Date de début de publication du BOI : 10/08/1998
Identifiant juridique : 13O3321
Références du document :  13O3321

SOUS-SECTION 1 EXPERTISE

2. Caractère contradictoire des constatations.

69Les experts doivent conserver à leurs constatations le caractère contradictoire qui s'attache à la procédure devant le tribunal administratif.

À défaut, l'expertise n'est pas régulière.

Dans la mesure où, au cours de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif, l'Administration a, pour appuyer sa thèse, fait valoir des termes de comparaison pris parmi d'autres entreprises dont elle a révélé l'identité aux experts mais non à l'entreprise requérante, l'expertise, qui n'a pas eu un caractère contradictoire, n'est pas régulière et le tribunal administratif ne peut valablement fonder son jugement sur les résultats de cette mesure d'instruction (CE, arrêt du 24 février1971, n° 75754, RJ, n° IV, p. 38).

De même, n'a pas le caractère contradictoire et est, par suite, irrégulière, l'expertise au cours de laquelle les experts ont tenu compte d'une opération de vérification effectuée par un seul d'entre eux. Il s'ensuit que le jugement fondé sur le résultat d'une telle expertise doit être annulé (CE, arrêts des 3 juin 1932, n° 11680, X... , Bull., n° 19, 1932, p. 315, TJCA, n° 119003, Leb. chron., p. 546, 3e esp. et 24 février 1933, n° 21609, X... , Bull., n° 10, 1933, p. 157, TJCA, n° 119006, Leb. chron., p. 242, 1re esp.).

Par contre, ne constitue pas un cas de nullité de l'expertise pour méconnaissance de son caractère contradictoire le fait que l'un des experts a été chargé par ses confrères d'effectuer seul certaines constatations, dès lors que cette décision a été prise à l'unanimité et que le résultat des constatations a fait, par la suite, l'objet d'une discussion commune (CE, arrêt du 1er fevrier 1937, n° 48586, X... , Bull., n° 9, 1937, p. 199, TJCA, n° 119012, Leb. chron., p. 1245).

  V. Rapport d'expertise

70La production d'un rapport est obligatoire pour les experts. Il est dressé un seul rapport, même s'il y a plusieurs experts. Si ces derniers ne peuvent parvenir à la rédaction de conclusions communes, le rapport comporte l'avis motivé de chacun d'eux (C. TA - CAA, art. R 165).

Par ailleurs, lorsque les parties font des observations dans le cours des opérations d'expertise, celles-ci doivent être consignées dans le rapport (C. TA-CAA, art. R 164, 3e al.).

Le rapport d'expertise doit être, en principe, déposé au greffe dans le délai imparti par le président du tribunal administratif (C. TA-CAA, art. 159).

Cependant, le dépôt tardif du rapport n'entache pas de nullité les opérations de l'expertise, dès lors que ce rapport a été soumis, avec les autres pièces de l'expertise, au tribunal administratif avant que ce dernier ait statué (CE, arrêt du 11 avril 1956, n° 32807, RO, p. 75, 2e esp.).

  VI. Transmission au greffe du rapport d'expertise

71Le rapport d'expertise est déposé au greffe du tribunal administratif. Il doit être accompagné d'un nombre de copies égal à celui des parties en litige ayant un interêt distinct, augmenté de deux (C. TA-CAA, art. R 166).

  VII. Compte rendu des opérations de l'expertise à la direction des services fiscaux

72Dès la clôture des opérations de l'expertise, l'agent qui a participé à cette mesure d'instruction adresse à la direction un compte rendu détaillé dans lequel il donne notamment son avis sur la suite que lui paraissent comporter les constatations du ou des experts.

Il est précisé toutefois qu'aucune disposition légale ne prescrit de donner communication au contribuable des avis exprimés par les agents de l'Administration sur les résultats de l'expertise [CE, arrêt du 6 mars 1940, n° 36528, X... , Bull., n° 8, 1940, p. 135, TJCA, n° 119030] 1 .

  D. PROCÉDURE CONSÉCUTIVE AUX OPÉRATIONS DE L'EXPERTISE

  I. Notification aux parties du rapport d'expertise

73Le président du tribunal administratif ou, sur son ordre, le greffier notifie -en copie et par lettre recommandée- le rapport des experts aux parties (requérant et Administration), qui sont invitées en même temps à fournir leurs observations dans un délai d'un mois. Ce délai est susceptible de prorogation (C. TA-CAA, art. R 166).

Compte tenu du caractère contradictoire de la procédure, la formalité de la notification du rapport d'expertise s'impose à l'égard de toutes les parties en cause. Son omission entache la procédure d'irrégularité.

