B.O.I. N° 121 du 22 NOVEMBRE 2007
Section 2 :
Dispositions relatives aux libéralités
A. LES DONATIONS-PARTAGES
I. Les donations-partages conjonctives
1. Dispositif civil
48.Le nouvel article 1076-1 du code civil permet, à compter du 1 er janvier 2007, d'appeler à une donationpartage réalisée conjointement par deux époux, des enfants qui ne sont pas issus de leur union (cas des familles dites « recomposées »).
49.Toutefois, l'article précité précise que le lot destiné à l'enfant non commun peut être composé de biens propres de son auteur et/ou, si les époux sont mariés sous un régime communautaire, de biens communs. Toutefois, dans ce dernier cas, seul l'époux auteur du descendant a la qualité de donateur. En revanche, son conjoint doit consentir à la donation, mais sans se porter co-donateur. En effet, le consentement du conjoint permet de satisfaire au principe de cogestion applicable aux biens de la communauté, posé par l'article 1422 du code civil. Les enfants communs, quant à eux, peuvent recevoir indifféremment des biens propres et des biens communs de leur père et mère.
En outre, il est rappelé que dans l'hypothèse de donation d'un bien commun consentie à l'enfant non commun, une récompense est due à la communauté par l'époux ayant seul la qualité de donateur. La dette étant, en effet, du point de vue de la contribution, propre au donateur ; l'article 1437 du code civil trouve à s'appliquer.
2. Incidences fiscales
50.Le nouvel article 778 bis tire les conséquences fiscales de cette nouvelle disposition civile, en précisant que les donations-partages consenties en application de l'article 1076-1 du code civil sont soumises sur l'intégralité de la valeur du bien commun donné par l'auteur du descendant gratifié au tarif des droits de mutation à titre gratuit prévu en ligne directe.
51.Par ailleurs, il est rappelé qu'en cas de donation de biens communs par un époux avec le consentement de l'autre, il n'est effectué qu'un seul abattement et la réduction de droits de donation est déterminée selon l'âge de l'époux donateur (cf. exemple n° 2 en annexe 3).
II. Les donations-partages faites à des descendants de degrés différents (dites donations transgénérationnelles)
1. Dispositif civil
52.Afin d'inciter les transmissions au profit des jeunes générations, la loi du 23 juin 2006 précitée autorise tout ascendant à faire la distribution et le partage de ses biens entre ses descendants de degrés différents, qu'ils soient ou non ses héritiers présomptifs.
53.Ainsi, l'article 1075-1 du code civil prévoit qu'une donation-partage peut être faite au profit de descendants de générations différentes et associer par exemple enfants et petits-enfants du vivant même des enfants.
54.Enfin, l'article 1078-4 du code précité précise que les enfants doivent consentir dans l'acte de donation-partage à ce que leurs propres descendants soient allotis en leurs lieu et place, que ce soit totalement ou en partie seulement.
2. Incidences fiscales
55.Le nouvel article 784 B tire les conséquences fiscales de ce dispositif civil en précisant qu'en cas de donation-partage faite à des descendants de degrés différents, les droits sont liquidés en fonction du lien de parenté existant entre l'ascendant donateur et les descendants allotis.
56.Ainsi, en cas de donation-partage faite en faveur de petits-enfants dont les parents ont consenti qu'ils soient allotis totalement en leurs lieu et place, les droits sont dus uniquement en fonction du lien de parenté existant entre le grand-parent et les descendants gratifiés. En conséquence, dans cette hypothèse, les petits-enfants bénéficient uniquement de leur propre abattement de 30 000 euros qui n'est pas cumulable avec celui de 50 000 euros 4 prévu en faveur des enfants.
57.De même, lorsque les enfants et les petits-enfants sont appelés ensemble à une donation-partage, chacun bénéficie, sur la part nette reçue, du tarif applicable en ligne directe et de l'abattement, respectivement de 50 000 euros 5 pour les enfants ou 30 000 euros pour les petits-enfants.
58.S'agissant des réductions de droits prévues par l'article 790, elles sont calculées en fonction de l'âge du donateur (cf. exemple n° 3 en annexe 3).
59.Par ailleurs, l'article 50 de la loi de finances rectificative pour 2006 a intégré un nouvel article 776 ter qui dispose que les donations de moins de six ans consenties aux petits-enfants en application de l'article 1078-4 du code civil ne sont pas rapportables dans la succession de leur père ou mère.
