SECTION 2 CONVENTIONS ASSIMILÉES À DES CESSIONS DE FONDS DE COMMERCE
II. Conventions n'entrant pas dans le champ d'application de l'article 720 du CGI
521. Les cessions d'offices ministériels qui demeurent soumises à un régime spécial (cf. ci-après DB 7 D 3 ).
532. Les cessions du bénéfice d'un contrat passé avec un groupement d'achat, en vue de l'exercice d'une profession commerciale, lorsqu'elles interviennent avant tout commencement de cet exercice.
543. Les conventions n'ayant pas pour effet de permettre au cessionnaire d'exercer la profession du cédant ; c'est ainsi, par exemple, que ne sont pas taxables les indemnités compensatrices allouées aux agents généraux d'assurances en cas de cessation de fonction ou de réduction du taux des commissions, dès lors qu'elles résultent de conventions avec la compagnie et non avec des personnes appelées à reprendre l'activité professionnelle des bénéficiaires de ces indemnités.
554. L'indemnité de clientèle payée à un voyageur de commerce salarié. En effet, cette indemnité, malgré sa désignation, n'est pas le prix d'une cession de clientèle ; elle a seulement pour but de dédommager le voyageur de commerce pour la clientèle qu'il a, par son travail, apportée à l'entreprise dont il était le salarié et qui reste attachée à celle-ci même après son départ.
565. Les indemnités versées par des organismes professionnels à des entreprises industrielles ou commerciales en contrepartie d'une cessation totale ou partielle de leur exploitation, dans le cas où ces organismes n'exercent pas eux-mêmes une activité similaire à celle des exploitants bénéficiaires desdites indemnités : il en est ainsi, notamment des rachats de contingents de mouture par la Caisse professionnelle de l'industrie meunière, dès lors que cette caisse n'a pas la qualité d'exploitant de moulin et que l'acquisition n'est faite qu'en vue de l'annulation du contingent racheté (ce rachat est soumis au droit fixe des actes innomés).
576 Les indemnités de dépossession de clientèle versées par les intermédiaires en publicité, dès lors que la transmission de clientèle ne procède pas d'un accord contractuel intervenu entre deux agents publicitaires.
587. Les indemnités pour rupture de contrat versées aux agents commerciaux, dès lors que cette indemnité ne peut, en fait, être considérée comme formant le prix de cession, totale ou partielle, à un nouveau titulaire du portefeuille de l'agent commercial.
598. L'accord qui ne tend qu'à résilier, moyennant le versement d'une indemnité, les relations de sous-traitance existant entre deux sociétés afin de permettre à celle d'entre elles ayant la qualité d'entrepreneur principal de reprendre l'activité confiée à l'autre (Cass. com., arrêt du 9 novembre 1987, affaire Société SEARMIP, RJ, p 65).
609. La convention par laquelle un fermier exploitant cède à titre onéreux à un autre fermier exploitant la totalité des biens et valeurs dépendant de son fonds (immobilisations corporelles, participations à des organismes professionnels agricoles, amélioration de fonds, stocks et en-cours de production) et lui transfère, sans indemnité ni prix, le bail rural sur les terres et bâtiments d'exploitation.
6110. Les sommes que les syndics et administrateurs judiciaires entrant en fonction sont amenés à verser à leurs confrères démissionnaires. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les syndics et administrateurs n'ont pas de successeurs au sens de l'article 720 du CGI dès lors que :
- les syndics et administrateurs judiciaires n'exercent leur activité que sur désignation des juridictions compétentes après avoir été inscrits sur une liste dressée par la Cour d'appel ;
- les tâches à accomplir par les intéressés ne constituent que l'exécution des mandats de justice qui ne sont pas des choses dans le commerce et ne peuvent pas faire l'objet d'une convention (Cass. com., arrêts du 25 novembre 1986, n° 867 P, affaire X... , et n° 868 P, affaire X... , RJ, p. 57).
