B.O.I. N° 106 DU 30 DECEMBRE 2010
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
3 A-9-10
N° 106 DU 30 DECEMBRE 2010
INSTRUCTION DU 29 DECEMBRE 2010
TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE (TVA). REGLES APPLICABLES AUX OPERATIONS IMMOBILIERES.
(C.G.I. art. 256-II-1°, 257, 260-5° et 5° bis, 261-5, 261D-1° bis, 266, 268, 269, 270. C.G.I. Ann. II art 207, 244 à 251).
NOR : ECE L 10 30022 J
Bureau D 1
PRESENTATION
La présente instruction a pour objet de présenter les nouvelles règles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à certaines opérations portant sur des immeubles telles qu'elles ont été redéfinies par l'article 16 de la loi n° 2010-237 de finances rectificative pour 2010 entrée en vigueur le 11 mars 2010. • |
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INTRODUCTION
1.L'article 16 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 publiée au Journal officiel du 10 mars 2010 procède à une refonte des textes applicables aux opérations immobilières en matière de TVA et de droits de mutation à titre onéreux.
Ces nouvelles règles, entrées en vigueur le 11 mars 2010 1 , visent à assurer la pleine conformité du dispositif national avec la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (dite « directive TVA »).
2.L'instruction 3 A-3-10 du 15 mars 2010 a prévu diverses mesures transitoires dont les opérateurs peuvent se prévaloir pour les affaires en cours au moment de l'entrée en vigueur de ces nouvelles règles.
En outre, l'instruction 3 A-5-10 du 22 septembre 2010 a présenté le régime général applicables aux opérations locatives sociales et certaines règles relatives aux dispositifs d'accession à la propriété 2 .
La présente instruction présente l'ensemble du dispositif en matière de TVA, sous réserve des précisions et garantie déjà apportées dans les deux instructions rappelées ci-dessus. Sauf indication contraire, les articles cités sont ceux du code général des impôts (CGI).
Une instruction à venir commentera les dispositions applicables aux opérations immobilières en matière de droits de mutation à titre onéreux.
CHAPITRE 1 :
CHAMP D'APPLICATION
3.Le nouveau régime législatif a mis fin à celui dit de la « TVA immobilière » en abrogeant les articles 257 6° et 257 7° qui définissaient, jusqu'au 10 mars 2010, un champ d'application spécifique aux opérations portant sur des immeubles ou des droits assimilés qui devaient ou pouvaient être soumises à la TVA.
En ce sens, la suppression au 1° du II de l'article 256 du terme « meuble » en tant qu'il constituait une restriction vise à traduire le principe selon lequel, conformément à la directive TVA, les livraisons d'immeubles doivent être traitées de la même manière que les livraisons de biens meubles corporels.
4.Par conséquent, toutes les livraisons d'immeubles 3 sont désormais comprises dans le champ d'application de droit commun de la TVA dès lors qu'elles sont réalisées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (section I).
Par livraison, on entend au sens de la directive TVA le transfert du pouvoir de disposer de l'immeuble comme un propriétaire, ce qui conduit à y comprendre aussi bien les ventes ou cessions, que les apports en société, les expropriations ou les échanges.
5.Par ailleurs, le législateur a défini aux 1 et 3 du même I de l'article 257 certaines opérations portant sur des immeubles qui, bien que ne conduisant pas à proprement parler à la livraison d'un bien immeuble, suivent le même régime d'imposition à la TVA du fait d'une disposition expresse de la loi (section II).
Section 1 :
Les livraisons d'immeubles réalisées par un assujetti agissant en tant que tel
6.Une opération est considérée comme réalisée à titre onéreux, en matière de TVA, lorsqu'il existe un lien direct entre le service rendu ou le bien livré et la contre-valeur reçue. Pour cela, le bénéficiaire de la prestation ou de la livraison doit en retirer un avantage individuel et le niveau de cet avantage doit être en relation avec le prix payé. Tel n'est pas le cas lorsque le prix payé est très inférieur au niveau de l'avantage procuré au bénéficiaire de la livraison, cet avantage reçu en contrepartie pouvant aussi prendre la forme d'engagements, de reprise d'engagements ou de prestations services.
Dès lors, la cession d'un bien immobilier pour un prix symbolique constitue une opération située hors du champ d'application de la TVA 4 . Cela étant, une telle opération doit être regardée comme une mutation réalisée à titre onéreux s'il est établi que la contre-valeur reçue par le cédant est constituée en outre par une ou plusieurs sommes versées par un tiers et présentant les caractéristiques d'une subvention complément de prix.
7.Si les livraisons d'immeubles réalisées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel entrent dans le champ d'application de la TVA, certaines de ces livraisons sont taxables de plein droit (sous section 1) alors que d'autres sont exonérées mais peuvent être soumises à la taxe sur option (sous section 2). Certaines situations particulières peuvent résulter de la juxtaposition, dans une même mutation, d'immeubles ou de droits immobiliers relevant de qualifications fiscales différentes (sous-section 3).
