Date de début de publication du BOI : 01/06/1978
Identifiant juridique : 12C5123
Références du document :  12C5123

SOUS-SECTION 3 RANG DU PRIVILÈGE DES TCA

SOUS-SECTION 3

Rang du privilège des TCA

  A. PRIORITÉ DU PRIVILÈGE DES TCA

1Aux termes de l'article 1920-1 du CGI le privilège du Trésor, en matière de contributions directes, s'exerce avant tout autre.

Selon l'article 1926 du CGI, le privilège des taxes sur le chiffre d'affaires a le même rang que celui énoncé à l'article 1920 au profit des contributions directes. Comme ce dernier il s'exerce donc « avant tout autre ». D'ailleurs, la doctrine admet que les privilèges du Trésor qui bénéficient d'une indication de priorité légale priment tous les privilèges généraux mobiliers du droit civil et les privilèges spéciaux mobiliers (cf. supra C 5112, n os1 et suiv. ).

Néanmoins le privilège des TCA est primé, dans certains cas, par celui de quelques créances bénéficiant de droits de préférence particuliers.

2Il s'agit :

- d'une part, de deux privilèges généraux : ceux des frais de justice et du superprivilège des salariés ;

- et d'autre part, de certains privilèges spéciaux dont notamment :

• le privilège des frais faits pour la conservation de la chose,

• le privilège du créancier nanti sur l'outillage et le matériel d'équipement,

• le privilège du créancier nanti sur les titres de la caisse de la reconstruction,

• le privilège du porteur de warrant commercial,

• le privilège de pluviôse,

• le privilège du sous-traitant

Ces deux catégories de privilège ont fait l'objet d'un exposé d'ensemble supra C 5112, n os28 et suivants.

Il conviendra de s'y reporter.

  B. CRÉANCES PRIMÉES PAR LE PRIVILÈGE DES TCA

  I. Privilèges généraux mobiliers prévus par le Code civil

3Sous réserve de ce qui a été précisé supra C 5112, n os28 et 30 à l'égard du privilège des frais de justice et du superprivilège des salariés, le privilège des taxes sur le chiffre d'affaires prime le privilège général mobilier institué au profit notamment :

- des frais funéraires (Code civil, art. 2101-2°) ;

- des frais de dernière maladie (Code civil, art. 2101-3°) ;

- des rémunérations de travail et de certains accessoires à ces rémunérations (Code civil, art 2101-4°, Cour de Rennes, 4 décembre 1924, S 1924-2-81, GP 1925-1-132).

  II. Privilèges généraux sur meubles institués par des textes particuliers

4Sont également primées par les taxes sur le chiffre d'affaires :

1° Les créances dont le recouvrement est assorti d'un privilège s'exerçant concurremment avec celui établi par l'article 2101-4° du Code civil ou prenant rang après ce privilège.

Ces créances comprennent notamment :

a. Les cotisations du régime général de la Sécurité sociale qui sont garanties pendant un an à dater de leur exigibilité par un privilège général mobilier prévu à l'article L 138 du Code de la Sécurité sociale et prenant rang concuremment avec celui des gens de service et celui des ouvriers établis respectivement par l'article 2101-4° du Code civil et par l'article 549 ancien du Code de Commerce (cf. art. 50 et 51 de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967) ;

b. Les cotisations dues à certains organismes au titre des régimes complémentaires de Sécurité sociale ;

c. Les cotisations recouvrées par les caisses au titre de l'allocation vieillesse des vieux salariés ;

d. Les cotisations perçues par les caisses mutuelles au titre de l'assurance maladie et de l'assurance maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (loi 509 du 12 juillet 1966, art. 38, décret 253 du 19 mars 1968) ;

e. Les cotisations dues aux caisses de congé en application des textes concernant les indemnités à accorder aux travailleurs du bâtiment et des travaux publics en cas d'intempéries et dont le recouvrement est garanti pendant un an par un privilège prenant rang immédiatement après celui des gens de service de l'article 2101-4° du Code civil (cf. art. L 143-8° du livre I er du Code du travail) ;

f. Les cotisations ouvrières et patronales du régime des assurances sociales agricoles versées aux caisses agréées dont le privilège, suivant l'article 1033 du Code rural, s'exerce concurremment avec celui établi par l'article 2101-4° du Code civil ;

g. Les redevances dues aux auteurs, compositeurs et artistes pour les trois dernières années à raison de la cession, de l'exploitation ou de l'utilisation de leurs oeuvres, le privilège dont elles sont assorties s'exerçant concurremment avec celui de l'article 2101-4° du Code civil (cf. art. 58, loi du 11 mars 1957) ;

