B.O.I. N° 92 du 22 MAI 2003
GENERALITES
1.Une nouvelle convention entre la France et l'Algérie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les successions, accompagnée d'un protocole a été signée à Alger le 17 octobre 1999 1 . L'ensemble de ces textes se substitue à la précédente convention signée le 17 mai 1982. La nouvelle convention et le protocole y annexé, dont la loi n° 2002-1036 du 6 août 2002 (J.O. du 7 août 2002) a autorisé l'approbation, ont été publiés par le décret n° 2002-1501 du 20 décembre 2002 (J.O. du 26 décembre 2002, pp. 21617 à 21626) ; leur texte est reproduit au B.O.I. 14 A-1-03 1 du 21 janvier 2003.
2.La présente instruction a pour objet de commenter les principales dispositions de cet accord. Elle remplace l'ensemble des commentaires relatifs à la convention du 17 mai 1982 contenus dans la documentation de base (DB 14 AI (B), (C) et (D)) et dans les instructions administratives : BODGI 14 B-3-83, 14 B-3-84 et 14 B-4-99 .
Les précisions apportées ci-après en ce qui concerne chaque article de la convention franco-algérienne pourront être utilisées pour l'interprétation des clauses figurant dans d'autres conventions fiscales signées par la France et dont la rédaction est rigoureusement identique.
CHAPITRE I :
CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION
SECTION 1 :
Personnes concernées (articles 1 et 4 et point 2 du Protocole)
3.L'article 1 er de la convention prévoit que celle-ci s'applique seulement aux personnes qui sont, au sens de son article 4, des résidents de France ou d'Algérie ou des deux Etats, sans considération de la nationalité de ces résidents. La convention n'a donc normalement pas à être appliquée dans le cas d'un ressortissant algérien qui ne résiderait ni en Algérie, ni en France. Dans ce cas, la convention éventuellement conclue entre la France et l'Etat de résidence de cette personne serait alors applicable.
4.Ce principe souffre toutefois une exception pour les articles 25 (non-discrimination), 26 (procédure amiable) et 27 (échange de renseignements) de la convention.
Ces articles permettent en effet soit à des ressortissants de l'un des deux Etats qui ne résident pas sur le territoire de l'un des deux Etats de bénéficier des dispositions qu'ils prévoient, soit aux autorités compétentes des deux Etats d'échanger des informations les concernant.
C'est ainsi notamment que l'Algérie ne peut, aux termes de l'article 25, appliquer à un ressortissant français qui perçoit des revenus de source algérienne et est un résident d'un Etat tiers, un régime moins favorable que celui qu'elle accorde à ses propres ressortissants qui résident dans ce même Etat et qui perçoivent les mêmes revenus. La même obligation incombe à la France dans le cas d'un ressortissant algérien non résident de l'un des deux Etats qui perçoit des revenus de source française.
L'ouverture de la procédure amiable peut ainsi être sollicitée par un ressortissant algérien qui ne serait pas un résident de l'un des deux Etats et qui se serait vu appliquer à tort par la France un régime moins favorable que celui qu'elle accorde à ses nationaux qui sont des non-résidents.
Aux termes de l'article 27, les Etats peuvent échanger des informations en vue de l'application de la convention ou de leur législation interne respective à une personne qui est ressortissante de l'un de ces Etats sans pour autant que la personne concernée réside sur le territoire de l'un d'eux.
SOUS-SECTION 1 :
Conditions pour être considéré comme un résident d'un Etat
5.Une personne est considérée comme résident d'un Etat lorsqu'en application de la législation de cet Etat, elle y est assujettie à l'impôt en raison de son domicile, sa résidence, son siège de direction, ou de tout autre critère de nature analogue. Une personne qui est exonérée d'impôt dans un Etat n'est donc pas considérée comme étant assujettie à l'impôt dans cet Etat. En outre, les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans un Etat que pour les revenus qui ont leur source dans cet Etat et pour la fortune qui est située dans cet Etat ne sont pas considérées comme des résidents de cet Etat.
Bien que la convention ne l'indique pas expressément, il convient de considérer que l'Etat, ses collectivités locales et leurs personnes morales de droit public sont des résidents de cet Etat pour l'application de la convention.
6.Aux termes des alinéas d) et e) du paragraphe 1 de l'article 3, le terme « personne » comprend les personnes physiques, les sociétés, c'est-à-dire toute personne morale ou toute entité qui est considérée comme une personne morale aux fins d'imposition, et tous groupements de personnes autres que les sociétés.
7.Le paragraphe 4 de l'article 4 confirme expressément l'analyse de la France (cf. instruction du 26 avril 1999, 14 B-3-99 n os2 et 3 ) selon laquelle les sociétés de personnes françaises (sociétés en nom collectif et sociétés en commandite simple pour la part de leurs résultats correspondant aux droits de leurs associés commandités notamment), qui relèvent des dispositions de l'article 8 du code général des impôts ainsi que les groupements d'intérêt économique et les groupements européens d'intérêt économique qui relèvent respectivement des dispositions des articles 239 quater et 239 quater C. du même code sont des résidents de France, nonobstant le fait que l'imposition de leurs bénéfices soit opérée non pas à leur niveau mais à celui de leurs actionnaires, associés ou autres membres. Le point 2 du protocole précise que cette disposition n'emporte toutefois aucune conséquence sur l'éventuelle qualité de résidents d'Algérie des actionnaires, associés ou autres membres de la société de personne française concernée, car cette qualité doit s'apprécier au regard des dispositions des paragraphes 1, 2 ou 3 de l'article 4 de la convention.
