SOUS-SECTION 2 PROCÉDURE APPLICABLE
SOUS-SECTION 2
Procédure applicable
1Il résulte de la jurisprudence du Conseil d'État que l'article 57 du CGI ne peut être appliqué que s'il est établi que des avantages particuliers ont été consentis à la société étrangère. C'est à l'Administration qu'il appartient de prouver l'existence de ces avantages et d'en déterminer le montant.
Il est rappelé que l'administration doit avoir apporté au préalable , la preuve des liens de dépendance qui unissent la société étrangère et la société française (cf. ci-avant 4 A 1211 n°s 1 et suiv. ).
L'entreprise française a, bien entendu, la faculté d'apporter la preuve contraire en établissant que l'opération apparemment anormale est en réalité justifiée par les nécessités de l'exploitation.
A. PREUVE DE L'EXISTENCE D'AVANTAGES PARTICULIERS CONSENTIS À L'ENTREPRISE ÉTRANGÈRE
2L'existence de tels avantages fait présumer le transfert de bénéfices.
La loi ne fixe, à cet égard, aucune règle de preuve particulière. Aussi, appartient-il à l'Administration de prouver, selon la procédure de droit commun, le caractère anormal de l'opération qu'elle entend redresser.
Ainsi, s'agissant de l'acquisition par une filiale française de matériel informatique destiné à la vente, au moyen d'avances consenties par la société mère suisse et rémunérées à un taux inférieur à celui du marché, le Conseil d'État (arrêt du 4 novembre 1983, req. n° 34516) a jugé que l'Administration n'apportait pas la preuve qui lui incombait, dès lors qu'elle n'établissait pas :
- que les avances aient été recherchées par la filiale française dans un intérêt autre que celui de l'entreprise ;
- que les intérêts versés en rémunération de ces avances présentaient un caractère excessif dès lors que les taux fixés étaient inférieurs à ceux qu'auraient exigés les banques ou les établissements financiers, pour l'attribution de crédits de même durée.
3Lorsque le contribuable n'accepte pas les redressements envisagés par l'Administration, le désaccord peut être soumis à l'appréciation de la Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Cet organisme est compétent pour connaître de toutes les questions de fait qui se rattachent à l'existence et au montant du transfert de bénéfices à l'étranger (CE, arrêt du 29 janvier 1964, req. n° 47515, RO, p. 20 ; du 9 octobre 1967, req. n° 70392).
4Si le Tribunal administratif ne s'estime pas suffisamment informé, il peut ordonner une expertise à l'effet d'établir :
- que la société française n'a pas consenti d'avantages à sa filiale étrangère ;
- qu'en tout état de cause lesdits avantages, à les supposer établis, ne se sont pas traduits par un transfert de bénéfices au profit de ladite filiale (CE, arrêt du 13 avril 1964, req. n° 56173, RO, p. 69).
B. PRÉSOMPTION DE TRANSFERT ET PREUVE CONTRAIRE
5Lorsque l'existence d'avantages accordés par l'entreprise française à l'entreprise étrangère est établie, l'article 57 établit une véritable présomption de transfert de bénéfices. Mais l'entreprise peut combattre cette présomption en démontrant que ces avantages ne se sont pas traduits en fait par un transfert de bénéfices à l'étranger.
I. La doctrine administrative
6L'Administration reconnaît à l'entreprise française la possibilité d'apporter la preuve que les avantages découlant des opérations réalisées avec une entreprise étrangère répondent à des nécessités commerciales réelles, et non au souci d'effectuer des transferts de bénéfices au préjudice du Trésor français.
7Par ailleurs, une application trop stricte des dispositions de l'article 57 du CGI aux entreprises françaises possédant des filiales ou contrôlant des entreprises situées à l'étranger peut, dans certains cas, gêner l'établissement ou le fonctionnement à l'étranger d'installations permanentes destinées à permettre la vente de produits français sur les marchés extérieurs et, par là même, nuire au développement de nos exportations.
8Dans les cas visés ci-dessus, pour apprécier s'il y a lieu ou non de faire application des dispositions de l'article 57, le service doit donc prendre en considération les conditions de fonctionnement commercial de ces filiales ou entreprises.
