Date de début de publication du BOI : 30/04/1996
Identifiant juridique : 13O1141
Références du document :  13O114
13O1141
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SECTION 4 DEMANDES FONDÉES SUR LA NON-CONFORMITÉ D'UNE RÈGLE DE DROIT À UNE RÈGLE DE DROIT SUPÉRIEURE


SECTION 4

Demandes fondées sur la non-conformité d'une règle de droit
à une règle de droit supérieure


1Il est apparu nécessaire de préciser les règles régissant les actions tendant à obtenir la décharge ou la réduction d'impositions fondées sur des dispositions ultérieurement jugées non conformes à des règles de droit supérieures ainsi que les actions en réparation du préjudice éventuellement subi de ce fait.

2Tel est l'objet de l'article 36 de la loi de finances rectificative pour 1989 (loi n° 89-936 du 29 décembre 1989) dont le paragraphe I complète l'article L 190 du Livre des procédures fiscales par les deux alinéas suivants :

« Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure.

« Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue ».

3Le paragraphe II de l'article 36 de la loi de finances rectificative pour 1989 prévoit que les dispositions de cet article s'appliquent aux demandes introduites postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi.

Sont donc visées toutes les réclamations présentées à compter du 1er janvier 1990.

Il convient de préciser :

- l'étendue du champ d'application du contentieux fiscal (article L 190, 2e alinéa) [sous-section 1] ;

- et la portée des actions tendant au paiement d'une somme ou les actions en responsabilité lorsque la non-conformité de la règle dont il a été fait application a été révélée par une décision juridictionnelle (article L 190, 3e alinéa) [sous-section 2].


SOUS-SECTION 1

Actions fondées sur la non-conformité de la règle de droit
à une règle de droit supérieure

(Portée du 2e alinéa de l'article L 190 du LPF)


1Il résulte clairement du 2e alinéa de l'article L 190 du LPF que les actions tendant à la réduction ou à la décharge d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction relèvent des règles propres du contentieux fiscal même lorsque ces actions sont fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application, à une règle de droit supérieure


  A. ACTIONS CONCERNÉES


2L'article L 190 du LPF concerne les réclamations par lesquelles les contribuables ou redevables concluent à :

- la décharge ou réduction d'une imposition mise en recouvrement par voie de rôle ou d'avis de mise en recouvrement. Elles peuvent conduire, en pratique, à un simple dégrèvement comme au remboursement des sommes préalablement acquittées ;

- la restitution de sommes acquittées sans émission d'un titre exécutoire ;

- l'exercice d'un droit à déduction ;

- les actions en « répétition de l'indû » en matière fiscale (cf. n°s 6 et suiv. ).

3Restent en revanche exclus des règles du contentieux fiscal :

- les recours pour excès de pouvoir (contentieux de l'annulation) ;

- les actions en responsabilité (contentieux de l'indemnisation) [mais voir sous-section 2 ci-après].

4À l'appui des actions concernées, les contribuables peuvent invoquer, parmi les moyens relatifs au bien-fondé de l'imposition, la non-conformité des règles dont il a été fait application, c'est-à-dire :

- leur illégalité (par exemple, un décret contraire à la loi) ;

- leur incompatibilité ou contrariété avec une norme internationale (par exemple, loi contraire à un traité).


  B. CONDITIONS D'EXERCICE ET SUITES DE L'ACTION


5L'ensemble des règles du contentieux fiscal s'applique à ces actions, qu'il s'agisse de dispositions législatives ou réglementaires. Il en est ainsi notamment des :

- modalités d'introduction et d'instruction des réclamations (art. L 191 et suiv. et art. L 277 et suiv. du LPF) ;

- procédures juridictionnelles (art. L 199 et suiv. du LPF) ;

- conséquences de la procédure (art. L 206 et suiv. du LPF) ;

- délais de réclamation (art. R* 196-1 et suiv. du LPF) ;

- dégrèvements d'office (art. R* 211-1 et suiv. du LPF) ;

- délais d'assignation (art. R* 199-1 du LPF).


  I. Délai de réclamation


6  L'article L. 190 du LPF dans sa rédaction issue de l'article 36 de la loi du 29 décembre 1989 a eu pour effet de rendre applicable aux actions en répétition de l'indu, auparavant soumises à la seule prescription trentenaire de droit commun, le délai de réclamation prévu à l'article R* 196-1 de ce livre.

Ces dispositions - qui ne sont pas moins favorables que les recours similaires de droit interne et qui ne rendent pas excessivement difficiles les possibilités d'agir en répétition de l'indu - sont applicables à tous les litiges engagés par des réclamations présentées, aux termes de la loi, après la date d'entrée en vigueur de la loi du 29 décembre 1989.

Toutefois, en application de l'article 2 du Code civil, lorsque la loi réduit la durée d'une prescription, la prescription réduite commence à courir du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle. Dès lors, le délai institué par l'article R* 196-1 du LPF n'a commencé à courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 29 décembre 1989 (Com., 13 décembre 1994, X... , n ° 2338 P).


