Date de début de publication du BOI : 09/02/2000
Identifiant juridique : 7G-3-00
Références du document :  7G-3-00

B.O.I. N° 28 du 9 FEVRIER 2000


BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

7 G-3-00

N° 28 du 9 FEVRIER 2000

7 E / 11 - G 311

COUR DE CASSATION - CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE.
ARRETS DES 20 OCTOBRE 1998 (BULL. IV, n° 245, p. 203) ET 1ER DECEMBRE 1998 (n° 1873 D).
DROITS DE MUTATION A TITRE GRATUIT.
DONATIONS INDIRECTES.

(C.G.I., art. 784)

[Bureau J 2]

ANALYSE DES ARRETS (textes reproduits en annexe) :

1.L'absence de paiement de la rente viagère annuelle promise par l'héritier au de cujus, en contrepartie d'une donation de biens immobiliers, laisse présumer l'existence d'une donation indirecte pouvant être rappelée à la succession du crédirentier. Dès lors, en se fondant sur cette circonstance, le tribunal a légalement justifié sa décision d'inscrire à l'actif successoral le montant de ladite rente, abstraction faite de l'erreur de qualification de la donation indirecte, improprement dénommée, en l'espèce, don manuel (Com. 20 octobre 1998, Bull. IV, n° 245, p. 203 ; second moyen, seconde branche).

2.L'existence d'une donation indirecte peut résulter de la souscription d'un contrat d'assurance-vie pour lequel les personnes du souscripteur et des assurés étaient distinctes, dès lors qu'il est constaté, en l'absence d'éléments contredisant l'intention libérale du souscripteur :

- que les sommes investies par le souscripteur dudit contrat ne pouvaient profiter, dès sa signature, qu'aux assurés, dénommés adhérents ;

- que le souscripteur s'était ainsi dépouillé desdites sommes, de façon irrévocable et sans contrepartie, au profit exclusif des adhérents qui étaient la nièce du souscripteur, et le mari de celle-ci ;

- que le souscripteur avait encore manifesté son affection à l'égard de sa nièce, en l'instituant légataire à titre universel (Com. 1 er décembre 1998, n° 1873 D).

OBSERVATIONS :

1.La qualification de donation indirecte rapportable à la succession (art. 784 du CGI), retenue par la Cour de cassation, résulte des circonstances suivantes :

- le de cujus avait fait donation à son fils, onze ans avant son décès, d'un bien immobilier, moyennant le paiement d'une rente viagère annuelle ;

- les arrérages de cette rente n'avaient jamais été déclarés par le crédirentier au titre des revenus imposables à l'impôt sur le revenu ;

- l'héritier ne justifiait nullement, en dépit de plusieurs demandes du service, du paiement de la rente viagère annuelle promise à son père.

2.Le second arrêt démontre qu'un contrat d'assurance-vie peut servir d'instrument à une donation indirecte.

Cette qualification a été retenue par la Cour de cassation, s'agissant d'un contrat d'assurance-vie pour lequel les personnes du souscripteur et de l'assuré étaient distinctes.

Aux termes de ce contrat, les primes (876 308 F) acquittées par le souscripteur étaient destinées à fournir aux assurés (la nièce du souscripteur et son mari) un capital ou une rente, à l'âge de la retraite. A son décès, les assurés devenaient, conformément aux stipulations de la convention, « souscripteurs comme s'ils avaient souscrit le contrat eux-mêmes ».

L'existence de la donation était matériellement caractérisée par la circonstance que le souscripteur s'était, dès la signature du contrat, dessaisi irrévocablement et sans contrepartie des sommes investies, au profit exclusif des adhérents. Par ailleurs, l'intention libérale du souscripteur à l'occasion de cette opération se déduisait d'un ensemble de circonstances de fait (liens de parenté ou d'affection avec les adhérents et existence de dispositions à cause de mort en leur faveur, notamment).

De sorte que la souscription dudit contrat d'assurance-vie revêtait, à titre accessoire et sans aucune simulation, le caractère d'une libéralité.

Rappr. : BOI 7 G-15-98 .

Annoter : D.B. 7 G 311, n os11 et 12 .

Le Chef de Service,

Ph. DURAND


ANNEXE


Com. 20 octobre 1998, Bull. IV, n° 245, p. 203 :

« Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de B., 8 octobre 1996), que M. Jean-Daniel D. qui avait fait l'objet d'un redressement concernant la déclaration de succession de son père Emile D., décédé le 6 juillet 1987, dont il était l'héritier, a demandé l'annulation de ce redressement ;

 . . . . . . . . . 

