Date de début de publication du BOI : 20/09/2010
Identifiant juridique :

B.O.I. N° 84 DU 20 SEPTEMBRE 2010

  2.  Les actes qui peuvent être écartés par la procédure de l'abus de droit fiscal

13.Tout comme avant la réforme de l'abus de droit issue de l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008, les actes que l'administration peut écarter en démontrant un abus de droit sont des actes écrits ou non écrits (bail verbal, …) qu'ils soient unilatéraux, bilatéraux ou multilatéraux : il s'agit en pratique de tout document ou fait 2 qui manifeste l'intention de son auteur et produit des effets de droit.

  3.  Les textes ou les décisions retenus pour établir une fraude à la loi au sens de l'article L. 64 du LPF

a. Les textes

14.Lorsque la mise en œuvre de la procédure de l'abus de droit fiscal a pour objectif la démonstration d'une fraude à la loi c'est-à-dire la mise en évidence de la recherche d'un but exclusivement fiscal par l'application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, les textes en question s'entendent des lois et le cas échéant des textes réglementaires (décrets pris en Conseil d'Etat, décrets simples, arrêtés, …) qui en précisent les conditions d'application.

b. Les décisions

15.Les décisions susceptibles d'être prises en compte pour établir une fraude à la loi s'entendent de celles qui vont au-delà du simple commentaire de la norme et qui de ce fait créent du droit.

- Il en résulte que les instructions administratives publiées au bulletin officiel des impôts ne sont pas constitutives de décisions au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans la mesure où elles ont en principe pour seul objet de commenter la norme (loi, décret ou arrêté) et donc qu'elles ne créent pas du droit.

Il peut en être différemment des instructions dont les dispositions outrepassent le commentaire et comportent ainsi une interprétation qui ajoute à la norme : dans l'hypothèse où un contribuable fait une application littérale d'une telle instruction à l'encontre des objectifs poursuivis par son auteur, la procédure de l'abus de droit fiscal est susceptible de s'appliquer.

En conséquence, le n° 29 de la DB 13 L 1531 du 1 er juillet 2002 est rapporté.

- Les décisions administratives entrent dans le champ de l'article L. 64 du LPF lorsqu'elles sont de portée générale et comportent une interprétation favorable de la loi, telles les réponses ministérielles à des questions écrites des parlementaires ou les réponses à des représentants d'organisations professionnelles.

Les précisions doctrinales apportées par l'administration fiscale et mises en ligne sur le site internet de la DGFiP ( www.impots.gouv.fr ), à la rubrique « documentation », sous-rubrique « la documentation fiscale en ligne », onglet « les rescrits », Table Analytique des Rescrits » entrent également dans le champ de l'article L. 64 du LPF.

16.En revanche, les décisions individuelles ne peuvent en aucun cas servir de fondement à l'application de la procédure d'abus de droit fiscal.

4. Le rescrit « abus de droit »

17.En application des dispositions de l'article L. 64 B du livre des procédures fiscales, la procédure prévue à l'article L. 64 du même livre n'est pas applicable lorsqu'un contribuable, préalablement à la conclusion d'un ou plusieurs actes, a consulté par écrit l'administration centrale en lui fournissant tous éléments utiles pour apprécier la portée véritable de ces actes, et que celle-ci n'a pas répondu dans un délai de six mois ou a confirmé que l'opération présentée ne constituait pas un abus de droit.


  B.  majoration pour abus de droit


18.En application du b de l'article 1729 du code général des impôts, les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire.

Désormais, deux taux sont susceptibles de s'appliquer :

- 40 % dès lors qu'il y a abus de droit ;

- 80 % si le service établit que le contribuable est l'instigateur principal ou le bénéficiaire principal de l'abus de droit.

L'application de la majoration de 80 % nécessite donc une démonstration et une motivation étayées dans la proposition de rectification. Cette démonstration pourra être apportée par tous moyens, notamment par référence à des pièces saisies suite à une opération de visite et de saisie ou par référence aux fonctions et au rôle du ou des intéressés dans l'opération en cause.

A défaut de cette démonstration, seule la majoration de 40% est applicable.

19.Sur la notion de « bénéficiaire principal », dans tous les cas où le contribuable contrôlé est l'unique bénéficiaire de l'acte ou des actes écartés, le rehaussement de la majoration pour abus de droit de 40 à 80 % ne pose pas de difficulté.

En cas de pluralité de bénéficiaires, la notion de bénéficiaire « principal » ou d'instigateur « principal » repose sur une appréciation qualitative des faits et a vocation à s'appliquer à tous les contribuables qui ont pris une part active dans le montage considéré comme abusif par l'administration.

A l'inverse, le taux de pénalité de 40 % s'applique lorsque le contribuable s'est montré « passif » c'est-à-dire n'a pas initié le montage critiqué ou en a retiré un avantage de moindre importance que celui perçu par les autres personnes impliquées.

Dans les situations où plusieurs personnes bénéficient des opérations abusives en droit dans les mêmes proportions, elles sont chacune considérées comme « bénéficiaire principal ».

L'appréciation du caractère principal du bénéficiaire d'un acte ne se limite pas au seul critère mathématique.

Ainsi, face à deux associés, l'un détenant 50 % plus un des titres d'une société et son co-associé le solde, l'application de la majoration au premier des deux associés conduirait à une situation tout à fait inéquitable que n'a pu souhaiter le législateur.