En conséquence, la donation faite par l'aïeul à un petit-enfant moins de six ans avant le décès de l'enfant qui y a consenti n'étant pas fiscalement rapportable dans la succession de ce dernier, les biens reçus par le petit-enfant ne seront pas pris en compte pour le calcul des droits de succession de l'enfant qui a consenti à la donation-partage. Cette disposition ne concerne que les donations-partages dans lesquelles les parents consentent à ce que leurs enfants soient désignés comme bénéficiaires en leurs lieu et place.
60.Il est rappelé que seules les donations-partages ayant été régulièrement soumises aux droits de mutation à titre gratuit peuvent bénéficier de cette disposition.
III. Incorporation dans une donation-partage de biens antérieurement donnés
1. Dispositif civil
61.L'article 1078-1 du code civil dispose que le lot de certains gratifiés peut être formé, en totalité ou en partie, des donations, soit rapportables, soit faites hors part déjà reçues par eux du disposant. Ainsi, le bien antérieurement donné est intégré à la masse et, par l'effet du partage, est attribué, en totalité ou en partie, soit à l'auteur du rapport, soit à un autre copartageant.
62.En outre, l'article 1078-2 du même code dispose que les parties peuvent convenir qu'une donation antérieure faite hors part sera incorporée au partage et imputée sur la part de réserve du donataire, à titre d'avancement de part successorale.
63.Par ailleurs, l'article 1078-3 du code civil précise que les conventions réalisées conformément aux articles précités peuvent avoir lieu même en l'absence de nouvelles donations du disposant et qu'elles ne sont pas regardées comme des libéralités entre les héritiers présomptifs, mais comme un partage fait par le disposant.
64.De plus, l'article 1078-7 du code civil précise que les donations-partages faites à des descendants de degrés différents peuvent comporter les conventions prévues par les articles 1078-1 à 1078-3 du code civil.
65.Enfin, l'article 1078-10 du code civil définit le régime juridique de la donation-partage réalisée par l'enfant renonçant au profit de ses propres descendants dans laquelle sont incorporées des biens ayant été transmis à ces derniers.
2. Incidences fiscales
66.Le nouvel article 776 A prend en compte les dispositions civiles exposées au 1° et dispose que, conformément à l'article 1078-3 du code civil, les conventions prévues par les articles 1078-1 et 1078-2 ne sont pas soumises aux droits de mutation à titre gratuit.
67.Toutefois, il est précisé qu'en l'absence de donation de biens nouveaux, le droit de partage prévu par l'article 746 reste exigible sur la valeur des biens incorporés à la convention et partagés au jour de l'acte (1,10 % sur l'actif net partagé).
68.Par ailleurs, si la convention, en plus des biens réincorporés, prévoit une donation de biens nouveaux, les droits de mutation à titre gratuit sont exigibles sur les nouveaux biens donnés et les biens réincorporés sont soumis au droit de partage, pour leur valeur à la date de l'acte.
B. LES LIBERALITES GRADUELLES ET LES LIBERALITES RESIDUELLES
69.La loi du 23 juin 2006 précitée a modifié l'article 896 du code civil qui prohibait les substitutions et prévoyait la nullité de toute disposition par laquelle le donataire, l'héritier institué ou le légataire est chargé de conserver et de rendre à un tiers. En outre, elle consacre la pratique des libéralités résiduelles, reprenant pour ces dernières les solutions jurisprudentielles.
I. Dispositifs civils
1. Les libéralités graduelles
70.L'article 1048 du code civil définit la libéralité graduelle comme l'opération par laquelle un disposant donne ou lègue des biens ou des droits, à charge pour le donataire ou le légataire de les conserver et de les transmettre à son décès à un second gratifié désigné dans l'acte.
71.En application des dispositions de l'article 1049 du code civil, « la libéralité ainsi consentie ne peut produire son effet que sur des biens ou des droits identifiables à la date de la transmission et subsistant en nature au décès du grevé. Lorsqu'elle porte sur des valeurs mobilières, la libéralité produit également son effet, en cas d'aliénation, sur les valeurs mobilières qui y ont été subrogées. Lorsqu'elle concerne un immeuble, la charge grevant la libéralité est soumise à publicité ».
