Date de début de publication du BOI : 01/06/1978
Identifiant juridique : 12C5121
Références du document :  12C512
12C5121
Annotations :  Lié au BOI 12C-38-82

SECTION 2 PRIVILÈGE DES TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES


SECTION 2

Privilège des taxes sur le chiffre d'affaires


1Le privilège des taxes sur le chiffre d'affaires - codifié à l'article 1926 du CGI - a été institué par l'article 61 de la loi du 16 avril 1931.

Ce texte initial a été complété et modifié par diverses dispositions législatives ou réglementaires, la dernière en date étant l'article 160 de la loi n° 67-583 du 13 juillet 1967.

2L'article 1926 du CGI dispose que pour le recouvrement des taxes sur le chiffre d'affaires et des taxes assimilées, le Trésor a, sur les meubles et effets mobiliers appartenant aux redevables, en quelque lieu qu'ils se trouvent, un privilège qui a le même rang que celui des contributions directes et taxes assimilées (CGI, art. 1920 ). Il s'exerce concurremment avec ce dernier, et dans les mêmes conditions.

3Le privilège des TCA se différencie de ceux prévus aux articles 1927 et 1929-1 du CGI en matière de contributions indirectes et d'autres droits par :

- son application aux intérêts de retard afférents aux six mois précédant le jugement déclaratif en cas de faillite (pour les procédures ouvertes avant le 1 " janvier 1968), règlement judiciaire ou liquidation des biens (cf. ci-après C 5121, n° 3 ) ;

- son assiette ;

- son délai de péremption ;

- sa conservation.

4Les développements qui suivent sont strictement limités aux dispositions spécifiques concernant les TCA, les dispositions communes aux privilèges du Trésor ayant fait l'objet de la section 1.

En définitive la présente section traite successivement :

- du champ d'application (s-s. 1) ;

- de l'application du privilège dans le temps (s-s. 2) ;

- du rang du privilège (s-s. 3).


SOUS-SECTION 1

Champ d'application



  A. CRÉANCES GARANTIES PAR LE PRIVILÈGE DU TRÉSOR


Le privilège de l'article 1926 du CGI garantit le recouvrement de l'ensemble des taxes sur le chiffre d'affaires et des taxes assimilées à celle-ci.


  I. Créances visées, par l'article 1926


a. Principal des créances.

1Sous la dénomination < taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées » sont visées :

- d'une part, la TVA et la taxe spéciale sur les activités financières ;

- d'autre part, diverses taxes - instituées au profit de collectivités ou d'organismes divers - énumérées supra C 2221, n° 2.

A celles-ci, il convient d'ajouter les retenues à la source, participation, prélèvements, versements et taxes assis et recouvrés sous les mêmes sanctions et garanties que les TCA également énumérés supra C 2221, n° 2.

b. Accessoires.

Bien qu'il n'y ait pas de privilège sans texte et que les dispositions légales qui instituent un privilège ne puissent être étendues, par analogie, à d'autres créances ou à d'autres biens, on admet que le privilège s'applique de plein droit aux accessoires de la créance qu'il garantit et notamment aux frais de poursuites et à certains intérêts de retard.

1° Frais de poursuites.

2En vertu de l'adage « l'accessoire suit le sort du principal », le privilège de l'article 1926 du CGI est accordé aux frais de poursuites (commandement, saisie-exécution, etc.) exposés par l'Administration pour recouvrer le principal (cour de Douai, 5 juillet 1927 ; cour de Lyon, 16 mars 1934 ; cf. Froger, p. 78 et supplément, p. 72).

Toutefois, suivant la doctrine et la jurisprudence (Cour cass., 21 juin 1899, S. 1899-1-392 ; note sous cass., req. 3 septembre 1940, S. 1941-1-42) pour pouvoir bénéficier du même privilège que la créance principale, les frais doivent être liés de façon nécessaire et indissoluble au recouvrement de celle-ci et en former un accessoire indivisible.