6211. Les cessions de droits sociaux. Elles entrent dans les prévisions de l'article 726 du CGI, ou le cas échéant de l'article 727, et non de celles de l'article 720 du CGI (Cass. com., arrêt du 22 mars 1988, affaire X... , RJ p. 58).
Pour autant, cette jurisprudence -applicable aux cessions de titres de sociétés d'exercice- ne remet nullement en cause la doctrine selon laquelle, lorsqu'elle est corrélative à la cessation de l'activité du cédant, la cession des parts de sociétés civiles de moyens est imposable dans les conditions prévues à l'article 720 précité (cf. ci-dessus, n° 30 ).
6312. La convention de cession de matériel d'une société en règlement judiciaire dès lors que :
- le règlement judiciaire a été prononcé sans continuation de l'activité ;
- la convention a été conclue entre le syndic et la société cessionnaire après acceptation des offres de cette dernière dans le cadre de la procédure collective aux conditions fixées par le juge-commissaire (Cass. com., arrêt du 20 février 1990, aff. SA DESERTOT ; Bull. IV, n° 48, p. 32).
6413. Les conventions au moyen desquelles un concédant de service public opère, à son initiative et aux fins qui lui sont propres, le remplacement d'un concessionnaire par un autre. En effet, de telles conventions ne peuvent être assimilées à des contrats conclus entre parties privées ayant pour effet, par le seul accord de celles-ci, de permettre la succession de l'une dans l'activité antérieurement exercée par l'autre au sens de l'article 720 du CGI., l'existence de contreparties stipulées étant à cet égard inopérante (Cass. com., arrêt du 9 novembre 1987, société T.U.R., Bull. IV., n 231, p. 173).
6514. Le rachat par un GAEC adhérent d'une société coopérative agricole ultérieurement dissoute de matériels et bâtiments nécessaires au conditionnement et à la commercialisation de ses produits (Cass. com., arrêt du 5 mars 1991, aff. GAEC. de JAPIENOU ; Bull. IV, n° 99, p. 69).
6615. La cession du droit d'exercice exclusif de l'activité de radiologie dans une clinique, consentie par le médecin radiologue à la société gérant la clinique, dès lors que le véritable successeur dans l'activité était un autre médecin radiologue, tiers à la première convention, auquel la société gérante, qui ne pouvait elle-même exercer d'activité médicale, avait ultérieurement concédé ce droit (Com. 21 janvier 1997, BULL. IV, n° 20, p. 18, cf. annexe IX).
6716. L'acquisition par une société civile immobilière d'une licence de débit de boissons et de meubles meublants d'un local à usage de bar-dancing qu'elle louait à l'exploitant, avant la mise en règlement judiciaire de celui-ci, dès lors que cette société, en sa qualité de SCI, se trouve dans l'impossibilité d'exploiter ce bien à titre professionnel (Com. 13 mai 1997, BULL. IV, n° 136, p. 122, cf. annexe X).
6817. La cession du matériel et de l'outillage servant à la fabrication de fils industriels, par une société exerçant une activité industrielle de fabrication à une société exerçant une activité de façonnier, rémunérée à la prestation de services et l'excluant de toute décision relative à la production, dès l'instant où l'administration des impôts n'apporte pas la preuve de l'identité au moins partielle des activités du cédant et du cessionnaire (Com. 30 juin 1998, n° 1406 P ; cf. annexe XIV).
