Date de début de publication du BOI : 20/09/2010
Identifiant juridique : 13L-9-10 
Références du document :  13L-9-10 
Annotations :  Lié au BOI 13M-2-10
Lié au BOI 13N-3-10

B.O.I. N° 84 DU 20 SEPTEMBRE 2010


BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

13 L-9-10  

N° 84 DU 20 SEPTEMBRE 2010

INSTRUCTION DU 9 SEPTEMBRE 2010

PROCEDURE DE L'ABUS DE DROIT FISCAL.
ARTICLE 35 DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2008 (LOI N° 2008-1443 DU 30 DECEMBRE 2008).

(L.P.F., art. L. 64)

NOR :  BCR Z 10 00063 J

Bureau JF-2B



ECONOMIE GENERALE DE LA MESURE


L'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 (n° 2008-1443 du 30 décembre 2008) a modifié la procédure de répression des abus de droit prévue aux articles L. 64 et L. 64 A du livre des procédures fiscales. Cette réforme fait suite au rapport Fouquet sur la sécurité juridique en matière fiscale («  Améliorer la sécurité juridique des relations entre l'administration fiscale et les contribuables : une nouvelle approche  ») remis au ministre du Budget, des Comptes publiques et de la Fonction publique et de la Réforme de l'Etat en juin 2008 dont elle reprend l'essentiel des recommandations en matière d'abus de droit.

La refonte de la procédure de l'abus de droit a pour effet :

- de préciser la définition de l'abus de droit (LPF, art. L. 64) ;

- d'harmoniser les pénalités applicables pour abus de droit ou fraude à la loi (CGI, art. 1729) ;

- de modifier les règles de paiement solidaire de ces pénalités (CGI, art. 1754 V 1) ;

- et de modifier la composition du comité consultatif pour la répression des abus de droit, son fonctionnement de même que sa dénomination (CGI, art. 1653 C, 1653 D et 1653 E).

Les dispositions relatives à la procédure de l'abus de droit fiscal s'appliquent aux propositions de rectifications notifiées à compter du 1 er janvier 2009. Les dispositions concernant le comité entrent en vigueur le 1 er janvier 2009 et le 1 er avril 2009 concernant sa composition.

La présente instruction commente les modifications ainsi apportées aux articles L. 64 et L. 64 A du livre des procédures fiscales et mentionne les nouvelles règles applicables en matière de majoration pour abus de droit, de solidarité de paiement des pénalités et concernant le comité, expose les nouvelles règles qui le régissent en termes de composition, de fonctionnement et de dénomination.


SOMMAIRE

INTRODUCTION
 
1
Section 1 : Règles antérieures
 
2
A.  CHAMP D'APPLICATION DE LA PROCEdure de repression des abus de droit
 
2
B.  MAJORATION POUR ABUS DE DROIT
 
4
C. SOLIDARITE DE PAIEMENT DES PENALITES EN CAS D'ABUS DE DROIT
 
5
D. LE COMITE CONSULTATIF POUR LA REPRESSION DES ABUS DE DROIT
 
6
Section 2 :  Règles nouvelles
 
8
A.  CHAMP D'APPLICATION DE LA PROCEDURE DE L'ABUS DE DROIT FISCAL
 
8
     1.  Définition de l'abus de droit fiscal
 
8
     2.  Les actes qui peuvent être écartés par la procédure de l'abus de droit fiscal
 
13
     3.  Les textes ou les décisions retenus pour établir une fraude à la loi au sens de l'article L. 64 du LPF
 
14
      a. Les textes
 
14
      b. Les décisions
 
15
     4.  Le rescrit « abus de droit »
 
17
B.  MAJORATION POUR ABUS DE DROIT
 
18
C.  SOLIDARITE DE PAIEMENT DES PENALITES EN CAS D'ABUS DE DROIT
 
21
D.  COMITE DE L'ABUS DE DROIT FISCAL
 
22
     1. Composition du comité
 
22
     2. Règles d'incompatibilité
 
27
     3. La procédure suivie devant le comité
 
28
E.  DENOMINATION DU COMITE ET DE LA PROCEDURE DE RECTIFICATION
 
29
Section 3 : Entrée en vigueur
 
31
Annexe : Article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 (loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008)
 