2° Cas particulier des intérêts de retard afférents aux six mois précédant le jugement prononçant la faillite 1 , la liquidation des biens ou le règlement judiciaire.

3En cas de faillite 1 . de liquidation des biens ou de règlement judiciaire, le privilège de l'article 1926 s'exerce sur l'intégralité des droits dus, augmentée des intérêts de retard afférents aux six mois ayant précédé le jugement déclaratif (CGI, art. 1926 , 3 e al.).

Mais cet avantage est compensé par l'abandon pur et simple de toutes les amendes encourues (CGI, art. 1926 , 3 e al., i n fine ).


  II. Créances non garanties par le privilège des TCA


a. Taxes sur le chiffre d'affaires à l'importation.

4Il résulte des dispositions de l'avant dernier alinéa de l'article 1926 du CGI que le recouvrement des taxes sur le chiffre d'affaires (et des taxes assimilées) à l'importation ne bénéficie pas du privilège dudit article.

En effet, dans cette situation. il doit être fait application de l'article 379 du Code des Douanes.

b. Pénalités.

5  Les pénalités exigibles, notamment celles prévues aux articles 1727 et suivants du CGI (indemnités de retard, majorations) ne bénéficient pas du privilège 2 .

Il en est ainsi, plus particulièrement, de la majoration qui sanctionne le dépôt tardif ou l'absence de déclaration (CGI, art. 1733-1).

Sans doute, les majorations prévues par les articles 1728, 1729 et 1733 du CGI constituent-elles des suppléments de droits, lorsqu'elles sanctionnent des infractions commises dans le domaine des contributions directes.

Mais, lorsqu'elles répriment des infractions à la législation des autres impôts et notamment à celle des taxes sur le chiffre d'affaires, ces majorations doivent être considérées comme de simples pénalités.

Dans la rédaction de ces articles le terme « majoration » a été retenu pour désigner un certain nombre de sanctions destinées à réprimer des infractions communes, soit à l'ensemble des impôts, soit à plusieurs impôts, savoir :

- d'une part, en toutes matières, les sanctions applicables aux insuffisances de déclaration ou de versement conduisant l'administration à effectuer des redressements ;

- d'autre part, en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires, les sanctions applicables aux défauts de déclaration entraînant la taxation d'office.

Les sanctions ainsi unifiées ont le caractère particulier qui tient à la nature des droits auxquels elles sont attachées, c'est-à-dire, suivant qu'il s'agit d'impôts personnels ou d'impôts réels, le caractère « d'un supplément d'impôt » ou celui « d'une simple pénalité ». Il résulte d'ailleurs nettement de l'exposé des motifs de la loi que l'on a entendu maintenir en la matière la distinction faite traditionnellement entre les impôts dont le contribuable supporte personnellement la charge et ceux qu'il se borne à retenir ou à collecter, cette distinction étant à la base de la différenciation du taux des majorations.

Par ailleurs, adopter une autre solution conduirait à renoncer, pour les taxes sur le chiffre d'affaires, à user de la faculter de consentir des remises ou modérations du montant des majorations appliquées ou encourues, puisqu'aux termes des dispositions de l'article 1930-3 du CGI « aucune autorité publique ne peut accorder de remise ou modération des droits d'enregistrement et de timbre, des taxes sur le chiffre d'affaires, des contributions indirectes et des taxes assimilées à ces droits, taxes et contributions ».


  B. BIENS SUR LESQUELS PORTE LE PRIVILÈGE



  I. Généralités


6En vertu de l'article 1920-1 du CGI dont les dispositions ont été rendues applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires par l'article 1926, 2 e al. du même code, le privilège s'exerce - à condition qu'ils ne soient pas frappés d'insaisissabilité - sur les meubles et effets mobiliers appartenant aux redevables en quelque lieu qu'ils se trouvent. Lorsqu'il n'existe pas d'hypothèque conventionnelle il s'exerce également sur tout le matériel servant à l'exploitation d'un immeuble commercial, même lorsque ce matériel est réputé immeuble par application des dispositions de l'article 524-1 du Code civil.

