B.O.I. N° 180 du 30 SEPTEMBRE 1999
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
7 G-13-99
N° 180 du 30 SEPTEMBRE 1999
7 E/46 - G 2111
COUR DE CASSATION - CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE.
ARRET DU 26 JANVIER 1999 (N° 257 D).
DROITS DE MUTATION PAR DECES - BIENS A DECLARER.
LIQUIDATION DE LA COMMUNAUTE - REPRISES ET RECOMPENSES.
CREANCE DE REPRISES NON EXERCEES PAR LE CONJOINT SURVIVANT.
(C.G.I., art. 750 ter - Code civil, art. 1472, al. 2 et 1491)
[Bureau J 2]
ANALYSE DE L'ARRET (texte reproduit en annexe) :
L'article 1472, alinéa 2 du Code civil ne conditionne pas le caractère certain d'une créance en reprise à la mise en oeuvre effective de ce droit par l'époux qui en est titulaire ou, après son décès et en application de l'article 1491 du même code, par ses héritiers.
Il s'ensuit que l'administration est fondée, en application de l'article 750 ter du Code général des impôts, à réintégrer à l'actif successoral imposable une telle créance dès lors que l'existence du droit de reprise est établie et que son titulaire est décédé sans l'avoir exercé.
OBSERVATIONS :
Selon l'article 1472 du Code civil, en cas d'insuffisance de la communauté, les prélèvements de chaque époux sont proportionnels au montant des récompenses qui lui sont dues. Toutefois, le second alinéa de ce texte prévoit que si l'insuffisance de la communauté est imputable à la faute de l'un des époux, l'autre conjoint peut exercer ses prélèvements avant lui sur l'ensemble des biens communs, mais également, et subsidiairement, sur les biens propres de l'époux responsable.
Dans le litige tranché par l'arrêt commenté, les deniers tirés de la vente par l'épouse de biens propres étaient tombés en communauté faute de remploi.
L'intéressée disposait donc d'un droit de reprise égal au montant des sommes encaissées, droit qu'elle n'a pu exercer que partiellement lors de la liquidation de la communauté consécutive au décès de son époux en raison de l'insuffisance de l'actif communautaire.
Or cette insuffisance découlait de l'utilisation personnelle par l'époux des liquidités de la communauté aux fins de paiement, au lieu et place des donataires, des droits dus sur la donation consentie à ses enfants de l'ensemble de ses biens.
Demeurée en conséquence créancière des reprises qu'elle n'avait pu opérer du fait de l'appauvrissement de la communauté, imputable au comportement de son conjoint, l'épouse s'était, par la suite, abstenue de toute action destinée à mettre en oeuvre son droit.
A son décès, l'administration a, néanmoins, considéré que cette créance existait toujours dans le patrimoine héréditaire et devait être soumise aux droits de mutation en application de l'article 750 ter du Code général des impôts.
La Cour approuve cette analyse, relevant que le caractère certain de la créance est indépendant du fait que ce droit ait été ou non mis en oeuvre, soit par l'époux qui en était titulaire, soit par les héritiers auxquels il était transmis en application de l'article 1491 du Code civil.
S'agissant par ailleurs de la preuve de l'existence de la créance, celle-ci était suffisamment établie, d'une part, par la mention dans la déclaration de succession du conjoint prédécédé de la reprise n'ayant pu être exercée par l'épouse, et, d'autre part, par la cause de l'appauvrissement de la communauté, imputable au comportement de l'époux, le fait que l'épouse n'avait pas, postérieurement à la liquidation de la communauté, exercé ses droits n'étant pas contesté.
Annoter : D.B. 7 G 2111, n° 26 .
Le Chef de Service,
Philippe DURAND
•
ANNEXE
Com. 26 janvier 1999 (n° 257 D) :
« Attendu, selon le jugement attaqué, qu'au cours du mois de juillet 1982, Mme X... a vendu des biens lui appartenant en propre pour une somme de 1 580 000 F et qu'il n'en a pas été fait remploi ; qu'au mois de décembre 1982, son époux a fait donation de la totalité de ses biens propres à leurs enfants, M. Jean X... et Mme Y... , et a réglé les droits de ces mutations avec des liquidités de la communauté ; qu'à son décès, Mme X... n'a pas pu exercer son droit de reprise pour un montant de 1 094 492 F et que cette créance a été portée sur la déclaration de succession établie le 13 novembre 1987 ; que Mme X... est décédée le 3 février 1990 sans avoir exercé ce droit ; que l'administration fiscale a réintégré sa créance dans l'actif de sa succession et a notifié à ses héritiers, bénéficiaires de la donation des biens de leur père en 1982, des redressements au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune et de droits de succession ; que M. Jean X... et Mme Y... ont assigné le directeur des services fiscaux de la Gironde en demandant l'annulation des décisions de rejet de leurs réclamations contre ces rappels d'impôts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le directeur général des impôts reproche au jugement d'avoir annulé les redressements, alors, selon le pourvoi, que le service avait fait valoir que la créance litigieuse était suffisamment établie par la mention dans la déclaration de succession de M. X... d'un passif déductible représentant la dette de la communauté envers l'épouse survivante ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent dont résultait l'existence certaine de la créance en cause, le Tribunal a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, contrairement à ce qu'implique le moyen, le jugement constate qu'au décès de M. X... , son épouse restait créancière de reprises qu'elle n'avait pu opérer sur les biens et qu'il relève, en outre, qu'elle n'a pas mis son droit en oeuvre par la suite ; que le moyen manque en fait ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour statuer comme il a fait, le jugement a retenu que la réintégration de la créance litigieuse dans l'actif successoral taxable conduirait à une double intégration d'une partie d'actif inexistante puisque intégrée dans un autre patrimoine, savoir celui des donataires ;
Attendu qu'en se déterminant par un moyen relevé d'office qui n'avait pas été soumis aux parties pour qu'elles puissent présenter leurs observations, le Tribunal a méconnu le principe de contradiction et violé le texte susvisé ;
Sur le troisième moyen :
Vu les articles 1472, alinéa 2, et 1491 du Code civil, ensemble l'article 750 ter du Code général des impôts ;
Attendu que pour annuler les redressements, le jugement retient que l'administration fiscale ne pouvant pas mettre en oeuvre le droit de reprise de l'épouse qui ne l'a pas exercé, son droit est une « créance théorique » et non une créance certaine qui puisse être réintégrée dans l'actif de sa succession ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le caractère certain de la créance en reprises est indépendant du fait que ce droit soit ou non mis en oeuvre, soit par l'époux qui en est titulaire, soit, après son décès, par ses héritiers, le Tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE ... »