SOUS-SECTION 2 MISE EN MOUVEMENT ET EXERCICE DE L'ACTION
II. Procédure
38La procédure diffère selon que l'initiative de l'action appartient à l'Administration ou au ministère public.
1. Procédure normale : initiative de l'action à l'Administration
La partie poursuivante est l'Administration. Elle a l'initiative des poursuites dont la base est constituée par le procès-verbal rapporté.
a. Action fiscale (Administration, partie principale)
39En pratique, l'Administration fait citer directement le contrevenant par assignation devant le tribunal correctionnel, comme lorsqu'une peine pécuniaire est seule encourue (mise en mouvement de l'action) ; le jour de l'audience, l'Administration dépose des conclusions tendant à obtenir la condamnation du prévenu aux peines pécuniaires.
Lorsqu'une contravention fiscale est punie à la fois de prison et de peines pécuniaires, l'Administration peut, comme toute partie civile, mettre l'action publique en mouvement en citant directement le contrevenant et procéder à tous les actes qu'elle juge utiles à l'exercice de l'action fiscale (TGI action fiscale, n° 31 ; Cass. crim., 7 juin 1939, BCI, 15, Bull. crim., 122 ; 20 mars 1914, BCI, 14, Bull. crim., 163 ; 16 juin 1927, BCI, 1927, n° 16).
En matière de contributions indirectes, c'est à l'Administration et non au ministère public qu'appartient l'initiative des poursuites et la faculté d'en suspendre les effets (TGI poursuites correctionnelles, n° 12, Cass. crim., 12 août 1853, Mém., 18, p. 205, Bull. crim., 402, S 53-1-788 ; Journal du Palais, 54-2-140 ; D.54.1.48 ; Ann. des contr. ind., 52-54-362 ; Trescaze Chr., 1853-1-1048).
Cette jurisprudence démontre bien qu'en cette matière le ministère public n'a point l'action directe et qu'il doit être considéré comme partie jointe.
La DGI « a seule qualité pour constater et poursuivre les contraventions qui nuisent aux droits du fisc, dont la perception et la surveillance lui sont confiées » (TGI poursuites correctionnelles, n° 18, Cass. crim., 17 novembre 1826, Mém., 12, p. 180, D. 27-1-33 ; Trescase Chr., 1826-1-1260).
Comme dans l'arrêt précédant, l'autorité chargée des constatations et des poursuites est désignée avec netteté.
b. Action publique (ministére public, partie jointe)
40L'original du procès-verbal est adressé au Parquet, partie jointe, afin qu'il puisse requérir, à cette même audience, la peine de droit commun (emprisonnement) encourue par le prévenu [Code de Procédure pénale, art. 31] 1 .
Dans les affaires de contravention en matière de contributions indirectes, le droit de poursuivre appartient à l'Administration ; le ministère public ne peut agir que comme partie jointe, et n'a pas l'initiative, des poursuites (TGI, poursuites correctionnelles, n° 21, cass crim., 26 mars 1830, Mém. 12, p. 447, Bull. crim., 80).
c. Tribunal (jugement)
41Le tribunal prononce en général des sanctions pécuniaires et plus rarement une peine de prison en sus.
Les tribunaux de répression, saisis d'une poursuite en matière de contributions indirectes, doivent prononcer simultanément les différentes peines encourues par le prévenu, sans pouvoir statuer d'abord sur l'action du ministère public en renvoyant d'abord sur les peines pécuniaires en réservant l'action du ministère public (TGI, poursuites correctionnelles, n° 46, Cass. crim., 17 février 1888, Journal des CI, 1889, p. 642, Bull. crim., 71).
2. Procédures exceptionnelles
a. Action fiscale accessoire à l'action publique
42Ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus n° 38 , dans certains cas l'initiative des poursuites appartient au ministère public. Celles-ci sont engagées par une citation directe du Parquet.
Au cas particulier l'Administration agit comme partie jointe. Elle adresse l'original du procès-verbal au Parquet afin que celui-ci puisse exercer l'action en justice dans son intégralité. Le tribunal correctionnel est saisi de l'ensemble de l'affaire et statue obligatoirement par un même jugement sur l'action pénale et l'action fiscale.
