Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3312
Références du document :  13E3312

SOUS-SECTION 2 MISE EN MOUVEMENT ET EXERCICE DE L'ACTION

b. Transaction

26La poursuite de contraventions aux lois sur les contributions indirectes ne peut être faite d'office par le ministère public ; elle appartient exclusivement à l'Administration, qui a le droit incontestable de s'abstenir ou de transiger en tout état de cause (TGI poursuites correctionnelles, n° 26 ; Cass. crim., 1er avril 1837, Mém., 15, p. 72, Bull. crim., 97, S. 37-1-1900, D. 37-1382 ; Ann. des contr. ind., 38-1-29 ; Trescase chr. 1837-1-270)

En matière de contributions indirectes, c'est à l'Administration, et non au ministère public qu'appartient l'initiative des poursuites et la faculté d'en suspendre les effets (TGI poursuites correctionnelles, n° 32 ; Cass. crim., 12 août 1853, Mém., 18, p. 205, Bull. crim. 402, S. 53-1-788, D.54.1.48).

L'action est exercée par la DGI d'après les formes qui lui sont propres. Maître de l'action, cette administration l'exerce librement dans la mesure qui lui convient ; elle a donc le droit exclusif 1 de transaction (Cass., 22 décembre 1888, S. 89-1-237, D. 89-1-83 ; Journal des Cl, 21 avril 1889-200 ; Bull. crim. 1888-383).

L'Administration peut donc arrêter les poursuites par transaction sans le concours du Parquet (Cass. crim., 25 août 1827, TGI poursuites correctionnelles, n° 19, Mém., 12, p. 415 et Cass. crim, 12 août 1803, TGI poursuites correctionnelles, n° 31. Mém., 18, p. 205, précités).

D'une façon plus générale, l'Administration demeure libre de donner suite, ou non, à une transaction en cours (cf. crim., 18 octobre 1957, RJCI, p. 164).

c. Appel

27Le ministère public ne peut relever appel du juqement qui, sur la poursuite de l'Administration, a relaxé le prévenu (TGI poursuites correctionnelles, n° 44, Cass. crim., 10 juin 1882, Bull. crim., 144, déjà cité n° 22 ci-dessus).

L'appel du ministère public est sans effet sur la poursuite fiscale lorsque l'Administration a été partie dans la cause et, (de même que le prévenu) n'a pas relevé appel de la décision des premiers juges (Cass. crim., 21 novembre 1977, RJCI, p. 197).

De même le parquet ne peut interjeter appel à minima d'un jugement qui a condamné les contrevenants, lorsque ces derniers n'avaient encouru que des condamnations pécuniaires (CA Dijon, 29 janvier 1877, Mém. 19-331 ; Cass. crim., 10 juin 1882, ci-dessus n° 17 ).

Lorsqu'une infraction fiscale est punie seulement de peines pécuniaires la DGI a seule qualité pour exercer la poursuite, et son appel fait obligation à la Cour de prononcer les peines prévues par la loi dès lors que la culpabilité du prévenu est établie (Cass. crim., 16 octobre 1957, précitée, n° 17).

Enfin il a été jugé que viole les articles 1867 et 1868 du CGI et entache de nullité la procédure suivie devant elle, la Cour d'appel qui statue, en méconnaissance des droits de l'administration des Impôts, sur une infraction fiscale dont elle n'a pas été régulièrement saisie (Cass. crim., 27 février 1979, *2 L. 2-79).

d. Pourvoi en cassation

28Le ministère public n'a pas le droit de poursuivre les contraventions aux lois sur les contributions indirectes lorsqu'elles ne sont punies que d'une simple amende. Il est, dès lors, irrecevable à se pourvoir en cassation étant non recevable à poursuivre (Cass. crim., 4 novembre 1898, TGI poursuites correctionnelles, n° 52, BCI, 1900, 4, Bull. crim., 336 ; Cass. crim., 1er avril 1837, TGI poursuites correctionnelles, n° 26, Mém., 15, p. 72, Bull. crim. 97 537, n° 900, D. 37-1-382).

Il en est ainsi, alors même que le ministère public poursuivrait simultanément un délit de droit commun, dès l'instant que les éléments constitutifs du délit et de la contravention ne seraient pas identiques (Cass. crim., 12 mai 1910, Bull. crim., 254, 24 janvier 1929, BCI, 1929, n° 5, Bull. crim, 29).

