SECTION 4 MOTIVATION DES AVIS OU DÉCISIONS DE LA COMMISSION DÉPARTEMENTALE DES IMPÔTS
SECTION 4
Motivation des avis ou décisions
de la commission départementale des impôts
Lorsqu'elle a délibéré, la commission départementale doit, en principe, selon le cas, prendre une décision ou rendre un avis, dont la nature et la portée varient (cf. M 26 ) mais qui sont soumis à des règles communes de fond et de forme exposées dans la présente section.
Aux termes de l'article R* 60-3 du LPF, l'avis ou la décision de la commission doit être motivé ( M 2541 ).
Il est notifié au contribuable par l'Administration ( M 2542 ).
Dans certains cas, la réunion de la commission départementale doit donner lieu à la rédaction d'un procès-verbal ( M 2543 ).
SOUS-SECTION 1
Motivation des avis ou décisions
L'obligation de motiver ses avis ou décisions qui s'impose à la commission départementale des impôts doit être analysée dans sa nature et quant à sa portée.
Le défaut de motivation, ou son insuffisance, entraîne l'irrégularité de l'avis ou de la décision et son inopposabilité au contribuable.
A. NATURE DE LA MOTIVATION
1L'obligation qui est faite à la commission départementale des impôts de motiver ses avis ne peut être comprise comme celle de fournir au contribuable un moyen de reconstituer mathématiquement les chiffres retenus mais comme celle de faire connaître la nature et le montant des divers rehaussements apportés au bénéfice déclaré et d'indiquer, pour chacun desdits rehaussements, l'ensemble des raisons qui ont emporté la conviction des commissaires, notamment en ce qui concerne les termes de comparaison utilisés, de sorte que l'intéressé soit en mesure de les discuter devant le juge de l'impôt.
2Si aucune disposition n'oblige la commission à viser et analyser dans son avis les observations qui lui ont été présentées par le contribuable (CE, arrêts du 4 juin 1960, req. n° 46808, RO, p. 102 et du 18 décembre 1968, req. n° 74459, RJ, 2ème partie, p. 271), ce dernier doit être, notamment, informé :
- des motifs et procédés généraux sur lesquels elle s'est fondée pour rejeter une comptabilité et reconstituer le bénéfice ou le chiffre d'affaires retenu ;
- des éléments d'appréciation utilisés par cet organisme pour arrêter un forfait.
31. A ainsi été jugée insuffisante la motivation d'avis ou de décisions :
- se bornant à énumérer des rehaussements sans fournir la moindre justification (CE, arrêt du 3 juin 1964, req. n° 55006, RO, p. 108 et du 23 avril 1965, req. n° 64947, RO, p. 328) ;
- se référant purement et simplement, sans l'analyser, à un rapport de vérification qui n'a pas été communiqué au contribuable (CE, arrêt du 19 mars 1969, req. n°s 64119 et 72313, RJ, 2e partie, p. 41) ;
- faisant uniquement référence aux « conditions d'exploitation » de l'entreprise (CE, arrêt du 28 janvier 1966, req. n° 65418, RO, p. 43) ;
- se limitant à indiquer un pourcentage « préconisé » par l'inspecteur, alors d'ailleurs que celui-ci avait déclaré avoir fixé ce pourcentage par référence aux comptes d'exploitation d'entreprises similaires, sur l'identité et la nature desquelles aucune précision n'a été fournie (CE, arrêt du 9 juin 1971, req. n° 74856, RJ, n° IV, p. 88) ;
- se bornant, sans expliquer les raisons de son choix, à indiquer des taux d'amortissement d'immeubles ou d'installations, ou le montant des prélèvements en nature et des frais de voiture à réintégrer dans le bénéfice imposable (CE, arrêt du 10 avril 1974, req. n° 88037, RJ, n° IV, p. 45) ;
- se contentant, à propos de désaccords relatifs au montant des rémunérations allouées à des dirigeants de sociétés, de faire une appréciation globale des rémunérations de plusieurs dirigeants (CE, arrêts du 2 mai 1961, req. n° 45065, RO, p. 344 et du 17 mars 1976, req. n°s 91094 et 91847) ou, a fortiori, d'indiquer les chiffres auxquels il conviendrait de ramener lesdites rémunérations (CE, arrêt du 18 février 1976, req. n° 98297) ;
- se bornant à apprécier globalement les rémunérations versées par une société à deux de ses dirigeants, sans examiner, de façon distincte, la rémunération de chacun d'eux en fonction de son rôle personnel au sein de la société (CE, arrêt du 30 octobre 1981, n° 19037).