8.Les résidents de France au sens de la convention sont donc :
- les personnes physiques qui sont domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts (v. D.B. 5-B-1121 ) ;
- les personnes morales (Etat, collectivités locales, personnes morales de droit public, sociétés de capitaux, sociétés de personnes, groupements d'intérêt économique, groupements européens d'intérêt économique ...) ainsi que les groupements fiscalement traités comme des personnes morales (sociétés en participation) qui ont leur siège de direction en France.
SOUS-SECTION 2 :
Cas des doubles résidents
9.Lorsque, en application de ces dispositions, une personne est un résident des deux Etats, une résidence fiscale unique est déterminée en se référant aux critères conventionnels prévus par les paragraphes 2 et 3 de l'article 4. Un tel conflit de résidence peut notamment se rencontrer dans les hypothèses suivantes :
- une personne physique domiciliée en Algérie où vit sa famille exerce en France, à titre principal, une activité d'architecte-conseil (art. 4 B.-1. b. du CGI) ;
- une personne physique, célibataire, habitant en Algérie, dirige deux sociétés établies en France et posséde un patrimoine mobilier et immobilier français important (art. 4 B.-1.c. du CGI) ;
- un agent de l'Etat français est en poste en Algérie pour une période de trois ans pendant laquelle sa famille l'a suivi et n'a conservé aucun domicile en France (art. 4 B. 2. du CGI) ;
- une société inscrite au registre du commerce algérien dont le siège de direction est situé en France.
A. PERSONNES PHYSIQUES
10.Pour l'application des conventions fiscales, la résidence s'apprécie au niveau de chaque personne physique et non pas au niveau du foyer fiscal (voir DB 5 B-1121 n° 3 et 5 B-7 n° 6 ).
11.Au paragraphe 2 de l'article 4, la convention énumère, pour les personnes physiques, des critères hiérarchisés. Ces critères sont les suivants.
1. Le foyer d'habitation permanent
12.L'expression « foyer d'habitation permanent » désigne tout logement dont la personne concernée dispose de façon durable même s'il ne s'agit pas du foyer au sens de l'article 4 B-1 du code général des impôts (v. à cet égard D.B. 5 B-1121, n° 5 ). La notion de foyer d'habitation recouvre toute forme d'habitation (maison ou appartement qui est la propriété de l'intéressé ou pris en location, chambre meublée louée, habitation mise à sa disposition à titre gratuit). La permanence de l'habitation est essentielle, ce qui signifie que l'intéressé fait le nécessaire pour avoir le logement à sa disposition en tout temps, d'une manière durable.
La disposition occasionnelle d'un logement pour effectuer un voyage d'agrément, un voyage d'affaires, un voyage d'études, etc... ne satisfait pas à cette condition de durabilité.
Ne disposera donc pas d'un tel foyer d'habitation permanent en France au titre d'une année N un résident d'Algérie qui aura effectué sur notre territoire au cours de ses congés, deux séjours de deux mois chacun et aura loué pour chacun de ces séjours la même résidence meublée.
En revanche, sera considérée comme ayant disposé d'un tel foyer d'habitation permanent en Algérie au titre d'une année N une personne habitant en France qui aura disposé, de manière constante, à Alger d'un appartement dont elle est propriétaire et qu'elle n'aura pas donné en location, y compris si, au titre de cette année, elle ne s'y est jamais rendue.
2. Le centre des intérêts vitaux
13.Si la personne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat où elle a le centre de ses intérêts vitaux, c'est-à-dire de l'Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits. Seront ainsi pris en considération les relations familiales et sociales de l'intéressé, ses occupations, ses activités sociales, culturelles ou autres, le siège de ses affaires, le lieu où il administre ses biens, la répartition de son patrimoine tant immobilier que mobilier, etc. Ces circonstances doivent être examinées dans leur ensemble mais les considérations tirées du comportement personnel de l'intéressé doivent spécialement retenir l'attention.
Ainsi, si une personne qui a une habitation dans un Etat établit une deuxième habitation dans un autre Etat, tout en conservant la première, le fait que l'intéressé conserve cette première habitation dans le milieu où il a toujours vécu, où il a travaillé et où il garde sa famille et ses biens peut, avec d'autres éléments, contribuer à démontrer qu'il a conservé le centre de ses intérêts vitaux dans le premier Etat.
3. Le lieu du séjour habituel
14.Ce critère joue dans deux situations distinctes :
- le cas où la personne physique dispose d'un foyer d'habitation permanent dans chacun des deux Etats et où on ne peut déterminer celui de ces Etats où elle a le centre de ses intérêts vitaux ;
- le cas où la personne physique ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des deux Etats.
