SECTION 2 INDEMNITÉS DIVERSES
b. Contrats visés par le dispositif.
44Les contrats concernés doivent satisfaire aux conditions suivantes :
- se traduire lors de l'exécution du contrat par la seule annulation de la dette restant due par l'entreprise ;
- garantir l'entreprise contre les risques de décès, d'incapacité ou d'invalidité du dirigeant de nature à l'empêcher de poursuivre son activité ;
- être souscrits sur la tête d'un dirigeant, c'est-à-dire d'une personne qui, par sa fonction juridique et effective, exerce dans l'entreprise une activité prépondérante. En règle générale, il s'agit dans les entreprises individuelles de l'exploitant et dans les sociétés du gérant ou du président du conseil d'administration ou du directoire.
2. Modalités d'application.
a. Étalement du profit.
45L'extinction de la dette, du fait de l'indemnisation du prêteur par la compagnie d'assurances, se traduit pour l'entreprise bénéficiaire par la réalisation d'un profit exceptionnel qui participe à la formation du résultat comptable et du résultat fiscal.
La fraction de ce profit exceptionnel constaté comptablement au cours de l'exercice d'exécution du contrat et dont l'imposition est différée doit être déduite de manière extra-comptable pour la détermination du résultat imposable de cet exercice (ligne 350, déclaration n° 2033-B et ligne XG, déclaration n° 2058-A). Cette fraction qui est égale aux quatre cinquièmes du montant de ce profit doit ensuite être réintégrée par parts égales (ligne 330 de la déclaration n° 2033-B ou ligne WQ de la déclaration n° 2058-A) au titre des quatre années suivantes.
Pour l'application de ce dispositif, le terme « année » s'entend de l'exercice ou de la période d'imposition (pour l'illustration de cette règle, cf. DB 4 B 2231, n° 8 ).
b. Étalement des primes non déduites.
46Conformément au premier alinéa de l'article 38 quater du CGI, l'entreprise qui décide d'étaler le profit doit échelonner par parts égales sur les mêmes années, la déduction du montant global des primes qu'elle a acquittées en exécution du contrat et qui n'ont pas été déduites des résultats imposables de l'entreprise.
Cette disposition concerne les contrats d'assurances définis ci-dessus (cf. supra n° 44 ) qui ont été souscrits volontairement par l'entreprise. En effet, dans ce cas, les primes d'assurances ne constituent pas une charge déductible des exercices au cours desquels elles ont été payées. Elles peuvent seulement être retranchées globalement du bénéfice imposable au moment du décès de l'assuré ou, en cas de survie de ce dernier, lors de l'expiration du contrat.
L'option exercée par l'entreprise pour l'étalement du profit implique nécessairement un traitement similaire des primes non déduites. Il y a donc lieu de réintégrer au résultat imposable de l'exercice au cours duquel l'indemnité d'assurances a été versée, la quote-part des primes déduites du résultat comptable de cet exercice et dont la déduction doit être étalée. Cette quote part qui est égale aux quatre cinquièmes du montant de la prime sera déduite, par parts égales, des résultats imposables des quatre exercices suivants. Cette déduction s'opère de façon extra-comptable (ligne 330 de la déclaration n° 2055-B ou ligne WQ de la déclaration n° 2058-A).
3. Régularisation : cession ou cessation d'entreprise.
47Conformément au deuxième alinéa de l'article 38 quater déjà cité, la cession ou la cessation de l'entreprise entraîne l'imposition immédiate de la fraction du profit en sursis d'imposition.
Cette réintégration s'accompagne également de la déduction de la fraction des primes d'assurances restant, le cas échéant, à déduire.
Cette disposition s'applique quelle que soit la nature de l'événement qui a entraîné la cession ou la cessation de l'entreprise. Il peut s'agir notamment des événements suivants : vente pure et simple, cessation, dissolution, apport en société, fusion, transfert à l'étranger ou décès de l'exploitant pour les entreprises individuelles.
Toutefois, pour les entreprises individuelles, lorsque l'événement qui a motivé la mise en jeu du contrat d'assurances est le décès de l'exploitant, il sera admis que l'application de l'article 38 quater du CGI ne soit pas remise en cause si l'activité est poursuivie par les héritiers dans les conditions prévues à l'article 41 du même code.
