SOUS-SECTION 3 PUBLICITÉ DU PRIVILÈGE DU TRÉSOR
SOUS-SECTION 3
Publicité du privilège du Trésor
A. GÉNÉRALITÉS
1En organisant la publicité du privilège du Trésor, le législateur a voulu que la situation financière réelle des débiteurs d'impôts soit portée à la connaissance des tiers lorsque l'importance des dettes fiscales l'exige. L'introduction de cette publicité s'est inscrite dans le sens de l'évolution de la législation vers la disparition des privilèges et hypothèques occultes et entraîne la fin de la conception traditionnelle du secret des affaires en matière fiscale.
2Dans cet esprit la loi n° 66-1007 du 28 décembre 1966 (codifiée sous l'article 1929 quater du CGI) a institué le régime de publicité des créances fiscales privilégiées. Les textes réglementaires pris pour son application sont les suivants : décret n° 67-1124 du 22 décembre 1967 et arrêté des 27 mai et 30 mai 1968, codifiés sous les articles 396 bis de l'annexe II et 207 quinquies et sexies de l'annexe IV au CGI.
- d'être à la charge des personnes relevant du droit de la faillite, c'est-à-dire les commerçants et les personnes morales de droit privé (cf. ci-après n os9 à 20 ) ;
- d'être liés essentiellement à l'activité professionnelle de ces personnes, tels les impôts sur le revenu, la taxe professionnelle, les taxes sur le chiffre d'affaires et les contributions indirectes (cf. ci-après n os20 à 24 ).
4Ce régime consiste essentiellement dans l'inscription au greffe du tribunal de commerce - ou à celui du tribunal civil s'il s'agit de personnes morales non commerçantes - des sommes dues au titre de ces impôts privilégiés, cette inscription étant opérée à la diligence, soit de l'administration chargée du recouvrement, soit d'un tiers subrogé dans les droits du Trésor (cf. ci-après n os33 et suiv. ).
Il n'y a lieu à inscription d'une créance que si le redevable a encouru une majoration pour défaut de paiement en ce qui concerne les impôts directs, ou si un avis de mise en recouvrement a été émis pour les taxes sur le chiffre d'affaires et les contributions indirectes (cf. ci-après n os29 et suiv. ).
La publicité est obligatoire ou facultative. Elle est obligatoire si la somme due dépasse, au dernier jour d'un semestre civil, un montant minimal fixé par arrêté ministériel (cf. ci-après n os40 à 64 ).
Pour les créances soumises à publicité obligatoire, l'inscription doit être requise, au plus tard le 31 janvier, pour les sommes dues au 31 décembre de l'année précédente, le 31 juillet pour les sommes dues au 30 juin de l'année courante.
En fait la publicité a été organisée en fonction du règlement judiciaire et de la liquidation des biens qui sont les seuls événements sanctionnant le défaut de publicité.
En effet, en cas de règlement judiciaire ou de liquidation des biens d'un redevable ou d'un tiers tenu légalement au paiement de l'impôt, le Trésor ou son subrogé ne peut exercer son privilège, pour les créances soumises obligatoirement à la publicité, que si l'inscription correspondante a été prise régulièrement (cf. également infra n os83 à 92 ).
5Le régime de publicité obligatoire a été mis en place :
- le 1 er juillet 1968 sur la base des situations des restes à recouvrer au 30 juin précédent en ce qui concerne les taxes sur le chiffre d'affaires ;
6- le 1 er juillet 1970 sur la base des situations des restes à recouvrer existant en matière de contributions indirectes au 30 juin 1970.
7La présente sous-section est consacrée à la publicité du privilège du Trésor en ce qui concerne uniquement les impôts recouvrés par les comptables des impôts. Elle expose successivement :
- le champ d'application du régime de la publicité ;
- son fonctionnement ;
- les effets de la publicité ;
- certaines dispositions diverses ;
- et des mesures d'ordre pratique.
B. CHAMP D'APPLICATION DU RÉGIME DE PUBLICITÉ
8Les conditions que doivent remplir les oréances pour être soumises à la formalité tiennent à la qualité du débiteur, à la nature des impositions, et au caractère juridique de celles-ci.