- Lorsque l'infraction poursuivie est passible à la fois d'une peine d'emprisonnement et de peines pécuniaires, le tribunal est, par la seule citation du ministère public, saisi de l'affaire toute entière et doit statuer par un seul et même jugement tant sur l'action du Parquet que sur celle de « l'Administration » et la DGI se constitue partie civile par la transmission au Parquet du procès-verbal dressé par ses agents en demandant « à être avisée de la suite donnée afin de pouvoir intervenir, s'il y avait lieu, pour requérir l'application des pénalités fiscales ». D'où il suit que, comme toute partie civile l'Administration est fondée à interjeter appel du jugement (TGI, poursuites correctionnelles, n° 10 7 ; Cass. crim., 15 mars 1939, BCI, 12, Bull. crim., 55 ; TGI partie civile, n° 4, même arrêt).
b. Action fiscale seule (action publique éteinte)
43Lorsque l'action publique est éteinte, ou lorsque le Parquet renonce aux poursuites pénales, la juridiction correctionnelle reste compétente en ce qui concerne l'action fiscale.
Dans cette hypothèse, l'Administration reprend ses droits mais elle ne peut demander que l'application des peines fiscales pécuniaires.
- L'action fiscale exercée par la DGI (contributions indirectes) est distincte de l'action publique ; les amendes et confiscations constituent, en effet, la réparation du préjudice causé à l'État par la contravention.
Il découle de ce principe que les juges d'appel peuvent valablement, sur un seul appel de l'Administration, prononcer les condamnations fiscales, nonobstant une décision de relaxe définitive sur l'action publique (TGI action fiscale, Cass. crim., 10 mars 1965, RJCI, n° 9, p. 32 ; jurisprudence constante : Cass. crim., 16 décembre 1898, BCI 1899, n° 19, p. 322 ; 26 mars 1920, BCI, n°17, p. 98 ; 10 décembre 1920, BCI, 1921, n° 6, p. 26, Bull. crim. n° 478 ; 10 décembre 1936, BCI, 1937, n° 5, p. 72 ; 21 décembre 1939, BCI, 1940, n° 7, p. 66 ; 8 juillet 1941, BCI, n° 6, p. 272 ; 10 janvier 1947, RJCI, n° 6, Bull. crim., n° 17).
c. Action publique seule (action fiscale interrompue au cours de la procédure sans transaction portant sur les pénalités de droit commun
44D'après la jurisprudence, l'Administration (contributions indirectes) est, en principe, habilitée exclusivement à poursuivre devant le tribunal de grande instance, statuant au correctionnel les contraventions fiscales.
La primauté de l'action fiscale permet à l'Administration d'arrêter les poursuites judiciaires relatives à l'application de pénalités fiscales, étant entendu que le ministère public peut continuer ses poursuites pour l'application de la peine corporelle à l'encontre du prévenu, à l'exclusion de sanctions fiscales (ci-après : Jurisprudence, n° 46). Tel est le cas lorsque l'Administration s'est abstenue ou a omis de relever appel.
Dans le cas où l'infraction poursuivie par l'Administration est punie à la fois de pénalités fiscales et de peines de droit commun, l'effet dévolutif de l'appel interjeté par le ministère public, intervenant comme partie jointe, est limité à l'action de celui-ci pour l'application de la peine corporelle.
Fait, par suite, une exacte application de la loi, « l'arrêt qui, sur le seul appel du ministère public, considère cet appel comme recevable en ce qui concerne seulement les poursuites pénales exercées à l'encontre du prévenu, confirme sa relaxe de ce chef et déclare définitives les condamnations fiscales prononcées par les premiers juges » (TGI action fiscale, cass. crim., 7 octobre 1964, RJCI, n° 17, p. 56, aff. X... ; Cass. crim, 10 juillet 1963 concerne la même affaire précitée, RJCI, 18, p. 63, Bull. crim., n° 250, p, 526).