L'imposition échelonnée sera donc maintenue si les héritiers qui continuent l'exploitation prennent l'engagement de réintégrer aux résultats imposables des exercices ultérieurs les profits en sursis d'imposition à la date du décès dans les mêmes conditions que celles qui étaient applicables à l'ancien exploitant.
Cette solution n'est pas applicable si l'entreprise est cédée par les héritiers.
II. Autres indemnités d'assurances
48Ces indemnités sont destinées à couvrir, soit les dommages subis par divers éléments de l'actif à la suite d'un sinistre ou d'un autre événement préjudiciable à l'entreprise, soit des pertes de bénéfices ou des charges en résultant.
Il est fait observer que les primes afférentes aux contrats garantissant de tels risques peuvent être comprises dans les charges d'exploitation déductibles des résultats de l'exercice en cours à la date de leur échéance.
49Les modalités d'imposition des indemnités perçues par les entreprises en exécution de ces contrats varient suivant que les sommes correspondantes sont ou non destinées à compenser une perte subie sur un élément de l'actif immobilisé.
50Dans le cas où elles ne se rapportent pas à un élément de l'actif immobilisé, elles doivent être considérées comme des bénéfices d'exploitation imposables au taux normal. Tel est le cas, par exemple :
- de l'indemnité d'assurance reçue par un commerçant à la suite de l'incendie de son stock (CE, arrêt du 22 mai 1931, req. n° 96341, RO, 5635) ;
- des indemnités versées à une entreprise qui a souscrit une assurance en vue de se garantir contre des risques de grève et d'émeute ;
- des indemnités versées pour compenser les pertes de bénéfices subies après un incendie.
51En revanche, les indemnités destinées à compenser la perte totale ou partielle d'éléments de l'actif immobilisé doivent, selon qu'elles excèdent ou non la valeur nette comptable de ces éléments -ou de la fraction de ces éléments considérée comme perdue-, être assimilées à des plus-values ou à des moins-values de cession. Elles bénéficient en outre, par dérogation aux dispositions générales applicables aux plus-values, des modalités particulières d'imposition prévues par :
- l'article 39 quaterdecies-1 ter du CGI, lorsqu'il s'agit de plus-values à court terme ;
- l'article 39 quindecies-I-1, quatrième alinéa, du même code, lorsqu'il s'agit de plus-values à long terme 1
52Dans la mesure où leur versement a été effectué non pour concourir à l'équilibre de l'exploitation, mais en vertu d'une obligation de réparation incombant à la partie versante, les indemnités d'assurances ne constituent des recettes concourant à la formation du bénéfice imposable que si la perte ou la charge qu'elles ont pour objet de compenser est elle-même de la nature de celles qui sont déductibles pour la détermination dudit bénéfice.
Jugé ainsi que l'indemnité d'assurance destinée à compenser les pénalités fiscales (frais par nature non déductibles des bénéfices imposables), infligées à une société à la suite des erreurs de son comptable, ne constitue pas une recette imposable (CE, arrêt du 12 mars 1982, n° 17074).
Biens donnés en location.
53Jugé à cet égard que :
- les surprimes d'assurance acquittées par une société locataire de matériel, dont l'objet n'est pas de garantir au profit du propriétaire la valeur de remplacement des biens, mais seulement de couvrir les risques spéciaux non prévus dans les conditions générales du contrat d'assurance, ne présentent, pour le propriétaire, le caractère ni d'un supplément de loyer, ni d'un avantage, indûment consenti par le locataire, qui serait constitutif d'un revenu distribué (CE, arrêt du 22 juin 1984, n° 37282) ;
- aucune fraction de l'indemnité d'assurance perçue par le locataire d'un matériel détruit lors d'un incendie n'est à comprendre dans les résultats du bailleur, dès lors qu'aucune stipulation du contrat d'assurance ne prévoit de règlement en sa faveur en cas de sinistre (CE, arrêt susvisé du 22 juin 1984) ;
- en cas de cession au locataire par le bailleur du matériel loué, après sa destruction par un sinistre, pour un montant correspondant à sa valeur nette comptable, la différence entre cette valeur et la valeur réelle au jour du sinistre dudit matériel (retenue pour la fixation de l'indemnité d'assurance) constitue un abandon de créance consenti au profit du preneur imposable au titre de l'exercice au cours duquel intervient la cession.
