B.O.I. N° 194 du 20 OCTOBRE 1998
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
7 G-15-98
N° 194 du 20 OCTOBRE 1998
7 E / 44 - G 311
COUR DE CASSATION - CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE.
ARRÊT DU 2 DÉCEMBRE 1997 (BULL. IV, n° 319, p. 277).
MUTATIONS À TITRE GRATUIT.
DROIT DE DONATION - CHAMP D'APPLICATION.
RENONCIATION À USUFRUIT AVANT LE TERME NORMAL.
RENONCIATION TRANSLATIVE D'USUFRUIT.
(C.G.I., art. 784)
[D.G.I. - Bureau IV A 2]
ANALYSE DE L'ARRET (texte reproduit en annexe) :
Ayant relevé que des parents ont donné la nue-propriété de divers biens immobiliers à leurs enfants en en conservant l'usufruit puis, dix-huit mois plus tard, sans qu'il soit invoqué de trop lourdes charges pour l'expliquer, ont renoncé à leur usufruit, de sorte que, la pleine propriété étant ainsi reconstituée entre leurs mains, les enfants ont perçu des loyers sur ces biens avant que l'usufruit tel qu'il résultait de la donation antérieure fût venu à son terme, le Tribunal a pu en déduire que la renonciation, procédant d'une intention libérale, était un acte translatif de l'usufruit aux enfants qui, en touchant les loyers, ont manifesté leur acceptation de cette donation.
OBSERVATIONS :
Dans cette affaire, la Cour de cassation admet le caractère translatif d'une renonciation prématurée à usufruit (soit avant le terme prévu par l'article 1133 du C.G.I.) entraînant une taxation aux droits de mutation à titre gratuit.
Tous les éléments caractérisant une donation indirecte étaient, en effet, réunis en l'espèce, comme l'avait relevé le jugement critiqué, confirmé par l'arrêt commenté :
- le transfert prématuré de la pleine propriété a été effectué sans contrepartie ni charges invoquées pour justifier de la renonciation, traduisant ainsi une intention libérale ;
- l'acceptation tacite des donataires s'est manifestée par la conclusion de baux et la perception des loyers
Cette décision est conforme aux principes défendus par la doctrine administrative telle que contenue dans la réponse ministérielle BERNARD (J.O. AN, 23 février1987, n° 11899, p. 994).
Annoter : D.B. 7 G 311, n os9 et s.
Le Chef de Service
Bruno PARENT
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ANNEXE
Com. 2 décembre 1997, n° 2441 P, Bull. IV, n° 319, p. 277 :
« Attendu, selon le jugement attaqué (Nanterre, 21 novembre 1995), que les époux X... ont, par acte du 30 juillet 1981, fait donation à leurs trois enfants de la nue-propriété de divers biens immobiliers et, par acte du 21 décembre 1982, ont renoncé purement et simplement à leur usufruit sur ces biens ; que l'acte du 21 décembre a été enregistré avec paiement du droit fixe des actes innomés ; qu'en 1991, l'administration fiscale a notifié aux donataires de la nue-propriété un redressement au titre des droits dus pour la donation de l'usufruit ; que, sa réclamation étant restée sans réponse, M. Maurice X... a assigné le directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine Sud pour demander le remboursement des droits qu'il avait dû payer ;
. . . . . . . . .
Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches et sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches, réunis :
Attendu que M. X... reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la faculté de conclure des baux relatifs à un bien immobilier et d'en percevoir les loyers est la conséquence de l'acquisition de la pleine propriété de ces biens ; que dans ces conditions, le Tribunal n'a pu, dans le même temps, affirmer d'une part, que la pleine propriété intervient automatiquement du seul fait de l'extinction de l'usufruit, et d'autre part, que la conclusion des baux ainsi que la perception des loyers, par des nu-propriétaires devenus propriétaires du seul fait de l'extinction de l'usufruit suite à une renonciation extinctive à un usufruit, suffit à faire ressortir leur acceptation d'une donation relative à cet usufruit sans entacher sa décision d'une contrariété de motifs et violer de la sorte l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que, dès lors que la faculté de conclure des baux relatifs à un bien immobilier et d'en percevoir les loyers est la conséquence de l'acquisition de la pleine propriété de ce bien, et que l'acquisition de la pleine propriété intervient, comme l'a constaté le Tribunal, du seul fait de l'extinction de l'usufruit suite à une renonciation, le Tribunal n'a pu, en présence d'une telle renonciation se contenter, afin de retenir l'acceptation par les nu-propriétaires d'une prétendue donation portant sur cet usufruit, de relever que ceux-ci avaient conclu des baux et perçu des loyers sans entacher sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 894, 932 et 1108 du Code civil ; alors en outre, que toute acceptation, y compris en matière de donation, suppose qu'ait été au préalable formulée une offre ; qu'en retenant l'existence d'une acceptation de sa part, alors même que ladite acceptation n'avait été précédée que d'une renonciation purement abdicative des époux X... , insusceptible en tant que telle de constituer une offre, le Tribunal a violé ensemble les articles 894, 932, 1101 et 1108 du Code civil ; alors, de plus, que la renonciation abdicative se distingue de la renonciation translative en ce qu'à la différence de celle-ci elle se caractérise par la volonté du titulaire du droit de renoncer purement et simplement à ce droit ou de le faire sortir de son patrimoine sans être animé par la volonté de le transmettre à autrui, ce qui se traduit notamment et principalement par l'absence de toute désignation d'un bénéficiaire ; qu'en qualifiant la renonciation des époux X... de renonciation translative alors même qu'il ressort de ses termes qu'elle était pure et simple et dépourvue de toute désignation d'un quelconque bénéficiaire, le Tribunal a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte et violé de la sorte l'article 1134 du Code civil ; alors, encore, que, si l'appréciation de l'existence de l'intention libérale relève du pouvoir souverain des juges du fond, ceux-ci n'en doivent pas moins, en vue de qualifier un acte juridique de donation, vérifier l'élément subjectif nécessaire à une telle qualification et ne peuvent notamment se contenter du seul déséquilibre constaté entre les engagements respectifs des contractants pour en déduire l'existence d'une intention libérale ; qu'en l'espèce, les juges du fond se sont contentés de constater que la renonciation était sans contrepartie et qu'il n'était pas invoqué de lourdes charges pour l'expliquer, avant d'en déduire qu'elle était consentie dans l'intérêt des nu-propriétaires pour en conclure qu'il s'agissait d'une libéralité ; que par ces motifs, qui ne démontrent pas que l'existence de l'intention libérale ait été vérifiée concrètement à côté de l'inéquivalence matérielle, le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108 et 894 du Code civil ; et alors, enfin, que la renonciation à un usufruit, pour s'analyser en une donation, doit révéler clairement l'intention du renonçant de consentir une libéralité au nu-propriétaire, étant entendu que l'administration des Impôts supporte la charge de la preuve du caractère réel de cet acte, et donc notamment de l'intention libérale ; qu'en déduisant l'existence d'une donation de la seule absence de contrepartie et de ce qu'il n'invoquait pas de trop lourdes charges pour l'expliquer, le jugement a énoncé une véritable présomption de gratuité de l'acte en mettant à sa charge la preuve de l'absence d'intention libérale, et a de ce fait inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. et Mme X... ont donné la nue-propriété de divers biens immobiliers à leurs enfants et, dix-huit mois plus tard, sans qu'il soit invoqué de trop lourdes charges pour l'expliquer, ont renoncé à leur usufruit, de sorte que, la pleine propriété étant ainsi reconstituée entre leurs mains, leurs enfants ont perçu des loyers sur ces biens avant que l'usufruit tel qu'il résultait de la donation antérieure fût venu à son terme, le jugement en déduit que la renonciation, procédant d'une intention libérale, était un acte translatif de l'usufruit aux enfants Questembert qui, en touchant les loyers ont manifesté leur acceptation de cette donation ; qu'ayant, hors toute contradiction ou dénaturation, légalement justifié sa décision en appréciant les intentions des parties au regard des faits qu'il a relatés, le Tribunal a fait une exacte application de la loi, que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs six branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ... ».