En revanche, l'Administration a qualité pour se pouvoir en cassation contre une décision ayant statué à larequête du ministère public, en dehors d'elle, sur une infraction fiscale punie seulement de peines pécuniaires qu'il lui appartient exclusivement de poursuivre (Cass. crim., 17 février 1979)

e. Autorité de la chose jugée (non bis in idem)

29Si des poursuites ont été intentées à tort par le ministère public et que le contrevenant ait été relaxé, la DGI, qui, seule a qualité pour poursuivre en cette matière peut actionner de nouveau ce contrevenant sans qu'il y ait violation de la maxime non bis in idem (CA Rennes, 9 décembre 1846, D.47.4.112, Ann. des contr. ind., 48-49-158, précité, n° 24).

S'il est loisible à l'Administration, lorsque les mêmes faits donnent naissance à la fois à des poursuites pénales de droit commun et à des poursuites fiscales, d'intervenir aux côtés du ministère public (cf. E 3312, n°s 48 et suiv. ) pour demander à la juridiction répressive la condamnation d'un prévenu aux pénalités fiscales dont elle a seule qualité pour réclamer l'application, elle n'en conserve pas moins le droit d'agir seule, indépendamment du ministère public (Cass crim., 11 février 1975 (aff. X... ), Bull. crim., 44, p. 120, RJCI, p. 47 ; 17 octobre 1977, RJCI, p. 157).

Il est certes conforme à une bonne administration de la justice que l'Administration joigne son action à celle du ministère public chaque fois qu'il y a connexité et, à fortiori très étroite connexité, entre les infractions fiscales et les infractions de droit commun (cf. E 3312, n°s 48 et suiv. ). Aussi bien, l'Administration a-t-elle toujours pris pour règle de le faire. Mais aucune disposition de droit positif ne lui interdit d'exercer des poursuites séparées ; en particulier, rien ne s'oppose à ce qu'elle défère le contrevenant à la juridiction correctionnelle après décision définitive sur l'action publique. La jurisprudence de la Cour de cassation s'est, après quelques hésitations à la fin du XIXe siècle, nettement fixée en ce sens.

Cf. notamment : (Cass. crim, 15 octobre 1840, Bull. crim., 304, p. 434 ; Cass. rejet, 24 septembre 1908, Bull. crim., 390, p. 730 ; Cass. crim. rejet, 26 mars 1920, BCI, 17, p. 98 ; Cass. rejet, 22 décembre 1937, BCI, 1938, 4, p. 98 ; Cass. rejet, 26 mai 1944, TGI poursuites correctionnelles, n° 122, RJCI, 35, p.71 ; Cass. rejet, 19 mai 1969, RJCI, p. 66 et les nombreux arrêts cités).

Cf. dans le même sens : (Cass. crim., 27 janvier 1976, (aff. R...), RJCI, 1976, p. 48 ; Cass. crim., 10 mars 1976 (aff. L..., M... et société G...). Il s'agit en effet de faits constituant à la fois une infraction de droit commun et une infraction fiscale, aussi l'autorité de la chose jugée ou, plus exactement la règle non bis in idem ne peut faire obstacle à l'exercice par l'Administration de poursuites séparées, parce que son action se distingue de celle du ministère public non seulement par sa cause - élément légal de l'infraction - mais aussi par son objet répressif et réparateur (cf. note sous arrêt).

  IV. Saisine du tribunal correctionnel

30Dans le cadre de ses atributions, la DGI, seule partie poursuivante, a le droit exclusif de mettre l'action fiscale en mouvement et de l'exercer.

En général, les infractions fiscales punies exclusivement de sanctions fiscales pécuniaires sont d'abord relevées par procès verbal. Ensuite le tribunal peut être saisi par la citation délivrée directement au prévenu, conformément aux dispositions de l'article 388 2 du Code de Procédure pénale (cf. E 333 , assignation).

En effet, en matière de contributions indirectes, le tribunal correctionnel est complètement saisi de l'affaire par une assignation donnée au nom de l'Administration (Cass., 13 mai 1808).

  C. MINISTERE PUBLIC ET ADMINISTRATION ACTION PUBLIQUE ET ACTION FISCALE - INDEPENDANCE

31Ainsi qu'il a été précisé ci-avant n° 8 , l'action en justice devant le tribunal correctionnel, peut être exercée par le ministère public (action publique) et par l'Administration (action fiscale).

C'est là une première exception à la compétence exclusive de l'Administration pour l'exercice de l'action en justice (cf. ci-dessus n°s 9 et suiv. ). Toutefois l'action publique et l'action fiscale demeurent - sauf exception - indépendantes.

32L'exercice de l'action en justice est partagé entre l'Administration et le ministère public lorsque, s'agissant toujours de contraventions purement fiscales, celles-ci sont punies à la fois par des peines de droit commun 3 (dont l'emprisonnement) au plan pénal (action publique), et par des peines pécuniaires au plan fiscal (action fiscale).

  I. Action publique et action fiscale - Indépendance

33Selon un principe fondamental du droit pénal le ministère public exerce seul l'action publique qui tend à l'application d'une peine de droit commun (dont la peine d'emprisonnement, même lorsque cette peine est édictée par la loi fiscal).