I. Conditions tenant à la qualité du débiteur
Suivant les dispositions de l'article 1929 quater du CGI, les impositions entrant dans le champ d'application de la publicité sont celles dues :
- par des personnes physiques commerçantes ;
- et par des personnes morales de droit privé commerçantes ou non commerçantes.
9Le privilège attaché au recouvrement des taxes sur le chiffre d'affaires dont sont redevables les personnes qui ne répondent pas à cette définition, par exemple les artisans qui sont immatriculés uniquement au répertoire des métiers et les exploitants agricoles, ne peut donc être conservé qu'en exerçant, avant l'expiration du délai de deux ans, les mesures prévues par l'article 1925 du CGI.
1. Personnes physiques commerçantes.
10Ont la qualité de commerçant les personnes qui, aux termes de l'article 1 er du Code de commerce exercent des actes de commerce, tels que ceux-ci sont définis aux articles 632 et suivants du même code 1 et en font leur profession habituelle. Ne répondent notamment pas à cette définition :
- les artisans qui sont immatriculés uniquement au répertoire des métiers ;
- les exploitants agricoles ;
- les particuliers qui n'accomplissent que des actes de commerce isolés.
Afin de prévenir toute difficulté, l'Administration estime qu'il y a lieu de considérer comme justiciable du régime de publicité tout débiteur d'impôts qui est immatriculé au registre du commerce.
11En effet l'article 41 du décret n° 67-237 du 23 mars 1967 relatif au registre du commerce ( JO du 24 mars 1967, page 2870) stipule que toute personne immatriculée à ce registre est présumée, sauf preuve contraire, avoir la qualité de commerçant et est soumise à toutes les conséquences qui découlent de cette qualité. Toutefois, aux termes du même article, la présomption ne joue pas à l'égard des personnes qui sont inscrites au registre au seul titre de propriétaire d'un ou de plusieurs fonds de commerce mis en location-gérance. Nonobstant leur immatriculation, ces personnes échappent donc à la publicité.
Cas particuliers.
a. Commerçants de fait.
12Le défaut d'immatriculation d'un redevable au registre du commerce ne doit pas faire obstacle à l'inscription des dettes fiscales de l'intéressé dès lors qu'il apparaît que celui-ci exerce en fait une profession commerciale.
b. Commerçants décédés et commerçants radiés du registre du commerce.
13Il y a lieu de considérer que les dettes fiscales des commerçants décédés ou radiés du registre du commerce demeurent dans le champ d'application du régime de publicité jusqu'au terme d'un délai d'un an compté de la date du décès ou de la radiation. C'est en effet dans ce délai maximal d'un an que le règlement judiciaire ou la liquidation des biens des intéressés peut être demandé (cf. art 3 et 4 de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967).
2. Personnes morales de droit privé commerçantes ou non commerçantes.
14Sont visées sous la dénomination de personnes morales de droit privé les sociétés de toutes formes, les associations, les coopératives, les syndicats et d'une manière générale tous les groupements dotés de la personnalité juridique qui relèvent, pour leur formation et l'exercice de leur activité, des règles du droit civil ou du droit commercial (cf. 12 C 3211, n os 33 et suiv.).
15Sont donc placés en dehors du champ d'application du régime de publicité des groupements qui, du fait qu'ils jouissent des prérogatives de la puissance publique, ressortissent essentiellement aux règles du droit administratif. Il en est ainsi notamment de l'État des départements, des communes et des établissements publics.
16Bien qu'elles n'aient pas toutes le caractère d'établissement public, les sociétés nationales ainsi que les régies départementales et communales doivent être affranchies sans exception de la formalité.
17En revanche, il conviendra, sauf instruction contraire, de soumettre à cette formalité les sociétés d'économie mixte.
18Quoique les personnes morales de droit privé non commerçantes soient concernées par la publicité au même titre que celles qui ont la qualité de commerçant, il est nécessaire de les distinguer les unes des autres pour déterminer, selon les indications données au n° 34 infra , le tribunal au greffe duquel doit être faite cette publicité.
Pour opérer cette distinction, il y a lieu de se reporter aux règles tracées supra pour les personnes physiques (cf. n os10 et 11 ), étant précisé qu'en vertu de l'article 1 er de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, sont commerciales à raison de leur forme, quel que soit par conséquent leur objet les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions.