L'arrêt du 10 juillet 1963 cité ci-dessus sous le numéro 35 (V. Action publique et action fiscale) rappelle aussi l'indépendance de l'action fiscale vis-à-vis de l'action publique.
d. Action fiscale exercée et transaction consentie avant jugement définif
45En matière de contributions indirectes, il y a primauté de l'action de l'Administration : non seulement celle-ci a l'initiative des poursuites - le ministère public ne pouvant agir que comme partie jointe - mais les transactions acceptées par la DGI ont pour effet non seulement d'arrêter toutes les poursuites sur les peines pécuniaires fiscales (amendes, confiscation), mais aussi d'éteindre l'action du ministère public et de soustraire les contrevenants à la peine de l'emprisonnement si elles ont été souscrites avant jugement définitif ; un arrêt du 26 mars 1830 a fixé sur ce point la jurisprudence :
« Attendu que le principe posé en l'article 4 du Code d'Instruction criminelle (actuellement art. 31 du CPP) doit en règle générale recevoir constamment son application, il n'en est pas toujours de même dans les matières particulières régies par des lois spéciales qui enferment des exceptions à cette règle ;
Attendu que la matière des contributions indirectes est régie par des lois spéciales » ;
« Attendu que, d'après l'article 90 de la loi du 5 ventôme an XII (art. L 235 du LPF) le droit exclusif, soit de poursuivre,soit de faire prononcer les confiscations et amendes, dans ces sortes d'affaires, est confiée à l'Administration des droits réunis (aujourd'hui la DGI) et que le ministère public dans ces sortes d'affaires, ne peut agir que comme partie jointe, et n'a pas l'initiative des poursuites » ;
« Attendu que le droit de transiger avec les contrevenants dans ces sortes de procès, a été réservé à l'Administration ... et d'une manière définitive par « l'article du 5 germinal an XII... (art L.248 du LPF) » ;
« Attendu que ces sortes de transactions avec la DGI pour contraventions et délits de fraude...ont non seulement l'effet d'arrêter toutes poursuites sur les peines de confiscation et d'amende qui se prononcent au profit de l'Administration... mais encore de soustraire les contrevenants à la peine même de l'emprisonnement » ;
« Attendu que s'il a pu exister quelques doutes à cet égard et quant à la peine d'emprisonnement, avant la promulgation de l'ordonnance du 3 janvier 1821, et sous l'empire de l'arrêté du 5 germinal an XII, résultant de ce qu'à l'époque où le premier arrêté fut promulgué, la peine d'emprisonnement n'existait pas pour les contraventions et délits en matière de contributions indirectes, et qu'elle n'a été introduite que par l'article 46 de la loi du 28 avril 1816, ce doute ne peut plus raisonnablement se présenter encore aujourd'hui, et depuis l'ordonnance du 3 janvier 1821, et dont l'article 10 est conçu dans des termes identiques avec ceux de l'article 23 de l'arrêté du 5 germinal an XII (LPF art. L. 248) » ;
« Attendu que cette ordonnance, en précisant comme l'arrêté du 5 germinal an XII, qu'il pourrait être statué administrativement sur le procès de fraude, et que les transactions seraient définives, n'a point fait de distinctions entre les peine pécuniaires et les peine personnelle ; qu'un des motifs de cette ordonnance est qu'il serait, dans certains cas, contre l'équité d'appliquer rigoureusement les peines de la fraude, et que son voeu ne serait pas rempli si, lorsqu'il y a eu transaction sur une contravention ou un délit en matière de contributions indirectes entre l'Administration et le prévenu, l'action publique pouvait être encore intentée et suivie devant les tribunaux puisqu'il est expressément défendu aux juges d'excuser les contrevenants sur l'intention, et que, lorsque le fait de la contravention a été régulièrement constaté, ils ne peuvent se dispenser de prononcer dans toute leur rigueur les peines portées par la loi, et que des dispositions de l'arrêté et de l'ordonnance cités, il résulte évidemment, et nécessairement une exception à la règle générale établie par l'article 4 du Code d'Instruction criminelle ».
Qu'il devrait en être autrement si des délits communs venaient se joindre aux contraventions en matière ... de contributions indirectes ; que dans ce cas, différent de celui dont il s'agit, il ne serait plus question de simple procès de fraude ; que dès lors la disposition générale de l'article 4 du Code d'Instruction criminelle devrait reprendre tout son effet ; que l'action du ministère public ne serait plus alors subordonné à celle de l'Administration et que les transactions passées avec celle-ci ne pourraient plus alors suspendre ni arrêter les poursuites, ni faire cesser l'effet des condamnations corporelles.
