Date de début de publication du BOI : 15/06/2000
Identifiant juridique : 7D212
Références du document :  7D212

SECTION 2 CONVENTIONS ASSIMILÉES À DES CESSIONS DE FONDS DE COMMERCE

  IV. La convention ne doit pas entrer dans les prévisions d'une autre disposition spéciale de la loi fiscale

26Dans deux arrêts rendus les 5 mars et 17 décembre 1991, reproduits en annexes I et II, la Cour de Cassation a jugé que « l'article 720 du CGI n'est pas applicable aux conventions entrant dans les prévisions d'une autre disposition de la loi fiscale ».

27Dans ces deux espèces, la Cour a écarté la mise en oeuvre de l'article 720 :

- a) aux conventions portant mutation de jouissance temporaire (en l'occurrence : jouissance de la mise à disposition d'une clientèle à titre précaire) (aff. Sté MARION - Annexe I) ;

- b) aux apports en société (aff. Sté AUROCH - Annexe II). De fait, les conventions de successeur ne sont pas expressément visées par l'article 809-I-3° du CGI.

28Le principe énoncé par la Cour a déjà été mise en oeuvre par celle-ci pour le non-assujettissement des cessions de droits sociaux à l'article 720 (Cass. com. 22 mars 1988, aff. X... , cf n° 48 ci-après).

29Cette même règle doit bien entendu être scrupuleusement observée lorsqu'il s'agit de définir les champs d'application respectifs des articles 719 et 720 du CGI, les cessions de clientèles et de fonds de commerce relevant exclusivement de l'article 719 (cf. DB 7 D 2111 ).

  C. SOLUTIONS DIVERSES

  I. Conventions entrant dans le champ d'application de l'article 720 du CGI

301. Les conventions passées entre médecins, vétérinaires, chirurgiens-dentistes, qui contiennent l'engagement par le titulaire de ne pas se rétablir et de présenter son successeur à sa clientèle, ou portant cession du droit au bail des locaux servant à l'exercice de la profession, ou du matériel et des installations servant à l'usage de celle-ci.

Ainsi ont été jugées imposables :

- l'acquisition par un médecin, de parts d'une société civile de moyens réalisée conjointement avec celle du droit de présentation à la clientèle médicale qui lui ont fourni le moyen matériel d'exercer la profession du précédent titulaire (Cass. com., arrêt du 8 novembre 1983, X... , RJ, p. 90) ;

- la cession par un vétérinaire à son confrère de la moitié de la valeur des apports de biens meubles consentis à la société créée de fait entre eux, consistant en locaux, matériel et stock dès lors que cette convention a permis au cessionnaire l'exercice d'une profession exercée par le précédent titulaire et alors même que ladite convention ne s'accompagne pas d'une cession de clientèle (Cass. com., arrêt du 3 mai 1984, Affaire Patrick X... , RJ, p. 21).

Cependant, malgré les termes très généraux de l'article 720 du CGI, l'administration s'abstient, en principe, de faire application de ce texte en cas de simple mutation de jouissance consentie pour une durée déterminée. Tel est le cas d'un chirurgien-dentiste donnant à bail pour une durée déterminée, en vue de l'exercice par le preneur de la profession de chirurgien-dentiste, l'immeuble et le matériel dentaire dont il est propriétaire.

312. Les conventions portant cession de gérance de débit de tabacs, compte tenu des réserves ci-après :

En l'état actuel de la réglementation administrative, les cessions de gérance de débit de tabacs ne sont autorisées qu'à l'occasion de la cession du fonds de commerce exploité conjointement avec le débit. D'autre part, la convention intervenue entre le cédant et le cessionnaire ne doit pas faire état d'un prix particulier pour la cession de la gérance du débit, sauf aux parties à tenir compte, pour la détermination du prix de cession du fonds, de la plus-value conférée à ce fonds par l'exploitation du débit.

Dans ces conditions, l'assujettissement du prix ainsi stipulé aux droits frappant les cessions de fonds de commerce est de nature à désintéresser entièrement le Trésor et s'oppose, par suite, à toute taxation spéciale de la valeur propre du droit à la gérance du débit. L'article 720 du CGI ne peut, dés lors, avoir d'autre effet que de permettre au service de faire valablement état de la plus-value susvisée pour établir, le cas échéant, l'insuffisance du prix porté dans l'acte de cession.

323. Les cessions de licence de débit de boissons, même sans cession de la clientèle attachée à l'établissement, la possession d'une telle licence étant indispensable pour l'exploitation d'un débit de boissons (cf. toutefois ci-après, n° 67 ).

334. Les traités par lesquels un agent général d'assurances s'engage à présenter un successeur à l'agrément de la société dont il est le représentant, observation faite toutefois que l'article 720 du CGI ne trouverait pas à s'appliquer si, à défaut de présentation d'un successeur par le titulaire dans un délai de deux mois, ce successeur était nommé directement par la société (en ce qui concerne les indemnités compensatrices, voir ci-après n° 54 ).