  II. Délai d'assignation


7Aux termes de l'article L. 190 du LPF dans sa rédaction résultant de la loi précitée du 29 décembre 1989 applicable aux litiges engagés par une réclamation présentée après le 1er janvier 1990, les actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure sont instruites et jugées selon les règles de la procédure fiscale.

Viole en conséquence, outre le texte précité, l'article R* 199-1 du même Livre, le tribunal qui, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'assignation formée plus de deux mois après le rejet d'une réclamation présentée le 27 juin 1990, énonce que, s'agissant d'une action en répétition de l'indu, les dispositions de l'article R* 199 relatives à la prescription de l'action ne sont pas applicables (Com., 13 décembre 1994, X... , n ° 2237 P).


  III. Irrecevabilité de l'appel


8Fait une exacte application de l'article L. 199 du LPF, le tribunal qui, saisi d'une action en restitution de taxes indues introduite par une réclamation postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 29 décembre 1989, déclare statuer en premier et dernier ressort (Com., 13 décembre 1994, n° 2238 P).


  IV. Observations


9Par les deux arrêts du 13 décembre 1994 mentionnés ci-dessus, la Cour de Cassation a précisé les conditions de la mise en oeuvre des dispositions de l'article 36 de la loi n° 89-936 du 29 décembre 1989 ayant complété l'article L. 190 du LPF.

L'article L 190, al. 2 a pour effet de rendre applicables les règles propres du contentieux de l'établissement de l'impôt aux actions en répétition de taxes indues en raison de la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure.

La Haute Juridiction a jugé que doivent ainsi recevoir application les dispositions prévues aux articles R* 196-1 (délai de réclamation), R* 199-1 (délai d'introduction de l'action devant le tribunal de grande instance) et L 199, al. 2 du LPF (exclusion de l'appel en matière de droits d'enregistrement et assimilés).

10S'agissant des délais d'introduction de la réclamation préalable, la Cour :

- énonce que les dispositions introduites par la loi du 29 décembre 1989 sont conciliables avec le droit communautaire ;

- et précise leur portée dans le temps.

11  Ainsi, après avoir relevé qu'en ce qui concerne les actions en répétition de taxes indues, la loi précitée substitue à la prescription trentenaire de droit commun les délais prévus à l'article R* 196-1 du LPF, la Cour de Cassation conclut à la compatibilité des dispositions nouvelles avec les principes du droit communautaire tels qu'ils ressortent de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes (C.J.C.E., 29 juin 1988, X...  ; Rec. p. 3513).

La Cour constate en effet :

- que les modalités procédurales ainsi mises en oeuvre n'ont pas pour conséquence de rendre excessivement difficiles les possibilités d'agir en répétition de l'indu ;

- et qu'appliquées à une taxe indue au regard du droit communautaire, ces modalités ne sont pas moins favorables que les recours similaires de droit interne.

12Toutefois, conformément à sa jurisprudence, la Cour de Cassation juge qu'il résulte de l'article 2 du Code civil que lorsque la loi réduit la durée d'une prescription, la prescription réduite commence à courir, sauf disposition contraire, du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder le délai prévu par la loi antérieure (rapproch. Com., 22 octobre 1991, Bull. IV, n° 307).

De sorte que les réclamations formulées après l'entrée en vigueur de la loi du 29 décembre 1989, relatives à des impositions dont le caractère indu a été établi antérieurement au 1er janvier 1990 - telles les taxes en cause visées par les arrêts rendus les 9 mai 1985 (aff. X... ) et 17 septembre 1987 (aff. X... ) par la Cour de Justice des Communautés Européennes- étaient recevables jusqu'au 31 décembre de la deuxième année suivant celle de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle (art. R* 196-1 du LPF), soit le 31 décembre 1992.


ANNEXES

 Cour de Cassation - chambre commerciale, financière et économique
arrêt du 13 décembre 1994, n° 2337 P :


« Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 190 du LPF, en sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 1989, ensemble l'article R. 199-1 du même code ;

Attendu qu'aux termes du premier texte, applicable aux litiges engagés par des réclamations présentées après le 1er janvier 1990, les actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, sont instruites et jugées selon les règles de la procédure fiscale ; qu'il résulte du second texte que l'action fiscale doit être introduite devant le Tribunal compétent dans le délai de deux mois à compter du jour de la réception de l'avis par lequel l'Administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X... a présenté, le 27 juin 1990, une réclamation tendant à la restitution de la taxe spéciale sur les véhicules automobiles, qu'il avait acquittée au titre des années 1980 à 1982 ; que le rejet de sa réclamation lui a été notifié le 24 août 1990 ; qu'il a assigné le directeur départemental des services fiscaux le 27 juin 1991 ;

Attendu que, pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'assignation, le Tribunal énonce que, s'agissant d'une action en répétition de l'indu, les dispositions de l'article R. 199 relatives à la prescription de l'action, ne sont pas applicables ;

Qu'en statuant ainsi, le Tribunal a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE ... »

*

*       *

Cour de Cassation - chambre commerciale, financière et économique arrêt du 13 décembre 1994, n° 2338 P :