42. En revanche, ont été jugés suffisamment motivés les avis ou décisions :
- qui adoptent, après les avoir analysés, les motifs circonstanciés sur lesquels le service s'est fondé pour procéder à un rehaussement (CE, arrêt du 19 mars 1969, req. n°s 64119 et 72313 RJ, 2ème partie, p. 41 et du 21 juillet 1972, req. n° 72508, RJ, n° IV, p. 51) ;
- qui, en matière de rémunérations de dirigeants, se fondent sur l'importance de l'entreprise, de son chiffre d'affaires ou de ses bénéfices, ainsi que sur la compétence et les responsabilités des dirigeants en cause (CE, arrêts du 22 décembre 1969, req. n° 75612, et du 14 avril 1970, req. n°s 75687 et 75688, RJ, n° IV, p. 62) ;
- qui, pour écarter, comme dépourvue de valeur probante, une comptabilité et entériner le redressement de bénéfice brut proposé par l'Administration, fait référence à un rapport détaillé de celle-ci, qui avait été communiqué au contribuable (CE, arrêt du 5 novembre 1971, req. n° 77471) ;
- qui, en matière d'évaluation administrative ou de forfait, s'appuient sur l'importance des achats utilisés, les moyens en personnels mis en oeuvre et les tarifs pratiqués (CE, arrêt du 10 avril 1974, req. n° 88134, RJ, n° IV, p. 49) ou bien précisent les modalités de détermination des recettes et des frais professionnels (CE, arrêt du 20 octobre 1971, req. n° 80900, RJ, n° IV, p. 128).
5Sous réserve des précisions exposées ci-après n°s 7 et suivants , la commission n'est pas liée :
- par les avis qu'elle aurait émis précédemment sur la même question au sujet des bénéfices des années antérieures (CE, arrêt du 11 décembre 1957, req. n° 31876, RO, p. 479) ;
- ni par le détail de l'argumentation des parties, car elle a la faculté de se fonder sur des motifs non invoqués par celles-ci (CE, arrêt du 22 décembre 1967, req. n° 70027, RJ, 2ème partie, p. 258).
6Enfin, la régularité de l'avis ou de la décision de la commission n'est pas altérée par la circonstance :
- qu'elle aurait mal apprécié les éléments d'information dont elle disposait (CE, arrêt du 11 décembre 1974, req. n° 90491) ;
- ou qu'elle aurait commis une erreur de raisonnement dans l'appréciation du bénéfice litigieux (CE, arrêt du 1er octobre 1975, req. n° 93194, RJ, n° IV, p. 59).
B. PORTÉE DE LA MOTIVATION
71. Lorsqu'elle est appelée à fixer le bénéfice imposable d'un contribuable, la commission est liée par les prétentions respectives des parties et ne peut se prononcer que dans les limites ainsi définies. En arrêtant ledit bénéfice à un chiffre supérieur à celui proposé en dernier lieu par l'Administration, elle prend une décision irrégulière qui vicie la procédure d'imposition forfaitaire. L'imposition consécutive à cette décision doit être allouée en décharge (CE, arrêt du 12 juillet 1969, req. n° 73784, RJ, 2ème partie, p. 100).
82. L'appréciation de la commission doit demeurer dans le cadre juridique délimitant le litige. Ainsi, l'avis qu'elle rend sur le caractère exagéré des rémunérations versées par une société à l'un des associés, qualifié par l'Administration de dirigeant est inopposable à ce dernier s'il est établi que l'intéressé exerçait en réalité les fonctions de représentant de commerce et qu'ainsi la commission s'est prononcée dans le cadre d'une situation juridique inexactement définie (CE, arrêt du 10 juillet 1974, req. n° 87905, RJ, n° IV, p. 94).
D'une façon générale, lorsque la commission se méprend sur l'objet même du désaccord, ou croit devoir émettre une opinion sur des impositions dont elle n'a pas été saisie, son intervention ne peut être considérée comme régulière (CE, arrêts du 15 juin 1949, req. n° 91632, RO, p. 192 et du 4 juin 1960, req. n° 46808, RO, p. 102).
93. Le principe de l'indépendance des procédures d'imposition entraîne l'inopposabilité à un associé de l'avis rendu en ce qui concerne sa sociéié, lorsque celle-ci est passible de l'impôt sur les sociétés, dès lors que la commission n'a pas été saisie du différend concernant l'imposition personnelle de l'associé corrélative de celle de la société et que celui-ci n'a pas, bien entendu, accepté formellement ou tacitement, les redressements qui lui ont été notifiés en ce sens (CE, arrêts du 19 mars 1975, req. n° 91859, RJ-II, p. 44 et du 28 mai 1975, req. n° 92922 ; cf. aussi DB 13 M 2211, n°s 8 et 18 ).
10Mais ce même principe ne fait pas obstacle à ce que l'Administration retienne à l'égard du dirigeant des éléments d'appréciation ou termes de comparaison identiques à ceux qui ont été utilisés pour la société, dès lors qu'il n'est pas contesté que lesdits éléments ou termes ont été repris dans la procédure d'imposition conduite à l'encontre de l'intéressé et lui ont été communiqués afin qu'il soit en mesure d'en discuter le bien-fondé (CE, arrêt du 23 janvier 1974, req. n° 85592).
11En revanche, le principe de l'indépendance des procédures d'imposition ne s'applique pas aux personnes morales non passibles de l'impôt sur les sociétés. En effet, la procédure de vérification des déclarations des sociétés visées à l'article 8 du CGI est, en vertu de l'article 60 du même code, suivie directement entre l'Administration et lesdites sociétés. Aussi, lorsqu'une association en participation n'a pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux et que, par suite, ses associés sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans l'association, l'avis rendu à l'égard de cette dernière par la commission départementale est opposable à tous les associés en ce qui concerne l'impôt sur le revenu auquel ils sont personnellement assujettis (CE, arrêt du 20 février 1974, req. n° 83452, RJ, n° IV, p. 36).