INTRODUCTION


1.L'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 (n° 2008-1443 du 30 décembre 2008) a modifié la procédure de répression des abus de droit prévue aux articles L. 64 et L. 64 A du livre des procédures fiscales. La présente instruction a pour objet de rappeler les principes généraux de cette procédure et de commenter les nouveaux principes applicables résultant de la réforme. Des précisions sont apportées en particulier quant à sa définition, aux majorations applicables, à la solidarité de paiement des pénalités ainsi qu'à la composition, aux règles de fonctionnement et à la dénomination du comité consultatif pour la répression des abus de droit.

Les commentaires sur les modifications apportées aux dispositions concernant la majoration pour abus de droit (CGI, art. 1729 b) et aux dispositions concernant la solidarité de paiement des pénalités en cas d'abus de droit (CGI, art. 1754 V 1) sont repris dans le BOI 13 N-3-10 .

Les commentaires sur la composition, le fonctionnement, la dénomination et la procédure suivie devant le comité de répression des abus de droit figurant dans la documentation de base sous la référence 13 M 5 sont rapportés et repris dans le BOI 13 M-2-10 assortis des commentaires sur les modifications apportées par l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 (n° 2008-1443 du 30 décembre 2008).


Section 1 : 

Règles antérieures



  A.  CHAMP D'APPLICATION DE LA PROCEDURE DE REPRESSION DES ABUS DE DROIT


2.La procédure de répression des abus de droit prévue aux articles L. 64 et L. 64 A du livre des procédures fiscales est une procédure contradictoire mise en œuvre exceptionnellement dans des affaires importantes ou particulièrement délicates qui permet d'écarter des actes juridiques dans les situations de fictivité juridique et de fraude à la loi 1 , c'est-à-dire lorsque ces actes ont pour objectif la recherche d'un but exclusivement fiscal par le contournement de la norme.

La procédure de répression des abus de droit, telle qu'en vigueur pour les propositions de rectification notifiées avant le 1 er janvier 2009, ne s'applique pas à tous les impôts. Les impôts visés par la procédure prévue aux articles L. 64 et L. 64 A du livre des procédures fiscales sont : l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, les taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière, l'impôt de solidarité sur la fortune et la taxe professionnelle. Sont en revanche exclues de cette procédure les taxes sur les salaires, la taxe d'habitation et la taxe foncière.

De même, la procédure de répression des abus de droit ne s'applique pas à tous les aspects des impôts qui entrent dans son champ d'application. Par exemple, en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés cette procédure n'est applicable qu'à l'établissement de l'assiette de l'impôt à l'exclusion de sa liquidation et de son paiement.

De plus, des garanties spécifiques sont accordées au contribuable dans le cadre de la procédure de répression des abus de droit : le visa de la proposition des rectifications par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur départemental et la possibilité de demander la saisine pour avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit.

Par ailleurs, le Conseil d'Etat a rappelé que le principe général de « fraude à la loi » s'appliquait aux impôts non visés par le texte opérant en matière d'abus de droit et aux actes qui ne visent pas à obtenir une minoration de l'assiette de l'impôt (CE, 27 septembre 2006, n° 260050, Janfin). L'application dans ces situations de la majoration pour manœuvres frauduleuses est possible s'il est démontré que le contribuable a créé des apparences de nature à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle.

En conséquence, sur le terrain de la fraude à la loi, selon que l'administration utilise ou non la procédure de répression des abus de droit c'est-à-dire que les opérations examinées sont constitutives ou non d'un abus de droit au sens des articles L. 64 et L. 64 A du livre des procédures fiscales, les situations contrôlées sont traitées diversement aussi bien en termes de pénalités applicables, de paiement solidaire de ces pénalités qu'en termes de garanties accordées au contribuable.

3.En application des dispositions de l'article L. 64 B du livre des procédures fiscales, la procédure définie à l'article L. 64 du même livre n'est pas applicable lorsqu'un contribuable, préalablement à la conclusion d'un contrat ou d'une convention, a consulté par écrit l'administration centrale en lui fournissant tous éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération, et que l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois à compter de cette demande ou a confirmé que l'opération présentée ne constituait pas un abus de droit.