En principe la mise en mouvement de l'action appartient à l'Administration comme dans les cas où des peines pécuniaires sont seules encourues, mais en ce qui concerne l'exercice de l'action, le ministère public joue, normalement, un rôle prépondérant.

C'est cette prérogative du ministère public qui justifie la première exception à la compétence exclusive de l'Administration pour l'exercice de l'action en justice ; celle-ci ne concerne en effet que les infractions constatées en matière de contributions indirectes qui sont uniquement passibles de peines pécuniaires. Ainsi qu'il a été précisé ci-avant, l'Administration a, dans ce cas, seule le droit d'exercer l'action à l'exclusion du ministère public qui ne peut d'office poursuivre ces contraventions (cf. ci-dessus 3312, n°s 9 et suiv.).

Au cas particulier, il s'agit encore de contraventions purement fiscales - de simples contraventions fiscales mais, qui, contrairement aux infractions susmentionnées n° 10, sont punies indépendamment de peines pécuniaires (amende, confiscation) d'une peine d'emprisonnement ; ces faits délictueux comportant l'application de deux séries de peines de nature différentes donnent corrélativement naissance à deux actions indépendantes - sauf, le cas échéant, décision « prétorienne » de l'Administration mettant fin à sa propre action.

Si l'infraction purement fiscale passible à la fois de peines pécuniaires et de peines de droit commun est déférée au tribunal de grande instance statuant au correctionnel, l'action fiscale exercée par l'Administration est indépendante de l'action publique exercée par le Parquet.

En effet, les amendes et confiscations, qui tendent à réparer le préjudice causé au Trésor par la fraude, ont un caractère mixte de réparation civile et de peine ; au contraire, la peine d'emprisonnement (sanction pénale) à caractère exclusivement répressif et personnel, reste dans le domaine du ministère public et doit être requise par le Parquet seul, à l'exclusion de l'Administration.

L'action de l'Administration, au cas particulier, se rapproche sur certains points de celle d'une partie lésée (réparation civile) visée à l'article 1er du Code de procédure pénale (cf. 3312-72, Administration partie civile), l'action du ministère public étant semblable à celle d'une partie jointe, le Parquet ne pouvant agir que pour requérir la peine d'emprisonnement.

34L'indépendance de l'action publique et de l'action fiscale est confirmée par la jurisprudence :

- « Les amendes prononcées en matière de contributions indirectes, tendant à réparer le préjudice causé au Trésor par la fraude, ont un caractère mixte de réparation civile et de peine. Par suite, l'action de la DGI (contributions indirectes), qu'elle soit exercée par voie de citation directe ou accessoirement à l'action publique, est indépendante de cette dernière. Spécialement, la poursuite de l'action publique ne peut faire revivre l'action fiscale, lorsqu'elle a cessé d'exister par un acquiescement formel ou tacite résultant du défaut d'appel dans les délais légaux.

- Encourt, dès lors, la cassation, l'arrêt qui, sur le seul appel du ministère public, essentiellement étranger aux intérêts civils, relaxe un prévenu que le tribunal correctionnel avait condamné à diverses pénalités fiscales, sous prétexte que les faits reprochés étaient passibles d'une peine de prison que le ministère public avait seule qualité pour requérir » (Cass. crim, 10 juillet 1963 - cass. part. -, RJCI, 18, p 13, Bull. crim., 250, p. 526, aff. X...  ; Cass. crim, 7 octobre 1964 concerne la même affaire citée ci-dessous, RJCI, 17, p. 56).

- L'action fiscale exercée par la DGI (contributions indirectes) est distincte de l'action publique ; les amendes et confiscations constituent, en effet, la réparation du préjudice causé à l'État par la contravention.

Il découle de ce principe que les juges d'appel peuvent valablement, sur le seul appel de l'Administration, prononcer les condamnations fiscales, nonobstant une décision de relaxe devenue définitive sur l'action publique (Cass crim., 10 mars 1965, Aff dame X... , RJCI, 9, p. 32 Référence DGI : sous-direction IV A D, bureau IV D 1, n° 4445, cass.).

- Le ministère public a seul le droit de requérir une peine d'emprisonnement, même lorsque cette peine est « prévue »par les lois fiscales (TGI poursuites correctionnelles, n° 13, Cass. crim., 23 février 1811, Mém., 11, n° 139, Bull. crim., 29, Trescaze Chr., 1-393 ; Cass crim., 2 mars 1903, Bull. crim., n° 62 ; Cass. crim., 6 janvier 1905, Bull. crim., n° 5, BCI, 16).