72.Les droits du second gratifié s'ouvrent au décès du grevé qui est propriétaire des biens objet de la libéralité.
73.En outre, l'article 1051 du code civil dispose que « le second gratifié est réputé tenir ses droits de l'auteur de la libéralité ».
2. Les libéralités résiduelles
74.L'article 1057 du code civil précise que la libéralité résiduelle est une opération par laquelle un disposant prévoit dans une donation ou un testament qu'une personne est appelée à recueillir ce qui subsistera du don ou du legs fait à un premier gratifié, à la mort de celui-ci. Ainsi, comme le précise l'article 1058 du code civil, la libéralité résiduelle n'oblige pas le premier gratifié à conserver les biens reçus, mais uniquement à transmettre les biens subsistants.
75.Par ailleurs, il est précisé que les dispositions des articles 1049 et 1051 du code civil précités s'appliquent aux libéralités résiduelles.
II. Incidences fiscales
76.Le nouvel article 791 bis issu de l'article 54 de la loi de finances rectificative pour 2006 précise le régime fiscal, identique, applicable aux libéralités graduelles et résiduelles. Cet article reprend la doctrine administrative relative au legs « de residuo » (7 G 2121 n° 18 ), en l'étendant à toutes les libéralités graduelles et résiduelles. 6
77.En conséquence, en présence de libéralités graduelles ou résiduelles telles que prévues aux articles précités du code civil, le légataire ou le donataire institué en premier est redevable des droits de mutation à titre gratuit sur l'actif transmis dans les conditions de droit commun. Le légataire ou donataire institué en second n'est redevable d'aucun droit lors de la première mutation.
78.Au décès du premier légataire ou donataire, l'actif transmis est taxé d'après le degré de parenté existant entre le testateur ou le donateur et le second légataire ou donataire. Le régime fiscal applicable et la valeur imposable des biens transmis au second légataire ou donataire sont déterminés en se plaçant à la date du décès du premier gratifié. Les droits acquittés par le premier légataire ou donataire sont imputés sur les droits dus sur les mêmes biens par le second légataire ou donataire. Cette imputation est également admise lorsque les droits dus sur la première transmission ont été pris en charge par le donateur (cf. exemples 4 et 5 en annexe 3).
79.Dans le cas d'une libéralité résiduelle, pour déterminer le montant des droits imputables lors la seconde mutation, il y a lieu de liquider à nouveau les droits dus lors de la première libéralité sur une base réduite, en fonction du reliquat existant au jour de la seconde libéralité (cf. exemple 6 en annexe 3).
80.En cas de décès du donateur avant celui du premier gratifié, lors de la seconde transmission, il est admis que l'abattement applicable demeure celui existant en cas de mutation à titre gratuit entre vifs. En revanche, les réductions de droit prévues par l'article 790 ne s'appliquent pas.
Ainsi, par exemple, en cas de décès du grand-père donateur, lorsque le second gratifié est un petit-enfant, ce dernier bénéficiera de l'abattement de 30 000 euros prévu à l'article 790 B et non de celui de 1 500 euros prévu au IV de l'article 788.
81.Lors de la seconde transmission, soit un nouvel acte est établi pour constater la réalisation de la condition, soit, s'il n'est pas dressé d'acte, il est admis que les parties présentent à l'enregistrement l'acte initial complété d'une mention indiquant la date de la seconde transmission.
82.Il est rappelé que le nouvel alinéa 3 de l'article 752 prévoit que la présomption de propriété prévue à l'alinéa 1 er n'est pas appliquée aux biens ayant fait l'objet d'une libéralité graduelle ou résiduelle (cf. supra).
C. LA RENONCIATION ANTICIPEE A L'ACTION EN REDUCTION
I. Dispositif civil
83.L'article 929 nouveau du code civil permet à tout héritier réservataire présomptif de renoncer à exercer une action en réduction dans une succession non ouverte. Cette renonciation anticipée doit être faite au profit d'une ou de plusieurs personnes déterminées, sans que celles-ci soient obligatoirement héritières. Cette renonciation peut porter sur la totalité de la réserve ou sur une partie seulement ou encore sur un bien déterminé.
84.La renonciation anticipée à l'action en réduction n'engage le renonçant que du jour où elle a été acceptée par celui dont il a vocation à hériter. Toutefois, l'article 930-1 du code civil précise que, quelles que soient ses modalités, la renonciation ne constitue pas une libéralité.