2° Les créances fiscales bénéficiant des privilèges énumérés ci-après :

a. Le privilège des droits d'enregistrement et de timbre (CGI, art. 1929 ) ;

b. Le privilège des contributions indirectes et du service des alcools (CGI, art. 1927 ) ;

c. Le privilège des droits de douane (Code des Douanes, art. 379) :

d. Le privilège établi au profit du Trésor public pour le recouvrement des frais de justice en matière criminelle, correctionnelle et de police (loi du 5 septembre 1807, art. 2 et ordonnance n° 71 du 7 janvier 1959, art. 1 er ) qui s'exerce sur les meubles des condamnés après les privilèges désignés aux articles 2101 et 2102 du Code civil ;

e. Le privilège institué pour le recouvrement des amendes pénales (décret n° 1333 du 22 décembre 1964).

  III. Privilèges spéciaux sur meubles prévus à l'article 2102 du Code civil

5A la différence des précédents, ces privilèges portent, non sur un ensemble de meubles, mais sur un bien mobilier déterminé.

Sont notamment primés par le privilège des taxes sur le chiffre d'affaires :

1° Le privilège du bailleur d'immeubles visé à l'article 2102-1° (Cass. civ., 27 juillet 1925, GP 1925-2-561).

Ainsi, il a été jugé que le privilège prévu par l'article 1920 du CGI (et par conséquent celui de l'article 1926 du même code) au profit du Trésor public prime celui du bailleur d'immeuble sur les meubles garnissant les locaux.

Par contre, le loyer dû pour les locaux commerciaux pendant la période postérieure au jugement déclaratif de règlement judiciaire a le caractère d'une dette contractée pour la conservation du gage des créanciers.

Elle doit donc être considérée comme une dette de la masse et prime à ce titre les droits du Trésor 1 .

Mais ce caractère n'appartient pas au loyer du logement personnel du débiteur, ce logement n'étant pas indispensable à l'exploitation commerciale (Trib. civ., Strasbourg 25 septembre 1958, RJCI , 1958 n° 95) ;

2° Le privilège du créancier gagiste visé à l'article 2102-2° (Cass. civ., 26 octobre 1926, GP 1926-2-735 ; S 1927-1-49 ; Rappr. Cass. com., 13 avril 1972, Bull. civ. , IV n° 102, p. 101).

6L'exercice du privilège peut cependant se trouver paralysé par le droit de rétention dont sont titulaires les créanciers gagistes (cf. supra C 5112 n os43 et suiv. ).

Mais, le créancier gagiste ne peut exercer la sûreté réelle dont il est nanti qu'autant qu'il est resté en possession. Il perd dès lors son droit de rétention quand il provoque lui-même la vente du bien qui lui a été donné en gage et le prix de vente doit être réparti entre les créanciers suivant l'ordre des privilèges en présence (Cour de Paris, 11 mai 1959, RJCI , 59, p. 176).

De même, le créancier gagiste sur automobile qui donne son consentement à l'administrateur au règlement judiciaire pour la vente du véhicule perd de ce fait son droit de rétention et ne peut plus prétendre être désintéressé qu'au rang de son privilège 2 .

Le privilège dont l'Administration dispose, en vertu de l'article 1926 du CGI, pour le recouvrement des taxes sur le chiffre d'affaires est préférable à celui du créancier gagiste (Cour de Montpellier, 28 février 1958, RJCI , 59, n° 23, p. 59).

3° Le privilège des frais faits pour la conservation de la chose (Code civil, art 2102-3°).

7Ce privilège qui procède de l'idée que les frais engagés pour la conservation de la chose, en maintenant intact le patrimoine du débiteur, ont profité à l'ensemble des autres créanciers ne porte que sur la chose même qui a été conservée. Encore faut-il qu'il s'agisse d'un meuble (corporel ou incorporel). Le réparateur, le dépositaire ou même l'avocat (dont les honoraires ne sont pas compris dans les frais de justice) peuvent, par exemple, s'en prévaloir.

