Date de début de publication du BOI : 02/06/1999
Identifiant juridique : 13O-4-99
Références du document :  13O-4-99

B.O.I. N° 102 du 2 JUIN 1999


BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

13 O-4-99

N° 102 du 2 JUIN 1999

13 R.C. / 28 - O 1142

COUR DE CASSATION - CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE.
ARRET DU 17 NOVEMBRE 1998 (BULL. IV, n° 273, p. 229).
CONTENTIEUX DE L'IMPOT.
ACTION EN REPETITION DE TAXES INDUES.
CARACTERE INDU DECOULANT DE LA NON-CONFORMITE DES DIRECTIVES
DE L'ADMINISTRATION A LA REGLE DE DROIT SUPERIEURE.
DELAI DE RECLAMATION - PERIODE REPETIBLE.

(L.P.F., art. L. 190, R* 196-1)

[Bureau J 2]

ANALYSE DE L'ARRET (texte reproduit en annexe) :

Constitue, en matière fiscale, une action en répétition de l'indu, toute action fondée sur l'illicéïté du texte assujettissant l'auteur de la demande à la taxe dont il demande la restitution.

S'analyse comme telle, la demande tendant à obtenir la restitution d'une imposition acquittée sur le fondement de directives de l'administration jugées non conformes à la règle de droit supérieure.

Pour l'exercice du droit à restitution en découlant, la date du premier des arrêts de la Cour de Cassation ayant révélé cette non-conformité constitue le point de départ du délai de réclamation ouvert au titre de l'article R.* 196-1, al. 1, c du Livre des procédures fiscales, ainsi que celui de la période répétible définie par l'article L. 190, alinéa 3 du même livre.

Il s'ensuit que la demande présentée avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle du prononcé de l'arrêt en cause doit être regardée comme recevable, mais prescrite en ce qu'elle vise des sommes acquittées antérieurement au 1er janvier de la quatrième année précédant cette décision.

OBSERVATIONS :

La Cour de Cassation précise les contours et les modalités de l'action en répétition de l'indu en matière fiscale.

1.Il convient d'abord de rappeler que, lorsque le juge de l'impôt se prononce par une interprétation de la loi fiscale différente de celle qui est exprimée par l'administration dans ses instructions régulièrement publiées, il statue sur le fondement direct et exclusif de la loi, de sorte qu'il ne déclare pas non conforme à une règle de droit supérieure l'interprétation administrative fondant l'imposition litigieuse.

Sa décision ne saurait ainsi constituer la justification et le fondement d'actions en répétition de l'indu engagées ultérieurement par des tiers (Com. 24 mai 1994, Bull. IV, n° 187, p. 149 ; DB 13 O 2122, n° 10 ).

2.Constitue, en revanche, une action en répétition de l'indu la demande en restitution d'une imposition acquittée sur le fondement de directives de l'administration se présentant, non comme l'interprétation de la loi fiscale, mais comme son substitut pur et simple, justifié par l'existence d'un prétendu vide juridique consécutif à l'abrogation implicite de la loi pertinente 1 .

La contrariété absolue des directives en cause à la règle de droit supérieure - si elle est avérée - découle alors de la simple constatation par le juge de l'impôt de l'absence de toute abrogation, fut-elle implicite, du texte évincé.

En ce cas, ainsi qu'elle l'avait précédemment jugé dans deux arrêts du 6 mai 1996 (Bull. IV, n° 124, p. 108 ; BOI 13 O-4-96 ), la Cour de Cassation estime que c'est le premier de ses propres arrêts statuant sur une telle non-conformité qui constitue le point de départ commun du délai de réclamation (art. R* 196-1, al. 1, c du LPF) et de prescription de l'action (article L.190, al. 3 du LPF)

3.L'arrêt commenté confirme que les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 190 du LPF ont vocation à régir l'ensemble des actions en répétition de l'indu en matière fiscale, quel que soit le rang et la nature du texte dont la non-conformité à la règle de droit supérieure est invoquée.

