SOUS-SECTION 4 INSTRUCTION DE L'APPEL
SOUS-SECTION 4
Instruction de l'appel
A. CARACTÈRES GÉNÉRAUX
1L'article R* 202-6 nouveau du LPF prévoit que les affaires relevant de l'article L 199 , al. 2 du même livre portées devant la cour d'appel sont instruites et jugées selon les règles prévues par le nouveau Code de procédure civile en matière contentieuse.
Toutefois, ce texte réserve expressément l'application des alinéas 2 et 4 de l'article R* 202-2 du LPF.
2À cet égard, l'article 2 du décret n° 98-127 du 4 mars 1998 a modifié la rédaction du deuxième alinéa de l'article R* 202-2 du LPF, d'une part, en y reportant la dernière phrase de l'alinéa 1 (« l'instruction se fait par simples mémoires respectivement signifiés »), d'autre part, en le complétant d'une dernière phrase relative aux modes de preuve (« les modes de preuve doivent être compatibles avec le caractère écrit de l'instruction »).
En outre, ce même article 2 a étendu, en cause d'appel, aux avoués constitués, la disposition permettant de demander à la juridiction d'accorder les délais nécessaires aux parties pour présenter leur défense (cf. ci-après n°s 75 et suiv. ).
3Par ailleurs, l'article 3 du décret précité transpose, à l'instance d'appel, en aménageant ses modalités, la procédure spéciale d'expertise prévue à l'article R* 202-3 du LPF (cf. ci-après n°s 64 et suiv. ).
4Il résulte de ces considérations que la procédure suivie devant la cour d'appel est exclusivement écrite et contradictoire, que si les parties ont le droit de présenter oralement de simples observations, elles n'ont pas obligation de recourir à l'assistance d'un avocat (cf. également 13 O 431 ).
5L'affirmation solennelle du caractère écrit de l'instruction à la dernière phrase de l'article R* 202-2 al. 2 du LPF confirme le rôle essentiel des conclusions signifiées dans la procédure suivie en matière fiscale.
Elle vient, au demeurant, s'agissant de l'instance d'appel, appuyer les textes du nouveau Code de procédure civile (art. 4 et 954) qui permettent déjà à la Cour de cassation de censurer les arrêts par lesquels une cour d'appel avait cru pouvoir déduire des seules énonciations d'une plaidoirie l'abandon de moyens contenus dans des conclusions régulières (Civ. 3ème, 29 octobre 1985, Bull. III, n° 137) et, plus généralement, toute décision qui se détermine par référence des débats oraux à l'encontre des écritures des parties (Civ. 2ème, 25 janvier 1989, Bull. II, n° 20).
6En définitive, devant la cour d'appel, les affaires sont instruites selon une procédure dite « spéciale », correspondant à la procédure ordinaire de mise en état (sauf mise en oeuvre de la faculté, prévue à l'art. 910, al. 2 du NCPC, de renvoi à l'audience), aménagée pour tenir compte des dérogations apportées par le Livre des procédures fiscales.
B. CONCLUSIONS DES PARTIES - COMMUNICATION DES PIÈCES
7Aux termes de l'article R* 202-2 al. 2 du LPF, l'instruction se fait par simples mémoires respectivement signifiés.
Les parties à l'instance d'appel doivent donc faire connaître en temps utile leurs prétentions respectives, les moyens qui en sont le soutien, ainsi que les preuves et les pièces qui les appuient dans le cadre de conclusions écrites, régulièrement notifiées (rappr. 13 O 4311).
Cette règle doit être combinée et éclairée par les dispositions pertinentes du nouveau Code de procédure civile qui n'y sont pas contraires.
I. Forme des conclusions - Notifications
8S'agissant des conclusions, dans la mesure où la procédure applicable est celle avec représentation obligatoire en matière contentieuse, celles-ci doivent être notifiées à l'avoué de la partie adverse (art. 909 du NCPC) dans les conditions fixées aux articles 960 à 962 dudit code. Les dispositions du dernier alinéa de l'article R* 202-2 du LPF ne sont, en effet, pas applicables en cause d'appel.
Les conclusions doivent ainsi être signées par l'avoué constitué (NCPC, art. 961) et ne sont pas recevables tant que les indications sur l'identité de l'intimé mentionnées à l'article 960, al. 2 du NCPC n'ont pas été fournies.
Elles sont notifiées dans la forme des notifications entre avoués (NCPC, art. 961).
9Les règles relatives aux notifications entre avoués figurent aux articles 671 à 674 du NCPC.
10L'article 671 du NCPC prévoit, à cet égard, qu'une telle notification peut être directe ou par voie de signification.
Compte tenu de la rédaction de l'art R* 202-2 , al. 2 du LPF, applicable en cause d'appel, il y a lieu de considérer que seule la voie de la signification par un huissier audiencier est autorisée en matière fiscale, à l'exclusion d'une notification directe entre avoués.