Ainsi doit être annulé le jugement par lequel un tribunal administratif a statué sur la demande d'un contribuable sans que ce dernier ait été informé du dépôt (actuellement sans que ce dernier ait reçu notification) du rapport des experts et mis ainsi à même de présenter ses observations sur l'expertise (CE, arrêt du 15 mai 1939, n° 28074, X... , Bull., n° 15, 1939, p. 399, TJCA, n° 119027).

  II. Observations des parties

74Les observations formulées par le requérant et par l'Administration sont produites sous forme de mémoires en défense ou en réplique et accompagnées d'un nombre de copies égal à celui qui est exigé pour les mémoires de l'espèce (cf. 13 O 3232, n° 25 ).

Les observations de chacune des parties sont notifiées en copie par le greffier à la partie adverse qui a la faculté de répliquer suivant la règle générale (cf. 13 O 3311, n° 7 ).

L'Administration est en droit de se prévaloir des résultats d'une expertise demandée exclusivement par le contribuable (CE, arrêt du 12 janvier 1959, n° 38575, RO, p. 334).

  E. POUVOIRS DU TRIBUNAL APRÈS L'EXPERTISE EXPERTISE COMPLÉMENTAIRE - NOUVELLE EXPERTISE

75En aucun cas, le tribunal n'est obligé de suivre l'avis des experts.

D'une manière générale, il lui appartient de former sa conviction au vu de l'ensemble des résultats de l'expertise qu'il a ordonnée et d'en tirer les conclusions qui lui paraissent utiles. À cet effet, il peut retenir telle conclusion de l'expertise et en exclure telle autre (CE, arrêt du 19 juin 1974, n° 88130, RJ, n° IV, p. 71).

N'étant pas tenu de recueillir les explications complémentaires des experts à la suite des observations de l'Administration, le tribunal peut également à bon droit ne pas prendre en considération leurs avis dès lors que la méthode utilisée par eux pour déterminer le montant du chiffre d'affaires réalisé repose sur une analyse inexacte et erronée des conditions d'exploitation de l'entreprise du redevable (CE, arrêt du 1er juillet 1970. n° 77941, RJ, n° IV, p. 96).

Dans le même ordre d'idées, c'est à bon droit que dans un litige en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, il refuse de se référer à une expertise à laquelle il a été procédé pour l'assiette de l'impôt sur le revenu et qui a porté sur les bénéfices réalisés par le contribuable en cause et non sur le montant de son chiffre d'affaires (CE, arrêt du 14 juin 1967, X... , n° 66376, RJ, 2e partie, p. 145).

Si le tribunal ne trouve pas dans le rapport d'expertise des éclaircissements suffisants, il peut ordonner un supplément d'instruction (cf. ci-après 13 O 3322, n°s 7 et suiv. ).

En outre, le tribunal peut ordonner que le ou les experts se présenteront devant lui ou l'un de ses membres, les parties dûment convoquées, pour fournir toutes explications complémentaires utiles (C. TA-CAA, art. R 167).

Lorsque les conclusions du rapport d'expertise sont insuffisantes dans leur ensemble pour permettre de regarder comme remplie la mission confiée à l'expert, c'est à bon droit que le tribunal administratif ordonne une nouvelle expertise (CE, arrêt du 23 janvier 1967, SARL Roland Clausel et Cie, n° 66603, RJ, 2e partie, p. 23).

Le tribunal n'est d'ailleurs pas tenu de prescrire, sur la demande des parties, une expertise complémentaire ou une nouvelle expertise, s'il estime qu'une telle mesure est inutile (CE, arrêts des 28 janvier 1956, n° 25461, RO, p. 25 ; 17 mai 1961, n° 39006, X... , Leb. chron., p. 324 et 5 février 1968, X... André, n° 71772, RJ, 2e partie, p. 32).

En particulier, lorsque les opérations d'expertise ont été viciées du fait que tous les documents produits par le requérant n'ont pas été examinés par les experts, le jugement du tribunal administratif rendu à la suite de cette mesure d'instruction ne se trouve pas, de ce fait même, entaché d'irrégularité, dès lors que les premiers juges ont été mis en possession de la totalité desdits documents et ont pu, en conséquence, prendre leur décision en pleine connaissance de cause (CE, arrêt du 11 février 1966, n° 57479, RO, p. 61).

En tout cas, le tribunal n'est pas tenu de faire droit à une demande d'expertise nouvelle d'un contribuable, lorsque celui-ci n'a pas fourni aux premiers experts les renseignements et documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission (CE, arrêt du 24 octobre 1938, n° 50287, X... , Bull., n° 24, 1938, p. 663, TJCA, n° 119022) ou que c'est par son fait que l'expertise n'a pu s'effectuer (CE, arrêt du 4 mars 1881, n° 57091, X... , RO, 3288, Leb. chron., p. 251, 8e esp.).