345. Les cessions de concession de service public.

Il a été jugé que la cession par une société à responsabilité limitée de sa créance sur la société gestionnaire du marché d'intérêt national de Rungis (SEMMARIS), qui s'analyse en la transmission par un commerçant ayant exercé dans le secteur supprimé des halles centrales de Paris, de son droit à l'attribution d'un emplacement et de diverses installations dans l'enceinte du nouveau marché, constituait une opération imposable au titre de l'article 720 du CGI, dès lors que le cessionnaire a acquis la possibilité d'exercer à Rungis une activité identique à celle qui était exercée précédemment par le cédant à Paris 1 [Cass. com., arrêt du 2 octobre 1978, X... , RJ III, p. 136 ; dans le même sens : Cass. com., arrêt du 25 octobre 1978, SARL La Goële ; Cass. com., arrêt du 16 janvier 1979, SARL Nardone et Fils Cass. com., arrêt du 30 janvier 1979, SARL Lina Fruits).

Par ailleurs, il a été jugé que les conditions d'application de l'article 720 du CGI se trouvaient réunies dans le cas d'une société A qui, par trois actes distincts passés le même jour, avait subrogé une société B dans ses droits à la concession d'occupation d'un emplacement situé dans l'enceinte d'un marché d'intérêt national, et cédé diverses installations à caractère immobilier et du matériel d'exploitation. En effet, ces cessions procédaient d'une négociation unique ayant permis à la société cessionnaire grâce aux installations réalisées par la société cédante et avec le même matériel, d'avoir une activité semblable à celle que la société A exerçait antérieurement ; peu importait que les installations constituassent des immeubles par nature ou par destination, et qu'elles fassent partie du domaine public dès lors qu'elles étaient affectées à l'exercice d'une activité professionnelle (Cass. com., arrêt du 16 mars 1982, SARL Sélection, RJ , p. 34).

356. Les cessions de contingent de mouture à un exploitant de moulin.

Il a été jugé qu'entrait dans le champ d'application de l'article 720 du CGI, la location d'un immeuble à usage de minoterie, du matériel servant à l'exploitation ainsi que du contingent de mouture indispensable à cette exploitation, dès lors que, dans une mention pour l'enregistrement, la totalité du loyer stipulé s'applique, à due concurrence, aux immeubles et éléments immobiliers, d'une part, et au matériel, d'autre part, à l'exclusion du contingent de mouture, que, par ailleurs, une somme représentant exactement la valeur de ce contingent a été versée aux bailleurs sans qu'il en soit fait mention audit acte, et qu'enfin le « locataire » n'a pu apporter la preuve que ce paiement ne constituait qu'un simple cautionnement et non le moyen lui permettant de poursuivre l'activité exercée antérieurement par les bailleurs (Cass. com., arrêt du 4 février 1974, X... , RJ III, p. 27).

En ce qui concerne les rachats par la Caisse professionnelle de l'industrie meunière, cf. ci-après, n° 56 .

367. Les cessions, entre industriels laitiers, de contrats passés avec des fournisseurs de lait, ainsi que le contrat par lequel un industriel laitier renonce, au profit d'un concurrent, et moyennant indemnité, à ramasser le lait dans une zone déterminée.

378. Les cessions de carte de représentants de commerce non salariés (en ce qui concerne les représentants salariés, voir ci-après, n° 55 ).

389. Les conventions écrites ou verbales afférentes à un transfert d'autorisation de stationnement de taxi.

3910. La cession des cabinets d'experts-comptables.

4011. La cession de licence de transport routier.

4112. La cession d'une souche aviaire (Cass. com., arrêt du 24 février 1970, X... , RJ III, p. 48).

4213. L'apport fait à une société du bénéfice du traité de concession d'un téléphérique en exploitation avec le droit à la jouissance des installations moyennant le règlement par la société du coût des travaux exécutés pour le compte de l'apporteur (Cass com., arrêt du 6 mars 1973, X... , RJ III, p. 29).

4314. La transmission par une société à une autre du droit d'exploitation d'un procédé de fabrication à elle précédemment concédé par un tiers, concomitante, quoique faite par acte séparé, à la cession du matériel, du stock et des bâtiments affectés à cette exploitation, ayant permis à la société cessionnaire de succéder à l'activité commerciale de la collectivité cédante (Cass. com., arrêt du 10 juin 1974, SOCOBEM, RJ III, p 128).

4415. La cession d'une concession d'exploitation de compteurs d'eau intervenue entre deux sociétés (Cass. com., arrêt du 15 février 1977, Société des compteurs Vincent, RJ III, p. 44).

4516. La cession du droit exclusif d'exploitation d'un savoir-faire, de moyens de publicité et de la marque s'analysant en un transfert de fonction, même si celui-ci est réalisé au profit d'un GIE qui ne peut se rendre acquéreur d'un fonds de commerce ou d'une clientèle (Cass. com., arrêt du 23 janvier 1979, GIE Harmonie des jardins).