Sont considérés comme les principaux bénéficiaires et les principaux instigateurs tous les participants à une opération abusive au sens de l'article L. 64 du LPF bien que chacun soit actionnaire minoritaire dès lors que la mise en place de la filiale litigieuse ne trouve sa raison d'être que dans la participation de plusieurs associés minoritaires (CE n° 295358 du 27 juillet 2009 Caisse Interfédérale du Crédit Mutuel).

Le dispositif du b de l'article 1729 du code général des impôts a pour vocation d'écarter les associés très minoritaires d'une société qui ne sont en fait que des associés passifs et qui ne disposent pas d'information particulière ni de pouvoir de décision au sein de la société. Ce dispositif permet d'appliquer la sanction au taux de 40 % dès lors que certains bénéficiaires de l'opération critiquée n'en retirent qu'un avantage fiscal minime attestant ainsi de l'absence d'intentionnalité dans la manœuvre constatée.

Bien entendu, si le ou les bénéficiaire(s) « secondaire(s) » de l'opération litigieuse sont à l'initiative du montage critiqué et sous réserve que l'administration en fasse la démonstration dans la proposition de rectification qui leur est adressée, les droits sont assortis de la majoration de 80%.

20.La majoration est applicable, quelle que soit la nature des impôts en cause, dans tous les cas où les cotisations réclamées aux contribuables ou établies à leur nom résultent d'une rectification motivée par un abus de droit.

À cet égard, il n'y a pas lieu de distinguer selon que les cotisations en cause ont été, ou non, établies ou réclamées, après avis du comité dont la consultation facultative est prévue par l'article L. 64 susvisé, ou même contrairement à l'avis de ce comité.


  C.  SOLIDARITE DE PAIEMENT DES PENALITES EN CAS D'ABUS DE DROIT


21.En application du 1 du V de l'article 1754 du code général des impôts, en cas d'abus de droit ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat, toutes les parties à l'acte ou à la convention sont tenues solidairement, avec le redevable de la cotisation d'impôt ou de la restitution d'une créance indue, au paiement de l'intérêt de retard et de la majoration prévue à l'article 1729 du même code.

Cette modification a pour effet de rétablir le contribuable dans sa qualité de redevable des pénalités, dont la majoration pour abus de droit, les parties à l'acte ou aux actes constitutifs de l'abus de droit étant solidairement responsables de leur paiement avec ce contribuable. Peu importe que le contribuable contrôlé soit ou non partie aux actes que l'administration écarte dans le cadre de la démonstration d'un abus de droit.


  D.  COMITE DE L'ABUS DE DROIT FISCAL


  1. Composition du comité

22.Jusqu'à la réforme de l'abus de droit, le comité est composé en application de l'article 1653 C du code général des impôts des représentants de l'Etat nommés par le ministre de l'économie et des finances :

- un conseiller d'Etat, président,

- un conseiller à la Cour de cassation,

- un professeur des universités, agrégé de droit ou de sciences économiques,

- et un conseiller maître à la Cour des comptes

Sont également désignés dans les mêmes conditions un ou plusieurs agents supérieurs de la direction générale des impôts pour remplir les fonctions de rapporteur auprès du comité.

23.En application de l'article 1653 C du code général des impôts modifié par l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2008, la composition du comité de l'abus de droit fiscal est étendue à compter du 1 er avril 2009 à :

- un avocat ayant une compétence en droit fiscal,

- un notaire,

- un expert-comptable.

24.Tous les membres du comité sont nommés par le ministre chargé du budget ; l'avocat, le notaire et l'expert-comptable le sont en particulier sur proposition respectivement du Conseil national des barreaux, du Conseil supérieur du notariat et du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables. Des suppléants pour chacun des membres du comité sont nommés dans les mêmes conditions que les membres titulaires.

Le ministre chargé du budget désigne en outre un ou plusieurs agents de catégorie A de la direction générale des finances publiques pour remplir les fonctions de rapporteur auprès du comité.

Secret professionnel

25.En application du II de l'article 1653 D (nouveau) du code général des impôts, les membres et les personnels du comité de l'abus de droit fiscal sont tenus au respect des règles de secret professionnel définies à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales.

Ce secret n'est pas opposable à l'autorité judiciaire agissant dans le cadre d'une procédure pénale.

Incapacit é à la désignation comme membre du comité

26.En application du III de l'article 1653 D (nouveau) du code général des impôts, nul ne peut être membre de ce comité s'il a été condamné au cours des cinq années passées, selon les modalités prévues à l'article 131-27 du code pénal, à une peine d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

  2. Règles d'incompatibilité

27.Des règles d'incompatibilité entre la qualité de membre du comité de l'abus de droit fiscal et les intérêts professionnels des membres de ce comité est prévue au I de l'article 1653 D (nouveau) du code général des impôts.

  3. La procédure suivie devant le comité

28.En application de l'article 1653 E (nouveau) du code général des impôts, lorsque le comité de l'abus de droit fiscal est saisi, le contribuable et l'administration sont invités par le président à présenter leurs observations dans le cadre d'un débat oral et contradictoire. Le contribuable conserve la possibilité de ne pas se présenter ou de se faire représenter.


  E.  DENOMINATION DU COMITE ET DE LA PROCEDURE DE RECTIFICATION


29.Le comité chargé de l'examen pour avis des affaires engagées dans le cadre de la procédure de l'abus de droit fiscal tient sa dénomination de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales qui mentionne le « comité de l'abus de droit fiscal » (et non plus le « comité consultatif pour la répression des abus de droit »).

30.S'agissant de la procédure prévue à l'article L. 64, les propositions de rectifications notifiées à compter du 1 er janvier 2009 font état de la « procédure de l'abus de droit fiscal ».