Date de début de publication du BOI : 30/04/1996
Identifiant juridique : 13O2133
Références du document :  13O2133

SOUS-SECTION 3 QUALITÉ ET MANDAT

b. Entreprises individuelles.

18L'entrepreneur individuel a seul qualité pour agir.

Si l'exploitant individuel est marié, il a seul qualité pour contester les impositions relatives aux biens qu'il administre.

Par suite, s'il s'agit d'impositions afférentes à des biens administrés par son conjoint, l'époux réclamant doit présenter un mandat régulier.

Ainsi, la réclamation formulée par le conjoint d'un exploitant qui ne tient, ni de ses fonctions, ni de sa qualité, le droit d'agir au nom du redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est irrecevable à défaut d'un mandat régulier (CE, arrêt du 6 janvier 1984, n° 36743).

Toutefois, le Conseil d'État a jugé que le mari d'une exploitante individuelle, redevable légale de la taxe sur la valeur ajoutée, qui est mentionné sur le registre du commerce comme « fondé de pouvoir ayant procuration générale » tient de ses fonctions, le droit de présenter, sous sa signature, une réclamation contestant l'imposition assignée à son épouse (arrêt du 18 novembre 1987, n° 55414).

Par ailleurs, l'époux de l'exploitant individuel peut introduire et soutenir une réclamation relative à l'impôt dû en raison de l'ensemble des revenus du foyer (cf. n°s 8 et 45 ).

c. Employés salariés ou tiers justifiant d'une procuration générale.

19En principe, les personnes ayant reçu une procuration à caractère général, enregistrée avant l'introduction de la réclamation, sont admises à réclamer sans mandat spécial.

En conséquence, peut valablement introduire une réclamation sans produire un mandat spécial :

- le chef de service salarié d'une société qui, aux termes de sa lettre d'engagement, est chargé des relations de l'entreprise avec l'Administration et des divers litiges en cours ou à venir (CE, 13 juillet 1965, n° 57194, RO, p. 386) ;

- le tiers qui, antérieurement à la réclamation primitive a reçu d'une société à responsabilité limitée une procuration générale pour la représenter et, notamment, pour « paraître tant en demandant qu'en défendant, devant tous juges et tribunaux compétents » (CE, 5 juillet 1950, n° 5884).

d. Associés.

20L'associé ne peut agir que s'il a été habilité par le conseil d'administration :

- l'associé d'une société anonyme qui, antérieurement à l'introduction de sa demande devant le Tribunal administratif, avait été habilité par délibération du conseil d'administration à « exercer toutes actions judiciaires, tant en demandant qu'en défendant, devant tous juges et tribunaux compétents » et tenait ainsi de ses fonctions le droit d'agir au nom de la société, n'a pas à justifier d'un mandat spécial enregistré préalablement à ladite demande (CE, 20 juillet 1971, n° 76760, RJ, IV, p. 122) ;

- de même en ce qui concerne l'associé chargé des fonctions d'administrateur-directeur général et habilité par délibération du conseil d'administration à représenter la société en justice, dès lors que le CGI (actuellement Livre des procédures fiscales) n'exige pas de mandat spécial des membres de la société ou de ses employés qui, à la date où ils agissent, tiennent déjà de leurs fonctions délégation permanente pour réclamer au nom de la société (CE, 10 novembre 1971, n° 78164, RJ, IV, p. 146).

e. Cas particuliers.

21 - entreprise commerciale exploitée en indivision

Dans ce cas, chaque propriétaire indivis a qualité pour agir sans mandat au nom des autres membres en ce qui concerne l'imposition établie au nom de l'indivision (CE, 4 décembre 1961, n° 41355).

- société absorbante

Une société ayant absorbé la société au nom de laquelle est établie une imposition a qualité pour contester cette dernière, alors surtout que la société absorbante a été l'objet de poursuites pour le recouvrement de ladite imposition (CE, 5 juin 1961, n° 48217).

3. Administrateurs, liquidateurs, dans les entreprises en difficulté.

22La loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, dont l'entrée en vigueur a été fixée au 1er janvier 1986, prévoit les procédures du redressement et de la liquidation judiciaires des entreprises 1 . La liquidation judiciaire de l'entreprise est prononcée lorsque la continuation de son activité ou sa cession apparaissent impossibles.

a. Redressement judiciaire.

23En cas de redressement judiciaire, le tribunal nomme un ou plusieurs administrateurs judiciaires qui peuvent être chargés de différentes missions (article 31 de la loi du 25 janvier 1985).