ANNEXE I
Com. 5 mars 1991 (Société MARION ; Bull. IV, n° 98, p. 69)
« Sur le moyen unique :
Vu l'article 720 du Code général des impôts ;
Attendu que ce texte n'est pas applicable aux conventions entrant dans les prévisions d'une autre disposition spéciale de la loi fiscale ; que tel est le cas des conventions portant mutation de jouissance temporaire ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que le syndic de la liquidation des biens de la société Salaisons Germain Brunet (société Brunet) a été autorisé à céder la clientèle à la société Marion et compagnie (société Marion) moyennant des redevances et a assigné cette dernière en régularisation de l'acte ; que le tribunal de commerce a dit n'y avoir lieu à régularisation au motif que la clientèle dont la société Brunet avait la disposition n'était pas sa propriété, mais a décidé que des sommes versées par la société Marion au syndic seraient définitivement acquises à la procédure collective en contrepartie de la « jouissance de la mise à disposition de la clientèle » pendant une certaine période au profit de la société Marion ; que l'administration des impôts a considéré que cette « convention » entrait dans les prévisions des articles 719 et 720 du code général des impôts et a émis un avis de mise en recouvrement des droits d'enregistrement estimés dus et des pénalités ;
Attendu que, pour rejeter l'opposition de la société Marion à cet avis, le jugement retient qu'il y a lieu à application de l'article 720 du Code général des impôts, dès lors qu'il existe une convention à titre onéreux « qui devait permettre à la société Marion d'exercer la profession de charcutier dans le secteur d'influence de la société Brunet titulaire précédent » ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il avait constaté que les sommes mises à la charge de la société Marion par le jugement du tribunal de commerce étaient la contrepartie « de la jouissance de la mise à disposition de la clientèle à titre précaire » pendant la période considérée, le tribunal a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule ».
ANNEXE II
Com. 17 décembre 1991 (Sté AUROCH ; Bull. IV, n° 391, p. 271)
« Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu l'article 809, I, 3° du CGI ;
Attendu que l'article 720 du CGI n'est pas applicable aux conventions entrant dans les prévisions d'une autre disposition spéciale de la loi fiscale ; que tel est le cas d'apports en société, qui ne sont soumis aux droits prévus aux articles 809 et 810 du code précité que lorsqu'ils portent notamment sur des fonds de commerce ;
Attendu, selon les jugements déférés, qu'en 1983, M. X... a apporté à la SA Automatisme Robotique Chaveriat (société Auroch) le matériel ayant servi à l'exploitation de son entreprise personnelle ; que l'administration des impôts a considéré que cet apport représentait la cession de l'activité antérieure de M. X... au sens de l'article 720 du CGI et a soumis l'apport aux droits d'enregistrement prévus à l'article 809, I, 3° du même code ;
Attendu que, pour rejeter l'opposition de la société Auroch à l'avis de mise en recouvrement, le jugement du 28 juin 1988, qui se réfère au jugement du 24 juin 1986 dont il dit être la suite, retient que « M. X... a non seulement apporté à la société Auroch les machines destinées à l'industrie du plastique, activité antérieure de M. X... , mais encore des marchandises et contribution au développement de la société Auroch, dès lors que l'apport a son mobile dans une déclaration faite par M. X... lui-même en 1982 à un agent vérificateur selon laquelle il entendait intensifier son activité », et qu'à juste titre l'administration fiscale assimilait l'apport à une cession de fonds de commerce ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors au surplus qu'un fonds de commerce est une universalité mobilière insusceptible de cession partielle, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs : Casse et annule ».
ANNEXE III
Arrêt Cour de Cassation, Com. 12 novembre 1996, n° 1682 D
« Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 720 du Code général des impôts ;
Attendu que pour accueillir la demande de la société Bull SA le tribunal relève que la substitution de la société CII.HB à la société BT pour la distribution d'appareils aux utilisateurs finaux n'avait donné lieu qu'au paiement des actifs immobilisés et des stocks pour leur valeur comptable, à l'exclusion de tout prix de cession pour le transfert de l'activité et retient que l'opération, effectuée en vue de réaliser une réorganisation au sein du groupe répondait à un souci de rationalité économique et non à un intérêt patrimonial et ne présentait pas le caractère onéreux requis pour l'application de l'article 720 du Code général des impôts ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le caractère onéreux de la convention résultait du seul paiement exigé de la société cessionnaire pour la cession des biens devant lui permettre de succéder à l'activité de l'autre société partie à la convention, n'important pas à cet égard, qu'elles appartiennent au même « groupe », le Tribunal a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 720 du Code général des impôts ;
Attendu que pour prononcer le dégrèvement de tous les droits réclamés au titre de la convention litigieuse le tribunal retient que, le transfert d'une branche complète d'activité de distribution ne pouvant se réaliser sans que cette activité soit autonome, ce qui suppose une cession de savoir-faire et de droits de propriété industrielle, le bénéfice de la commercialisation avait été transféré à la société CII.HB pour une durée limitée et qu'ainsi l'ensemble de l'opération n'entre pas dans le champ d'application de l'article 720 du Code général des impôts ;
Attendu qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser l'absence de cession d'une activité de distribution de produits aux clients finaux, activité distincte de la production de ces produits qui requiert la disposition de droits de propriété industrielle et d'un savoir-faire qui n'étaient concédés que pour une durée limitée, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE ... ».
