Date de début de publication du BOI : 20/12/1996
Identifiant juridique : 7G2111
Références du document :  7G2
7G21
7G211
7G2111
Annotations :  Lié au BOI 7G-6-00
Lié au BOI 7G-2-01

TITRE 2 SUCCESSIONS

TITRE 2

SUCCESSIONS

INTRODUCTION

1Le mot « succession » a, en droit civil, deux significations.

2Il peut désigner :

- d'une part, un mode de transmission des droits et des obligations : la transmission du patrimoine laissé par un défunt ;

- d'autre part, un ensemble de biens (ou de droits) et de dettes : le patrimoine transmis à cause de mort.

3En matière d'enregistrement, cette double acception se retrouve et on entend par « succession » :

- soit la mutation assujettie à déclaration ;

- soit la matière imposable.

CHAPITRE PREMIER

CHAMP D'APPLICATION
DES DROITS DE MUTATION PAR DECES

Que la transmission soit régie par la loi seule (succession ab intestat) ou par les dernières volontés du défunt (successions testamentaires), la détermination du régime fiscal applicable implique une connaissance approfondie des règles de droit civil qui gouvernent cette matière. Aussi est-il indispensable d'en rappeler l'essentiel avant d'aborder l'exposé des dispositions proprement fiscales.

SECTION 1

Principes de liquidation des régimes matrimoniaux
et de dévolution successorale

On exposera successivement les principes qui gouvernent la liquidation des régimes matrimoniaux et la dévolution successorale.

SOUS-SECTION 1  

Régimes matrimoniaux

  A. GÉNÉRALITÉS SUR LES RÉGIMES MATRIMONIAUX

1La détermination de l'actif et du passif, composant la succession d'une personne mariée, dépend de son régime matrimonial, dés lors que sont taxables non seulement ses biens propres mais également sa part dans le boni de communauté.

La loi n° 65-570 du 13 juillet 1965, mise en application le 1er février 1966, a apporté une profonde réforme dans les dispositions concernant les rapports pécuniaires des époux pendant le mariage et à sa dissolution, tout en maintenant la règle antérieure de la liberté des conventions matrimoniales.

À l'ancienne communauté de meubles et acquêts (cf. ci-dessous n°s 27 et suiv. ), cette loi a substitué la communauté d'acquêts comme régime légal (cf. ci-dessous n°s 2 et suiv. ).

Les textes relatifs au régime dotal et au régime sans communauté ont été abrogés pour l'avenir, alors que le régime de la participation aux acquêts est né de cette loi.

Des assouplissements sensibles ont été apportés au principe de l'immutabilité des conventions matrimoniales qui interdisait tout changement de régime matrimonial légal ou conventionnel durant le mariage ; désormais, après deux ans, les époux peuvent modifier leur régime ou même en changer complètement, sous le contrôle du juge (Code civ. art. 1397).

Les époux mariés antérieurement au 1er février 1966 continuent d'avoir pour régime matrimonial la communauté de meubles et acquêts s'ils n'avaient pas conclu de contrat de mariage, ou à être régis par les stipulations de leur contrat de mariage s'ils avaient opté pour un régime conventionnel.

Cependant, le droit nouveau leur est applicable en tout ce qui concerne l'administration des biens communs. Il en est de même pour l'administration des biens propres dont chaque époux a repris la jouissance, en supportant le passif correspondant, à compter du 1er février 1966, sauf déclaration conjointe des époux dans le délai de six mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965 (délai prorogé jusqu'au 31 décembre 1967 par la loi n° 66-861 du 22 novembre 1966).

En dernier lieu, la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985, entrée en vigueur à compter du 1er juillet 1986, consacrant l'égalité complète des époux dans les régimes matrimoniaux, a modifié sur certains points les règles relatives au régime de la communauté légale et à certains régimes conventionnels.

  B. COMMUNAUTÉ LÉGALE DE BIENS RÉDUITE AUX ACQUÊTS

  I. Caractère et nature juridique de ce régime

2La loi du 13 juillet 1965, modifiée par la loi du 23 décembre 1985, a institué un régime de communauté légale de biens réduite aux acquêts. Ce régime est celui qui s'établit à défaut de contrat de mariage ou par la simple déclaration qu'on se marie sous le régime de la communauté (Code civ., art. 1400).

Les époux, tout en adoptant le régime légal, peuvent, en faisant un contrat de mariage, faire constater leurs apports afin de s'en ménager une preuve ; ils peuvent de même faire constater les dots qui leur sont consenties, les libéralités qu'ils désirent se faire ainsi que les diverses stipulations dérogeant aux règles légales : préciput, partage inégal 1 , etc.

