Date de début de publication du BOI : 15/06/2000
Identifiant juridique : 7D2111
Références du document :  7D2111
Annotations :  Lié au BOI 7D-1-11

SOUS-SECTION 1 CESSIONS DE FONDS DE COMMERCE


SOUS-SECTION 1

Cessions de fonds de commerce



  A. DÉFINITION DU FONDS DE COMMERCE


1Le fonds de commerce est l'ensemble des droits et valeurs au moyen desquels s'exerce un négoce ou une industrie.

Il est composé de divers éléments et c'est leur réunion, leur groupement sous une direction unique, l'action respective qu'ils ont les uns sur les autres, le fait qu'ils se valorisent réciproquement qui créent le fonds de commerce.

Ces éléments sont habituellement classés en éléments incorporels et éléments corporels.


  I. Éléments incorporels


2Parmi les éléments incorporels, l'élément essentiel, sans lequel le fonds ne saurait en principe exister, est la clientèle ou achalandage. La clientèle est la valeur que représentent les rapports probables ou possibles avec les personnes qui demanderont des biens ou des services à l'exploitant du fonds. Clientèle et achalandage sont synonymes.

Sans clientèle, il n'existe plus, à proprement parler, de fonds de commerce, mais seulement des marchandises, des droits ou objets mobiliers ne constituant plus une entité juridique distincte, et sans rapport de destination les uns avec les autres. Pour qu'il y ait cession de fonds de commerce, il est nécessaire que la clientèle du cédant soit transmise, sous une forme ou sous une autre, à l'acquéreur.

3Se rattachent à la clientèle :

- le nom commercial : appellation sous laquelle l'exploitant du fonds fait le commerce ;

- l'enseigne : nom, dénomination de fantaisie, emblème qui individualise le fonds et sert comme le nom commercial à attirer et retenir le client ;

- les droits de propriété industrielle, littéraire et artistique : procédés de fabrication, marques de fabrique, brevets d'invention, dessins et modèles, etc. ;

- les autorisations administratives ou licences donnant le droit d'exploiter le fonds ;

- les marchés en cours.

4Outre la clientèle, les éléments incorporels formant un fonds de commerce comprennent généralement le droit au bail.

Le droit au bail est le droit conféré au cessionnaire du fonds de continuer l'exploitation dans les locaux qui y étaient jusqu'alors affectés. Il est concrétisé par la somme d'argent que le cédant reçoit du cessionnaire en sus des loyers de l'immeuble, et comme prix de l'abandon de son bail.

Toutefois, un fonds peut être vendu sans droit au bail : tel est le cas lorsque l'acheteur acquiert en même temps l'immeuble dans lequel ce fonds est exploité


  II. Éléments corporels


5Les éléments corporels du fonds de commerce comprennent les objets mobiliers ou autres servant à l'exploitation du fonds En font partie non seulement les meubles proprement dits (rayons, bureaux, comptoirs etc.), mais encore le matériel industriel, l'outillage, les approvisionnements et, d'une façon générale tous les objets mobiliers qui, par opposition aux marchandises neuves, ne sont pas destinés à être vendus.

Toutefois, le matériel ne constitue un élément du fonds de commerce que dans le cas où le commerçant est locataire de l'immeuble dans lequel il exerce son commerce. Lorsque le commerçant est également propriétaire de l'immeuble, les objets mobiliers qu'il a placés dans ce dernier pour le service et l'exploitation du fonds constituent, aux termes de l'article 524 du code civil, des immeubles par destination [cf. DB 7 C 1213, n° 4] 1 .