46En matière de contributions indirectes, la transaction qui est devenue définitive avant que la juridiction répressive ait statué sur une poursuite pour infraction fiscale passible d'une peine d'emprisonnement et d'amende fiscale a pour effet d'éteindre en même temps l'action publique et celle de la Régie.
« Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui maintient la peine d'emprisonnement prononcée par les premiers juges, bien qu'entre-temps soit intervenue une transaction définitive entre la Régie d'une part et le contrevenant, appelant, d'autre part » (Cass. crim., 11 février 1941, BC 3).
Étant donné les effets de la transaction sur l'action publique, il paraît inopportun de transiger 2 sauf accord du procureur de la République
D. ADMINISTRATION PARTIE JOINTE
I. Principe
47Dans la poursuite de certaines infractions, l'intérêt général domine l'intérêt fiscal. C'est la raison pour laquelle, dans ces situations, l'initiative des poursuites appartient, en principe, au ministère public. Ce dernier, au cas particulier, exerce l'action publique dans son intégralité et l'Administration, en ce qui concerne l'action fiscale, intervient dans les poursuites afin de réclamer l'application des sanctions fiscales.
Ainsi, lorsque le procureur de la République est saisi de l'affaire directement, c'est-à-dire en déhors de l'Administration, celle-ci est informée de l'infraction fiscale et elle intervient alors comme partie jointe en déposant au tribunal des conclusions tendant à obtenir la condamnation aux peines pécuniaires fiscales.
Il s'agit de la deuxième exception à la règle générale de l'exercice de l'action par l'Administration seule (cf. ci-dessus n°s 9 et suiv. ).
48La DGI agit, en principe, comme partie jointe lorsqu'un même fait engendre et constitue, à la fois, une infraction de droit commun (délit pénal) et une contravention en matière de contributions indirectes (contravention fiscale).
Dans ce cas, il existe deux infractions dénommées « infractions mixtes » 3 dont les éléments matériels sont identiques mais dont l'élément légal procède de textes différents, l'un en matière pénale, l'autre en matière fiscale.
Il va de soi qu'il ne peut en être ainsi que dans la mesure où les faits servant de base à la poursuite de droit commun sont, par leurs éléments mêmes et sans qu'il soit besoin d'y ajouter, de nature à entraîner, par leur seule existence, l'application des sanctions pécuniaires prévues par la loi fiscale : l'identité absolue des infractions est indispensable.
Ce n'est, en effet, qu'en cas d'identité absolue des infractions que l'Administration peut intervenir comme simple partie jointe et profiter des preuves apportées par le ministère public. Dans le cas contraire la citation de ce demier ne peut saisir le tribunal de l'ensemble de l'affaire et l'Administration ne peut se dispenser de produire un procès-verbal et de citer le prévenu pour exercer l'action fiscale dont elle reste, alors, exclusivement chargée et qu'elle peut mettre en mouvement soit en même temps que celle exercée par le ministère public, soit indépendamment de cette action, avant ou après celle-ci dans les conditions exposées ci-dessus, n°s 32 et suiv. La jurisprudence de la Cour de cassation ne laisse aucun doute sur ces points (6 juillet 1912, 25 avril 1914, 25 mars 1920, 3 juin 1948).
49L'élément légal de l'infraction mixte est constitué par deux textes distincts, l'un en matière pénale, l'autre en matière fiscale, rédigés dans les mêmes termes ou dans des termes à peu de choses près équivalents.
Lorsqu'il en est ainsi, la question de savoir si les deux infractions constituent un même fait ne présente aucune difficulté particulière. La difficulté apparaît lorsque le délit pénal et la contravention fiscale étant prévus par des lois distinctes, la prévention est conçue en des termes différents. Aussi, l'Administration recommande, dans tous les cas où un doute subsiste sur l'identité des éléments constitutifs des infractions pénale et fiscale, d'observer les règles (production d'un procès-verbal, citation des contrevenants) ordinairement appliquées pour l'exercice de l'action fiscale (cf. ci-dessus n°s 39 et suiv. ) quitte à demander au tribunal de se prononcer par un seul et même jugement.