La communauté légale est soumise aux règles tracées par les articles 1401 à 1491 du Code civil.

  II. Personnes soumises à ce régime

3Les personnes soumises au régime de la communauté légale sont :

- les époux, mariés depuis le 1er février 1966, qui n'ont pas fait de contrat de mariage ou ont fait une simple déclaration qu'ils se mariaient sous ce régime (Code civ., art. 1400) ;

- les époux, mariés entre la publication de la loi (14 juillet 1965) et son entrée en vigueur (1er février 1966), qui ont fait un contrat contenant la clause expresse qu'ils se soumettaient à ce régime légal ;

- les époux, mariés avant le 1er février 1966 sans avoir fait de contrat de mariage, qui se sont soumis à ce régime légal par déclaration conjointe devant notaire dans un délai qui, initialement prévu pour une période de six mois, a été prorogé jusqu'au 31 décembre 1967 (loi n° 66-861 du 22 novembre 1966) ;

- les époux qui, antérieurement au 1er février 1966, avaient adopté le régime sans communauté ou le régime dotal, et ont déclaré, dans le délai de deux ans, se placer sous ce régime légal par déclaration conjointe devant notaire ;

- les époux qui, mariés avant ou après l'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1965, ont usé de la faculté que leur offre l'article 1397 du Code civil de substituer à leur régime matrimonial initial, après deux années d'application de celui-ci, ce régime légal. Le changement de régime doit être convenu par acte notarié soumis à l'homologation du tribunal de grande instance.

  III. Actif de la communauté

1. Composition.

a. Définition générale :

4L'actif de la communauté se compose des acquêts 2 faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres (Code civ., art. 1401).

Jusqu'à leur suppression par la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985, les biens réservés de la femme, quoique soumis à une gestion distincte, faisaient néanmoins partie des acquêts (Code civ., art. 1401, ancien 2e al.).

b. Explications particulières.

1° Notion d'industrie.

5Par industrie des époux, il faut entendre le travail des époux. Il est indifférent que les époux travaillent ensemble ou séparément. Seront considérés, sans contestation possible, comme des acquêts profitant à la communauté, tous les biens acquis à titre onéreux au moyen de gains et salaires que les époux ont perçus en rémunération de leur activité professionnelle.

Peu importe que l'acquisition ait été faite au nom d'un seul ou des deux époux.

L'article 1401 du Code civil qui déclare communs les acquêts provenant de l'industrie des époux ne mentionne pas comme communs les gains et salaires eux-mêmes. La Cour de cassation (1er Civ., 8 février 1978, D 1978) les a cependant considérés comme tels.

Les biens créés par l'industrie d'un des époux, soit qu'il fabrique des objets, soit qu'il fonde un établissement de commerce, sont, en principe, des acquêts, sauf application à la création littéraire et artistique du régime spécial de la loi du 1er juillet 1992, art. L 121-9 notamment.

Le droit de présenter un successeur, à l'agrément du Gouvernement pour les officiers ministériels, et à leur clientèle pour les professions libérales, peut tomber en communauté.

La situation est différente pour les officines de pharmacie, que la Cour de cassation traite comme un fonds de commerce quant à la répartition des biens.

2° Fruits et revenus de biens propres.

6Chacun des époux a non seulement l'administration et la disposition, mais encore la jouissance de ses biens propres (Code civ., art. 1428). Il en résulte que le revenu d'un bien propre est un propre et ne tombe pas en communauté du fait de sa perception. La communauté n'a droit qu'aux fruits perçus et non consommés des biens propres (Code civ., art. 1403).

Cependant il est dû récompense à la communauté pour les fruits que l'époux a négligés de percevoir ou a consommés frauduleusement, sans qu'aucune recherche, toutefois, soit recevable au-delà des cinq dernières années précédant la dissolution de la communauté (Code civ., art. 1403, 2e al.).

Il en résulte qu'en principe, hors le cas de fraude ou de négligence dûment établie, il n'y a lieu de comprendre dans l'actif de la communauté ni les créances non encore recouvrées représentant les fruits de biens propres, ni les prorata de fruits et revenus simplement courus, ni les fruits et revenus consommés.

En revanche, à la dissolution de la communauté, les revenus et fruits de biens propres non consommés et économisés entrent dans la masse commune à partager même s'ils sont restés déposés à un compte bancaire ou postal personnel de l'époux propriétaire des biens frugifères sauf, toutefois, à ce dernier à justifier que certaines sommes ou valeurs mobilières sont propres ou ont été acquises en remploi de propres.