24Si l'administrateur est chargé d'une mission de surveillance ou d'assistance, le débiteur n'est pas dessaisi de ses droits et actions. Il en est de même, en cas de procédure simplifiée, s'il n'y a pas nomination d'un administrateur.

Si l'administrateur est chargé d'une mission d'administration, ou, en cas de procédure simplifiée, lorsque le débiteur est dessaisi et représenté par l'administrateur, c'est ce dernier qui exerce les droits et actions du débiteur.

b. Liquidation judiciaire.

25Lorsque la liquidation judiciaire est prononcée au cours de la période d'observation, en vertu des dispositions de l'article 148-4 de la loi du 25 janvier1985 précitée (issu de l'article 67 de la loi n° 94-475 du 10 juin 1994), le Tribunal qui prononce la liquidation judiciaire nomme le représentant des créanciers ou un autre mandataire-liquidateur en qualité de liquidateur.

Le liquidateur poursuit, notamment, les actions introduites avant le jugement de liquidation.

26Conformément aux dispositions de l'article 152 de la loi susvisée, modifié par l'article 92 de la loi n° 94-475 du 10 juin 1994, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit, tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur

c. Liquidation amiable après dissolution de la société.

27Le liquidateur amiable, qui représente la société, a seul qualité pour ester en justice : le liquidateur, nommé par le Tribunal de commerce, d'une société civile déclarée nulle par décision de justice a seul qualité, tant que les opérations de liquidation ne sont pas terminées, pour réclamer contre les impositions établies au nom de la société Le fait qu'un accord aurait été conclu entre les coassociés pour substituer l'un d'eux au liquidateur ne peut avoir pour effet, en l'absence de toute décision du Tribunal de commerce, d'entraîner la révocation dudit liquidateur (CE, 19 décembre 1969, n° 58581, RJCD, 2ème partie, p. 162) 2

28D'autre part, si plusieurs liquidateurs ont été désignés, ils peuvent réclamer séparément, à moins que l'acte de nomination n'en ait disposé autrement.

Ainsi, en l'absence de restriction dans le jugement qui définit la mission des liquidateurs d'une société dissoute, l'un quelconque d'entre eux a qualité pour former une réclamation au nom de la société (CE, 13 février 1939, n° 60750, RO, p. 74).

Mais lorsque les deux liquidateurs d'une société ont été nommés avec l'obligation d'agir et de signer ensemble et non séparément, un seul d'entre eux n'a pas qualité pour introduire une requête au nom de la société (CE, 11 février 1927, n° 88942, RO, 5125).

  B. PERSONNES DEVANT JUSTIFIER D'UN MANDAT

29En dehors des situations examinées ci-dessus (n°s 2 et suiv. ), toute personne qui introduit ou soutient une réclamation pour autrui doit justifier d'un mandat (LPF, art. R* 197-4).

  I. Conditions de validité du mandat

30En vertu de l'article précité, le mandataire doit être en possession d'un mandat régulier 3 et doit le produire en même temps que la réclamation. Toutefois, s'il a été régulièrement enregistré avant la production de la demande, le mandat peut être produit ultérieurement, à un moment quelconque de la procédure.

En pratique, en cas de doute sur la recevabilité de la demande, le service doit inviter les demandeurs à produire le plus tôt possible, avant même le début de l'instruction des demandes, un mandat régulier.

Bien entendu, le mandat peut être donné par le contribuable lui-même ou par un mandataire habilité expressément à se substituer à lui.

Dès lors, une réclamation introduite au nom d'une société anonyme par un mandataire tenant ses pouvoirs d'un des administrateurs, lequel n'avait pas qualité, d'après les statuts, pour représenter la société en justice, a été jugée irrecevable Au cas, d'ailleurs, où cet administrateur aurait été délégué pour soutenir l'instance, il n'aurait pu habiliter un tiers à former la réclamation de la société que si le mandat qu'il avait lui-même reçu avait contenu pouvoir de substituer (CE, 3 août 1971, Compagnie bordelaise des produits chimiques).

À cet égard, pour ce qui est des entreprises, hormis le cas où le réclamant justifie d'une procuration générale ou tient de ses fonctions ou de sa qualité le droit d'agir (cf. n°s 12 et suiv. ), la production d'un mandat est indispensable (cf. n°s 36 et suiv. ).

Par ailleurs, le mandat par lequel un contribuable donne pouvoir de former en son nom des réclamations devant le tribunal administratif habilite le mandataire à réclamer tout d'abord devant le directeur (actuellement service des impôts) [CE, 1er décembre 1963, Compagnie du Bourbonnais, RO, 6303].

