Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E3312
Références du document :  13E3312

SOUS-SECTION 2 MISE EN MOUVEMENT ET EXERCICE DE L'ACTION

  E. AMINISTRATION PARTIE CIVILE

  I. Principes

70L'action civile devant le tribunal correctionnel est celle que peut exercer une personne lésée par une infraction pénale.

Il s'ensuit que cette action en justice ne peut être envisagée qu'autant que le dommage prend sa source dans un crime, un délit ou une contravention.

L'Administration, comme toute personne lésée, a la possibilité d'exercer l'action civile en demandant au tribunal correctionnel la réparation du dommage que lui ont causé certaines infractions.

Compte tenu de ce qui est indiqué ci-dessus, elle peut exercer l'action civile dans deux cas :

- lorsqu'une infraction purement fiscale est punie simultanément de peines fiscales pécuniaires et de peines de droit commun ;

- lorsqu'un fait unique constitue à la fois une infraction pénale et une infraction fiscale (infractions mixtes).

Dans ces deux cas, l'action de l'Administration s'exerce dans les mêmes conditions que celles d'une partie civile ordinaire, exposées ci-après.

L'Administration peut ainsi :

- soit citer directement le prévenu devant le tribunal, ce qui a pour effet de saisir celui-ci simultanément de l'action civile et de l'action publique ;

- soit se constituer partie civile dans la poursuite engagée par le ministère public.

C'est la troisième exception à la compétence exclusive de l'Administration pour l'exercice de l'action fiscale (cf. ci-dessus, n°s 9 et suiv. ).

1. Citation directe

71En vertu des articles 1 et 2 1 du Code de Procédure pénale, la partie lésée peut mettre en mouvement l'action publique pour obtenir réparation du dommage causé par une infraction pénale.

Elle peut citer directement le prévenu devant le tribunal correctionnel (art. 388, 392, 550, al. 1, 551 du Code de Procédure pénale). Elle devient partie civile au procès pénal et met en mouvement l'action publique et l'action civile.

L'Administration, en vertu de ces mêmes articles, peut, comme toute partie civile, mettre en mouvement l'action publique et citer directement le prévenu devant le tribunal en vue de requérir les condamnations fiscales (Cass. crim. 20 mars 1914, BCI, 1914, n° 16 ; 1er février 1918, Gaz des tribunaux, 1919, p. 21 ; 17 juillet 1920, BCI, n° 23, 7 janvier 1922, BCI, n° 10 ; 16 juin 1927, BCI, 1927, n° 16 ; 7 juin 1939, BCI, 15, Bull. crim. 122 ; 14 avril 1943, BCI, 20, Bull. crim., 29).

2. Constitution de partie civile

72En droit commun, la constitution de partie civile peut se faire sous forme de plainte ou sous forme d'intervention (art. 85, 87, 418 et 419 du Code de Procédure pénale).

Ces règles sont applicables à l'Administration.

a. Plainte avec constitution de partie civile

73Aux termes de l'article 85 du Code de Procédure pénale, toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent.

De même que la citation directe, la plainte avec constitution de partie civile met en mouvement l'action publique et l'action civile.

74En ce qui concerne l'Administration, la constitution de partie civile est, en outre, prévue par l'article 1753 bis du CGI qui dispose que « dans le cas d'information ouverte par l'autorité judiciaire sur la plainte fiscale en matière de droits, taxes, redevances et impositions de toute nature visées au présent code, cette administration peut se constituer partie civile ».

L'Administration se constitue implicitement partie civile par la transmission au Parquet du procès-verbal dressé par ses agents accompagné d'une demande tendant à être avisée de la suite donnée afin de pouvoir intervenir s'il y a lieu pour requérir l'application des pénalités fiscales (assimilation à une plainte, art. 85 du Code de Procédure pénale).

TGI poursuites correctionnelles, n° 107 ; Cass. crim., 15 mars 1939, BCI, 12 ; Bull. crim., 55 ; TGI partie civile, n° 4, même arrêt, et Cass. crim., 7 juin 1939, BCI, 15 ; Bull. crim., 120 ; Cass. crim., 8 novembre 1979, 2. L 29-80).

b. Intervention

75L'intervention est l'acte par lequel une personne étrangère à l'origine, du procès-verbal, mais lésée par l'infraction de droit commun, s'y présente pour obtenir réparation du dommage qui lui a été causé. En droit commun, l'intervention est régie par les articles 87, 418 et 419 du Code de Procédure pénale 2 .

Lorsque le ministère public a engagé l'action publique, la partie lésée par l'infraction de droit commun peut se constituer partie civile par voie d'intervention.

L'intervention de la partie civile n'est soumise à aucune forme particulière. Elle peut être faite avant l'audience au greffe ou pendant l'audience par déclaration consignée par le greffier ou par dépôt de conclusions (art. 419 du Code de Procédure pénale). En tout état de cause elle peut avoir lieu à tout moment au cours de l'instruction, jusqu'à la clôture des débats (art. 87 du Code de Procédure pénale) mais avant le prononcé du jugement (Cass. crim., 28 mai 1870).