Elles s'appliquent ainsi notamment lorsque, comme en l'espèce, le caractère indu de l'imposition découle de la confrontation entre deux textes relevant tous deux du seul droit interne.

Annoter  : D.B. 13 O 1141, n° 11  ; O 1142, n° 3 .

Le Chef de Service

Ph. DURAND


ANNEXE


Com. 17 novembre 1998 ; Bull. IV, n° 273, p. 229 :

 " Attendu, selon le jugement déféré que, par réclamation présentée le 6 novembre 1992 l'hoirie X... (les consorts Y... ) a demandé la restitution de la majeure partie de l'impôt sur les grandes fortunes payé pour les années 1983 à 1986 par son auteur Henri Y... , en faisant valoir que ce dernier avait dans ses déclarations procédé à l'évaluation de ses immeubles sis en Corse conformément aux directives de l'administration fiscale, directives qu'un arrêt de la Cour de Cassation rendu le 28 janvier 1992 a déclarées contraires à l'arrêté du 21 prairial an IX ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le directeur général des impôts reproche au jugement d'avoir dit recevable la réclamation, alors, selon le pourvoi, que, s'agissant d'une action en contestation de l'impôt, l'arrêt de la Cour de Cassation du 28 janvier 1992 ne saurait constituer un événement au sens de l'article R. 196-1, c), du livre des procédures fiscales susceptible d'ouvrir un nouveau délai de réclamation ; qu'en décidant néanmoins que cette décision avait fait naître au profit des consorts Y... un tel délai de réclamation, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

Mais attendu que l'action des consorts Y... , fondée sur la non-conformité des directives de l'administration à l'arrêté du 21 prairial an IX, révélée par l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 27 janvier 1992, était dès lors une action en répétition de l'indu et qu'en conséquence le délai de réclamation institué par l'article R. 196-1, c), du Livre des procédures fiscales n'avait commencé à courir qu'à compter de cette décision ; que, par ce motif de pur droit, le jugement se trouve justifié ;

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 190, alinéa 3, du Livre des procédures fiscales, en sa rédaction résultant de la loi n° 89-936 du 29 décembre 1989 ;

Attendu que, pour l'application de ce texte, aux termes duquel, lorsque la non-conformité de la règle de droit en vertu de laquelle l'impôt dont la restitution est demandée avec une règle de droit supérieure a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue ; que la décision juridictionnelle doit, dans les matières soumises à la compétence de l'ordre judiciaire, avoir été rendue par la Cour de Cassation ; qu'enfin l'arrêt à prendre en considération est le premier de ceux prononcés par cette juridiction concernant la compatibilité des dispositions de droit interne avec la règle de droit supérieure ;

Attendu que, pour accueillir la demande, le Tribunal énonce que la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure avait été constatée par son jugement du 22 octobre 1981 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la décision à prendre en considération était l'arrêt du 28 janvier 1992, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs ... ;

Casse et annule.... " 

 

1   L'arrêt commenté a été rendu dans le contexte du régime spécial issu de l'arrêté du 21 prairial an IX, dit « arrêté MIOT », texte ayant force de loi et prévoyant un mode particulier d'évaluation des immeubles situés en Corse en matière de droits de mutation par décès et, par extension, d'impôt sur les grandes fortunes.

Considérant que ce texte avait été implicitement abrogé par les réformes fiscales réalisées en 1948, l'administration avait, dans un premier temps, conclu au retour à la règle générale d'évaluation selon la valeur vénale réelle (solution du 24 avril 1951, BOED 1951, I-5697), avant que le Ministre du budget ne décide de différer la mise en application du droit commun en instituant un mode administratif spécifique d'évaluation (décision du Ministre du budget du 14 juin 1951, BOED 1952, I-5937).

La Cour de Cassation devait décider par un arrêt du 28 janvier 1992 (Bull. IV, n° 43, p. 33) que l'arrêté MIOT n'avait jamais été abrogé, de telle sorte que les procédures menées sur le fondement des directives administratives de 1951 n'étaient pas justifiées.