6Les marchandises neuves font partie des éléments corporels du fonds de commerce ; elles doivent être distinguées des approvisionnements. C'est ainsi que :

- dans un fonds de boulangerie, les stocks de farine constituent des marchandises neuves, et le bois de chauffage ou le mazout des approvisionnements ;

- dans une fabrique de plâtre, les pierres et chaux doivent être considérées comme marchandises neuves, mais non les combustibles nécessaires aux fours ;

- constituent des marchandises neuves les plantes vendues avec un fonds de pépiniériste, de même que les coton, soie ou laine d'une filature ;

- les pierres lithographiques gravées dépendant d'un fonds d'imprimerie ne constituent pas des marchandises neuves, de même que les produits chimiques, réactifs et autres substances nécessaires à l'activité d'un laboratoire d'analyses médicales.

7Enfin, ne font pas partie du fonds du commerce :

- les créances et les dettes résultant de l'exploitation ;

- le numéraire en caisse ;

- les immeubles : remises, ateliers, entrepôts, locaux dans lesquels s'exerce le commerce ;

- les valeurs mobilières et les droits sociaux en portefeuille.


  B. CHAMP D'APPLICATION DU DROIT D'ENREGISTREMENT



  I. Cession globale de fonds de commerce


8La cession d'un fonds de commerce comprend habituellement la clientèle ou achalandage, le droit au bail, le matériel et les marchandises.

Le droit d'enregistrement prévu à l'article 719 du CGI s'applique à l'ensemble de ces éléments, à l'exception des marchandises neuves qui sont exonérées de tout droit lorsqu'elles donnent lieu à la perception de la TVA (CGI, art. 723  : à cet égard, cf. DB 3 A 1151, n° 1 et BO 3 D-4-96 )

9En ce qui concerne le droit au bail (cf. ci-avant, n° 4 ), il est précisé que les dispositions de l'article 719 précité s'appliquent aux cessions consenties simultanément à la vente du fonds de commerce exploité dans les locaux loués. En revanche, les autres cessions de droit au bail entrent dans le champ d'application du droit prévu à l'article 725 du CGI.

10D'autre part, la cession à titre onéreux des biens qui ne font pas partie du fonds de commerce (cf. ci-dessus, n° 7 ) n'est pas soumise aux règles qui gouvernent les cessions de fonds de commerce mais à celles propres à chacun des biens considérés. Dès lors, lorsque l'acquéreur achète, avec le fonds de commerce, l'immeuble dans lequel le fonds est exploité, les droits sont perçus sur le prix indiqué pour le fonds de commerce au tarif prévu pour ces mutations à l'article 719 du CGI et sur le prix indiqué pour l'immeuble au tarif immobilier correspondant, sous réserve bien entendu, qu'il n'y ait pas lieu de faire application des dispositions de l'article 735 du CGI visant les ventes simultanées de meubles et d'immeubles (cf. DB 7 C 15).

11  Pour que le droit de mutation soit exigible, il n'est pas nécessaire que tous les éléments soient cédés, mais il faut qu'il y ait cession explicite ou au moins implicite de clientèle.

Ainsi, le droit de mutation à titre onéreux de fonds de commerce est applicable à la cession de l'achalandage seul, sans les marchandises et autres objets mobiliers (trib. civ., Seine, 29 juin 1877 ; trib. civ., Senlis, 30 août 1878), ainsi qu'à la cession de l'achalandage, du matériel et des marchandises sans le droit au bail (Cass. com., 30 mai 1953 et 5 octobre 1970, X... , RJ III, p. 188).

Par contre, la cession d'un matériel de travaux publics faite par une entreprise sans clientèle privée et qui a été exclue des adjudications de travaux publics, ne peut s'analyser en une cession de fonds de commerce.


  II. Cession isolée d'éléments du fonds de commerce


12La vente isolée des éléments d'un fonds (droit au bail, mobilier, matériel, marchandises neuves) autres que la clientèle ne constitue pas en principe une cession de fonds de commerce et se trouve soumise au régime qui lui est propre - régime de cessions de droit au bail d'immeuble pour le droit au bail, régime de droit commun des ventes de meubles pour le matériel et le mobilier 2 , etc.

Pour qu'il en soit ainsi, il est nécessaire que la vente des objets séparés du fonds soit sérieuse et effective.