3° Biens communs.

7Les constructions, plantations, ouvrages et autres accroissements pouvant survenir à un bien commun sont communs par simple application de la théorie de l'accession (Code civ., art. 551 et suiv.).

Plus spécialement l'article 1404, 2e alinéa, du Code civil, classe parmi les biens communs les instruments de travail qui sont l'accessoire d'un fonds de commerce ou d'une exploitation faisant partie de la communauté.

Sont également communs par l'effet de la subrogation, les biens acquis avec des deniers provenant de l'aliénation de biens communs, de même que les biens acquis en échange de biens communs ainsi que la soulte ou la créance de soulte éventuelle. Il en est de même des créances et indemnités qui remplacent des biens communs (indemnités d'expropriation ou d'assurances ...).

2. Présomption de communauté.

8L'article 1402, 1er alinéa, du Code civil pose le principe suivant lequel « tout bien meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l'on ne prouve qu'il est propre à l'un des époux par application d'une disposition de la loi ».

Il incombe au conjoint qui prétend qu'un bien lui appartient en propre d'en apporter la preuve.

  IV. Biens propres des époux

1. Détermination.

9La détermination des biens propres est régie par les articles 1403 à 1408 du Code civil.

a. Biens propres par nature.

10Certains biens sont propres par leur nature. Ainsi restent propres, quand bien même ils ont été acquis durant le mariage, les vêtements et linges à l'usage personnel d'un des époux ainsi que tous les biens qui ont un caractère personnel (Code civ., art. 1404, 1er al.). Forment aussi des propres par leur nature, mais sauf récompense s'il y a lieu, les instruments de travail nécessaires à la profession de l'un des époux, à moins qu'ils ne soient l'accessoire d'un fonds de commerce ou d'une exploitation faisant partie de la communauté, auquel cas ils seraient communs (Code civ., art. 1404, 2e al.).

11  Forment également des propres par leur nature tous les droits exclusivement attachés à la personne tels que les indemnités en réparation d'un dommage corporel ou moral (Code civ., art. 1404, 1er al.). Il en est de même d'une pension d'invalidité ou d'une indemnité d'assurance versée en raison d'un préjudice, sans qu'il y ait lieu à récompense envers la communauté pour les primes qu'elle a payées.

Le bénéfice d'une assurance sur la vie constitue un droit attaché à la personne de l'époux bénéficiaire. Il en est ainsi, en particulier, pour l'assurance sur la vie contractée par l'un des époux en faveur de son conjoint (art. L 132-16 de la loi du 16 juillet 1992), la communauté n'ayant pas droit à récompense pour les primes payées avec des deniers communs sauf si elles ont été manifestement exagérées eu égard aux facultés de l'intéressé (loi précitée, articles 132-16 et 132-13). Il en est de même pour l'assurance contractée par l'un des époux à son profit personnel.

Constituent également des propres par nature, les créances et pensions incessibles (Code civ., art. 1404, 1er al.). Entrent dans cette catégorie les créances alimentaires, les pensions de retraite des fonctionnaires et des militaires déclarées incessibles par l'article L 56 du Code des pensions civiles et militaires, les pensions attribuées au titre du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

La rente viagère constituée au profit personnel de l'un des époux est un bien propre à cet époux au sens de l'article 1404 du Code civil, les arrérages produits pendant la durée de la communauté étant communs dans les mêmes conditions que les fruits et revenus de tous autres biens propres. Si la rente a été constituée avec des deniers communs et si la constitution ne représente pas une libéralité faite au crédirentier par l'autre conjoint, il y aura lieu à récompense envers la communauté. En cas de rente réversible au profit du conjoint survivant, la réversion est présumée consentie à titre gratuit (Code civ., art. 1973).

Le bénéfice du contrat de travail à salaire différé constitue pour le descendant de l'exploitant agricole un bien propre (art. L 321-14 du Code rural).

En matière d'offices ministériels, la jurisprudence a distingué le « titre », qui demeure propre, de la « finance », valeur pécuniaire de l'office qui peut tomber en communauté.

En ce qui concerne les professions libérales, la jurisprudence a décidé que le droit d'exercer la profession demeurait propre mais que le droit de présentation pouvait tomber pour sa valeur dans la communauté.

1   Voir ci-après n°s 43 et 44 .

2   Les acquêts sont, en principe, les biens acquis à titre onéreux pendant le mariage.