Ainsi qu'il a été précisé ci-avant (cf. C 5112, n os6 et suiv. ) les termes « meubles et effets mobiliers » comprennent tout ce qui est censé être meubles d'après les règles encourues aux articles 527 à 535 du Code civil et englobent, par conséquent, la généralité des meubles corporels (ou par nature) et incorporels (ou par détermination de la loi).

7Ces deux notions ont été développées ci-avant dans le cadre de l'étude des dispositions communes (cf. supra C 5112, n os6 et suiv. ).

Seules sont exposées ci-après des dispositions particulières aux TCA et concernant l'extension - exceptionnelle - du privilège du Trésor à des biens immeubles par destination.


  II. Matériel des établissements commerciaux


8Le privilège s'exerce, lorsqu'il n'existe pas d'hypothèque conventionnelle, sur le matériel servant à l'exploitation d'un établissement commercial, même lorsque ce matériel est réputé immeuble par destination en application de l'article 524, 1 er alinéa, du Code civil qui énonce : « Les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds, sont immeubles par destination ».

a. Conditions de l'immobilisation des meubles.

Pour qu'un objet mobilier devienne immeuble par destination il faut :

- qu'il ait été placé sur un immeuble par nature pour son service et son exploitation, car il ne peut devenir immeuble que comme accessoire d'un bien immobilier. La seule volonté du propriétaire serait insuffisante (Cass. civ., 27 juin 1944, S. 1945-I-16), de même que des stipulations entre le propriétaire des meubles et son créancier (Cass. civ., 31 juillet 1879, DP 1880-1-273) ;

- qu'il ait été attaché à l'immeuble par le propriétaire de celui-ci (Cass. civ., 27 juin 1882, DP 1883-I-169) ou par un co-propriétaire ayant l'accord de tous, mais non par un locataire car l'immobilisation par destination a été créée pour l'intérêt du fonds ;

- que le propriétaire du fonds soit en même temps propriétaire de l'objet placé sur ce fonds.

b. Immobilisation par destination commerciale.

9Les conditions exigées sont celles requises pour l'immobilisation par destination en général. Il est bon, toutefois, de préciser que, d'après la jurisprudence, les bâtiments doivent avoir été spécialement construits et aménagés en vue d'une certaine destination commerciale ou industrielle à laquelle ils sont consacrés de telle façon qu'ils ne pourraient pas être affectés à un autre usage sans une dépréciation notable ou une transformation complète.

Si l'immeuble où est exercé un commerce ou une industrie peut aussi bien recevoir une autre destination, alors les meubles qui y ont été placés sont l'accessoire d'une profession, mais non d'un immeuble (req. 2 août 1886, DP 1887-1-293 ; cour de Besançon, 13 avril 1892, DP 1892-2-551).

N'ont pas été considérés comme immeubles par destination :

- les meubles garnissant un hôtel quand l'aménagement intérieur de l'immeuble où le fonds est exploité pourrait être modifié facilement et à peu de frais (Cass. civ., 18 novembre 1845, DP 1846-1-36) ;

- les meubles non indispensables à l'exploitation du fonds tels les objets de luxe qui n'ont pas leur place dans un hôtel modeste (cour de Nancy, 4 décembre 1936, DH 1937-123) ;

- les marchandises garnissant un fonds de commerce (cour de Lyon, 7 février 1900. DP 1903-2-249).

c. Cessation de l'immobilisation.

10L'immobilisation des objets mobiliers cesse avec la cause qui l'a produite (cour de Douai, 16 décembre 1886, DP 1888-2-43). Elle disparaît, par exemple, par suite de la séparation de l'immeuble par nature et de l'immeuble par destination, lorsqu'il y a vente séparée (Cass. civ., 27 juin 1944, S. 1945-1-16).

 

1   Pour les procédures ouvertes avant le 1 er janvier 1968.

2   Exception faite des intérêts de retard afférents aux six mois ayant précédé le jugement déclaratif en matière de liquidation des biens ou de règlement judiciaire (cf. n° 3 supra ).