B.O.I. N° 60 du 3 AVRIL 2006
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
7 G-2-06
N° 60 du 3 AVRIL 2006
MUTATIONS A TITRE GRATUIT. SUCCESSIONS. EVALUATION DES BIENS TRANSMIS
PRISE EN COMPTE DE LA DEPRECIATION EVENTUELLE DES TITRES D'UNE SOCIETE NON COTEE A LA SUITE DU
DECES DU DIRIGEANT
( C.G.I, article 764 A)
NOR : BUD L 06 00052 J
Bureau J 2
PRESENTATION
L'article 98 de la loi de finances rectificative pour 2004 (n°2004-1485 du 30 décembre 2004, JO n°304 du 31 décembre 2004) codifié à l'article 764 A nouveau du code général des impôts, prévoit qu'en cas de décès du dirigeant d'une entreprise, il est tenu compte, pour la liquidation des droits de mutation par décès dus par ses héritiers, légataires ou donataires, de la dépréciation éventuelle résultant du décès et affectant la valeur des titres non cotés ou des actifs incorporels transmis. La présente instruction commente ces nouvelles dispositions. • |
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Dans les petites ou moyennes entreprises, le décès de la personne qui exploite l'activité ou assume la fonction de dirigeant est susceptible d'affecter de manière plus ou moins durable la bonne marche de l'entreprise ainsi que ses perspectives de développement. L'article 98 de la loi de finances rectificative pour 2004, codifié à l'article 764 A du code général des impôts, a prévu de tenir compte de ces conséquences dans l'évaluation des actifs incorporels ou des titres non cotés recueillis par les héritiers du dirigeant.
Section 1 :
Conditions tenant aux dirigeants concernés.
1) S'agissant de la transmission d'un fonds de commerce, d'une clientèle ou d'un office public ou ministériel, détenu à titre individuel :
1.Le défunt devait assurer l'exploitation du fonds de commerce, de la clientèle ou de l'office. Il devait par conséquent avoir la qualité requise pour se livrer à l'activité exercée : être commerçant, ou inscrit à l'ordre correspondant à son activité libérale (médecins, architectes, avocats etc.) ou agréé par le ministre de la justice, garde des Sceaux.
2) S'agissant des sociétés non cotées
2.Le défunt devait avoir la qualité :
▪ d'associé en nom d'une société de personnes. Il s'agit des associés des sociétés en nom collectif (S.N.C.), des sociétés en commandite simple ( S.C.S.), des sociétés en participation, des sociétés créées de fait, des entreprises unipersonnelles et agricoles à responsabilité limitée (E.U.R.L.), des sociétés civiles (S.C.) y compris les sociétés civile professionnelles (S.C.P.). Ne sont pas pris en compte les commanditaires dans les sociétés en commandite simple ;
▪ de gérant d'une société à responsabilité limitée (S.A.R.L.), ou d'une société en commandite par actions (S.C.A.) ;
▪ de dirigeant d'une société par actions simplifiée (S.A.S.) désigné par les statuts. Il résulte des dispositions de l'article 1655 quinquiès du C.G.I. que pour l'application du code général des impôts et de ses annexes, la S.A.S. est assimilée à la société anonyme (S.A.). Le défunt devait exercer des fonctions dont l'étendue est au moins équivalente à celles énumérées pour les S.A. ;
Remarque : Lorsqu'une société en commandite par actions a pour gérant une personne morale, ou lorsque le dirigeant d'une société par actions simplifiée est une personne morale, le décès de l'associé exerçant la gérance ou la direction générale de cette personne morale peut affecter la situation de la société opérationnelle qu'il dirigeait indirectement. Dès lors, les dispositions de l'article 764 A du C.G.I. pourront être mises en oeuvre pour l'évaluation des titres détenus directement par le défunt dans la société opérationnelle.
▪ de personne assumant la direction générale d'une société anonyme (S.A.) :
- dans les sociétés anonymes de type classique, c'est le directeur général. En effet, depuis la loi du 15 mai 2001, la direction générale est assumée par le directeur général et non plus par le président du conseil d'administration. Celui-ci peut cependant cumuler les deux fonctions ;
- dans les S.A. avec directoire, ce sont les membres du directoire ou le directeur général unique 1 ;
▪ Lorsque la personne décédée était dirigeante d'une société d'exercice libérale (S.E.L.), il convient de se reporter aux précisions relatives à la sociétés de capitaux dont la S.E.L. a emprunté la forme.
Section 2 :
Conditions tenant aux biens concernés.
3.La dépréciation peut concerner :
1) les actifs incorporels tels que le fonds de commerce, les clientèles civiles, les offices publics ou ministériels détenus directement par les exploitants décédés ;
2) les titres non cotés détenus par le défunt :
- il peut s'agir des parts des sociétés de personnes qui exercent une activité libérale, artisanale ou agricole, les parts des sociétés civiles professionnelles. Sont donc normalement exclues, les parts des sociétés civiles immobilières (S.C.I.) et celles des groupements fonciers agricoles (G.F.A.) qui n'exploitent pas directement le domaine agricole. En effet, la valeur de ces sociétés est directement liée à celle des biens qui figurent à leur actif, la personnalité du dirigeant n'influence pas la valeur de ces actifs ;
- pour les autres sociétés, il s'agit des parts de S.A.R.L., actions des S.A.S. des S.C.A. et des S.A. non cotées, titres de S.E.L. Sont normalement exclues les parts ou actions des sociétés, quelle que soit leur forme, dont la seule activité consiste dans la gestion de leur propre patrimoine (immobilier ou constitué d'un portefeuille de titres cotés ou non cotés), y compris les sociétés de participations financières de professions libérales ( S.P.F-P.L.) qui sont des sociétés commerciales constituées sous forme de S.A.R.L., S.A., S.C.A., S.A.S., dont l'objet exclusif est de détenir des parts de sociétés d'exercice libéral.
