SOUS-SECTION 5 BIENS CÉDÉS ET SERVICES RENDUS SANS RÉMUNÉRATION OU MOYENNANT UNE RÉMUNÉRATION TRÈS INFÉRIEURE À LEUR PRIX
SOUS-SECTION 5
Biens cédés et services rendus sans rémunération ou moyennant
une rémunération très inférieure à leur prix
1L'article 238-1° de l'annexe II au CGI, prévoyait dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 89-301 du 11 mai 1989 que les assujettis à la TVA ne pouvaient pas récupérer la taxe afférente aux biens cédés et aux services rendus sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à leur prix normal.
Ce dispositif était issu de l'article 26 du décret n° 79-1163 du 29 décembre 1979.
2Le Conseil d'État a jugé, dans un arrêt du 3 février 1989 (arrêt n° 74-059 - compagnie ALITALIA), que cet article avait étendu, après le 1er janvier 1979, l'exclusion du droit à déduction des services dès lors qu'il ne l'avait pas limitée aux seuls services qui présentent un caractère de libéralités, comme dans la réglementation antérieure.
Il a estimé que cette disposition était illégale en se fondant sur l'article 17 paragraphe 6 de la 6ème directive CEE du 17 mai 1977 qui ne permet pas aux États membres d'étendre le champ d'application des exclusions du droit à déduction de la TVA après la date d'entrée en vigueur de la directive (1er janvier 1979).
L'exclusion du droit à déduction des biens remis gratuitement n'est pas affectée par cette décision : l'article 26 du décret du 29 décembre 1979 déjà cité a repris les termes de l'article 10 du décret n° 67-604 du 27 juillet 1967.
3 L'article 4 du décret n° 89-301 du 11 mai 1989 tire les conséquences de l'arrêt ALITALIA en abrogeant l'exclusion du droit à déduction des services rendus sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à leur prix normal.
Désormais, ces services ouvrent droit à déduction dans les conditions de droit commun. Mais les prestations de services à soi-même doivent être soumises à la TVA lorsque ces services ne sont pas rendus dans l'intérêt de l'entreprise.
A. SERVICES RENDUS SANS RÉMUNÉRATION OU MOYENNANT UNE RÉMUNÉRATION TRÈS INFÉRIEURE À LEUR PRIX NORMAL
I. Dispositions antérieures au 13 mai 1989
4Suivant sa rédaction issue de l'article 26 du décret n° 79-1163 du 29 décembre 1979, l'article 238-1° de l'annexe II au CGI prévoyait notamment que la taxe ayant grevé les services rendus sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à leur prix normal n'était pas déductible.
5Les développements ci-après n°s 26 et suivants concernant le principe d'exclusion de la taxe grevant les biens cédés sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à leur prix normal s'appliquaient également aux services rendus dans les mêmes conditions selon les modalités suivantes.
6La taxe afférente au service (s'il était acquis auprès d'un tiers) ou à ses éléments constitutifs (s'il était exécuté par l'entreprise elle-même) n'était pas déductible ; si cette taxe avait déjà fait l'objet d'une déduction totale ou partielle parce qu'à l'origine, le service était destiné à la réalisation d'une opération ouvrant droit à déduction, l'affectation du service à une opération visée à l'article 238-1° de l'annexe II rendait exigible le reversement intégral de la taxe initialement déduite. À cet effet, et lorsqu'il s'agissait d'un service que l'entreprise a elle-même exécuté, la taxe afférente à son coût devait être déterminée sous la responsabilité de l'entreprise sous réserve du droit de contrôle de l'administration. Il est précisé cependant que lorsque le service consistait en la mise à la disposition d'un bien, il y a lieu de se référer aux dispositions prises pour l'application de l'article 230 de l'annexe II ( 3 D 1512 ).
II. Dispositions applicables à compter du 13 mai 1989 1
7L'article 4 du décret du 11 mai 1989 ayant supprimé toute référence « aux services rendus » dans les dispositions de l'article 238-1° de l'annexe II au CGI, désormais les services rendus sans rémunération (ou moyennant une rémunération très inférieure à leur prix normal ouvrent droit à déduction dans les conditions de droit commun).