Le privilège est accordé pour toutes les dépenses sans lesquelles la chose eût péri en tout ou en partie ou fût devenue impropre à l'usage auquel elle est destinée. Mais, il ne s'étend pas aux dépenses utiles mais non indispensables quand bien même elles auraient augmenté la valeur de la chose.

84° Le privilège du vendeur de meuble non payé pour le principal, les intérêts et les frais (art. 2102-4°).

  IV. Privilèges spéciaux sur meubles prévus par des textes particuliers

9Sont également primés par le privilège des taxes sur le chiffre d'affaires :

1° Le privilège du vendeur de fonds de commerce (loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement des fonds de commerce, art. 1 er ) ;

2° le privilège du créancier nanti sur fonds de commerce prévu à l'article 10 de la loi précitée du 17 mars 1909 (Cass. civ., 26 octobre 1926, S. 1927-1-49, G.P. 1926-2-735 ; Cass. com., 28 octobre 1971, Bull. civ. , IV, n° 260, p. 242. D.H. 1972-61 ; 13 avril 1972, Bull. civ. , IV, n° 102, p. 101) ;

103° Le privilège accordé aux caisses de crédit agricole par l'article 672 du Code rural. Ce privilège, qui a pour assiette le cheptel vif et mort, ainsi que les récoltes et l'outillage appartenant à l'emprunteur s'exerce avant tout autre, sauf celui institué par l'article 1920 du CGI pour le recouvrement des contributions directes et, par conséquent, celui énoncé à l'article 1926 du même code au profit des taxes sur le chiffre d'affaires (Cour de Rennes, 15 juin 1966, RJCI , II, n° 12, p. 130) ;

114° Le privilège du porteur de warrant agricole (loi du 30 avril 1906 modifiée par le décret-loi du 28 septembre 1935).

A l'échéance de son prêt, le porteur de warrant agricole est tenu de réclamer le paiement de ce qui lui est dû et, après avoir accompli certaines formalités, il peut, à défaut de paiement, faire vendre les objets warrantés ;

12Le porteur du warrant est payé directement de sa créance sur le prix de vente par privilège et de préférence à tous créanciers, à l'exception du propriétaire ou de l'usufruitier du fonds pour les termes de fermage échus s'il y a lieu et sans autres déductions que celles des contributions directes et des frais de vente. Le privilège des taxes sur le chiffre d'affaires qui a le même rang et qui s'exerce dans les mêmes conditions que celui des contributions directes prime donc celui du porteur de warrant agricole.

5° Le privilège du porteur de warrant hôtelier (loi du 8 août 1913, art. 12).

13Ce privilège obéit aux mêmes règles que le précédent Le porteur de warrant hôtelier est préféré à tous les créanciers sans autre déduction que la créance des contributions directes (et donc des TCA) et celle des frais de vente ;

146° Le privilège du porteur de warrant industriel (loi du 12 septembre 1940 modifiée par divers textes ultérieurs et l'art. 49 de la loi du 31 décembre 1953) et celui du porteur de warrant pétrolier (loi du 21 avril 1932, art. 10) ;

157° Le droit de préférence du créancier bénéficiant d'une délégation en propriété ou en garantie de tout ou partie des produits présents ou à venir d'un film qui a fait inscrire sa délégation au registre public de la cinématographie, le défaut d'inscription rendant les actes et conventions inopposables aux tiers (Cass. com., 16 novembre 1971. Bull. civ. IV. n° 277. p. 260).

Mais il a été jugé que les droits du délégataire ne sont paralysés qu'à partir du jour où l'Administration a pratiqué une opposition (Cour de Paris, 12 décembre 1964, D.H. 1965-586).

  V. Privilège du créancier nanti sur marchés publics

16Exception faite du privilège du créancier nanti sur l'outillage et le matériel d'équipement (cf. supra C 5112, n° 32 ), le privilège du créancier nanti est primé par celui du Trésor.