4617. Les conventions, aboutissant à la cession d'une branche d'activité, par lesquelles d'une part, une société A, après avoir décidé de cesser ses activités de transport et de louage d'engins, s'était séparée de son directeur des transports et d'une certaine quantité de son matériel destiné à cette branche d'activité, et d'autre part, son ancien directeur des transports avait aussitôt constitué une société B, ayant également pour activité le transport et la location d'engins, puis s'était installé dans le local utilisé auparavant par la société A pour cette même activité qu'elle avait cessé d'exercer (Cass. com., arrêt du 14 mars 1983, SARL Location Transports Fontoy LTF, RJ, n° 25).

4718. La cession de la totalité du matériel servant à l'exploitation de son fonds de commerce par un exploitant d'un manège forain dès lors que cette cession avait mis un terme à son activité et avait permis au cessionnaire d'exercer la même fonction que celle occupée par le précédent titulaire (Cass. com., arrêt du 11 juin 1985, n° 596 P, affaire X... , RJ, p. 49).

Nota : La partie adverse avait objecté que les autorisations municipales nécessaires -personnelles et annuelles- sont précaires et révocables et qu'ainsi, en raison de son caractère aléatoire, la convention en cause échappait à l'application de l'article 720 du CGI.

4819. La convention portant cession du matériel garnissant une usine de découpe de viande et de fabrication de charcuterie 2 dès lors que :

- la société venderesse a abandonné l'activité de même nature qu'elle exerçait au moyen de ce matériel pour se consacrer uniquement à la revente de produits élaborés ;

- tandis que la société acquéreuse a utilisé ledit matériel pour accroître sa propre activité de découpe de viande et de fabrication de charcuterie.

Cette convention a, en effet, permis à la société cessionnaire d'exercer la profession antérieurement pratiquée, fût-ce partiellement, par la société cédante (Cass. com., arrêt du 8 juillet 1986, affaire SA SICA des Établissements ABC, RJ, p. 51).

Observations : La Cour de cassation a écarté le moyen adverse tiré de la circonstance que la société cessionnaire exerçait déjà auparavant l'activité professionnelle considérée ( cf. ci-dessus, n° 25 ).

4920. La cession du matériel et des objets mobiliers permettant l'exploitation d'un parc d'élevage de moules : la circonstance que la profession de mytiliculteur ne puisse être exercée sans l'agrément de l'administration sous la forme d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime ne s'oppose pas à la taxation de la cession du matériel et des objets mobiliers permettant l'exploitation d'un parc d'élevage de moules, dès lors que le nouveau titulaire exerce la même activité que le précédent (Com. 7 mars 1995, n° 464 D, cf. annexe V).

5021. L'opération par laquelle une société acquiert des machines de jeux automatiques d'occasion placées chez les clients et devient, du jour au lendemain, le fournisseur de la moitié des clients du cédant, tous situés à proximité du nouvel exploitant, ce qui lui permet de commencer à exercer une activité rigoureusement identique à celle du cédant de ce matériel, à proportion de la cessation d'activité résultant pour celui-ci de cette vente. En l'occurrence, la Cour a estimé qu'il était inutile de rechercher si les machines dont le placement était convenu chez des clients leur étaient déjà remises matériellement lors de la vente au nouvel exploitant ou de prendre en considération d'éventuels mouvements de clientèle survenus ultérieurement (Com. 21 janvier 1997, n° 139 D, cf. annexe VIII).

5122. Les cessions de matériel successives par lesquelles la société cédante, qui avait déjà abandonné deux de ses activités à la société cessionnaire lors de la création de celle-ci, lui transfère les trois activités qu'elle avait conservées jusqu'alors en lui cédant la totalité des moyens nécessaires à leur exercice (Com. 21 octobre 1997, BULL. IV, n° 274, p. 237, cf. annexe XI).

1   À la suite du transfert à Rungis des halles centrales de Paris, les commerçants exerçant déjà une activité sur l'emplacement supprimé se sont vu attribuer une créance d'une certaine somme d'argent à l'encontre de la Société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de la région parisienne (SEMMARIS). Cette créance donnait vocation, en vertu de la réglementation en vigueur, à la concession d'un emplacement et de diverses installations dans l'enceinte du marché national.

En l'espèce, un commerçant ayant acquis d'une société, qui avait cessé toute activité aux halles centrales de Paris, une créance sur la SEMMARIS, prétendait avoir obtenu directement de celle ci le droit d'exercer son activité sur le nouveau marché et être exempt de tout droit de mutation Mais, dès lors que la société gestionnaire n'avait fait qu'octroyer au cessionnaire de la créance l'emplacement réservé au cédant, la cour a estimé qu'il y avait convention de successeur entre celui-ci et le nouveau titulaire du même commerce

2   Cette cession accompagnait la vente des bâtiments et terrains de l'usine.