Précisions préalables sur la notion d'assujetti.
8.L'article 12 de la directive TVA laisse aux Etats membres la liberté de considérer comme assujetti quiconque effectue à titre occasionnel la livraison d'un terrain à bâtir ou, selon les modalités d'application déterminées par l'Etat, la livraison d'un bâtiment achevé dans le délai de cinq ans. La France n'a pas transposé cette faculté pour les livraisons de terrains à bâtir, et s'agissant des bâtiments ne l'a mise en œuvre que pour des opérations particulières portant sur des constructions neuves réalisées en dehors d'une activité économique (2° du 3 du I de l'article 257 : cf. section 2).
9.Hors ce cas spécifique d'assujettissement, il convient donc pour déterminer si une personne qui réalise une livraison d'immeuble a la qualité d'assujetti de faire application du droit commun de la TVA qui vise les opérations réalisées par « un assujetti agissant en tant que tel ». Conformément à l'article 256 A, sont considérées comme assujetties les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa de cet article, quels que soient leur statut juridique, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (DB 3 A 112 ).
Ainsi la détermination de la qualité de la personne qui réalise la livraison de biens ou la prestation de services est déterminante dès lors qu'outre l'application de la TVA aux opérations portant sur les terrains à bâtir ou les immeubles bâtis, elle est susceptible de rendre exigible une livraison à soi-même lors de la construction d'un immeuble neuf 5 .
10.En premier lieu, au regard de l'éclairage qu'il est permis de tirer des décisions communautaire et nationale, les précisions suivantes peuvent être apportées relativement aux placements immobiliers que sont amenées à réaliser des personnes qui ne sont pas assujetties par ailleurs, qu'il s'agisse de la qualification des revenus qu'elles en tirent ou de celle des investissements et des cessions qu'elles effectuent.
A cet égard, la Cour de justice ne manque jamais de rappeler que, bien que l'article 9 de la directive assigne un champ d'application très large à la TVA, visant à cet effe t toute activ ité ayant un caractère économique définie en ce qu'elle comporte « l'exploitation d'un bien en vue d'en tirer des recettes ayant un caractère de permanence », il ressort d'une jurisprudence constante que les paiements « qui résultent de la simple propriété du bien » ne constituent pas la contrepartie d'une opération ou d'une activité économique et n'entrent dès lors pas dans le champ de la taxe 6 . Une distinction majeure est ainsi opérée entre l'activité d'un investisseur agissant à titre privé, qu'il soit individuel ou organisé en société civile, et qui tient au simple exercice du droit de propriété (qui demeure en dehors du champ de la directive), et celle d'un investisseur professionnel dont les opérations constituent une activité économique en ce qu'elles sont effectuées « dans le cadre d'un objectif d'entreprise ou dans un but commercial ».
11.S'il est vrai que la Cour de Justice n'a jusqu'ici que peu été amenée à appliquer ces principes aux investisseurs immobiliers 7 , la même analyse transposée aux opérations immobilières conduit à admettre :
- d'une part, que l'administration ne saurait faire obstacle à ce qu'un investisseur immobilier qui entend placer ses opérations dans une logique économique ne puisse en tirer les conséquences au regard de la TVA, et notamment se voir enregistrer comme assujetti et exercer le droit à déduction de la taxe d'amont, ainsi que se prévaloir de sa qualité pour l'application des régimes de faveur en matière de droits d'enregistrement ;
- mais que, d'autre part, pas plus que la perception d'intérêts ou de dividendes, l'encaissement de loyers ne suffit à caractériser une opération économique par nature imposable à la TVA. Ainsi, la refonte du cadre applicable aux opérations immobilières ne remet aucunement en cause la présomption acquise jusqu'alors selon laquelle un investisseur qui loue un immeuble dont il est propriétaire n'agit qu'à ce titre, si bien qu'il n'y a pas lieu de l'assujettir d'office à raison de ces opérations alors même qu'il en tire des revenus à caractère permanent 8 .
12.Une approche identique vaut pour les cessions d'immeubles, notamment de terrains à bâtir, qu'est susceptible d'effectuer un propriétaire qui ne se trouve pas assujetti par ailleurs, qu'elles proviennent de son patrimoine ancien, voire d'acquisitions récentes.
Ainsi un particulier qui cède des terrains qu'il a recueillis par succession ou donation, ou encore qu'il a acquis pour son usage privé est présumé ne pas réaliser une activité économique. Le fait que, préalablement à la cession, l'intéressé procède au lotissement parcellaire du terrain pour en tirer un meilleur prix global n'est pas, à soi seul, de nature à remettre en cause cette présomption, non plus que le nombre de parcelles vendues, la durée sur laquelle s'étaleront les opérations ou l'importance des recettes qu'il en tire au regard de ses autres ressources 9 .
