

Les associés des sociétés civiles répondent indéfiniment des dettes sociales en proportion de leur part dans le capital social (article 1857 du code civil) ;

8- du décès d'un associé.

Sauf clause contraire, la société civile n'est pas dissoute par le décès d'un associé et peut continuer avec les associés survivants, le conjoint survivant, les héritiers ou légataires du défunt (article 1870 du code civil).

La première sous-section est consacrée à l'examen des conditions d'application de l'impôt sur les sociétés aux sociétés civiles. Dans une seconde sous-section figure la liste des sociétés civiles qui, pour différentes raisons, sont exclues du champ d'application de cet impôt.

SOUS-SECTION 1

Régime fiscal des sociétés civiles

1Conformément aux dispositions de l'article 206-1 du CGI, les sociétés civiles sont, quel que soit leur objet, imposables à l'impôt sur les sociétés lorsqu'elles revêtent l'une des formes des sociétés ou groupements désignés à cet article.

Lorsqu'elles sont constituées sous la forme de sociétés en commandite simple ou de sociétés en participation, les sociétés civiles sont également soumises à cet impôt pour la part des bénéfices correspondant aux droits des commanditaires ou des associés non indéfiniment responsables ou inconnus de l'administration (article 206-4 du CGI).

2En vertu de l'article 206-2 , 1er alinéa, du même code, les sociétés civiles sont, en raison de leur objet, passibles de l'impôt sur les sociétés, même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées à l'article 206-1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations présentant un caractère industriel ou commercial au sens des articles 34 et 35 du CGI.

3Enfin, les sociétés civiles qui ne seraient pas imposables à l'impôt sur les sociétés en application des dispositions qui précédent ont la possibilité d'y être volontairement assujetties (cf. ci-après n° 34 ).

4Hormis ces cas, les sociétés civiles demeurent, d'une manière générale, hors du champ d'application de l'impôt sur les sociétés et sont normalement soumises au régime fiscal des sociétés de personnes qui se caractérise par l'assujettissement de chaque associé à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, pour la part des bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans la société.

  A. SOCIÉTÉS CIVILES SOUMISES DE PLEIN DROIT À L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS

  I. Sociétés civiles imposables en raison de leur forme

1. Sociétés de capitaux et assimilées, sociétés coopératives.

5L'article 206-1 du CGI assujettit à l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée ainsi que les sociétés coopératives et leurs unions.

Les sociétés civiles qui ont choisi l'une des formes ainsi visées se trouvent, en conséquence, passibles de plein droit de l'impôt sur les sociétés. Les règles fiscales prévues à l'égard des sociétés de capitaux et assimilées (cf. H 111 ) et des sociétés coopératives (cf. H 112 ) sont, par conséquent, applicables sans restriction aux sociétés civiles.

6Toutefois, certaines sociétés à objet civil passibles de l'impôt sur les sociétés en raison de leur forme peuvent se prévaloir des exceptions à l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés expressément prévues à l'égard des sociétés de capitaux. Il en est ainsi des sociétés immobilières de copropriété dotées de la transparence fiscale (cf. H 1217 ), des sociétés civiles professionnelles et des sociétés civiles de moyens ayant adopté le statut de coopérative (cf. H 1216 et 1215 ).

2. Sociétés en commandite simple et sociétés en participation.

7Dans l'hypothèse où une société civile aurait adopté la forme d'une société en commandite simple ou d'une société en participation dans laquelle certains membres ne seraient pas indéfiniment responsables ou dont les noms et adresses n'auraient pas été indiqués à l'administration, les dispositions de l'article 206-4 du CGI entraîneraient son assujettissement à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun (c'est-à-dire pour la part des bénéfices sociaux correspondant aux droits des commanditaires ou des associés non indéfiniment responsables ou inconnus du service des impôts) [cf. sur ce point H 115 ].

3. Sociétés civiles revêtant, en fait, la forme de sociétés de capitaux.

8Des sociétés civiles régies, en principe, par les dispositions du code civil présentent des caractéristiques telles qu'elles peuvent, en fait, être considérées comme de véritables sociétés de capitaux.

La question se pose alors de savoir si ces sociétés doivent être soumises à l'impôt sur les sociétés.

9Le Conseil d'État a estimé que, lorsque les fondateurs d'une société ont expressément entendu donner à celle-ci une forme civile, la circonstance que les clauses de ses statuts présenteraient certaines caractéristiques fondamentales des sociétés par actions n'est pas de nature, en l'absence de toute intention frauduleuse et sous réserve qu'aucune de ces clauses ne soit incompatible avec le régime du contrat de société prévu aux articles 1832 à 1873 du code civil, à rendre cette société passible de l'impôt sur les sociétés, dès lors qu'elle n'a pas été constituée dans les formes et selon les modalités légales propres aux sociétés de capitaux et qu'elle ne se livre à aucune opération industrielle ou commerciale (CE, 8 janvier 1958, req. n° 39406, RO, p. 12).

L'idée essentielle qui se dégage de cet arrêt est que la situation des sociétés civiles au regard de l'impôt sur les sociétés doit être appréciée en recherchant si leurs statuts comportent des clauses incompatibles avec les règles du contrat de société prévues par les articles 1832 à 1873 du code civil.