Les infractions mixtes sont punies de peines de droit commun au titre de sanctions pénales et de peines pécuniaires au titre de sanctions fiscales ; ces dernières participant de la nature des réparations civiles. Elle s'agit principalement de boissons falsifiées (délit pénal) qui constituent par ailleurs des fabrications de dilutions alcooliques sans déclaration : mouillage de vin par exemple.
50L'action en justice est exercée, sauf procédures particulières (cf. ci-après n°s 68 et suiv. ), dans les conditions suivantes :
Le ministère public, partie poursuivante, a la plénitude de l'exercice de l'action en justice devant le tribunal de grande instance statuant au correctionnel. Il doit exercer en même temps l'action publique et l'action fiscale qui en constitue l'accessoire.
Si le ministère public n'exerce pas de poursuites, l'Administration ne perd pas pour autant ses droits et peut citer directement le prévenu en ce qui la concerne et saisir ainsi le tribunal de tous les faits de la prévention. Le Parquet est ainsi mis à même de requérir, s'il le juge utile, les peines applicables au délit de droit commun en même temps que celles relatives à l'infraction fiscale.
Ainsi jugé que :
En cas d'infraction mixte, l'initiative de la poursuite appartient au ministère public, mais si celui-ci n'exerce pas de poursuites, l'Administration conserve le droit, comme toute partie civile, de mettre en mouvement l'action publique et de citer directement le prévenu devant le tribunal en vue de demander les condamnations fiscales (Cass. crim., 7 janvier 1922, BCI, 10, Bull. crim., 9).
Mais lorsque le Parquet n'a pas poursuivi ce délit considéré par lui comme prescrit, aucune disposition de loi ne fait obstacle à ce que l'infraction fiscale de fabrication et de détention d'une dilution alcoolique soit directement poursuivie par l'Administration dès lors que cette infraction constatée par procès-verbal en temps utile n'est pas atteinte par la prescription (TGI poursuites correctionnelles, n° 166, cass. crim., 9 décembre 1959, RJCI, n° 96, p. 288).
51Dans la pratique, lorsqu'un fait constitue à la fois un délit de droit commun et une contravention fiscale, le ministère public 4 exerce, en général, exclusivement l'action publique, à titre principal. L'Administration 4 après information, intervient dans les poursuites pénales, afin d'exercer l'action fiscale en qualité de partie jointe.
Il est, en effet, conforme à une bonne administration de la justice que l'Administration joigne son action à celle du ministère public chaque fois qu'il y a connexité et a fortiori très étroite connexité (infractions « mixtes ») entre l'infraction fiscale et l'infraction de droit commun. Aussi bien, la DGI a-t-elle toujours pris pour règle de le faire mais aucune disposition de droit positif ne lui interdit d'exercer des poursuites séparées ; en particulier, rien ne s'oppose à ce qu'elle défère le contrevenant à la juridiction correctionnelle après décision définitive sur l'action publique.
La jurisprudence de la Cour de cassation s'est, après quelques hésitations à la fin du XIXe siècle, nettement fixée en ce sens (cf. notamment : Cass. crim., 15 octobre 1840, Bull. crim., 304, p.434 ; Cass. rejet, 24 septembre 1908, Bull. crim., 390, p.700 ; 26 mars 1930, BCI, 17, p.98 ; 22 décembre 1937, BCI,4, p.98 ; 26 mai 1944, RJCI, 35, p. 71 ; 6 décembre 1945, Bull. crim., 130 ; p. 187 ; 19 mai 1960, RJCI, p 66 et les nombreux arrêts cités).
52L'action de l'Administration est, cependant, indépendante de celle du ministère public, bien que l'élément matériel de l'infraction soit le même. Elle s'en distingue, non seulement par sa cause (une contravention fiscale différente par son élément légal du délit de droit commun), mais encore par son objet (à la fois répressif et réparateur).