Section 3 :
Conditions de prise en compte de la dépréciation.
4.Les héritiers sont tenus de déclarer les biens transmis dans les six mois du décès. La valeur des actifs incorporels ou des titres non cotés transmis est déterminée par la déclaration détaillée et estimative des parties. Elle est soumise au contrôle de l'administration.
Concrètement, deux situations après décès sont susceptibles de se présenter :
1) Les héritiers ne peuvent plus ou n'ont pas souhaité poursuivre l'exploitation et ont vendu le bien dans les six mois qui ont suivi le décès.
5.Le prix de cession pourra constituer l'assiette des droits de mutation à titre gratuit, la preuve d'une insuffisance d'évaluation pouvant être apportée par l'administration, notamment lorsque des facteurs étrangers au décès ont entraîné une vente à un prix inférieur à la valeur vénale au jour de l'ouverture de la succession.
2) Malgré le décès du dirigeant, l'activité se poursuit.
6.L'impact du décès doit être apprécié au regard de l'ensemble des éléments qui permettent l'exercice de l'activité (secteur d'activité, nature de l'activité, emplacement géographique, détention d'immobilisations incorporelles indépendantes ou non de la personnalité du dirigeant, matériel, etc.).
La dépréciation résultera concrètement de la perte d'activité entraînant une baisse du chiffre d'affaires et du bénéfice. Le simple fait de devoir recruter un remplaçant ne peut être un facteur de moins value.
7.Dans la déclaration estimative de la valeur, les héritiers sont autorisés à justifier de la perte de chiffre d'affaires par tous moyens de preuve existant du vivant du dirigeant ( charge de travail, cumul de fonctions, savoir faire ou talent particulier du dirigeant directement lié à l'objet social) ou survenus entre la date du décès et l'expiration du délai de six mois imparti par l'article 641 du C.G.I. pour déposer la déclaration ( perte de contrats ou autres événements ).
a) Dès lors, l'évaluation des fonds de commerce, clientèle et offices publics et ministériels pourra s'établir :
▪ soit, selon les barèmes de la profession, en retenant une moyenne pondérée des chiffres d'affaires ou des bénéfices dont le troisième terme (année n), affecté du coefficient trois, tient compte de la perte d'exploitation envisagée et estimée durable ;
▪ soit, si la perte d'exploitation est difficile à chiffrer, en adaptant le barème de la profession pour tenir compte de la situation liée au décès.
Remarque : Le décès de l'exploitant peut affecter la clientèle. Toutefois, celle-ci n'est qu'un des éléments du fonds de commerce. La valeur de l'emplacement ou la valeur du droit au bail continuent d'exister indépendamment du décès. Dès lors, la perte de chiffre d'affaires peut ne pas affecter la valeur du bien.
b) Evaluation des titres non cotés.
8.Leur valeur est établie par une pondération des méthodes qui tient compte de la nature, de la taille de la société, et du pouvoir de décision attaché aux titres.
La dépréciation peut être prise en compte lors de la mise en place des différentes méthodes :
- au niveau de la valeur mathématique, lors de la valorisation des immobilisations incorporelles figurant à l'actif du bilan, dès lors qu'il est prouvé que leur valeur, liée au travail du dirigeant, est durablement affectée ;
- au niveau de la valeur de rentabilité (valeur de productivité, marge brute d'autofinancement éventuellement, valeur de rendement ) et de la survaleur. Celles-ci seront calculées en intégrant la dépréciation, soit dans le bénéfice retenu, soit dans le taux de capitalisation ou le coefficient retenus en majorant par exemple la prime de risque affectant le taux de base.
La dépréciation étant prise en compte dans ces différentes approches, la valeur résultant de la pondération ne doit pas être affectée d'une décote spécifique liée au décès.
Remarque : Lorsque l'entreprise a souscrit une assurance « homme-clé », et dès lors qu'elle percevra une indemnité dont l'objet est de compenser la perte de chiffres d'affaires 2 , la valeur des biens transmis ne devrait normalement pas être affectée par le décès du dirigeant.
A cet égard, les héritiers doivent préciser dans leur déclaration estimative s'il existait un contrat d'assurance « homme-clé » souscrit par l'entreprise et dont les primes versées constituent des charges d'exploitation déductibles de l'exercice en cours à la date de leur échéance ( cf. DB 4 C 423 ).
Section 4 :
Justification
9.Il appartiendra aux héritiers qui entendent appliquer les dispositions de l'article 764 A du C.G.I. d'établir le lien entre le décès du dirigeant et la modification des perspectives d'avenir de la société concernée.
Section 5 :
Entrée en vigueur
10.Les dispositions de l'article 98 de la loi de finances rectificative pour 2004 sont entrées en vigueur le lendemain de leur publication au Journal Officiel, soit le 1 er janvier 2005.
Cette mesure, qui ne concerne que les droits de mutation par décès, prend effet pour les décès intervenus à compter du 1 er janvier 2005. Elle n'a pas pour conséquence de modifier le fait générateur de l'impôt.
DB liée : 7 G 2311
Le Chef de Service
Jean-Pierre LIEB
1 Le directoire des sociétés non cotées peut comprendre entre deux et cinq membres. Toutefois, dans les S.A. à directoire dont le capital est inférieur à 150 000 €, il peut être désigné un directeur général unique.
2 S'il s'avérait que l'assurance ne couvrait pas la totalité du risque, les héritiers auraient la possibilité de prouver dans les conditions déjà exposées que la perte d'exploitation durable et supérieure à l'indemnité versée entraîne une dépréciation à prendre en compte.