SECTION 3 OBLIGATION DE CONSTATER UN AMORTISSEMENT MINIMAL (CGI, ART. 39 B)
SECTION 3
Obligation de constater un amortissement minimal
(CGI, art. 39 B )
A. GÉNÉRALITÉS
1Sous l'empire de la législation applicable avant l'entrée en vigueur de l'article 24 de la loi n° 65-566 du 12 juillet 1965 (c'est-à-dire pour les exercices ouverts avant le 1er septembre 1965), la passation en écritures des amortissements d'un exercice donné constituait sur le plan fiscal une simple faculté. À la clôture d'une période déterminée, une entreprise pouvait donc s'abstenir de comptabiliser la totalité ou une fraction d'une annuité, tout en conservant pour l'avenir des possibilités de déduction.
2Cet état de choses présentait d'assez nombreux inconvénients. Il nuisait à la sincérité des bilans, provoquait des distorsions entre le droit fiscal et le droit des sociétés et laissait libre cours à des pratiques nocives consistant à consacrer à l'amortissement des ressources dont le montant était davantage influencé par l'importance des résultats obtenus que par le souci de présenter une situation comptable et fiscale fidèle.
3En vue de mettre fin à ces inconvénients et de subordonner l'octroi des avantages fiscaux liés à l'amortissement au respect de conditions tendant à faire de la dépréciation constatée en comptabilité la traduction d'une réalité économique, l'article 24 de la loi du 12 juillet 1965 codifié sous l'article 39 B du CGI édicte l'obligation de constater un amortissement minimal.
B. NATURE DE L'OBLIGATION
4À la clôture de chaque exercice ouvert à compter du 1er septembre 1965, la somme des amortissements effectivement pratiqués depuis l'acquisition ou la création d'un élément donné ne peut être inférieure au montant cumulé des amortissements calculés suivant le système linéaire et répartis sur la durée normale d'utilisation.
C. ÉTENDUE DE L'OBLIGATION
I. Entreprises visées
5L'obligation a un caractère général. Elle concerne les collectivités relevant de l'impôt sur les sociétés et les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu, catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, selon un régime de bénéfice réel et s'applique indistinctement que l'exercice soit bénéficiaire ou déficitaire.
II. Éléments concernés
6L'obligation s'applique aux seules immobilisations qui se déprécient avec le temps et qui, à ce titre, peuvent faire l'objet d'un amortissement (immeubles, matériel, mobilier, agencements, brevets, ...).
7En particulier, l'article 39 B du CGI vise les immobilisations comprises à tort dans les frais généraux et dont le prix d'acquisition est rapporté aux résultats imposables soit spontanément par l'entreprise, soit à l'issue d'une vérification. Par suite, lorsqu'il est fait application de la règle consacrée par la jurisprudence, selon laquelle l'inscription d'une immobilisation parmi les charges d'une entreprise ne peut pas être assimilée à un amortissement à 100 %, il y a lieu de refuser toute possibilité de déduction au titre des amortissements non constatés en écritures jusqu'à la reprise à l'actif des immobilisations dont il s'agit. Mais il convient, bien entendu, de limiter l'application de cette sanction aux cas manifestement abusifs.
8En revanche, la mesure ne s'applique pas à certains éléments d'actif qui, bien que faisant parfois l'objet d'amortissements, sont en réalité des comptes sans valeur réelle, dont la dépréciation est acquise dès l'engagement de la dépense. Il en est ainsi en particulier des frais de premier établissement, des frais d'augmentation du capital.
9De même, les dispositions de l'article 39 B du CGI ne sont pas applicables aux dépenses pouvant être rangées parmi les frais généraux déductibles du bénéfice imposable de l'exercice de leur engagement.
Il en est ainsi, notamment :
10- des dépenses d'acquisition du petit outillage à main de faible valeur (marteaux, pinces, ...) ;
11- des dépenses qui n'ont d'autre objet que de maintenir un élément de l'actif en un état tel que son utilisation puisse être poursuivie jusqu'à la fin de la période qui sert de base de calcul aux annuités d'amortissement. Tel peut être le cas des dépenses d'entretien des locaux professionnels, du matériel ou du mobilier, ainsi que des dépenses de remplacement de certaines pièces usagées d'une machine.
Dès lors, les entreprises peuvent continuer, comme par le passé et sous les mêmes conditions, à comprendre les dépenses dont il s'agit dans leurs frais généraux.