  B.  MAJORATION POUR ABUS DE DROIT


4.Les inexactitudes ou rehaussements relevés dans le cadre de la procédure de répression des abus de droit sont passibles de la majoration de 80 % prévue au b de l'article 1729 du code général des impôts.


  C. SOLIDARITE DE PAIEMENT DES PENALITES EN CAS D'ABUS DE DROIT


5.En application du 1 du V de l'article 1754 du code général des impôts, en cas d'abus de droit l'intérêt de retard et la majoration prévue à l'article 1729 sont dus par toutes les parties à l'acte ou à la convention qui sont solidairement tenues à leur paiement.

L'administration n'est pas autorisée à réclamer à un contribuable contrôlé les pénalités (majoration pour abus de droit et intérêt de retard) qui résultent de la procédure de répression des abus de droit dès lors que ce contribuable n'est pas partie à l'acte ou à la convention litigieux bien qu'en étant le bénéficiaire. Seules les parties à ces actes ou conventions sont redevables solidairement des pénalités (CE, 23 août 2006, n° 262914, Treilhou).


  D. LE COMITE CONSULTATIF POUR LA REPRESSION DES ABUS DE DROIT


6.Le comité consulté pour avis à l'initiative du contribuable ou de l'administration se dénomme « comité consultatif pour la répression des abus de droit » (CCRAD). Il est composé en application de l'article 1653 C du code général des impôts d'un conseiller d'Etat, président, d'un conseiller à la Cour de cassation, d'un professeur des universités, agrégé de droit ou de sciences économiques, et d'un conseiller maître à la Cour des comptes nommés par le ministre de l'économie et des finances. Sont également désignés dans les mêmes conditions un ou plusieurs agents supérieurs de la direction générale des impôts pour remplir les fonctions de rapporteur auprès du comité.

7.La procédure suivie devant le CCRAD est écrite.


Section 2 : 

Règles nouvelles



  A.  Champ d'application de la procEdure de l'abus de droit fiscal


  1.  Définition de l'abus de droit fiscal

8.L'article L. 64 du livre des procédures fiscales résultant de l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008 définit l'abus de droit comme suit :

« Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».

9.Désormais, la procédure de l'abus de droit fiscal concerne tous les impôts et peut être mise en œuvre indifféremment lorsque la situation constitutive de l'abus porte sur l'assiette, la liquidation de l'impôt ou son paiement.

10.Cette définition couvre les situations de fictivité juridique et de fraude à la loi.

11.En pratique, la fictivité juridique est constituée par la différence objective existant entre l'apparence juridique créée par l'acte en cause et la réalité, en particulier économique, sous-jacente à cet acte.

Selon la jurisprudence, la fraude à la loi en matière fiscale, souvent résumée par la recherche d'un but exclusivement fiscal, est constituée toutes les fois que sont réunies cette recherche d'un but exclusivement fiscal et, d'autre part, l'obtention d'un avantage fiscal par une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs (CE, 29 décembre 2006, n°283314, Bank of Scotland), par exemple par le recours à un montage juridique et économique artificiel (CE, 18 mai 2005, n° 267087, Sagal, CE, 18 février 2004, n° 247729, Pléiade et CE, 27 juillet 2009, n° 295358, Caisse Interfédérale du Crédit Mutuel).

12.La recherche d'un but exclusivement fiscal consistant à éluder ou atténuer les charges fiscales peut notamment prendre la forme d'une réduction d'une dette d'impôt ou de la perception indue d'un crédit d'impôt ou encore de l'augmentation abusive d'une situation déficitaire.

L'exercice d'une option offerte par la législation fiscale n'est pas en soi constitutif d'un abus de droit, les conditions qui ont permis de se trouver en situation d'exercer cette option peuvent en revanche être abusives et encourir la mise en œuvre de la procédure de l'abus de droit fiscal (CE, ass.plén., 3 février 1984, n° 38230, Mme Bilger X... ).