Date de début de publication du BOI : 28/10/1998
Identifiant juridique : 13O-6-98
Références du document :  13O-6-98

B.O.I. N° 199 du 28 OCTOBRE 1998


BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

13 O-6-98

N° 199 du 28 OCTOBRE 1998

13 R.C. / 52 - 0114

COUR DE CASSATION - CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE
ARRET DU 6 OCTOBRE 1998 (N° 1 495 P)
CONTENTIEUX DE L'IMPOT
ACTIONS EN REPETITION DE DROITS INDUS AU REGARD DU DROIT COMMUNAUTAIRE.
CONFORMITE AUX PRINCIPES DU DROIT COMMUNAUTAIRE
DES REGLES PROCEDURALES NATIONALES.
DELAIS DE RECLAMATION ET DE PRESCRIPTION APPLICABLES.

(L.P.F., art. L 190, R* 196-1)

[D.G.I. - Bureau IV A 2]

ANALYSE DE L'ARRET (texte reproduit en annexe) :

Le délai de réclamation prévu à l'article R* 196-1, alinéa 1, b du Livre des procédures fiscales, seul applicable en l'absence, lors de la réclamation, d'un événement de nature à motiver celle-ci au sens du c de ce même texte, peut être opposé par l'administration fiscale à la demande d'une société qui se fonde sur le caractère indu, au regard du droit communautaire, de l'impôt contesté.

La réclamation de la société présentée le 10 février 1994, soit postérieurement au 31 décembre de la deuxième année suivant celle du versement de l'impôt contesté (en l'espèce, droit d'apport acquitté en 1987, 1988 et 1990) était irrecevable pour avoir été déposée hors du délai prévu à l'article R* 196-1, alinéa 1, b du Livre des procédures fiscales.

OBSERVATIONS

1.Devant la Cour de cassation, la société soutenait que la jurisprudence issue des arrêts des 2 décembre 1997 (C.J.C.E., aff. C-188/95, Sté FANTASK ; BOI 13 O-1-98 ) et 7 avril 1998 (Cass. Com., Sté LAUBEUF ; B.O.I. 13 O-4-98 ), ne pouvait trouver à s'appliquer en l'espèce, dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article R* 196-1, alinéa 1, c du L.P.F., sa demande, formulée le 10 février 1994, ne pouvait se voir opposer aucune forclusion.

A cet effet, elle prétendait que l'entrée en vigueur de l'article 17 de la loi de finances n° 93-1352 du 30 décembre 1993 (qui procédait à un aménagement des droits d'enregistrement dus par les sociétés) constituait l'événement motivant, au sens de l'article R* 196-1, alinéa 1, c du L.P.F., sa demande visant à obtenir la restitution des droits d'apport prévus aux articles 812-I-1° et 816-I-2°, anciens, du C.G.I.

La Cour n'a pas considéré que ce texte pouvait constituer un tel événement 1 .

2.Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme donc :

- d'une part, l'applicabilité des délais fiscaux dans le cadre d'actions en répétition de droits indus et, au cas particulier, du délai de réclamation fixé par l'article R* 196-1, alinéa 1, b du L.P.F., courant à compter du versement des droits en cause (cf. arrêts précités).

- et, d'autre part, la doctrine administrative selon laquelle seul l'arrêt rendu par la Cour de Justice des Communautés Européennes le 13 février 1996 (aff. C-197/94 et C-252/94, Stés BAUTIAA et FRANCAISE MARITIME) constitue l'événement de nature à motiver, au sens de l'article R* 196-1, alinéa 1, c du L.P.F., une réclamation fondée sur le caractère indu, au regard du droit communautaire, du droit d'apport prévu aux articles 812-I-1° et 816-I-2°, anciens, du Code général des impôts.

3.Il résulte de cet arrêt de principe de la Cour de cassation qu'une réclamation visant à obtenir la restitution de droits indus au regard du droit communautaire, introduite antérieurement à la décision de justice déclarant l'imposition contestée contraire à une norme communautaire, relève des seules dispositions de l'article L 190, alinéa 1 du L.P.F. et, pour l'appréciation de sa recevabilité, de celles de l'article R* 196-1, alinéa 1, b du même Livre.

Rapprocher : B.O. I. 13 O-4-98 .

Annoter : D.B. 13 O 1141, n° 6 et 13 O 2122, n°s 7 à 9 .

Le Chef de Service,

Bruno PARENT


ANNEXE


Com. 6 octobre 1998, n° 1495 P :

« Sur le premier moyen :

Vu les articles L 190, alinéa premier, et R 196-1 du Livre des procédures fiscales ;

Attendu, selon le jugement déféré, que la société de Transports Lafont a procédé les 19 juin 1987, 17 juin 1988 et 22 juin 1990 à l'augmentation de son capital par incorporation de réserves, bénéfices ou provisions ; qu'elle a acquitté à ce titre des droits d'enregistrement au taux de 3 % sur le fondement de l'article 812-I-1° du Code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur ; qu'elle a, le 10 février 1994, réclamé la restitution des droits ainsi acquittés ; qu'après le rejet de sa réclamation, elle a assigné le directeur des Services fiscaux du Rhône devant le tribunal de grande instance ; que l'administration fiscale a soulevé l'irrecevabilité de la demande pour tardiveté de la réclamation au regard de l'article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales ;

Attendu que, pour déclarer la demande recevable, le Tribunal retient que la Cour de justice des Communautés européennes, dans un arrêt du 25 juillet 1991 (X... ) a décidé que le droit communautaire s'oppose à ce que les autorités compétentes d'un Etat membre invoquent les règles de procédures nationales relatives aux délais de recours dans le cadre d'une action engagée à leur encontre devant les juridictions nationales aussi longtemps que cet Etat membre n'a pas transposé correctement les dispositions d'une directive dans son ordre juridique interne ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans un arrêt du 2 décembre 1997 (Fantask), la Cour de justice des Communautés européennes a décidé que le droit communautaire n'interdit pas à un Etat membre, qui n'a pas transposé correctement la Directive 59/335, telle que modifiée, d'opposer aux actions en remboursement de droits perçus en violation de cette directive un délai de prescription national qui court à compter de la date d'exigibilité des droits en cause, dès lors qu'un tel délai n'est pas moins favorable pour les recours fondés sur le droit communautaire que pour les recours fondés sur le droit interne et qu'il ne rend pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire ; qu'elle a précisé dans le même arrêt que les délais raisonnables de recours ne sauraient être considérés comme étant de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire, même si, par définition, l'écoulement de ces délais entraîne le rejet, total ou partiel, de l'action intentée ; qu'il en résulte que le délai de réclamation de l'article R. 196-1 b) du Livre des procédures fiscales, d'application générale, seul applicable en l'absence lors de la réclamation de tout événement de nature à la motiver au sens du c) de la même disposition, pouvait être opposé par l'administration fiscale à la société ; qu'ayant constaté que la réclamation de la société avait été présentée le 10 février 1994, soit postérieurement au 31 décembre de la deuxième année suivant celle du versement de l'impôt contesté, le Tribunal a méconnu la portée des textes susvisés ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation peut, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée.

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE... »

 

1   Rapprocher : Com. 1er juin 1993, Bull. IV n° 218, p. 156 et 18 janvier 1994, n° 146 D ; la Cour de cassation avait déjà jugé que la publication d'une loi nouvelle modifiant sans rétroactivité la loi antérieure applicable au litige ne pouvait constituer un événement au sens de l'article R* 196-1, alinéa 1, c.