Il est, toutefois, précisé qu'elle ne peut être reçue qu'en première instance (cass. crim., 24 mai 1833 et 17 mai 1841).

76Ces règles sont applicables à l'Administration qui peut intervenir au moyen de simples conclusions déposées à l'audience et sans citation préalable.

La production d'un procès-verbal à des fins fiscales n'est pas alors nécessaire, l'Administration profitant, au point de vue de la contravention, des preuves administrées par le ministère public (Cass. crim., 18 janvier 1877, Mém., 20-21 ; 5 avril 1895, JCI, 1898, p. 51 ; 29 novembre 1929, BCI, 1930, n° 2 ; 10 juin 1932, BCI, n° 15 ; 26 janvier 1939, BCI, n° 7 ; 21 octobre 1965, RJCI, n° 25).

3. Jugement du tribunal

77Le tribunal répressif, saisi à la fois de l'action civile et de l'action publique, doit statuer par un seul jugement sur les deux actions, puisqu'il ne peut connaître de l'action civile qu'accessoirement à l'action publique (art. 3 du Code de Procédure pénale) 3  ; il en est ainsi, alors même que le ministère public estimant la prévention mal fondée demanderait la relaxe du prévenu.

Le jugement de l'action civile est considéré comme l'accessoire du jugement de l'action publique (Cass. crim., 19 mai 1969, Bull. crim., n° 173).

4. Effets du non-lieu ou de la relaxe

a. Non-lieu

78Le juge d'instruction qui rend une ordonnance de non-lieu arrête l'action publique et l'action civile accessoire (art. 91 du Code de Procédure pénale), l'ordonnance de non-lieu qui intervient à la suite de l'instruction ouverte par le Parquet est opposable à l'Administration si, après signification régulière, celle-ci n' y a pas fait opposition ou si son opposition est rejetée (Cass. crim., 9 février 1912 ; BCI, n° 7, Bull. crim., n° 83 ; Trib. corr. de la Seine, 4 février 1905, Gaz. du Palais, 1905, p. 262 ; Cass. crim., 21 février 1946, BCI, 20, Bull. crim., 63).

b. Relaxe

79La juridiction qui acquitte la personne poursuivie ne peut pas prononcer une condamnation à des dommages-intérêts au profit de la victime, puisqu'elle ne peut statuer sur l'action civile qu'autant qu'elle reconnaît la culpabilité du prévenu au titre de l'action publique ; sur ce point, elle doit se déclarer incompétente.

En revanche, il ne saurait en être de même au regard de la Direction générale des Impôts qui, en joignant son action à celle du ministère public, poursuit la réparation d'un préjudice causé par une infraction fiscale et dès lors exerce une action dont la connaissance est attribuée aux tribunaux correctionnels (TGI action civile, n° 25 ; Cass. crim., 6 novembre 1957, Bull. crim., 708, p. 1278 ; arrêt rendu en matière de Douanes).

Lorsque l'Administration est intervenue dans la poursuite du ministère public pour une contravention fiscale fondée sur le même fait que le délit pénal, les tribunaux correctionnels restent compétents, en cas d'acquittement sur l'action publique, pour statuer sur l'action fiscale.

Dès lors, en effet, que l'article 90 de la loi du 5 ventôse an XII (LPF.art. L 235), attribue la connaissance de cette action à la juridiction correctionnelle, celle-ci demeure compétente alors même qu'elle n'aurait pas à constater l'existence d'un délit et à statuer sur l'action publique (Cass, crim., 15 décembre 1965, cassation partielle ; RJCI, 27, p. 94, Bull. crim., 275, p. 620).

Lorsque le Parquet renonce à poursuivre le délit pénal il arrête l'action publique et accessoirement l'action de la partie civile.

En revanche, l'Administration conserve l'existence de l'action fiscale relative à l'infraction fiscale. Elle peut demander au tribunal correctionnel l'application de sanctions fiscales pécuniaires.

5. Appel

80Les jugements rendus en matière correctionnelle peuvent être attaqués devant la Cour d'appel par la partie,civile, quant à ses intérêts civils seulement (art. 496, 497 et 515 du Code de Procédure pénale).

6. Cassation

81La partie civile peut former un pourvoi devant la chambre criminelle de la Cour de cassation contre les dispositions de la décision répressive qui font grief à ses intérêts civils (art. 567 du Code de procédure pénale).

7. Autorité de la chose jugée

82Exprimé par l'adage non bis in idem, le principe de l'autorité de la chose jugée au criminel sur le criminel est prévu par l'article 6, alinéa 1er, du Code de Procédure pénale, qui fait figurer la chose jugée parmi les causes d'extinction de l'action publique (cf. ci-après E 3352 , chose jugée).