53 Jugé que :
S'il est loisible à l'Administration, lorsque les mêmes faits donnent naissance à la fois à des poursuites pénales de droit commun et à des poursuites fiscales, d'intervenir aux côtés du ministère public pour demander à la juridiction répressive la condamnation d'un prévenu aux pénalités fiscales dont elle a seule qualité pour réclamer l'application, elle n'en conserve pas moins le droit d'agir seule, indépendamment du ministère public 5 (Cass. crim., 11 février 1975).
Lorsque les mêmes faits donnent ouverture à la fois à des poursuites pénales et à des poursuites fiscales, l'action publique et l'action fiscale n'en demeurent pas moins indépendantes (voir nota ci-après).
Des prévenus poursuivis, d'une part à la requête du ministère public..., d'autre part à la requête de la DGI, pour les infractions fiscales correspondantes ne peuvent donc arguer d'une éventuelle cassation de l'arrêt rendu sur les poursuites du ministère public pour solliciter dès à présent la cassation de l'arrêt intervenu en matière fiscale (Cass. crim., 19 mai 1969 ; RJCI, p. 66 et 67 ; Indépendance de l'action publique et de l'action fiscale).
Nota : La jurisprudence de la chambre criminelle est fermement fixée en ce sens (cf. les très nombreux arrêts cités, entre autres : Cass. crim, 10 mars 1965, RJCI, 9, p. 32 ; 4 juillet 1967, aff. X... , RJCI, 1ere partie, p. 33 ; 7 mai 1968, aff. X... , RJCI, 1ere partie, p. 46 ; 9 janvier 1969, aff. X... et autres, RJCI, 1ere partie, p. 3).
54Faits constituant à la fois une infraction de droit commun et une infraction fiscale. Condamnation définitive sur les poursuites du ministère public ; exercice ultérieur de l'action fiscale. Autorité de la chose jugée non bis in idem inopposable à l'Administration.
La Cour s'exprime en ces termes :
« L'action publique et l'action fiscale, exercée successivement par le Ministère public pour falsification de boissons et par l'Administration pour fabrication sans déclaration de dilutions alcooliques, n'ont pas le même objet, la première tendant au prononcé de peines de droit commun (celles prévues par la loi du 1er avril 1905, art. 1) et la seconde à l'application des peines fiscales (celles prévues par les art. 1791 et suiv. du CGI) qui participent de la nature des réparations civiles et que l'Administration a seule qualité pour réclamer en vertu des art. L. 235 du LPF).
Celle-ci peut donc soit intervenir aux côtés du ministère public, soit agir seule, sans que, dans ce cas, les juges soient en droit de lui opposer l'autorité de la chose jugée, qui suppose d'ailleurs que les infractions successivement poursuivies aient les mêmes éléments matériels et légaux » (Condition qui n'était pas réalisée en l'occurrence) (Cass. crim., 27 janvier 1976, RJCI, 1976, p. 48).
55L'Administration peut arrêter l'action fiscale en transigeant avec le prévenu (cf. juridiction gracieuse, transaction, série 13 RC, division S).
L'action de l'Administration (action fiscale) peut être rapprochée, sur certains points, de celle d'une partie civile ordinaire, lésée par un délit, qui exerce l'action civile en même temps que l'action publique devant le tribunal correctionnel, conformément aux dispositions de l'article 3 du Code de Procédure pénale (cf. E 3312, n° 72 , Administration partie civile). Ce rapprochement est fait par la jurisprudence (cf. n° 60 ci-après).
1 Article 31 du Code de Procédure civile : « Le ministère public exerce l'action publique et requiert l'application de la loi ».
2 Les pénalités de droit commun peuvent être toutefois exclues du domaine de la transaction.
3 Le terme « infractions mixtes » est commode mais imprécis. La jurisprudence récente évite en général, d'employer cette terminologie car il est préférable de préciser qu'il s'agit d'un même fait constituant à la fois un délit de droit commun et une contraventions fiscale.
4 Doctrine administration confirmée par l'arrêt de cassation du 18 juillet 1891.
5 Au cas particulier, l'Adminstration, dont le procès-verbal avait été rédigé tardivement et qui n'avait pas eu connaissance des poursuites exercées par le Ministre public et par la Douane n'avait pu joindre son action aux actions publiques et douanières.