II. Incidences fiscales
85.L'article 756 bis inscrit dans le code général des impôts le principe posé par l'article 930-1 du code civil précité en précisant que cette renonciation anticipée à l'action en réduction n'est pas soumise aux droits de mutation à titre gratuit.
Par ailleurs, il est précisé que l'article 930 du code civil dispose que la renonciation anticipée à l'action en réduction est établie par acte authentique spécifique reçu par deux notaires. En conséquence, l'acte constatant la renonciation anticipée à l'action en réduction devra être enregistré au droit fixe prévu à l'article 680 dans le délai d'un mois suivant sa date, conformément aux dispositions de l'article 635.
D. AMENAGEMENT DES REGLES RELATIVES AU TESTAMENT-PARTAGE
I. Dispositif civil
86.Le testament-partage est un acte par lequel le testateur procède, pour le moment où il ne sera plus, à la répartition entre ses héritiers des biens de son patrimoine.
87.L'article 1079 du code civil dispose que le testament-partage ne produit que les effets d'un partage. Ses bénéficiaires ont la qualité d'héritier et ne peuvent renoncer à se prévaloir du testament pour réclamer un nouveau partage de la succession.
88.Le bénéficiaire qui n'a pas reçu un lot égal à sa part peut exercer l'action en réduction.
89.Jusqu'à la loi du 23 juin 2006 précitée, seul un ascendant pouvait procéder au règlement de sa succession future par voie de testament-partage au profit de ses descendants.
90.La loi du 23 juin 2006 précitée a modifié la rédaction des articles 1075, 1079 et 1080 du code civil, afin que toute personne puisse rédiger un testament-partage pour la répartition de ses biens entre ses héritiers présomptifs lors de sa succession. Les héritiers présomptifs sont ceux qui, au jour de l'acte, et si le disposant décédait à cette date, seraient héritiers légaux.
II. Incidences fiscales
91.Après le décès du testateur, les biens échus aux bénéficiaires d'un partage testamentaire sont assujettis aux droits de mutation à titre gratuit dans les conditions ordinaires.
92.De plus, les partages testamentaires étant, en droit civil et en droit fiscal, de véritables partages, ils donnent lieu au droit proportionnel de partage prévu par l'article 746 et non au droit fixe, comme les testaments ordinaires.
93.Les règles applicables pour la liquidation de l'imposition sont celles prévues en matière de partages de succession.
94.Les biens doivent être évalués au jour du décès du testateur et lorsqu'un partage testamentaire a fait l'objet d'un dépôt au rang des minutes d'un notaire, rien ne s'oppose à ce que la déclaration estimative soit souscrite au pied de l'acte de dépôt, soit par les héritiers ou par l'un d'eux, soit même par le notaire s'il se porte fort pour les héritiers.
95.Aucune réduction de droits, analogue à celle prévue par l'article 790 en faveur des donations-partages, ne peut cependant être appliquée.
96.Les partages testamentaires obéissent au régime spécial des partages de succession et, de ce fait, les soultes ne sont ni soumises au droit de mutation à titre onéreux, ni déductibles, pour la perception du droit de partage.
97.Les partages testamentaires ne sont soumis obligatoirement à la formalité qu'après le décès du testateur et le délai imparti est celui prévu pour les testaments.
98.Or, en application des dispositions de l'article 636, les testaments établis sous la forme authentique ou déposés chez un notaire doivent être enregistrés dans les trois mois du décès.
99.L'article 45 de la loi de finances rectificative pour 2006 ajoute un alinéa à l'article 636 précité afin de porter le délai d'enregistrement des testaments-partages à six mois à compter du décès du testateur pour les testaments-partages déposés chez les notaires ou reçus par eux.
Le délai d'enregistrement des testaments-partages est donc, à compter du 1 er janvier 2007, identique à celui prévu pour le dépôt des déclarations de succession (article 641).
100.S'agissant des partages testamentaires olographes non déposés par les testateurs chez les notaires, ils ne doivent être soumis à la formalité de l'enregistrement qu'à compter de la date de leur dépôt, au rang des minutes des notaires, effectué par les héritiers. Cet enregistrement doit être effectué dans les six mois du dépôt.