Lorsque le tribunal répressif a statué à la fois sur l'action publique et sur l'action civile, la chose jugée éteint, en même temps, l'action publique et l'action civile : les délais d'exercice des voies de recours étant expirés, ou les voies de recours ayant été exercées et jugées, la décision rendue devient définitive et exécutoire.

8. Prescription

83En raison du lien qui existe entre l'action civile et l'action publique et qui tient à ce que l'action civile est une action en réparation d'un dommage qui résulte de l'infraction pénale, l'action civile s'éteint en même temps que l'action publique, en cas de prescription de l'action publique et de chose jugée au criminel (art. 10, al. 1 du Code de procédure pénale DB 13 E 161).

L'action fiscale, par contre, demeure indépendante de l'action publique même dans le cas où l'élément matériel de l'infraction est commun au délit pénal et à la contravention fiscale.

L'Administration conserve en conséquence le droit d'exercer des poursuites séparées, dans le cas d'extinction de l'action publique, contrairement à la partie ordinaire lésée par une infraction pénale.

C'est ainsi que le Service des contributions indirectes peut déférer un contrevenant à la juridiction correctionnelle après décision définitive sur l'action publique (Cass. crim., 11 février 1975).

L'action civile ne peut-être engagée après l'expiration du délai de prescription de l'action publique (art. 10 du Code de Procédure pénale ; cf. également DB 13 E 161).

9. Frais et dépens

84A la différence du ministère public qui ne peut dans aucun cas être condamné aux dépens, l'Administration qui a engagé des poursuites et qui succombe, est tenue de payer les frais de justice en cas d'acquittement du prévenu.

Un règlement d'administration publique détermine les frais qui doivent être compris sous la dénomination de frais de justice (art. 800 du Code de procédure pénale).

  F. INFRACTIONS PUREMENT FISCALES PUNIES DE PEINES DE DROIT COMMUN ET DES PEINES PÉCUNIAIRES FISCALES.

85Certaines infractions fiscales qraves sont répriméees non seulement par des sanctions fiscales pécuniaires prévues aux artic !es 1791 à 1804 du CGI, mais encore par des sanctions pénales complémentaires de droit commun.

Ces agissements délictueux ne relèvent pas du domaine d'attribution de la DGI.

  G. INFRACTIONS CONNEXES PROCÉDANT DE FAITS DISTINCTS (DROIT COMMUN ET DROIT FISCAL)

  I. Définition des infractions connexes

86Aux termes de l'article 203 du Code de Procédure pénale, « les infractions sont connexes :

- soit lorsqu'elles ont été commises en même temps par plusieurs personnes réunies ;

- soit lorsqu'elles ont été commises par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre elles ;

- soit lorsque les coupables ont commis les unes pour se procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l'exécution, ou pour en assurer l'impunité ;

- soit lorsque des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit ont été, en tout ou en partie, recelées ».

Cette énumération n'est pas limitative et la connexité s'applique dans les cas où il existe des rapports étroits analogues à ceux spécialement prévus par la loi (Cass crim, 6 décembre 1907, D. 1910-I 53, S. 1908-I 433).

La jurisprudence peut faire, en effet, une interprétation extensive d'une loi pénale de forme qui tend à assurer une meilleure administration de la justice répressive.

87D'une manière générale, les infractions connexes sont reliées entre elles par des points communs ; mais la jurisprudence a fait application des dispositions de l'article 203 du Code de procédure pénale (infractions connexes) qui apportent une dérogation aux règles normales de compétence en ce qu'elles permettent de soumettre à une seule et même juridiction plusieurs infractions entre lesquelles il existe un lien de connexité, où des délits ayant simplement entre eux des rapports étroits analogues à ceux expressément prévus par la loi.

L'article 387 du Code de Procédure pénale prévoit, en effet, que : « lorsque le tribunal est saisi de plusieurs procédures visant des faits connexes, il peut en ordonner la jonction, soit d'office, soit sur réquisition du ministère public, ou à la requête d'une des parties ».

L'Administration peut donc invoquer la connexité des délits.

La connexité permet, le cas échéant, de joindre les procédures et de réunir dans un même débat tous les individus inculpés de faits différents mais connexes. Le tribunal statue alors par un seul et même jugement sur les divers faits connexes.

En ce qui conceme les effets de la connexité sur la procédure devant le tribunal, il convient de se reporter à la subdivision E 3352 ci-dessous.

1   Article 2 du Code de Procédure pénale. « L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit, une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ».

2   Article 87 du Code de la procédure pénale « La constitution de partie civile peut avoir lieu à tout moment au cours de l'instruction ».

Article 418 du Code de procédure pénale. « Toute personne qui, conformément à l'article 2, prétend avoir été lésée par un délit, peut, si elle ne l'a déjà fait, se constituer partie civile, à l'audience elle-même.

3   Article 3. « L'action civile peut-être exercée en même temps que l'action publique et devant la même juridiction ».