L'Administration n'a d'action que relativement aux condamnations qu'il peut y avoir lieu de prononcer dans son intérêt particulier, et c'est au ministère public seul qu'il appartient de provoquer la « vindicte publique » et de conclure à l'application des articles du Code pénal (peine d'emprisonnement).

- Considérant que l'arrêt attaqué a adjugé à la DGI tout ce qu'elle avait droit d'exiger dans l'intérêt particulier du fisc relatif à la matière ; que la loi ne l'ayant pas autorisée à provoquer la vindicte publique pour la répression des délits et des crimes, il s'ensuit qu'elle est mal fondée à se plaindre de ce que les peines établies par la loi, à cet égard, n'auraient pas été appliquées.

La Cour rejette le pourvoi de l'Administration (arrêt du 10 juillet 1963, Indépendance de l'action fiscale vis-à-vis de l'action publique ; cf. n° 45 ).

35En général, l'Administration met en mouvement l'action fiscale pour obtenir l'application de sanctions pécuniaires. Mais l'action publique doit être exercée, sur la demande de la DGI par le parquet qui, agissant comme partie jointe requiert uniquement l'application de sanctions pénales.

36Bien entendu, l'exercice de l'action fiscale appartient exclusivement à l'Administration qui peut arrêter l'affaire contentieuse en transigeant avec le prévenu, en obtenant, éventuellement, l'accord de principe de l'autorité judiciaire, tant que n'est pas intervenue une décision irrévocable de justice (CGI, art, 1879 et 1965-I).

En matière de contributions indirectes, la transaction s'applique en effet à l'égard des pénalités fiscales légalement encourues lorsque ces pénalités n'ont pas été prononcées par un jugement irrévocable, c'est-à-dire tant que l'on n'est pas en présence d'une décision passée en force de chose jugée ; ce contrat porte aussi bien sur les peines corporelles que sur les peines pécuniaires (Cass. crim., 26 mars 1830, mém., 12-447 ; 25 janvier 1918, Bull. crim., n° 23 ; 12 mai 1939, BCI, 15).

La transaction produit tous ses effets, que la simple contravention fiscale soit indépendante ou liée à une infraction de droit commun ; bien entendu dans cette dernière situation la transaction n'a aucun effet sur l'action publique née du chef de l'infraction de droit commun.

La transaction arrêtant toutes les poursuites sur les peines pécuniaires (action fiscale), éteignant l'action du ministère public et soustrayant les contrevenants à la peine d'emprisonnement il est, en pratique, inopportun de conclure une transaction concernant les pénalités relatives à des infractions fiscales connexes ou concomitantes à des délits de droit commun 4  ; cependant lorsque, par suite notamment d'un changement survenu ou prévisible, dans la situation du contrevenant, l'intérêt manifeste du Trésor public serait d'aboutir à un règlement rapide de l'affaire, le directeur des services fiscaux peut envisager de conclure une transaction soit avant, soit même après la mise en mouvement de l'action judiciaire mais, dans ce dernier cas, à la condition d'avoir, au préalable, obtenu l'accord de principe de l'autorité judiciaire.

37Au surplus, l'Administration est libre de saisir ou de ne pas saisir le Parquet, même si la peine d'emprisonnement est prévue.

Quelles que soient les modalités de procédure adoptées, l'Administration (qu'elle soit partie principale ou partie jointe, etc.) est maîtresse de l'action qu'elle exerce librement dans la mesure qui lui convient.

Il est à noter que, dans certains cas, l'initiative de l'action en justice a été attribuée expressément par la loi 5 au ministère public (fraude sur les tabacs) ; l'Administration intervient alors dans l'instance comme partie civile pour demander l'application des peines pécuniaires (cf. ci-après n°s 72 et suiv. ). Toutefois si le Parquet renonce à exercer son action, l'Administration a la possibilité de suivre l'affaire du point de vue fiscal afin d'obtenir l'application des pénalités.

1   Cf. cependant l'article 16 de la loi du 29 décembre 1977 et BODGI, instruction du 5 juin 1978 * 13 O-2-78

2   Article 388 du Code de procédure pénale (loi n° 75-70 du 6 août 1975 : « Le tribunal correctionnel est saisi des infractions de sa compétence soit par le... soit par la citation délivrée directement au prévenu et aux personnes civilement responsables de l'infraction... ».

3   Différence avec le n° 9 ci-dessus (Administration seule) où les procès-verbaux constatent une simple contravention fiscale ne comportant que l'application de peines pécuniaires (amendes, confiscation).

4   Et a fortiori si elles constituent des délits de droits commun.

5   Le texte de base est, en la matière, l'article 39 de la loi du 31 Mars 1903 ; il fait référence aux dispositions de la loi du 28 Avril 1816, reprises pour la plupart à l'article 1810-10° du CGI.