En revanche, cette présomption pourra être renversée lorsque le cédant entre dans une démarche active de commercialisation foncière, acquérant les biens en dehors d'une pure démarche patrimoniale ou mobilisant des moyens qui le placent en concurrence avec les professionnels 10 .
On suivra donc la méthode du faisceau d'indices déjà classiquement utilisée pour la requalification de cessions réputées privées en opérations de marchands de biens : là où les critères d'importance et d'habitude ne suffisent pas à caractériser une activité économique, on pourra considérer celle-ci comme bien établie lorsqu'en outre le cédant se trouve engager des dépenses d'aménagement significatives, et a fortiori lorsque ces dernières sont prépondérantes dans la valeur des cessions réalisées 11 .
13.En second lieu, s'agissant des personnes déjà assujetties au titre de leur activité courante, il ressort également de la jurisprudence qu'elles « n'agissent pas en tant que telles » lorsqu'elles réalisent la cession d'un élément de leur patrimoine en dehors d'un objectif d'entreprise ou d'un but commercial 12 . On distinguera donc entre celles des opérations de l'assujetti qui sont réalisées dans le cadre de son activité économique et celles qui sont réalisées dans un cadre patrimonial.
En ce sens, .la cession d'un actif inscrit au bilan présente normalement le caractère d'une opération économique réalisée en tant que telle. Il en va a fortiori ainsi si elle s'accompagne de dépenses de valorisation du bien cédé, si elle s'inscrit dans l'exploitation d'une activité d'achat en vue de la revente susceptible de produire des recettes récurrentes, ou plus généralement si elle constitue le prolongement direct de l'activité de l'entreprise. En revanche, la cession d'un immeuble (ou d'une fraction d'immeuble) réalisée par une entreprise qui, à cette occasion, vise seulement à mieux tirer parti d'un bien devenu étranger à son activité économique peut être considérée comme extérieure au champ de la TVA.
De même, un agriculteur qui vend des terrains de son patrimoine foncier, notamment lorsqu'ils ne sont pas inscrits au bilan de son exploitation 13 , n'agit ordinairement pas en tant qu'assujetti. Il en ira à l'inverse, dans ce cas, s'il réalise sur ces mêmes terrains des travaux significatifs, par exemple de viabilisation, et met en œuvre des moyens de commercialisation avérés (publicité, démarchage).
14.Si la directive TVA considère comme une livraison de biens la transmission réalisée à l'occasion d'une procédure d'expropriation, il y a lieu de présumer qu'elle ne constitue pas une opération de caractère économique pour l'exproprié dès lors que la contrepartie reçue a le caractère d'une indemnité. Il en va autrement, toutefois, dès lors que l'exproprié établit que cette livraison répond par ailleurs aux besoins de son entreprise.
15.En troisième lieu, les précisions suivantes sont apportées s'agissant des opérations immobilières réalisées par les personnes morales de droit public qui, aux termes des dispositions de l'article 256 B, ne sont pas assujetties à la TVA pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence.
16.Ainsi, les livraisons d'immeubles réalisées à titre onéreux par les opérateurs publics, et notamment les collectivités territoriales, entrent en concurrence avec celles des opérateurs privés lorsqu'elles s'inscrivent dans une démarche économique d'aménagement de l'espace ou de maîtrise d'ouvrage. Sont donc imposables, quand bien même le cédant les aurait réalisées en tant qu'autorité publique à raison des procédures mises en œuvre, les cessions de terrains à bâtir ou de constructions résultant de l'aménagement d'emprises acquises à cette fin, voire d'origine domaniale non établie, dès lors que le cadre administratif (notamment la motivation des actes en cause) fait apparaître une telle volonté de valoriser son activité et de répondre aux besoins des acquéreurs comme pourrait le faire un intervenant privé.
17.En revanche, pas plus que pour tout autre assujetti, les cessions d'immeubles réalisées par l'Etat, une collectivité ou un organisme public n'ont à être soumises à la TVA lorsqu'elles s'inscrivent purement dans le cadre de la gestion de leur patrimoine.
Il en va notamment ainsi des cessions réalisées entre autorités publiques sans déclassement préalable de l'immeuble cédé, en application des procédures prévues par le code général de la propriété des personnes publiques.
De même, peuvent constituer des opérations réalisées hors du cadre économique les cessions de terrains à bâtir ou de bâtiments qu'une collectivité détient dans son patrimoine sans les avoir acquis ou aménagés en vue de les revendre. Ainsi, la collectivité sera fondée à ne pas soumettre à la TVA les livraisons d'immeubles de cette nature lorsque la délibération par laquelle il est décidé de procéder à l'aliénation fait apparaître que celle-ci relève du seul exercice de la propriété, sans autre motivation que celle de réemployer autrement au service de ses missions la valeur de son actif.