Toute expertise complémentaire ou nouvelle doit être effectuée suivant les règles prévues pour l'expertise initiale (cf. ci-dessus, n°s 1 et suiv. ).

  F. FRAIS D'EXPERTISE

76Les règles relatives à la liquidation des frais d'expertise et les conditions dans lesquelles il est procédé à l'attribution de ces frais qui font partie des dépens de l'instance, sont fixées par les articles R 168 à R 170, R 217 à R 221 du C. TA-CAA, ainsi que par l'article R* 207-1 du LPF.

Remarque le nouvel article R 169-1 du C. TA-CAA, issu du décret n° 97-563 du 29 mai 1997 dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er septembre 1997, expose les règles particulières de liquidation et d'attribution des frais d'expertise lorque celle-ci a été ordonnée sur le fondement des articles R 128 et R 136 du même code. Ces règles, similaires pour l'essentiel aux principes généraux en la matière, ne sont pas reprises dans les développements ci-dessous (on pourra se reporter à l'annexe ci-après reproduisant le code des TA et des CAA).

  I. Liquidation et taxe

Conformément à l'article R 168, 2e al., du C. TA-CAA, les experts joignent à leur rapport un état de leurs vacations, frais et débours.

Au vu des données de cet état, la liquidation et la taxe des frais d'expertise sont faites par ordonnance du président du tribunal administratif en tenant compte des règles fixées par les articles R 168, R 220 et R 221 du C. TA-CAA et indiquées ci-après.

Le tribunal administratif lui-même excéderait les limites de sa compétence en liquidant et taxant directement des frais d'expertise. C'est donc au président seul qu'il appartient d'effectuer cette liquidation et cette taxe, sauf aux experts ou aux parties à les contester, dans le délai légal, devant le tribunal administratif (CE, arrêt du 19 janvier 1894, n°s 78506 et 78507, X... , RO, 3611, Leb. chron., p. 50, 4e esp.).

1. Honoraires.

77Les rémunérations auxquelles les experts ont droit sont allouées à titre et sous la forme d'honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours.

Dans les honoraires sont comprises toutes sommes allouées pour étude du dossier, frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport et, d'une manière générale, pour tout travail personnellement fourni par l'expert et pour toute démarche faite par lui en vue de l'accomplissement de sa mission.

Le président de la juridiction, après avoir consulté le président de la formation de jugement, fixe par ordonnance les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni (C. TA-CAA, art. R 168).

En particulier, lorsque des expertises, quoique distinctes, ont porté sur des questions similaires, le président doit tenir compte de cette circonstance pour l'évaluation des honoraires dus aux experts (CE, arrêt du 3 decembre 1934, commune de Loctudy contre veuve X... , RO, 6158).

En tout état de cause, les honoraires doivent être en rapport avec les prestations foumies. Ainsi le Conseil d'État a annulé la taxation, par le président du tribunal administratif, d'honoraires d'experts jugés excessifs eu égard au travail fourni par chacun d'eux et a fixé le montant des honoraires à des chiffres inférieurs (CE, arrêt du 20 décembre 1967, n° 68795, RJ, 2e partie, p. 252). Par un arrêt du 12 juillet 1978 (n° 6381), le Conseil d'État a néanmoins reconnu comme non exagérés les honoraires réclamés et fixés par le président du tribunal administratif, compte tenu de la nature et de l'importance du travail fourni par les experts, dès lors que leurs rapports ont apporté au tribunal les éléments d'information attendus.

Les experts ne sont pas fondés à réclamer les intérêts, à partir du jour de l'expertise, des honoraires qui leur sont dus (CE, arrêt du 28 décembre 1877, n° 51418, X... , RO, 2995, Leb. chron., p. 1055).

Enfin, aucune disposition de loi ne prescrit de donner communication aux requérants, par la voie du dépôt du dossier, des demandes d'honoraires présentées par les experts (CE, 13 février 1920, n° 58047, veuve X... , RO, 4705, Leb. chron., p. 160, 1re esp.).

2 Frais et débours.

78Les débours et frais divers dont les experts peuvent demander le remboursement comprennent notamment le port des lettres et paquets, les frais de copie ou de dactylographie et le coût de tous travaux et opérations indispensables à l'accomplissement de leur mission.

Le président arrête sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l'expert (C. TA-CAA, art. R 168).

1   Il s'agit des avis exprimés par l'agent ou les agents ayant participé à la mesure d'instruction, mais bien entendu l'Administration -en l'occurrence le directeur- doit produire un mémoire après expertise dont une copie sera notifiée au requérant (cf. ci-après, n° 74 ).