Mais l'article 4 du décret du 30 octobre 1935 relatif au financement des marchés de l'État et des collectivités publiques autorise le créancier auquel a été consentie la délégation d'un tel marché à encaisser directement, malgré la faillite du débiteur, le montant de la créance afférente au marché délégué et exécuté avant le jugement déclaratif pourvu qu'aucune opposition n'ait été pratiquée par le Trésor public.

Par cet encaissement, qui vaut réalisation du gage, le créancier acquiert un droit définitif sur les sommes reçues, qu'il ne peut dès lors être tenu de rapporter à la masse (Cass. civ., 21 mai 1958, RJCI 58, n° 57, p. 146).

Ainsi, le créancier qui s'est fait consentir un nantissement sur un marché public doit, pour pouvoir encaisser sa créance, signifier sa sûreté au comptable assignataire chargé du paiement, soit par lettre recommandée ou demande d'avis de réception, soit par acte extra judiciaire.

17D'autre part, selon l'article 190 du Code des Marchés publics, l'encaissement est effectué nonobstant les oppositions, transports et nantissements dont les significations n'ont pas été faites au plus tard avant le dernier jour ouvrable précédant le jour de la signification du nantissement en cause, à la condition toutefois que pour ces oppositions, transports et nantissements, les requérants ne revendiquent pas expressément l'un des privilèges énumérés à l'article 193.

Or, l'article 193 du même code énonce que les droits des bénéficiaires des nantissements ou des subrogations prévues à l'article 191 ne sont primés que par certains privilèges, et notamment par les privilèges conférés au Trésor par les lois en vigueur.

Il résulte donc de l'article 190 précité que le créancier qui revendique l'un des privilèges limitativement énumérés à l'article 193 n'est pas tenu, pour faire valoir ses droits et par conséquent interdire tout paiement au profit exclusif du créancier nanti ou de son subrogé, de délivrer son opposition avant la notification ou la signification du nantissement ou de la subrogation au comptable assignataire. Il peut encore le faire après cette notification ou cette signification jusqu'à l'encaissement du montant du marché par le créancier nanti ou le subrogé (Cass. civ., sect com., 10 juin 1960, Bull. civ. III, n° 226, p. 209, RJCI , n° 59, p. 178 ; Cass. com., 19 mars 1974, Bull. civ. IV, n° 99, p. 80).

La question se pose alors de savoir sous quelle forme un receveur des Impôts peut appréhender, ou intercepter, les sommes affectées au bénéficiaire d'un nantissement sur marchés ou à son subrogé, étant précisé que ces sommes sont primées par toutes les dettes fiscales du titulaire du marché et non pas seulement par celles de ces dettes qui sont afférentes à ce marché (Cour de Limoges, 15 janvier 1969, RJ , p. 5).

Il faut distinguer le cas où le débiteur est à la tête de son entreprise et celui où il est en règlement judiciaire ou en liquidation des biens.

1. Le débiteur est à la tête de son entreprise.

18Le receveur forme opposition entre les mains du comptable assignataire selon les modalités habituelles, c'est-à-dire par avis à tiers détenteur pour les taxes sur le chiffre d'affaires privilégiées et les taxes assimilées dont le recouvrement est assorti des mêmes garanties, et par saisie-arrêt du droit commun pour les créances privilégiées d'une autre nature.

Le comptable procède de la même façon pour recouvrer les créances privilégiées, antérieures à un jugement de règlement judiciaire, qu'il possède sur un débiteur ayant retrouvé l'administration et la disposition de ses biens à la suite de l'homologation définitive d'un concordat. Néanmoins, le comptable, s'il s'est associé au concordat (loi du 13 juillet 1967, art. 69) ou si le pacte concordataire lui est opposable (même loi, art. 71) ne peut encaisser que les dividendes échus et impayés.

1   Il en est ainsi du moins quand la continuation du bail a profité à l'Administration, soit que celle-ci ait laissé à l'administrateur au règlement judiciaire le soin de réaliser l'actif et de la payer au rang de son privilège, soit qu'elle ait exercé son droit de poursuites directes sur des biens qui ont été conservés après le jugement déclaratif dans les locaux loués.

2   A rapprocher de Cass. civ., 15 janvier 1957, BCI, 8. Cour d'Angers, 21 janvier 1958, RJCI , 1958. n° 4. p. 10.