Toutefois, la nullité de la notification qui pourrait résulter de l'emploi de la procédure de notification directe au lieu et place de celle de la signification ne pourrait être soulevée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'emploi de ce procédé (rappr. Civ. 2ème, 13 mai 1987, Bull. II, n° 110).
11La signification est constatée par l'apposition du cachet et de la signature de l'huissier sur l'acte et sa copie, avec l'indication de la date et du nom de l'avoué destinataire (NCPC, art. 672).
Seul l'huissier de justice est qualifié pour authentifier la date de la signification (Civ. 2ème, 6 oct. 1971, Bull. II, n° 265).
12Par ailleurs, en cas de pluralité de défendeurs ou de demandeurs, les conclusions doivent être notifiées à tous les avoués constitués (NCPC, art. 909).
13Copie des conclusions est ensuite remise au secrétariat-greffe avec la justification de leur notification (NCPC, art. 909, al. 2). Et l'acceptation par le secrétariat-greffe d'un tel dépôt de conclusions fait présumer que leur notification était justifiée (Civ. 2ème, 11 octobre 1978, Bull. II, n° 204). La remise au secrétariat-greffe est constatée dans les conditions prévues à l'article 966 du NCPC (cf. ci-avant 13 O 4923, n° 38 ).
14En ce qui concerne les délais dans lesquels les conclusions doivent être produites, il convient de se reporter aux développements consacrés à l'ordonnance de clôture de l'instruction (cf. ci-après n°s 75 et suiv. ).
II. Contenu des conclusions
15Les articles 954 et 955 du NCPC prévoient les règles de fond auxquelles obéissent les conclusions d'appel. Elles doivent être combinées avec les dispositions pertinentes du Livre des procédures fiscales, et notamment celles prévues aux articles L 199 C, R* 190-1, R* 202-2 et R* 202-6.
1. Objet des conclusions d'appel.
16Le premier alinéa de l'article 954 NCPC prévoit ainsi une règle générale obligeant les parties à formuler expressément leurs prétentions et les moyens sur lesquels elles sont fondées (sur la notion de moyen, cf. 13 O 4311, n° 2 ).
17On rappelle à cet égard que si l'appel a pour finalité la réformation ou l'annulation du jugement déféré, l'instance portée devant les juridictions judiciaires en vertu de l'article L 199 , al. 2 du LPF a pour objet la confirmation ou l'annulation -partielle ou totale- de la décision expresse ou tacite de la réclamation du contribuable, dont le contenu délimite strictement la demande en justice (Com., 4 décembre 1990, Bull. IV, n° 309 ; 2 juin 1992, Bull. IV, n° 221).
Les prétentions portées en appel ne peuvent donc ni excéder le contenu de la réclamation initiale, ni avoir d'autre objet que l'annulation ou la confirmation de la décision administrative de rejet.
Sur ce point, l'admissibilité des moyens nouveaux en cause d'appel, prévue par l'article L 199 C du LPF, doit être strictement entendue (cf. ci-avant 13 O 4912, n° 10 ).
18Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article 954 du NCPC qu'en l'absence de toute conclusion de l'appelant, la Cour n'est saisie d'aucun moyen d'appel et ne peut donc que rejeter le recours (Civ. 2ème, 9 mai 1985, Bull. II, n° 92).
2. Forme des moyens présentés dans les conclusions.
19Le troisième alinéa de l'article 954 précité prévoit en outre que la partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
Il en résulte qu'une cour d'appel n'est pas tenue de répondre aux conclusions de première instance auxquelles il est simplement fait référence dans les conclusions d'appel (Civ. 3ème, 5 juillet 1983, Bull. III, n° 158), qu'elle peut à bon droit juger que l'appelant ne l'ayant saisi d'aucun moyen ne conteste pas la condamnation prononcée à son encontre par les premiers juges (Civ. 2ème, 8 octobre 1986, Bull. II, n° 140), mais qu'encourt en revanche la cassation l'arrêt qui, pour infirmer le jugement, se fonde sur un moyen invoqué par l'appelant devant les premiers juges, mais non repris dans les conclusions d'appel (Civ. 1ère, 9 décembre 1981, Bull. n° I, p. 372).
Il convient donc de porter un soin attentif à la rédaction des conclusions d'appel qui doivent contenir l'énonciation la plus précise possible des moyens appuyant les prétentions soumises à la cour.
20S'agissant des conclusions de confirmation du jugement attaqué, le quatrième alinéa de l'article 954 du NCPC établit une présomption d'adoption des motifs de la décision déférée par la partie se bornant à demander une telle confirmation sans énoncer de nouveaux moyens.