En particulier, il convient de ne pas faire jouer ledit article lorsque des entreprises exportatrices sont en mesure d'établir que les cessions consenties à leurs filiales étrangères à des prix de vente voisins du prix de revient répondent non au souci d'effectuer des transferts de bénéfices mais à des nécessités commerciales.
9Cette mesure de tempérament appelle les précisions suivantes.
L'activité d'une société qui commercialise ses produits exportés par l'intermédiaire d'une filiale établie à l'étranger conduit à distinguer, dans les résultats d'exploitation, le bénéfice de fabrication du bénéfice de vente proprement dit. Dans cette situation, il est généralement admis, sous réserve de l'examen des circonstances propres à chaque nature d'activité économique, que le bénéfice de fabrication est inclus dans les résultats de la société française tandis que le bénéfice de vente revient pour l'essentiel à la société filiale. Ce dernier bénéfice est donc imposé dans le pays étranger sur le territoire duquel la filiale a son siège et se livre à son activité de vente.
Mais les circonstances du marché dans le pays considéré peuvent être telles que la filiale étrangère doive vendre les produits fabriqués par la société française à des prix proches du prix de revient de fabrication majoré des dépenses de commercialisation. Dans ce cas, la filiale étrangère ne réalise pas de bénéfice de vente, mais la cession consentie par la société française à cette filiale s'est également traitée sur la base du prix de revient ; il en résulte qu'il n'y a pas non plus de bénéfice de fabrication. Il est évident que l'Administration n'est pas fondée dans ce cas à appliquer les dispositions de l'article 57.
D'une manière générale, pour déterminer les résultats à attribuer à une société française dans ses relations avec sa filiale étrangère, il est recommandé de considérer l'ensemble des opérations commerciales y compris celles réalisées par cette filiale.
Ainsi, lorsque la société française est amenée à réduire le bénéfice de fabrication de façon à laisser à sa filiale une marge de commercialisation suffisante pour faire face aux nécessités de la concurrence tout en lui procurant les moyens de fonctionnement indispensables, il convient de recueillir toute information permettant d'apprécier, notamment en fonction des prix de vente pratiqués par la filiale étrangère, si, dans les rapports entre la société française et sa filiale, la fixation d'un prix frontière proche du prix de revient en France est réellement imposée par des nécessités commerciales ou a en fait pour seul but de profiter, dans le pays d'exportation, d'un taux de taxation moins élevé qu'en France.
II. La jurisprudence
10Il a été jugé que l'entreprise française peut apporter la preuve que les avantages contestés étaient indispensables à la conclusion de l'affaire, compte tenu de l'état du marché et des conditions de la concurrence et qu'à défaut un bénéfice plus élevé n'aurait pu être réalisé (CE, arrêt du 13 avril 1964, req. n° 56173, RO, p. 69).
La société française peut invoquer les intérêts financiers et commerciaux qui s'attachent, pour elle, à la prospérité de ses filiales à l'étranger (CE, arrêt du 13 janvier 1967, req. n° 68139 ; cf. également arrêt du 2 juin 1982, n° 23342).
De même, la prise en charge par une société française de la rémunération d'un cadre détaché auprès d'une filiale pour en assurer la direction, ne constitue pas un transfert de bénéfice dès lors que la société mère établit que l'avantage ainsi accordé à sa filiale comporte une contrepartie suffisante dans l'intérêt de son exploitation et est justifié par une gestion commerciale normale de ses intérêts propres. Il en a été ainsi jugé dans un arrêt du Conseil d'État du 30 mars 1987 (req. n° 52754). Ceci est valable que la filiale soit française ou étrangère (RM n° 25533, OUDOT, député ; JO AN du 7 septembre 1987 p. 5012 ; cf. également, CE arrêt du 3 mars 1989, req. n° 77581).
La preuve contraire a été considérée comme apportée dans le cas où l'avantage consenti sur un point par la société française était compensé par un avantage consenti sur un autre point par la société étrangère à la société française, alors même que les deux opérations appelées à se compenser n'avaient entre elles aucun lien de causalité. D'une façon générale, il y a lieu d'examiner l'ensemble des opérations commerciales traitées par les deux sociétés (CE, arrêt du 30 octobre 1963, req. n° 50220).
