Date de début de publication du BOI : 26/11/1996
Identifiant juridique : 4E1142
Références du document :  4E1142

SOUS-SECTION 2 PROVISIONS ET CHARGES ANNUELLES ET NORMALES DE L'ENTREPRISE


SOUS-SECTION 2

Provisions et charges annuelles et normales de l'entreprise



  A. ÉVOLUTION DE LA JURISPRUDENCE


1Le Conseil d'État ne fait plus aux entreprises une interdiction de principe de couvrir leurs charges normales et annuelles par des provisions.

2Le Conseil d'État avait déjà abandonné la théorie des charges annuelles et normales pour reconnaître la validité des provisions pour congés payés 1 (CE, arrêt du 29 mai 1970 n° 74232).

Il avait par ailleurs rendu les arrêts suivants :

1. Décisions concernant les charges afférentes à des prestations restant à fournir.

3- lorsqu'un contribuable a, au cours d'un exercice donné, perçu une recette ou acquis une créance en contrepartie de l'engagement de céder des biens 2 ou de fournir des services au cours d'exercices ultérieurs, l'intéressé a la faculté, pour tenir compte de la fraction de ses engagements restant à exécuter à la clôture de l'exercice en cause, de constituer une provision correspondant au montant probable des frais et charges de toute nature qu'il devra supporter au cours des exercices à venir pour respecter ses engagements. Ainsi, un établissement d'enseignement par correspondance qui a compris dans les recettes de l'exercice au cours duquel il les a perçus, les frais de scolarité qu'une partie de ses élèves lui a payés d'avance peut, en contrepartie, constituer une provision destinée à couvrir les frais de correction de devoirs et le coût du matériel d'enseignement à remettre auxdits élèves dont il aura à assurer la charge pendant l'exercice suivant (CE, arrêt du 18 juin 1971, n° 77988, 7e, 8e et 9e s.-s., RJ II , p. 110) ;

- un contribuable qui, par contrat, a consenti pour une durée de six ans la location d'un fonds de commerce lui appartenant, moyennant une redevance annuelle de 100 000 F payable d'avance et globalement pour toute la période couverte par le contrat et qui, par suite, doit comprendre dans les résultats de l'exercice au cours duquel elle lui est acquise la somme de 600 000 F correspondant aux six annuités de 100 000 F, peut corrélativement, pour tenir compte des charges qu'il sera nécessairement appelé à supporter au cours des exercices ultérieurs pour respecter ses engagements, constituer une provision correspondant au montant probable desdites charges (CE, arrêt du 18 juin 1971, n° 76927, 7e, 8e et 9e s.-s., RJ II , p. 106) ;

- une société qui, en vertu des contrats passés avec ses clients, assure, outre le fonctionnement et l'entretien de matériels de chauffage, le renouvellement de ces matériels, est en droit de constituer une provision destinée à faire face aux charges probables devant résulter des engagements pris (CE, arrêt du 4 juillet 1973, n° 77694, RJ II, p. 76). Dans le même sens : arrêt du Conseil d'État du 5 mars 1975, n° 89781, RJ II, p. 35 ;

- une entreprise d'enseignement par correspondance s'engageait, dans les contrats souscrits par ses clients, à fournir diverses prestations, durant une période de douze mois, moyennant un prix qui pouvait être payé, notamment, par mensualités. Une clause du contrat précisait que, à défaut de paiement d'une mensualité à son échéance, la totalité des sommes dues en vertu du contrat devait être acquittée immédiatement.

La Haute Assemblée a décidé que les recettes de l'exercice devaient comprendre, en tant que créances acquises, les mensualités qui n'étaient pas encore encaissées à la clôture dudit exercice.

Mais elle a décidé également que, en contrepartie, l'entreprise pouvait constituer des provisions destinées à faire face :

1° Aux créances douteuses résultant de ce qu'il suffisait aux clients, pour se soustraire à ce paiement, d'invoquer un empêchement quelconque et qu'il n'était pas en fait de l'intérêt de l'entreprise d'en poursuivre le recouvrement ;

2° Aux frais et charges de toute nature qu'elle serait appelée à supporter après la clôture de l'exercice pour achever l'exécution des contrats en cours (CE, arrêt du 24 mars 1976, n° 97511, RJ II, p. 40).

4 Remarque commune . - Les arrêts susvisés ont été rendus sous le régime des anciennes règles de rattachement des créances et des dettes. Or, le principe fondamental dit « des créances acquises et des dettes certaines » (CGI, art. 38-2 ) a été modifié par l'article 84 de la loi n° 78-1239 du 29 décembre 1978 en ce qui concerne les créances sur clients. Ainsi, pour la détermination des résultats imposables des exercices clos à compter du 31 décembre 1978, l'article 38-2 bis du CGI prévoit que les produits sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. Les règles de rattachement des créances actuellement en vigueur ont donc rendu pratiquement caduque la jurisprudence concernée.