  II. Cas d'application

Sans que la liste alphabétique ci-après puisse être considérée comme limitative, les réclamants doivent, dans les cas suivants, justifier d'un mandat régulier.

a. Collectivités publiques.

31Les maires ne peuvent, sans mandat spécial, réclamer au nom de leurs administrés, même absents (CE, 13 février1856, min. des Fin. contre X... , RO, 222, Leb. chron., p. 131), [cf. toutefois 13 O 2131 n° 5 ].

Lorsqu'elle a confié la gestion d'un équipement communal (en l'occurrence une piscine) à une association, une commune ne peut réclamer au sujet des impôts dus par cette association (CE, 28 mai 1980, n° 11841).

b. Concessionnaires.

32Une société concessionnaire ne peut, en l'absence de poursuites, réclamer sans mandat contre la taxe foncière établie au nom de l'État, encore qu'elle se serait engagée par convention à en acquitter le montant et qu'elle serait nominativement désignée au rôle, cette dernière indication étant uniquement destinée à faciliter le recouvrement.

Ainsi :

- une société concessionnaire ne peut, sans mandat spécial, réclamer contre l'impôt foncier établi au nom de l'État, encore bien qu'elle serait tenue, par le cahier des charges, d'en acquitter le montant. La circonstance que la société a reçu l'avertissement relatif à cette imposition ne peut davantage l'habiliter à réclamer dès lors qu'elle ne justifie d'aucun acte de poursuite dirigé contre elle pour en obtenir le paiement (CE, 27 juin 1938, Société anonyme des usines F. Chaux, RO, p. 349) ;

- la circonstance que, pour faciliter le recouvrement, l'impôt foncier afférent à un immeuble a été établi au nom de « l'État par la société X... concessionnaire » n'a pas pour effet de rendre celle-ci personnellement redevable envers le Trésor. Ladite société ne peut donc, en l'absence de poursuites et sans justifier d'un mandat, réclamer contre l'imposition encore bien qu'elle se serait engagée par convention à en acquitter le montant (CE, 22 décembre 1947, Électricité de France, pour la Société pyrénéenne d'énergie électrique, RO, p. 323 ; CE, 30 octobre 1957, Électricité de France).

c. Conseil fiscal ou juridique : régime antérieur à la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990.

33Les personnes autorisées à faire usage du titre de conseil juridique ou fiscal, en vertu de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, doivent être expressément mandatées par leurs clients pour introduire, en leur nom, un contentieux fiscal (cf. Réponse Taddel, J.O., AN., 27 décembre 1982, p. 5320, n° 5010 ; CE, arrêt n° 63493 du 18 octobre 1989) 4 .

Cette exigence ne s'impose plus, depuis le 1er janvier 1992, pour les conseils juridiques qui font partie de la nouvelle profession d'avocat telle qu'elle résulte des dispositions du titre 1er de la loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990. Ceux-ci exercent, en effet, l'ensemble des fonctions antérieurement dévolues aux anciennes professions d'avocat et de conseil juridique, et notamment l'assistance et la représentation des parties en justice (art. 1er de la loi précitée) [cf. n° 4 ].

d. Créanciers.

34Le Conseil d'État a estimé que ne peuvent être regardées comme des personnes qui tiennent de leur qualité le droit d'agir au nom du contribuable, sans mandat préalable de celui-ci, les créanciers titulaires de l'action oblique prévue par l'article 1166 du Code civil, en cas de négligence du débiteur (CE, arrêt du 27 mars 1981, n° 27717, RJ, IV, p. 33 et voir aussi n° 51 ).

1   Précédemment, sous l'empire de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967, les entreprises pouvaient faire l'objet d'un règlement judiciaire ou d'une liquidation des biens.

2   L'associé signataire de la réclamation faisait valoir qu'il avait été déclaré seul et entièrement responsable du passif social. Mais il ne justifiait pas avoir été personnellement mis en demeure d'acquitter les impôts contestés.

3   Le mandat devait auparavant être rédigé sur papier timbré. Dans sa décision du 14 mai 1980, le Conseil constitutionnel a estimé que cette obligation avait été implicitement supprimée par la loi n° 77-1468 du 30 décembre 1977 instaurant la gratuité des actes de justice devant les juridictions civiles et administratives. Le mandat peut donc être rédigé sur papier libre.

4   cette décision infirme un jugement du Tribunal administratif de Lille du 12 juin 1985 (n° 2445).