Tel est le cas notamment quand ces biens sont transmis à un acquéreur autre que celui de la clientèle ou lorsque la clientèle et les autres éléments du fonds se sont trouvés temporairement séparés et ont été réunis entre les mains d'une même personne par deux conventions distinctes et non concomitantes ou encore lorsque le cédant se réserve un ou plusieurs des éléments du fonds.

En revanche, si les biens en cause ont été cédés à une date concomitante (ou à des dates rapprochées) à celle de la vente des autres éléments et au même acquéreur, on se trouve en présence d'une convention unique qui, bien que réalisée par actes séparés, porte sur une universalité : l'ensemble du fonds de commerce. L'existence d'une telle convention peut d'autant moins être contestée lorsque, selon la nature du commerce ou de l'industrie envisagée, l'élément que l'on a prétendu isoler ou céder séparément est indispensable à l'exploitation du fonds.

13Le droit de mutation à titre onéreux de fonds de commerce est applicable, à l'exclusion de la TVA, notamment dans les cas suivants, où il y a eu, effectivement, transfert de clientèle : - vente du matériel servant à l'exploitation d'un fonds de commerce lorsque, en vendant le matériel, le cédant a donné au cessionnaire le moyen de retenir et de s'attacher la clientèle (Cass. com., 10 juillet 1962) ;

- cession du droit au bail, le matériel ayant été par ailleurs repris par le cessionnaire qui continue le commerce du cédant dans les mêmes locaux et recueille sa clientèle (Nantes, 18 mai 1960) ;

- cession, par actes séparés, du matériel, de la licence et du droit au bail d'un hôtel meublé comportant cession implicite de la clientèle ;

- vente du matériel d'un fonds de garage et réparations d'automobiles dès lors que le cessionnaire a continué le commerce du cédant ;

- cession d'une indemnité d'éviction corrélative à la cession du fonds de commerce lorsque le bail n'a pas été renouvelé ;

- vente de tous les éléments matériels qui permettaient à une société l'exercice de son commerce entraînant implicitement la cession de la clientèle ;

- cession du seul droit au bail à un commerçant appelé en fait à recueillir la clientèle du quartier qui s'y rattache ;

- cession d'un droit au bail suivie d'une cession du matériel utilisé par la société cédante dès lors que la société cessionnaire a conservé une partie au moins du personnel de la société cédante, qu'elle détient une partie de la clientèle possédée antérieurement par cette même société et qu'elle exerce pratiquement les mêmes activités dans les mêmes locaux ;

- cession d'un droit au bail, précédée un mois auparavant d'une cession de matériel tenue secrète, dès lors que ces cessions sont intervenues entre les mêmes parties et au profit d'une société exerçant un commerce identique portant sur les mêmes marchandises ;

- cession du droit au bail d'un établissement commercial ou industriel et la cession verbale concomitante du matériel d'exploitation appartenant au précédent locataire entraînant une cession de clientèle et, par suite, une véritable cession de fonds de commerce ;

- résiliation d'un bail moyennant indemnité au locataire lorsque le propriétaire continue le commerce du locataire ;

- vente verbale d'un matériel de conserverie entraînant cession de clientèle, dès lors qu'elle s'accompagne de la transmission de la marque sous laquelle sont commercialisés les produits (Cass. com., arrêt du 15 octobre 1973, X... , RJ III, p. 144) ;

- opération présentée sous la forme d'une scission de société concomitante à la cession d'une part majoritaire dans le capital, décidée par un protocole d'accord conclu entre les anciens associés et le représentant du groupe acquéreur avant sa prise de participation dans la société, dissimulant en réalité la cession par les anciens associés d'un fonds industriel et de matières consommables et, après une exploitation dudit fonds à titre personnel par le représentant du groupe acquereur, l'apport de ces éléments à une nouvelle société (Cass. com., arrêt du 19 juillet 1973, dame veuve X... et ses enfants, RJ III, p. 127) ;