8Mais les prestations de services à soi-même doivent être soumises à la TVA lorsque ces services ne sont pas rendus dans l'intérêt de l'entreprise (DB 3 A 1211, n°s 14 et suiv.).
9Ainsi la TVA afférente aux services rendus à titre gratuit par des redevables de la taxe est déductible :
- si les services sont nécessaires à l'exploitation (art. 230-1 de l'annexe II au CGI) ;
- et si les services ne sont pas exclus du droit à déduction par une disposition particulière (cf. notamment les exclusions prévues aux articles 236 , 240 et 241 de l'annexe II au CGI).
1. La condition de nécessité à l'exploitation qui est commune aux biens et aux services est une question de fait (3 D 1511, n°s 2 et suiv ).
10La déduction de la TVA afférente aux biens et services est admise dans la mesure où ces dépenses sont exposées dans l'intérêt de l'exploitation.
Si cette condition fait défaut, la déduction ne peut pas être admise.
Ainsi, sont exclus du droit à déduction :
- les services qui bénéficient en fait personnellement au chef d'entreprise, à ses dirigeants, à des membres du personnel ;
- les services relatifs à des biens meubles ou immeubles non affectés à l'exploitation ;
- les services constituant des libéralités ou des dépenses d'agrément dont le rapport avec l'objet de l'entreprise ne serait pas établi.
2. Les exclusions particulières du droit à déduction sont actuellement définies aux articles 236 à 242 de l'annexe II au CGI.
11Il s'agit des dépenses engagées dans l'intérêt de l'exploitation mais qui sont exclues du droit à déduction par une disposition particulière ( 3 D 1531 à D 15).
3. Modalités de l'exclusion.
12Lorsqu'un service est affecté dès son acquisition à des besoins autres que ceux de l'entreprise ou à une utilisation exclue du droit à déduction, la taxe correspondante n'ouvre pas droit à déduction (location d'un magnétoscope utilisé pour des besoins familiaux, frais de déplacement du dirigeant ou du personnel).
13Lorsqu'un service est rendu à titre gratuit par l'entreprise pour des besoins étrangers à son exploitation, à partir de biens, d'éléments ou de moyens lui appartenant dont la taxe était déductible, l'exclusion du droit à déduction concerne la TVA qui est due au titre de la prestation de service à soi-même (travaux de réparation effectués par un entrepreneur de travaux avec ses propres moyens en matériel et en personnel à son domicile). En revanche, la taxe supportée en amont est toujours déductible puisque la déduction de la taxe est une des conditions de la taxation (DB 3 A 1211, n°s 14 et suiv.)
III. L'imposition des prestations de services à soi-même
1. Principe.
14La livraison à soi-même de services ou « prestation de services à soi-même » est l'opération par laquelle une personne obtient une prestation de services à partir de biens, d'éléments ou de moyens lui appartenant, que cette personne fasse appel ou non à des tiers pour tout ou partie de l'élaboration de la prestation.
L'imposition des prestations de services à soi-même prévue à l'article 257-8° du CGI n'est exigée que si :
- ces prestations sont faites pour des besoins autres que ceux de l'entreprise et notamment pour les besoins privés de ses dirigeants, de son personnel ou de tiers ;
- et la taxe afférente aux biens ou éléments utilisés pour rendre ces prestations était partiellement ou totalement déductible.
a. Les services concernés.
15La notion de besoins autres que ceux de l'entreprise a été précisée ci-dessus n° 10 .
b. La TVA afférente aux biens ou éléments utilisés pour rendre les services devrait être partiellement ou totalement déductible lors de leur acquisition.