La jurisprudence a admis également la légitimité :
- de l'aide financière consentie à une filiale en difficulté, le développement de l'entreprise française à l'étranger pouvant souffrir d'une aggravation de la situation financière de sa filiale étrangère (CE, arrêt du 11 décembre 1970, req. n° 78 698) ;
- de redevances versées à une société mère étrangère et rémunérant, selon un taux non excessif, l'usage des marques qui ne figurait pas, lors de la constitution de la filiale française, parmi les apports de la société étrangère (CE, arrêt précité du 19 juin 1970, req. n° 76270, RJ, n° II, p. 155).
Ainsi, l'application de l'article 57 du CGI se rattache dans une certaine mesure à la notion plus large de l'acte de gestion anormale. Cependant, si la preuve contraire est ouverte à l'entreprise sur les deux plans, elle est plus difficile à établir dans le cadre de l'article 57, dès lors que le contribuable doit combattre une véritable présomption instituée par la loi. C'est ainsi que dans un même arrêt la preuve contraire a été écartée pour des prêts sans intérêt consentis à une filiale étrangère tandis qu'elle était admise pour des prêts consentis à d'autres filiales, lesquelles étaient situées en France comme la société mère (CE, arrêt du 7 juillet 1958, req. n° 35977, RO, p. 188).
C. RECTIFICATION DES RÉSULTATS
11Le montant des produits imposables est déterminé, selon l'article 57 :
- soit directement, par incorporation des bénéfices abusivement transférés hors de France aux résultats accusés par les comptabilités ;
- soit, à défaut d'éléments précis pour opérer les redressements, par comparaison avec les produits imposables des entreprises similaires exploitées normalement.
I. Méthode d'évaluation directe
12Les redressements prévus à l'article 57 doivent être opérés, en principe, selon les règles de droit commun, c'est-à-dire d'après les éléments précis de l'opération redressée. En effet, l'évaluation par comparaison n'est admise qu'à titre subsidiaire et à défaut d'éléments précis (CGI, art. 57, 4 è al. ; CE, arrêt du 23 novembre 1960, req. n° 48570).
Cette procédure sera généralement appliquée dans les hypothèses de remise ou d'absence d'intérêts, de rémunération sans contrepartie, de redevances excessives, de minoration des prix. En ce qui concerne l'application de cette méthode en cas de défaut de réponse à la demande d'information prévue à l'article L 13 B du livre des procédures fiscales, cf. DB 4 A 1214 n°s 52 et suiv.
II. Méthode d'évaluation subsidiaire
13L'article 57 prévoit qu'à défaut d'éléments précis permettant de déterminer le bénéfice imposable de l'entreprise française, il y a lieu de recourir à une évaluation forfaitaire tirée de comparaisons avec les résultats des entreprises indépendantes exerçant la même activité. S'agissant de l'application de cette méthode en cas de défaut de réponse à la demande d'information prévue à l'article L 13 B du livre des procédures fiscales, cf. DB 4 A 1214 n° 55 .
Il a été jugé, par exemple, que les bénéfices imposables ont pu valablement être déterminés par application au chiffre d'affaires d'un coefficient de bénéfices fixé par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement (CE, arrêt du 23 mars 1953, req. n° 75326, RO, p. 266).
D. RÉGIME FISCAL APPLICABLE AUX PRODUITS DISTRIBUÉS
14Les sommes réintégrées par l'Administration dans les bases de l'impôt sur les sociétés, en vertu de l'article 57 du CGI, doivent être considérées, en tout état de cause, comme des revenus distribués en se référant :
- soit aux dispositions de l'article 109-1-1° dudit code si l'exercice de rattachement est bénéficiaire ;
- soit à celles de l'article 109-1-2° et 111-a si les résultats de cet exercice sont déficitaires et si la société étrangère bénéficiaire des produits indirectement transférés est associée, actionnaire ou porteur de parts de la société française ;
- soit enfin à celles de l'article 111-c qui visent des avantages occultes, si l'une ou l'autre des deux précédentes dispositions n'est pas susceptible d'être appliquée.
La société bénéficiaire des produits transférés ou des avantages consentis ayant son siège hors de France, la distribution indirecte donne ouverture à la retenue à la source au taux de 25/75 sous réserve des conventions internationales.