Et, sur la seconde branche du moyen :

Attendu que M. D. reproche enfin au jugement d'avoir inscrit à l'actif successoral le montant des rentes viagères qu'il s'était engagé à verser à son père en contrepartie d'une donation d'un immeuble que ce dernier lui avait consentie, au motif que cette rente n'avait jamais été servie, alors, selon le pourvoi, qu'une rente viagère constitue un revenu dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire ; qu'il en résulte que le défaut de déclaration de cette rente ne peut que donner lieu à redressement au titre de l'impôt sur le revenu dudit bénéficiaire et ne saurait laisser présumer l'existence d'un don manuel au profit du débit-rentier ; qu'en retenant au titre d'un don manuel imposable le montant des sommes en cause, le tribunal a violé l'article 784 du Code général des impôts ;

Mais attendu que, par un autre motif, le Tribunal a fondé sa décision sur le fait que M. D. n'a pas justifié avoir payé la rente promise à son père ; qu'ainsi, abstraction faite du motif surabondant relatif à la situation fiscale personnelle du crédit-rentier, comme de l'erreur de qualification de la donation indirecte, improprement dénommée don manuel, le Tribunal a légalement justifié sa décision au regard du grief allégué ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE ... ».

Com. 1er décembre 1998, n° 1873 D :

« Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de P., 11 mars 1996), que le 26 avril 1989, Mme B. a souscrit avec eux un contrat assurant M. et Mme L. sur la vie et a versé la prime, soit la somme de 876 308 francs, pour un montant investi de 850 019 francs ; qu'elle est décédée le 4 décembre 1989, laissant pour lui succéder, trois neveux et nièces, dont Mme L., institués légataires à titre universel ; que l'administration fiscale, estimant que le montant de la prime payée par Mme B. devait être rapportée à sa succession, a notifié un redressement à M. et Mme L. et a mis les droits en recouvrement ; que M. et Mme L. ont assigné le directeur des services fiscaux de la Vienne pour en être déchargés ;

Attendu que M. et Mme L. reprochent au jugement d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la souscription d'un contrat d'assurance-vie par lequel l'adhérent est une personne différente du souscripteur ne constitue pas nécessairement une donation indirecte au profit des adhérents (violation de l'article 894 du Code civil et de l'article 784 du Code général des impôts pris dans sa rédaction applicable au litige) ; alors, d'autre part, que le souscripteur ayant gardé la libre disposition de son compte auprès de l'assureur jusqu'à son décès, il n'y avait pas, en l'espèce, de donation, le souscripteur ne s'étant pas dépouillé irrévocablement des fonds litigieux (violation de l'article 894 du Code civil et de l'article 784 du Code général des impôts pris dans sa rédaction applicable au litige) ; alors, en outre, qu'il appartenait à l'administration des impôts, pour que soit retenue la qualification de donation indirecte, de faire la preuve de l'intention libérale de Mme L. (sic) et non à M. et Mme L. de faire la preuve de l'absence d'intention libérale (renversement de la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil) ; et alors, enfin, que seuls les successibles, c'est-à-dire les héritiers, donataires et légataires tenus de faire une déclaration de succession, sont soumis au repport fiscal, les donations faites, en tout cas avant le 1er janvier 1992, à des non-successibles y échappant ; que le Tribunal, qui a constaté que la défunte Mme B. était la tante octogénaire de l'un d'eux, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations suivant lesquelles l'autre n'était pas un successible et n'était pas soumis au rapport fiscal (violation des articles 784, pris dans sa rédaction applicable au litige, et 800 du Code général des impôts) ;

Mais attendu, en premier lieu, que, loin de constater que Mme B. aurait gardé la libre disposition de son compte auprès de l'assureur, le jugement relève qu'elle s'est dépouillée au profit exclusif de Mme L., sa nièce, qu'elle a instituée légataire à titre universel, et de l'époux de celle-ci, de façon irrévocable, des sommes investies, d'un montant supérieur à 750 000 francs, qui, à compter de la signature du contrat les assurant sur la vie, ne pouvaient profiter qu'à eux ; qu'ayant ainsi établi que Mme B. avait volontairement transmis de son vivant, sans contrepartie, un bien de grande valeur, à une nièce à qui elle a encore manifesté son affection par ses dispositions à cause de mort, et au mari de celle-ci, le Tribunal, abstraction faite de l'énonciation erronée mais surabondante visée par la première branche, a pu, en l'absence d'élément contredisant l'intention libérale qu'il déduisait de ces circonstances, retenir, sans inverser la charge de la preuve, l'existence d'une donation indirecte ;

Attendu, d'autre part, que M. L. n'a pas soutenu devant les juges du fond qu'il n'est pas ayant cause de Mme B. à cause de mort ; que ce moyen, nouveau est mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, mal fondé en les deux suivantes et irrecevable en la dernière, ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE ... ».