- opération dans laquelle une société a bénéficié de la clientèle d'un industriel en exerçant son activité sous la même enseigne et dans les mêmes locaux que le cédant lui avait donnés à bail et dès lors qu'elle a comptabilisé des achats importants de matières premières facturés antérieurement à ce bail, qu'elle a vendu des produits de sa fabrication sous une marque identique et repris le compte " clients " du précédent exploitant en portant, dans un compte ouvert au nom de celui-ci, les sommes qu'elle recevait à ce titre (Cass. com., arrêt du 26 janvier 1976, société Usine du Parc, RJ III, p. 13) ;

- opérations successives révélant que les parties avaient eu l'intention de transférer le fonds de commerce. Dans le délai d'un an environ, le propriétaire d'un fonds de menuiserie l'a donné en gérance libre ainsi que l'intégralité du stock, moyennant une redevance annuelle anormalement élevée, a cédé à la société gérante son stock de marchandises, tous les travaux en cours et toutes ses créances, ainsi que la totalité de son important matériel d'exploitation à l'exception d'une machine-outil, donné à bail à cette société, pour cinquante-cinq ans avec faculté de céder son droit, les immeubles où le fonds était exploité (Cass. com., arrêt du 25 janvier 1977, entreprise Bellini frères, RJ III, p. 20) ;

- location-gérance d'un fonds consentie par l'ancien exploitant à une société dont il est dirigeant, suivie de la location par convention séparée à la société du matériel d'outillage et de transport, puis des locaux commerciaux et de la vente du stock (Cass. com., arrêt du 2 juillet 1979, X... ) ;

- résiliation de la location verbale des locaux d'exploitation consentie à un industriel et conclusion par le propriétaire d'un nouveau bail à une société exerçant une activité identique à celle de l'industriel suivie de la cession à la même époque du matériel d'exploitation par l'industriel à la société, et de la présentation le même jour, de la société par l'industriel à ses clients comme son successeur (Cass. com., arrêt du 19 octobre 1981, SARL Tétramat) ;

- résiliation du contrat de concession exclusive d'une marque de location de voitures consentie à une association en participation et remplacement de ce contrat, à compter de la même date, par un nouveau établi au nom d'une société anonyme utilisant le même nom commercial que l'association, puis cession à la société anonyme du matériel d'exploitation et du droit au bail de l'association en participation, et succession de la société anonyme à l'association en participation tant dans l'exploitation de la clientèle de celle-ci que dans ses rapports d'affaires avec les mêmes fournisseurs et reprise par la société des contrats de travail (Cass. com, arrêt du 10 novembre 1981, SA Porché auto-locations) ;

- mise en location-gérance d'un fonds de commerce, suivie à peu de distance de la cession de la plus grande partie du matériel à la société locataire : le vendeur n'était alors plus en mesure de reprendre personnellement l'exploitation à l'expiration de la location-gérance, les éléments essentiels et les plus importants du fonds ayant été transférés du patrimoine du propriétaire dans celui de l'entreprise locataire a qui étaient donnés les moyens d'acquérir une clientèle personnelle (Cass. com., arrêt du 3 novembre 1983, garage Poletti et fils SARL, RJ, p 86) ;

- cession à titre onéreux par le propriétaire d'un fonds de menuiserie à son locataire-gérant, de la totalité du matériel d'exploitation et des travaux en cours (Cass. com., arrêt du 18 janvier 1984, société d'exploitation des établissements A. Fournier).

- double cession par le propriétaire d'une exploitation artisanale de l'outillage et des véhicules utilisés par l'entreprise puis des éléments incorporels de son exploitation (Cass. com., arrêt du 6 juin 1990, Sté des Ateliers François et Fils, Bull. IV, n° 165, p. 113).

 

1   Dans ce cas, ces éléments sont soumis aux règles applicables aux immeubles.

2   La cession d'un élément séparé du fonds de commerce constitue un acte normal de la profession qui entraîne l'exigibilité de la TVA (cf. DB 3 A 1151, n° 2 ).