Il est à noter que les groupements d'intérêt économique institués par l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967 jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce. Ils entrent donc dans le champ d'application de la publicité dès cette inscription étant précisé toutefois que celle-ci n'emporte pas présomption de leur commercialité qui est déterminée non par leur forme mais par leur objet
Cas particulier des sociétés commerciales en liquidation.
19Étant donné, d'une part, que les sociétés commerciales en liquidation ne peuvent être radiées du registre de commerce qu'après dépôt au greffe des comptes définitifs établis par le liquidateur (art. 270 et 271 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967) et, d'autre part, que le règlement judiciaire ou la liquidation des biens n'est susceptible d'être demandé à leur encontre au-delà d'un délai d'un an compté de cette radiation (cf. 12 C 3211, n os 37 et 38), il y a lieu de considérer que lesdites sociétés demeurent dans le champ d'application de la publicité jusqu'au terme de ce délai.
II. Conditions tenant à la nature des impositions
20La liste des impositions soumises à la publicité est donné par l'article 1929 quater 1 du CGI. Elle comprend :
a. Des produits recouvrés par les comptables du Trésor (cf. 5 R) :
- impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales ;
- taxe professionnelle et taxes annexes.
b. Des produits recouvrés par les comptables des impôts :
- les taxes sur le chiffre d'affaires et taxes annexes ;
- les contributions indirectes.
21Il est précisé que sous la dénomination « taxes sur le chiffre d'affaires et taxes annexes » sont comprises la taxe sur la valeur ajoutée et toutes les taxes dont les textes institutifs prévoient qu'elles sont assises et recouvrées suivant les mêmes règles, sous les mêmes garanties et sous les mêmes sanctions que ladite taxe sur la valeur ajoutée (cf. 12 C 5121, n os1 à 3 ).
De même, l'appellation « contributions indirectes » englobe tous les droits qui sont visés aux articles 303 à 633 du CGI ainsi que tous ceux dont les textes institutifs prévoient qu'ils sont assis et recouvrés suivant les mêmes règles, sous les mêmes garanties et sous les mêmes sanctions que lesdits droits (cf. 12 C 514 ).
22Cette liste présente un caractère strictement limitatif. Toute extension de la publicité à des catégories d'impôts qui n'y sont pas visées, telle notamment celle des droits d'enregistrement (cf. 12 C 513 ) constituerait une violation de la règle du secret professionnel ; elle est par conséquent rigoureusement proscrite.
Remarques importantes.
231° L'attention du service est appelée sur le fait que les impôts directs dont la perception incombe aux comptables des impôts doivent, bien qu'ils participent aux régimes d'imposition des revenus des personnes physiques ou des bénéfices des sociétés, être considérés comme en dehors du champ d'application de la publicité. Tel est le cas notamment :
- des retenues à la source sur les revenus de capitaux mobiliers (CGI, art. 119 bis ) : produits distribués à des personnes dont le domicile ou le siège est situé hors de France, bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères, produits de placement à revenu fixe (bons de caisse, obligations) ;
- des prélèvements sur les tantièmes versés par les sociétés anonymes (CGI. art. 117 ter ) et sur les produits de placements à revenu fixe (CGI, art. 125 A) ;
- du précompte mobilier sur les bénéfices mis en distribution par les sociétés et qui n'ont pas été soumis à l'IS au taux de 50 % ou qui ont été prélevés sur les exercices clos depuis plus de cinq ans (CGI, art. 223 sexies ) :
- des prélèvements sur les profits immobiliers réalisés par des personnes physiques ou des sociétés n'ayant pas d'établissement en France prévus par l'article 244 bis du CGI.
242° Les frais de poursuite engagés pour obtenir le recouvrement des impôts énumérés à l'article 1929 quater 1 (cf. ci-dessus n os20 et suiv. ) doivent, en vertu de la théorie de l'accessoire, être assimilés à ceux-ci au regard de la publicité. De même, en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, l'intérêt de retard des six mois ayant précédé le jugement prononçant le règlement judiciaire ou la liquidation des biens doit suivre le sort du principal.
1 cf. 12 C 3211. n os 22 et suiv. relatifs à l'inventaire des actes réputés actes de commerce par la loi.