Il en résulte qu'en présence de conclusions banales de défense, l'intimé est réputé s'approprier les moyens retenus par le jugement, y compris ceux soulevés d'office par la juridiction (rappr. Com. 13 janvier 1981, Bull. IV, n° 23), mais qu'il se prive du droit d'invoquer les moyens qu'il avait soulevés en première instance et qui ont été rejetés par le jugement ou n'ont pas été repris (Civ. 2ème, 28 avril 1978, Bull. II, n° 112).
L'intimé n'échappe à cette double présomption d'adoption des motifs du jugement déféré et de renonciations aux moyens délaissés ou ignorés par la juridiction de premier degré qu'en formulant de manière expresse dans ses conclusions d'appel les moyens qu'il entend faire valoir à l'appui de sa demande en confirmation de la décision attaquée ; que ceux-ci soient nouveaux ou qu'ils aient été déjà formulés dans les écritures prises devant les premiers juges (Civ. 2ème, 14 avril 1988, Bull. II, n° 80).
21Le deuxième alinéa de l'article 954 du NCPC prévoit, en outre, la possibilité de conclusions récapitulatives, à l'invitation de la cour ou du conseiller de la mise en état.
Dans ce cas, les moyens qui ne sont pas récapitulés sont regardés comme abandonnés.
De manière générale, chaque fois que des conclusions se présentent comme récapitulatives, il convient d'y rappeler, même succinctement, les moyens précédemment développés, faute de quoi la cour d'appel pourrait estimer que ces moyens ont été abandonnés (rappr. Civ. 1ère, 10 mars 1991, JCP IV 184).
22Par ailleurs, lorsqu'elle confirme un jugement, la cour d'appel est réputée avoir adopté les motifs de ce jugement qui ne sont pas contraires aux siens (NCPC, art. 955).
23En ce qui concerne le contenu même des écritures, il y a lieu de se reporter aux indications figurant 13 O 4311 pour ce qui concerne le fond du droit, et 13 O 44 pour ce qui a trait aux incidents de procédure, sous réserves des développements ci-après consacrés aux pouvoirs du conseiller de la mise en état, ainsi qu'aux procédures particulières devant la cour d'appel.
III. Production des conclusions de l'appelant
1. Délais de production.
24Aux termes de l'article 915, al. 1 du NCPC, à moins que le conseiller de la mise en état ne lui ait imparti un délai plus court, l'avoué de l'appelant doit déposer au greffe ses conclusions dans les quatre mois de la déclaration d'appel.
Ce délai est computé selon les règles fixées aux articles 641 et 642 du NCPC (cf. 13 O 4223, n° 2 ).
25Par conclusions, il convient d'entendre toutes écritures répondant aux exigences de l'article 954 du NCPC, de sorte que ne remplissent pas cette condition et, par suite, ne constituent pas des conclusions au sens de l'article 915 précité, de simples conclusions banales, telles celles sollicitant un complément d'expertise, une demande aux fins d'injonction de communication de pièces (Civ. 2ème, 26 juin 1991, Bull. II, n° 190), ou un sursis à statuer.
Mais, à l'inverse, des écritures sur une fin de non-recevoir, une exception de nullité ou sur le fond du litige constituent des conclusions au sens du texte précité (rappr. CA Versailles, 9 juin 1994, D. 1995, somm. 107).
26En cas de pluralité d'appelants, il suffit que l'un d'entre eux ait satisfait aux prescriptions de l'article 915 du NCPC (CA Paris, ord. du 23 août 1990, Bull. des avoués, n° 115), dès lors que le défaut de diligence d'un seul des appelants ne saurait préjudicier aux autres (CA Versailles, ord. 19 octobre 1993, Gaz. Pal 1994, 1. Somm. 172).
27Si ce délai de quatre mois peut être réduit par le conseiller de la mise en état (NCPC, art 915, al. 1), il ne peut être prorogé par le magistrat que dans le seul cas où l'avoué de l'appelant a été désigné au titre de l'aide judiciaire, ou a été constitué par un appelant à qui l'aide judiciaire a été refusée (NCPC, art. 915, dern. al).
2. Sanction de l'inobservation des délais : la radiation du rôle.
28À défaut de dépôt au greffe des conclusions dans le délai de 4 mois, ou celui, plus bref, fixé par le conseiller de la mise en état, l'affaire doit être radiée du rôle (NCPC, art. 915, al. 2) par une décision non susceptible de recours (ordonnance) communiquée à la personne de l'appelant.
C'est le conseiller de la mise en état qui a compétence pour rendre une telle ordonnance.
29La radiation emporte normalement suppression de l'effet suspensif dont le NCPC assortit l'appel.
Les conséquences de la radiation du rôle de l'appel sur l'exécution provisoire de droit et les mesures éventuelles tendant à son arrêt ou son aménagement seront étudiées dans une instruction à paraître relative à cette procédure.