« Attendu, selon le jugement déféré, que M. X... , propriétaire d'un véhicule de marque Rover de plus de seize chevaux fiscaux, a réclamé, le 17 janvier 1991, le remboursement des taxes acquittées au titre des années 1979 à 1985 en se fondant sur la contrariété de ces taxes avec l'article 95 du traité CEE, telle que constatée par les arrêts du 9 mai 1985 (X... ) et 17 septembre 1987 (X... ) de la Cour de Justice des Communautés Européennes ; qu'après le rejet de sa réclamation, il a assigné le Directeur des services fiscaux devant le tribunal de grande instance en restitution des taxes acquittées ; que le tribunal a débouté M. X... de sa demande pour les années 1979 et 1980 et a déclaré prescrite sa réclamation pour les années 1981 à 1985 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... fait grief au jugement d'avoir statué en dernier ressort, alors, selon le pourvoi, que le litige relatif à l'exercice du droit à restitution de taxes perçues en violation du droit communautaire, demandée sur le fondement d'arrêts de la Cour de Justice des Communautés Européennes établissant la contrariété des taxes en cause au Traité a trait à une action de droit commun en répétition de l'indu et n'entre donc pas dans les prévisions des articles L. 190 et L. 199 du LPF, que le Tribunal de grande instance a ainsi violés ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 190, deuxième alinéa, du LPF, tel qu'il résulte de la loi du 29 décembre 1989, applicable à tous les litiges engagés par des réclamations ultérieures à l'entrée en vigueur de ladite loi, toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure sont instruites et jugées selon les règles du LPF relatives au contentieux de l'établissement de l'impôt ; que, dès lors, l'article L. 199 du même livre étant applicable, le jugement du Tribunal n'est pas susceptible d'appel ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche ;

Vu l'article 95 du traité instituant la Communauté économique européenne ;

Attendu que, dans son arrêt du 17 septembre 1987 (Z... ), la Cour de Justice des Communautés Européennes a dit pour droit qu'un système de taxe qui, d'une part, par l'établissement d'une tranche d'imposition comportant plus de puissances fiscales que les autres, freine la progression normale de la taxe au profit des véhicules haut de gamme de fabrication nationale et, d'autre part, comporte des modalités de détermination de la puissance fiscale défavorables aux véhicules importés d'autres pays membres, a un effet discriminatoire ou protecteur au sens de l'article 95 du Traité ; qu'en ce qui concerne la détermination de la puissance fiscale, ce dernier arrêt n'a fait que préciser l'interprétation donnée par l'arrêt du 9 mai 1985 (A... ), d'où il suit que cette interprétation s'imposait pour apprécier l'application du système de taxe en cause aux situations existant antérieurement à ce premier arrêt et qu'il en résultait le droit à restitution des taxes perçues en violation des règles ainsi affirmées ; que tel est le cas du système de taxe spéciale appliqué en 1979 et 1980, qui comportait la détermination de la puissance fiscale dans les conditions déterminées par une circulaire ministérielle du 23 décembre 1977 ;

Attendu que, pour débouter M. B... de sa demande au titre des années 1979 et 1980, le jugement relève que l'arrêt A... rendu le 9 mai 1985 par la Cour de Justice des Communautés Européennes n'a statué que pour la période postérieure au 1er décembre 1980 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen soulevé d'office, après avertissement donné aux parties :

Vu l'article 2 du Code civil, ensemble l'article 36 de la loi du 29 décembre 1989 ;

Attendu qu'il résulte de l'article 2 du Code civil que, lorsque la loi réduit la durée d'une prescription, la prescription réduite commence à courir, sauf disposition contraire, du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder le délai prévu par la loi antérieure ; que l'article 36 de la loi du 29 décembre 1989, modifiant l'article L. 190 du LPF et disposant que sont instruites et jugées selon les règles du Livre des procédures fiscales toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droit à déduction fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure, a eu pour effet de rendre applicable aux actions en répétition de l'indu le délai de réclamation prévu à l'article R. 196-1 de ce Livre, tandis que ces actions étaient auparavant soumises à la seule prescription trentenaire de droit commun ; que ces nouvelles dispositions, qui n'ont pas pour effet de rendre excessivement difficiles les possibilités d'agir en répétition de l'indu et qui ne sont pas moins favorables que les recours similaires de droit interne, lesquels ne sont pas tous régis par la prescription trentenaire, sont applicables, aux termes de la loi, à tous les litiges engagés par des réclamations présentées après l'entrée en vigueur de la loi et qu'il en résulte que le délai institué par l'article R. 196-1 du LPF ne commence à courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 29 décembre 1989 ;

Attendu que, pour déclarer la réclamation de M. Y... prescrite pour les années 1981 à 1985, le jugement retient que la réclamation de M. Y... n'a pas été présentée dans le délai de l'article R 196-1 du LPF, soit à l'expiration de la deuxième année suivant celle où a été rendu l'arrêt du 17 septembre 1987 (Z... ) ;

Attendu qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE ... »