ANNEXE IV
Arrêt Cour de Cassation, Com. 2 novembre 1994, n° 1965 D :
« Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Saintes, 3 novembre 1992), que le Groupement d'intérêt économique des viticulteurs charentais (le GIE) a vendu à la Société d'intérêt collectif agricole des viticulteurs charentais (la SICA), 1 173 fûts au prix de 600 000 francs, ainsi qu'un matériel de bureau ; que l'administration des impôts a estimé que cette cession constituait un transfert d'activité soumis aux droits de mutation de l'article 720 du Code général des impôts et a procédé à un redressement ; que la SICA a fait opposition à l'avis de mise en recouvrement des droits et pénalités en résultant ;
Attendu que la SICA reproche au jugement d'avoir, pour rejeter sa demande, décidé, en se fondant notamment sur une lettre du 10 janvier 1989, que la vente litigieuse avait opéré transfert partiel d'activités alors, selon le pourvoi, d'une part, que dans son courrier du 10 janvier 1989, le directeur de la SICA avait écrit que l'objet social des deux sociétés était identique ; que, ce faisant, ce dernier a seulement reconnu une identité d'activités et non l'existence d'un transfert d'activité ; qu'estimant que cette lettre établissait le transfert d'activité, le jugement attaqué a dénaturé ce document en violation de l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part que, dans la mesure où la SICA exerçait auparavant la même activité que le GIE, le jugement devait rechercher si la cession des fûts avait entraîné un accroissement d'activité de la société cessionnaire, traduisant sans équivoque un transfert de fonds de commerce déguisé ; qu'à défaut, le jugement attaqué n'a pas caractérisé l'existence d'une convention de successeur et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 720 du Code général des impôts, et alors, enfin, que le jugement attaqué n'a pas répondu au chef des conclusions de la SICA soutenant que la cession des fûts n'avait entraîné aucun accroissement d'activité dès lors que le chiffre d'affaires avait baissé ; qu'ainsi il a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'appréciation de la portée d'un document contractuel, sans reproduction inexacte de ses termes, ne peut être critiquée par un grief de dénaturation ;
Attendu, en second lieu, que le jugement énonce justement que l'article 720 du Code général des impôts s'applique aux conventions ayant pour effet de permettre l'exercice d'une activité identique à celle du précédent titulaire, fût-elle partielle, à proportion de la cessation d'activité volontaire du cédant ; qu'ayant retenu qu'avant la cession litigieuse les activités des deux parties étaient, au moins partiellement, identiques puis que la cession des fûts avait eu pour effet de transférer du GIE vers la SICA une activité de négoce de produits viticoles, le Tribunal, en décidant que cette cession entrait dans le champ d'application de l'article 720 du Code général des impôts, et sans être tenu de répondre spécialement à l'argumentation tirée de l'évolution comptable de l'activité respective des parties avant et après la cession litigieuse, a légalement justifié sa décision au regard de ce texte ;
Qu'il s'ensuit qu'irrecevable en sa première branche, le pourvoi n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE... »