  II. Sociétés civiles imposables en raison de leur objet

10Les sociétés civiles qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'impôt sur les sociétés à raison de leur forme (art. 206-1 du CGI) sont, néanmoins, passibles de cet impôt aux termes de l'article 206-2 , 1er alinéa du CGI si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations de caractère industriel ou commercial au sens des articles 34 et 35 du CGI, (sous réserve du régime particulier décrit ci-après, H 1132 ).

Les solutions intervenues pour déterminer les profits qui, en raison de la nature de l'activité exercée, doivent être rangés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en vertu des articles précités sont, par conséquent, applicables pour apprécier la situation des sociétés civiles vis-à-vis de l'impôt sur les sociétés.

11Une place particulière doit être réservée aux opérations immobilières réputées commerciales, étant donné que plusieurs textes (CGI, art. 239 ter et 1655 ter, notamment) ont édicté, en la matière, diverses exceptions au régime normal.

1. Activités industrielles ou commerciales autres que les opérations immobilières.

12Une société civile exploitant, en fait, une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale relève de l'impôt sur les sociétés (CE, 6 avril 1959, req. n° 42653, RO, p. 397).

13Cet impôt s'applique notamment aux sociétés civiles lorsqu'elles se livrent à des opérations qui, eu égard aux travaux exécutés, aux installations utilisées ou aux prestations de service rendues, présentent un caractère industriel ou commercial. Tel peut être le cas, en raison de la nature des moyens mis en oeuvre, d'une société exploitant une carrière ou une source d'eaux minérales. Une société civile procédant à des opérations de conservation, de conditionnement et de commercialisation de produits agricoles provenant des exploitations de ses membres est passible, à ce titre, de l'impôt sur les sociétés (CE, arrêt du 24 avril 1981, req. n° 24638, RJ II, p. 55).

14De même, une société d'intérêt collectif agricole (SICA) constituée sous la forme d'une société civile était passible jusqu'au 1er juillet 1985 de l'impôt sur les sociétés (cf. H 1111, n° 13 ) lorsqu'elle accomplissait de manière habituelle des opérations de caractère industriel ou commercial (achats de denrées ou de marchandises pour les revendre, exploitation d'une entreprise de transport, etc.).

Il a été jugé ainsi qu'une société de l'espèce :

- qui assure la distribution pour diverses communes rurales du courant électrique qu'elle achète à l'établissement « Électricité de France » est passible de l'impôt sur les sociétés (CE, 25 mars 1966, req. n° 66568, RO, p. 133) ;

- qui effectue, pour son propre compte, des opérations de commercialisation de fruits provenant de l'exploitation de ses sociétaires entre, à raison de cette activité de nature commerciale, dans le champ d'application de l'impôt sur les sociétés (CE, arrêt du 31 octobre 1984, req. n° 22299).

Depuis 1985 les SICA ont le statut de sociétés coopératives assujetties de plein droit à l'impôt sur les sociétés (cf. H 1122 ).

15Eu égard aux mêmes principes, ont été notamment soumises à l'impôt sur les sociétés en tant qu'agents d'affaires les sociétés suivantes :

- une société civile qui avait reçu, en vertu du mandat donné par des auteurs, compositeurs ou éditeurs, des pouvoirs étendus de gestion en leur nom des droits de reproduction de leurs oeuvres : accorder ou refuser les droits de reproduction, percevoir les redevances, exercer toutes poursuites, citer, comparaître et plaider en justice... (CE, arrêt du 24 mars 1976, req. n° 94403, RJ II, p. 36) ;

- une société civile qui administrait quatre sociétés civiles immobilières (CE, arrêt du 25 juillet 1980, req. n° 16503, RJ II, p. 83).

16Une activité libérale peut perdre ce caractère et acquérir une nature commerciale compte tenu des conditions particulières d'exercice de cette activité.

C'est ainsi qu'une société civile d'enseignement par correspondance utilisant les services d'une centaine de collaborateurs assurant la préparation des cours et la correction des devoirs doit être regardée comme exerçant une activité commerciale passible de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206-2 du CGI dès lors que les bénéfices réalisés ne peuvent, en raison de l'importance du personnel employé, être regardés comme provenant principalement de l'activité de son dirigeant et de la mise en oeuvre de ses compétences propres (CE, arrêt du 10 octobre 1979, req. n° 9441, RJ II, p. 82).

Une société civile employait dans son laboratoire d'analyses médicales plusieurs dizaines de personnes, disposait de moyens matériels importants, mettait en oeuvre une organisation spécifique de prospection de la clientèle et de ramassage des échantillons et utilisait des méthodes commerciales telles que le démarchage à domicile et la publicité. Eu égard à l'ensemble de ces circonstances, la société civile doit être considérée comme se livrant à des opérations de caractère industriel ou commercial au sens de l'article 34 du CGI et se trouve, par conséquent, assujettie à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206-2 du même code (CE, arrêt du 15 novembre 1985, req. n° 27426).

17Bien entendu, est également passible de l'impôt sur les societés -sous réserve des dispositions de l'article 239 ter du CGI- la société civile qui exerce une des professions spécialement désignées par les articles 34 et 35 du même code :

- concessions de mines, exploration de mines de pétrole et de gaz combustible (art. 34) ;

- adjudication, concession ou fermage de droits communaux (art. 35-I-6° ) ;

- location d'un établissement industriel ou commercial muni du mobilier ou du matériel d'exploitation, que cette location s'étende ou non, en tout ou partie, aux éléments incorporels du fonds de commerce ou d'industrie (art. 35-I-5°).