D. CARACTÈRES DE L'OBLIGATION
12Cette obligation doit être respectée au regard de chaque élément amortissable (cf. ci-dessus n° 4 ) pris isolément et non pas par rapport à l'ensemble des immobilisations.
Aucune compensation déterminée ne peut, à cet égard, être établie entre l'excédent d'amortissement linéaire constaté sur un élément amortissable déterminé avec une insuffisance d'amortissement de même nature relevée sur un autre élément.
13L'étendue de l'obligation dont il s'agit demeure limitée, même pour les éléments amortis d'après le système dégressif, à la seule constatation de l'amortissement linéaire, qui doit être calculé en fonction de la durée normale d'utilisation de l'élément considéré.
14Le respect de cette obligation, qui doit être satisfaite à la clôture de chaque exercice, est apprécié avec souplesse en considérant, pour chaque bien, non pas l'annuité comptabilisée au titre de l'exercice considéré, mais la masse globale des amortissements pratiqués à une date déterminée.
15Pour l'appréciation de cette règle, il convient de tenir compte des seuls amortissements constatés pour faire face à une dépréciation effective. Il s'ensuit que :
- pour les biens acquis en remploi, il y a lieu de faire abstraction des plus-values affectées à l'amortissement de ces biens en vertu de l'article 40 du CGI, étant entendu que l'amortissement linéaire à considérer, dans ce dernier cas, est celui afférent à la valeur du bien après imputation de la plus-value ;
-pour les biens amortissables réévalués dans le cadre des anciennes réévaluations légales (cf. ci-dessus 4 D 1331, n°s 4 à 10 ), ce sont les amortissements linéaires appliqués à la valeur comptable nette résultant de la réévaluation qu'il importe de comparer à cette dernière valeur pour apprécier si l'obligation prévue à l'article 39 B a été ou non respectée ;
- pour les éléments d'actif des entreprises de presse financés en partie à l'aide de prélèvements sur les bénéfices ou de provisions répondant aux conditions de l'article 39 bis du CGI, les amortissements massifs pratiqués en comptabilité conformément au 1 ter (1er al.) de l'article précité ne sont pas à prendre en compte pour savoir s'il a été ou non satisfait à l'article 39 B (cf. 4 D 1321, n° 48 et 4 E 5522 ) ;
- pour les éléments ayant bénéficié de l'une des mesures de déduction pour investissement instituées respectivement par les lois n° 66-307 du 18 mai 1966 et n° 68-877 du 9 octobre 1968 ou de l'aide fiscale à l'investissement issue des lois n° 75-408 du 29 mai 1975 et n° 75-853 du 13 septembre 1975, ce sont les seuls amortissements calculés d'après la durée normale d'utilisation et appliqués à la valeur résiduelle des biens qu'il y a lieu de prendre en considération pour l'application de l'article 39 B.
16L'application des principes rappelés ci-dessus entraîne les conséquences suivantes au regard de l'amortissement des biens.
17En ce qui concerne les éléments amortissables selon le régime linéaire, l'annuité normale de l'exercice ne peut plus être différée sans contrevenir aux dispositions de l'article 39 B du CGI, sauf dans la mesure où s'agissant de biens acquis avant l'entrée en vigueur de cette disposition (cf. ci-dessous, n°s 19 à 21 .), le total des amortissements antérieurs excéderait l'amortissement linéaire cumulé. Il peut en être ainsi, notamment, lorsque les immobilisations en question ont fait l'objet d'amortissements accélérés en application des dispositions de l'article 01 ancien de l'annexe I au CGI ou des décisions ministérielles prises en faveur de l'amortissement des entreprises sidérurgiques et des entreprises exportatrices ou lorsque l'amortissement a pu être régulièrement réparti sur une durée plus courte que la durée normale d'utilisation.
Cette faculté de différer tout ou partie de l'amortissement linéaire sans contrevenir aux dispositions de l'article 39 B subsiste également, d'une part, pour ceux des contribuables qui, tels les preneurs de baux à construction, conservent après l'entrée en vigueur de ce texte, la possibilité d'amortir sur une période plus courte que la durée normale d'utilisation des biens et d'autre part, pour les entreprises qui peuvent bénéficier d'un amortissement exceptionnel en application notamment des dispositions des articles 39 quinquies A et 39 quinquies F du CGI (cf. 4 D 243 et 2412 ).