L'indemnité d'assurance allouée au locataire a pour celui-ci le caractère d'une recette, imposable au taux de droit commun à hauteur de l'abandon de créance consenti par le bailleur (CE, arrêts du 22 juin 1984, n°s 37281 et 37282).
E. INDEMNITÉS ALLOUÉES À TITRE DE DOMMAGES-INTÉRÊTS EN RÉPARATION D'UN PRÉJUDICE MATÉRIEL OU MORAL
54Les indemnités allouées pour des préjudices se rattachant aux opérations commerciales ou industrielles et, d'une façon plus générale, à la gestion de l'entreprise constituent des profits imposables. Lorsqu'elles sont attribuées par décision des tribunaux, ces indemnités doivent être rattachées aux résultats de l'exercice au cours duquel la décision les concernant est devenue définitive.
C'est ainsi, par exemple, que sont à comprendre dans les revenus imposables :
- une indemnité pour rupture de contrat (CE, arrêt du 7 février 1944, req. n° 70316, RO, p. 29) ;
- une indemnité amiable ou judiciaire pour concurrence déloyale ;
- les dommages-intérêts versés à une société anonyme, par son directeur général adjoint, à la suite d'une plainte déposée par le conseil d'administration ;
- les sommes versées à une société par d'anciens actionnaires, en vue de réparer le préjudice causé par eux à l'entreprise par une gestion critiquable (CE, arrêt du 20 novembre 1961, req. n° 51363, RO, p. 460) ;
- les frais irrépétibles (cf. DB 4 C 492 n°s 30 et suiv.).
55En revanche, lorsqu'un commerçant, auquel une action en contrefaçon a été intentée par un concurrent, a obtenu du tribunal une indemnité ayant exclusivement pour objet la réparation du préjudice moral qui lui a été causé par cette action, reconnue non fondée, ladite indemnité est étrangère aux résultats de l'exploitation et ne saurait, dès lors, entrer, même pour partie, dans le calcul du bénéfice imposable (CE, arrêt du 16 février 1944, req. n° 74809, RO, p. 46).
Nota. - Le principe posé par cette décision n'est applicable que si l'indemnité se trouve englobée dans « un patrimoine privé » distinct du « patrimoine commercial » de l'exploitant. Cette dualité de « patrimoines » n'existant pas dans le cas des personnes morales, les indemnités pour préjudice moral allouées à ces personnes devraient être prises en compte pour la détermination de leur bénéfice imposable.
De même, l'indemnité forfaitaire perçue par le propriétaire d'un lac à l'occasion de la concession à un syndicat intercommunal, d'un droit de puisage des eaux de ce lac, doit être regardée non comme une redevance représentative de revenus, mais comme une indemnité compensant la diminution de valeur en capital de la propriété et ne pouvant donc être comprise, à quelque titre que ce soit, dans les revenus imposables du contribuable (CE, arrêt du 7 juin 1978, rec. n° 8222).
56Au cas particulier, le propriétaire s'était également engagé à interdire la circulation des tiers en bateau dans une zone de deux hectares autour de la prise d'eau établie par le syndicat intercommunal. Le Conseil d'État a alors considéré qu'il résultait de la renonciation du propriétaire et de ses ayants droit, au profit d'un tiers et sans limitation de temps, à utiliser librement les eaux du lac, une diminution de la valeur vénale du fonds.
57Enfin, l'indemnité qu'une entreprise reçoit pour compenser le surcoût d'acquisition d'un élément d'actif n'a d'effet sur les résultats que dans la mesure où ceux-ci ont eux-mêmes été affectés par le surcoût.
Lorsque le surcoût concerne une immobilisation amortissable qui n'a pas fait l'objet d'une provision pour dépréciation, les résultats de l'exercice au cours duquel l'indemnité est acquise doivent être majorés de la différence entre l'excédent cumulé des amortissements déjà opérés sur le montant cumulé de ceux qui auraient dû être pratiqués sur la base du prix de revient diminué de l'indemnité. C'est également sur cette dernière base que doivent être calculés les amortissements restant à pratiquer (CE, arrêt du 5 octobre 1988, n° 80823).
1 Le différé d'imposition de deux ans prévu au quatrième alinéa du 1 du I de l'article 39 quindecies cesse de s'appliquer aux plus-values en cause réalisées par les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés au titre d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1997 (cf. DB 4 B 231 n° 16 ).