16La taxation des prestations de services à soi-même n'est pas exigée lorsque la taxe grevant les biens et services nécessaires à la réalisation de la prestation ne pouvait pas faire l'objet d'une déduction. Il en est ainsi :
- lorsqu'un bien ou service est affecté dès son acquisition à des besoins autres que ceux de l'entreprise (ex. : dépenses de traiteur prises en charge par une entreprise pour les besoins d'un repas privé du chef d'entreprise) ou à une utilisation exclue du droit à déduction (ex. : dépenses de location d'un véhicule de tourisme) ;
- lorsque les biens et services utilisés pour rendre les services à soi-même sont tous exclus du droit à déduction. Ainsi dès lors que la taxe afférente à un véhicule de tourisme de société est exclue du droit à déduction, le service à soi-même correspondant à l'utilisation privative du bien n'est pas imposable à la TVA 2 . De même la livraison à soi-même ne s'applique pas aux repas servis gratuitement par les entreprises à leur personnel dès lors que les produits et denrées sont exclus du droit à déduction lors de leur achat (3 D 1422, n° 2 ) ;
- lorsqu'un assujetti réalise des opérations n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe ;
- lorsque la prestation à soi-même est effectuée par un assujetti exonéré ou dans le cadre d'une activité non imposable constituant un secteur distinct des autres activités d'un assujetti, au sens des dispositions de l'article 213 de l'annexe II au CGI.
2. Les modalités d'imposition.
a. Base d'imposition.
17L'article 266-1-c du CGI prévoit que la base d'imposition des prestations de services à soi-même est constituée par les dépenses engagées pour leur exécution, c'est-à-dire en pratique le prix de revient du service.
La base d'imposition correspond donc à la valeur hors taxe des biens autres que les immobilisations et des services utilisés pour la réalisation de la prestation de services à soi-même, qu'ils aient été ou non soumis à la taxe.
18De même, en cas d'utilisation d'un bien immobilisé pour la réalisation de la prestation de services à soi-même, il est tenu compte dans la base d'imposition de l'amortissement linéaire correspondant à la durée d'utilisation du bien.
19Enfin, lorsqu'un bien destiné à la location est également utilisé à des fins privées, la base d'imposition de la prestation de services à soi-même est calculée en fonction de la durée effective d'utilisation privée des biens. Ainsi, pour un bateau de plaisance loué 2 mois et utilisé à titre privé pendant 1 mois, la base d'imposition comprendra l'ensemble des dépenses qui ont concouru à la réalisation de la prestation de services à soi-même ; toutefois, les dépenses engagées à la fois pour les besoins de l'activité de l'entreprise et pour l'utilisation privative seront retenues à hauteur du tiers de leur montant (exemples : amortissement, assurance, droit d'amarrage, dépenses d'entretien et de réparations, ...). ).
b. Taux.
20Les prestations de services à soi-même sont passibles du taux qui leur est propre. D'une manière générale, le taux applicable est le taux normal.
c. Date d'exigibilité.
21L'article 5 du décret n° 89-301 du 11 mai 1989 fixe la date d'exigibilité de la TVA des livraisons à soi-même de services à la date de l'exécution du service. Elle intervient donc au fur et à mesure de la réalisation des prestations et doit être mentionnée sur les déclarations de chiffre d'affaires du redevable en fonction du régime déclaratif qui lui est applicable.
d. Déduction.
22 La taxe résultant de l'imposition de la livraison à soi-même du service n'est jamais déductible. En effet, les prestations de services à soi-même ne sont taxables que si les services sont rendus pour des besoins autres que ceux de l'entreprise et notamment pour les besoins privés de ses dirigeants, de son personnel ou de tiers.
En revanche, la taxe supportée en amont est toujours déductible puisque la déduction de la taxe est une des conditions de la taxation 3 .
1 Les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 13 mai 1989.
Les redevables de la taxe qui n'avaient pas pu récupérer la TVA afférente à des services gratuits effectués pour les besoins de l'exploitation pouvaient en obtenir le remboursement dans les délais et selon les modalités prévues aux articles R* 196-1 a et R* 196-3 du LPF, sous réserve de l'application, le cas échéant, de la prescription quadriennale des créances sur l'État prévue par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968.
Ainsi, les droits à déduction non exercés en application des dispositions illégales ne pouvaient donner lieu à remboursement que s'ils étaient nés après le 1er janvier 1985, sous réserve des dispositions de l'article R* 196-3 du LPF.
2 Il est admis de ne pas soumettre à la TVA la valeur de l'utilisation privée d'un véhicule qu'un exploitant de taxi affecte à des déplacements personnels pendant ses jours de repos.
3 Les assujettis partiels qui réalisent des livraisons à soi-même de services imposables peuvent déduire entièrement la TVA afférente aux éléments autres qu'immobilisations qui ont concouru à la réalisation du service.