18En ce qui concerne les biens ouvrant droit à un amortissement dégressif, les entreprises peuvent, bien entendu, sans contrevenir à l'article 39 B, non seulement différer la fraction de l'annuité dégressive excédant l'annuité linéaire, mais encore se dispenser de pratiquer l'annuité linéaire elle-même lorsque l'amortissement global comptabilisé au cours des exercices précédents excède le montant cumulé de l'amortissement linéaire calculé à la clôture de l'exercice en cause.
E. ENTRÉE EN VIGUEUR
19Les dispositions de l'article 39 B du CGI s'appliquent pour la première fois pour la détermination des bénéfices imposables des exercices ouverts à compter du 1er septembre 1965.
20L'obligation de constater l'amortissement linéaire s'impose indistinctement pour les éléments acquis avant comme après la date d'entrée en vigueur de cet article mais, en l'absence de tout effet rétroactif, cette disposition ne comporte aucune conséquence restrictive au regard des amortissements effectivement différés avant cette date. L'amortissement différé sous l'empire de l'ancienne législation continue donc d'être soumis aux possibilités de report qui lui étaient propres et ne peut pas motiver l'application des sanctions prévues par l'article 39 B.
21En revanche, l'ensemble des amortissements admis en déduction pour l'assiette de l'impôt avant l'entrée en vigueur de l'article 39 B peut être pris en considération pour apprécier si, à la clôture d'un exercice ouvert à compter du 1er septembre 1965, le montant des amortissements constatés sur un élément déterminé atteint ou non la limite imposée par ce texte. L'entreprise peut donc valablement faire état de l'excédent d'amortissement régulièrement constaté par rapport à l'annuité linéaire avant l'entrée en vigueur de la disposition précitée sans que, pour autant, le service puisse tirer des conséquences des insuffisances d'amortissement constatées avant cette date sur d'autres biens.
F. SANCTION
Faute de respecter l'obligation édictée par le premier alinéa de l'article 39 B du CGI, l'entreprise perd définitivement le droit de déduire la fraction des amortissements qui a été ainsi différée.
22 a. La perte du droit à déduction est définitivement acquise dès la clôture des résultats de l'exercice au cours duquel l'ensemble des amortissements cumulés, apprécié comme il a été dit ci-dessus, s'avère inférieur au montant des amortissements linéaires.
Il s'ensuit :
23-d'une part, que la valeur comptable résiduelle à retenir pour le calcul des annuités d'amortissement dégressif des exercices suivants doit être diminuée du montant de l'amortissement différé en contravention aux dispositions de l'article 39 B ;
24- d'autre part, qu'après la durée normale d'utilisation des biens correspondants ou lors de la mise hors service de ces mêmes éléments, l'amortissement irrégulièrement différé ne peut pas être admis en déduction des bénéfices.
25 b. Par contre, si aucune déduction n'est admise à quelque moment que ce soit au titre des amortissements irrégulièrement différés, ces amortissements sont, en vertu des dispositions prévues à l'article 39 duodecies-2 a du CGI, soumis au même régime fiscal que les amortissements admis en déduction des bénéfices imposables. Par voie de conséquence, les plus-values à court terme éventuellement dégagées lors de la cession d'éléments ayant fait l'objet d'un amortissement irrégulièrement différé doivent être augmentées des amortissements différés correspondants. Quant aux moins-values à court terme enregistrées sur ces éléments elles doivent, le cas échéant, être diminuées des mêmes amortissements.
Ces dispositions sont applicables aux plus ou moins-values réalisées au cours d'exercices clos à compter du 31 décembre 1993.
G. EXEMPLE D'APPLICATION DE LA CONSTATATION OBLIGATOIRE D'UN AMORTISSEMENT MINIMAL
26Soit une entreprise ayant acquis le 1er janvier 1994 un bien amortissable en dix ans suivant le système dégressif (taux d'amortissement : 10 % x 2,5 = 25 %) et dont le prix de revient ressort à 10 000 F.
Les annuités dégressives théoriques se calculent ainsi :
On suppose qu'à la clôture de ces trois exercices, l'entreprise limite les annuités effectivement pratiquées à 1 500.
27Elle a cependant respecté l'obligation de l'amortissement minimal à chacune des dates précitées.
Exercice 1994 :
- amortissement linéaire minimal : 1 000 F ;
- amortissement dégressif pratiqué : 1 500 F.