La personne est alors considérée comme un résident de l'Etat où elle séjourne de façon habituelle.
15.Dans le cas où la personne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans chacun des Etats contractants et où on ne peut déterminer celui de ces Etats où elle a le centre de ses intérêts vitaux, il y a lieu de prendre en considération les séjours faits par l'intéressé non seulement au foyer d'habitation permanent de l'Etat considéré mais aussi à tout autre endroit du même Etat.
16.De même, si la personne ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats contractants (ex : une personne passant d'un hôtel à l'autre), il convient également de prendre en considération tous les séjours faits dans un Etat, quelle qu'en soit la raison.
Bien entendu, la période sur laquelle doit avoir lieu la comparaison sur la durée de séjour dans chaque Etat doit être suffisamment longue pour permettre d'apprécier si le séjour dans un Etat est habituel.
17.La notion de séjour habituel doit être distinguée de celle de séjour principal qui figure à l'article 4 B-1 a) du code général des Impôts. Il peut donc exister un séjour habituel dans chaque Etat, hypothèse qui peut survenir alors même que le décompte des jours passés dans un Etat serait supérieur au décompte des jours passés dans l'autre Etat. Dans une telle hypothèse, il convient de se référer au critère suivant, c'est-à-dire la nationalité.
4. La nationalité
18.Si la personne séjourne de façon habituelle dans les deux Etats, ou dans aucun d'eux, elle est considérée comme un résident de l'Etat dont elle a la nationalité.
19.Dans le cas où ce dernier critère ne permet pas de régler un cas de double résidence (double nationalité, apatride, personne possédant uniquement la nationalité d'un Etat tiers), il convient de saisir les autorités compétentes d'un des Etats pour qu'elles tranchent la question d'un commun accord avec les autorités compétentes de l'autre Etat selon la procédure amiable prévue à l'article 26 de la convention. La personne concernée saisira l'autorité compétente de l'Etat dont elle se considère un résident. L'autorité compétente, du côté français, est la Direction de la législation fiscale (Sous-Direction E - Bureau E 1, 139, rue de Bercy, télédoc 503, 75572 - PARIS CEDEX 12). Du côté algérien, l'autorité compétente est la Direction de la législation fiscale (Immeuble Maurétania, Place du Pérou -16000 ALGER).
B. PERSONNES MORALES
20.Pour les personnes morales, le paragraphe 3 de l'article 4 prévoit que le siège de direction effective est le seul critère à prendre finalement en compte en cas de double résidence au sens du paragraphe 1 du même article. Le siège de direction effective est le lieu où sont prises les décisions stratégiques en matière de gestion et de politique industrielle ou commerciale nécessaires à la conduite des affaires de l'entreprise. Le siège de direction effective sera normalement le lieu où la personne, ou le groupe de personnes, de rang le plus élevé (par exemple, le Conseil d'administration) prend ses décisions. La détermination du siège de direction effective est une question de fait. Une entreprise peut disposer de plusieurs sièges de direction mais ne peut avoir qu'un seul siège de direction effective.
SECTION 2 :
Impôts couverts par la convention (article 2 et point 1 du Protocole)
21.La convention s'applique aux impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les successions perçus pour le compte d'un Etat ou de ses collectivités locales, quel que soit le système de perception.
SOUS-SECTION 1 :
En ce qui concerne la France
22.La convention s'applique à l'impôt sur le revenu, à l'impôt sur les sociétés, à l'impôt de solidarité sur la fortune, aux droits de mutation par décès ainsi qu'aux retenues et prélèvements à la source, précomptes ou avances considérés comme impôts sur le revenu, sur la fortune ou sur les successions au sens du paragraphe 2 de l'article 2, (parmi lesquels figure notamment l'imposition forfaitaire annuelle prévue à l'article 223 septies du code général des impôts). Il est précisé qu'elle s'applique aux contributions sociales généralisées (C.S.G.), aux contributions pour le remboursement de la dette sociale (C.R.D.S.) ainsi qu'à la contribution prévue à l'article 235 ter ZA du code général des impôts. Par ailleurs, conformément aux dispositions du paragraphe 2 b) de l'article 2 de la convention, les droits de succession font partie des impôts visés par la convention. Les droits dus à l'occasion d'une donation entre vifs ne sont, en revanche, pas couverts par la convention.
23.Conformément à la pratique conventionnelle française, la taxe sur les salaires fait partie, comme c'était déjà le cas dans la convention fiscale du 17 mai 1982, des impôts visés. Le point 1 du protocole précise que cette taxe est régie par les règles applicables aux bénéfices des entreprises ou des professions indépendantes, selon les cas. Cette disposition vise à écarter du champ d'application de cette taxe une entreprise résidente d'Algérie qui, par ailleurs, du chef de la convention fiscale, ne serait pas redevable de l'impôt en France à raison des bénéfices qu'elle y réalise. Cette taxe n'est donc éventuellement due par une entreprise algérienne opérant en France que pour autant que son activité soit réalisée en France par l'intermédiaire d'un établissement stable ou d'une base fixe.