2. Décisions concernant des charges fiscales dont l'exigibilité ou la mise en recouvrement interviendra ultérieurement.

5Suivant la même évolution, le Conseil d'État a, par ailleurs, précisé que si l'article 39-1-4° du CGI ne permet la déduction que des seuls impôts mis en recouvrement ou devenus exigibles au cours de l'exercice, ce texte ne fait pas obstacle à la constitution, dans les conditions prévues au 5° de ce même article, de provisions destinées à tenir compte des charges fiscales que l'entreprise devra acquitter ultérieurement sur la base de la législation en vigueur à la clôture de l'exercice.

Ces principes ont été appliqués dans les cas suivants :

- une entreprise qui, à la fin d'un exercice, a pris l'engagement ferme de verser à ses salariés une « prime de bilan » en rémunération du travail accompli par eux pendant cette même période est fondée à constituer une provision en vue de faire face au paiement ultérieur du versement forfaitaire (actuellement taxe sur les salaires) et de la taxe d'apprentissage afférents à ces compléments de rémunération, dès lors que ce paiement apparaît probable compte tenu de la législation en vigueur à la clôture de l'exercice(CE, arrêt du 25 octobre 1972, n° 80122, 7e, 8e et 9e s.-s., RJ II, p. 122) 3  ;

- une société qui a émis le 1er juin 1962 des bons de caisse anonymes et s'est engagée envers les souscripteurs à supporter la retenue à la source afférente aux intérêts de ces bons 4 a pu valablement provisionner à la clôture de l'exercice arrêté le 31 décembre 1962, à la fois les intérêts courus jusqu'à cette date et la retenue à la source correspondante (CE, arrêt du 13 décembre 1972, n°s 81107 et 81108, RJ II, p. 162).


  B. DOMAINE ET PORTÉE DE LA JURISPRUDENCE


6. Cette jurisprudence concerne :

Les impôts dont la mise en recouvrement ou l'exigibilité, au cours d'un exercice ultérieur, découle d'opérations effectuées par l'entreprise pendant l'exercice considéré. Les décisions des 25 octobre 1972 et 13 décembre 1972 (cf. n° 5 ci-dessus) sont conformes, pour l'essentiel, à la doctrine administrative en matière de provisions pour impôts (cf. 4 E 231 ).

Les frais et charges devant résulter d'un contrat qui confère à l'entreprise des sommes ou avantages immédiatement et globalement imposables et mettant à sa charge, en contrepartie, une obligation de faire, certaine dans son principe, mais dont l'exécution est nécessairement échelonnée sur plusieurs exercices.

7Le Conseil d'État a énoncé, dans les considérants de ses arrêts, un principe très large suivant lequel les entreprises peuvent déduire de leur résultat fiscal, par voie de provisions, les sommes destinées à faire face au paiement d'une quelconque des charges énumérées notamment aux 1° et 4° de l'article 39-1 du CGI qu'elles n'auront à supporter qu'ultérieurement, sous réserve que ces charges puissent être regardées comme nettement précisées, évaluées avec une approximation suffisante, probables et se rattachant aux opérations déjà effectuées.

Toutefois, l'application de ce principe se trouve exclue le plus souvent en matière de charges « normales et annuelles », du fait que l'appréciation de ces charges est rendue difficile en raison de leur nature propre. Tel est le cas, en règle générale, des dépenses courantes exposées à l'occasion de travaux de réparations et d'entretien (cf. 4 E 2352 ) qui, le plus souvent, ne se rattachent pas à un événement précis survenu au cours de l'exercice mais à la dégradation lente et progressive de certaines immobilisations ou matériels (CE, arrêts du 30 janvier 1939, n° 61712, RO, p. 48 et 28 juin 1961, n° 33758, RO, p. 393).

8De telles dépenses ne peuvent donc, normalement, être imputées que sur les résultats de l'exercice au cours duquel elles sont exposées, remarque étant faite qu'il n'est dérogé à cette règle que dans deux situations particulières :

- lorsque les circonstances ont fait obstacle de manière insurmontable à l'exécution des travaux (cf. 4 E 2352, n°s 6 à 8 ) ;

- ou, s'il s'agit de travaux de gros entretien qui ne se répètent pas annuellement et dont le montant revêt un caractère exceptionnel (cf. 4 E 2352, n°s 13 et suiv. ).

 

1   Il convient toutefois de noter que cette jurisprudence avait été rendue sans effet en matière de congés payés par l'article 25 de la loi du 9 juillet 1970, codifié au 3e alinéa de l'article 39-1-1° du CGI (cf. ci-après 4 E 2212 n° 1 ) avant l'intervention de la du 30 décembre 1986 (cf. 4 E 2213 ).

2   L'expression « céder des biens » utilisée par le Conseil d'État doit être interprétée comme visant la cession de marchandises.

3   A noter que l'Administration admettait la déduction d'une provision pour faire face au paiement ultérieur de la taxe d'apprentissage ou de la taxe sur les salaires versés au cours de l'exercice.

4   Il est précisé qu'aucune interdiction de prendre en charge la retenue à la source n'était édictée à l'époque à l'encontre des sociétés en ce qui concerne les bons de caisse. Actuellement, voir article 1672 bis du CGI.