SECTION 3 DISTRIBUTIONS CONSÉCUTIVES À LA DISSOLUTION DE LA SOCIÉTÉ
SECTION 3
Distributions consécutives à la dissolution de la société
1La dissolution de la société entraîne la disparition de la personne morale que la société avait constitué jusqu'alors.
Cette disparition de la personne morale peut intervenir à la suite d'une dissolution proprement dite (qu'elle soit volontaire ou forcée) ou encore à la suite d'une fusion avec une autre société. À la dissolution proprement dite on doit, au point de vue fiscal, assimiler, dans certains cas, les opérations qui modifient le régime fiscal auquel la société était assujettie jusque-là (cf. ci-dessus 4 J 1225 à 1228).
2En fin de société, toutes les attributions faites aux associés sont considérées comme des revenus distribués dans la mesure où elles ne correspondent pas au remboursement aux associés des apports réels qu'ils ont faits à la société ou des sommes qui sont assimilées à des apports réels. Autrement dit toutes les attributions qui correspondent au boni de liquidation sont soumises à l'impôt (cf. ci-dessous 4 J 1231 ).
Toutefois, l'imposition du boni de liquidation ne peut pas être établie immédiatement après la dissolution, lorsque la personne morale subsiste encore pour les besoins de la liquidation.
3L'existence d'une liquidation est une question de fait.
Certaines circonstances sont exclusives de toute mise en liquidation et entraînent donc la perception immédiate des impositions frappant les revenus distribués. On peut citer notamment la création, immédiatement après la dissolution de la société, d'une société nouvelle ayant pour objet l'exploitation des biens de la société dissoute ; cette circonstance se rencontre dans tous les cas où la dissolution de la société est la conséquence de modifications statutaires jugées incompatibles avec la persistance de la personne morale (transformation fiscalement assimilée à une cessation d'entreprise, par exemple) ou encore en cas de prorogation d'une société dissoute par l'échéance du terme (cf. ci-dessus 4 J 1228, n°s 4 et suiv. ) ou encore en cas de transfert à l'étranger (cf. ci-dessus 4 J 1228, n°s 12 et 13 ).
4Dans un arrêt du 6 octobre 1971 (req. n° 78967), le Conseil d'État a examiné le cas de l'associé-gérant d'une société à responsabilité limitée dont l'objet est la vente au détail d'articles de bonneterie ayant procédé avec son coassocié, également gérant, aux opérations suivantes :
- augmentation du capital de la société et attribution des parts créées à cinq nouveaux associés, lesquels sont les principaux actionnaires d'une société se livrant au commerce des chaussures ;
-transformation, deux jours plus tard, en société anonyme et extension de l'objet social à la vente au détail de chaussures, activité qui représentera, dès l'année suivante, la presque totalité du chiffre d'affaires ;
- cession par les deux anciens associés, dans les quelques jours qui suivent, de la totalité de leurs titres aux nouveaux associés.
Jugé que l'Administration doit être regardée comme ayant apporté la preuve, dont elle a, en l'espèce, la charge, que, sous l'apparence d'une cession de droits sociaux, les intéressés ont en fait, organisé le transfert de l'actif de la société à responsabilité limitée à une nouvelle personne morale et procédé à la liquidation de ladite société. Décidé, en conséquence, que les sommes reçues par les deux anciens associés en remboursement de leurs droits sociaux doivent, dans la mesure où elles excédent le montant de leurs apports, être considérées comme constituant un boni de liquidation passible, comme tel, de l'impôt sur le revenu des personnes physiques conformément aux dispositions des articles 112 et 161 du CGI.
Il est précisé que cet arrêt a été rendu sous le régime applicable depuis l'entrée en vigueur de l'article 41 de la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963 (art. 1649 quinquies B du CGI, transféré à l'art. L. 64 du LPF).
5En outre, la Haute Assemblée a examiné le cas d'une société en commandite simple, dissoute par décision de justice, que ses anciens membres ont néanmoins cru pouvoir transformer en société anonyme plusieurs années après, doit être regardée comme ayant continué à subsister en tant que personne juridique pour les seuls besoins de sa liquidation jusqu'à la date de sa transformation.
Par suite, cette transformation comportant la création d'un être moral nouveau 1 , c'est à bon droit que les associés, qui ont nécessairement appréhendé les biens de l'ancienne société en commandite simple avant de les apporter à la société anonyme, ont été imposés à l'impôt sur le revenu en vertu de l'article 161 du CGI, chacun à raison de la fraction du boni de liquidation correspondant à ses droits sociaux (CE, arrêt du 30 octobre 1974, req. n° 91126).
6Il n'est pas non plus possible de poser des règles précises permettant de déterminer à quel moment exact prend fin la liquidation d'une société. La question doit être résolue en fait, après examen des circonstances propres à chaque affaire.
Il a été jugé que la liquidation devait être réputée terminée dans les cas suivants :
- lorsque les anciens associés agissent dans les actes en qualité de copropriétaires de l'actif social ;
- lorsque toutes les opérations de liquidation proprement dites ayant été effectuées, il ne reste plus qu'une répartition matérielle du reliquat à faire entre les associés.
7Des réponses ministérielles ont posé en règle que les impositions frappant les revenus distribués sont exigibles du seul fait de la disparition de l'être social, même si les associés s'abstiennent de procéder au partage de l'actif, et demeurent copropriétaires indivis du patrimoine social.
Nous examinerons successivement la définition et les modalités d'imposition du boni de liquidation.
SOUS-SECTION 1
Définition du boni de liquidation
1Le boni de liquidation s'entend, au point de vue fiscal, de la différence entre, d'une part, le produit net de la liquidation et, d'autre part, le montant des apports réels ou assimilés susceptibles d'être repris en franchise d'impôt.
2L'article 112-3° du CGI assimile aux apports :
- les réserves incorporées au capital antérieurement au 1er janvier 1949 ;
- le capital amorti, à concurrence de la fraction ayant, lors de l'amortissement, supporté l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières ou l'impôt sur le revenu ;
- les sommes incorporées au capital ou aux réserves (primes de fusion) à l'occasion d'une fusion antérieure au 1er janvier 1949 si et dans la mesure où elles ont supporté, à raison de la fusion, l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières ou la taxe additionnelle au droit d'apport.
Le boni de liquidation imposable de ces sociétés doit être déterminé dans les conditions de droit commun précisées ci-après 4 J 1232 .
Toutes les attributions qui excédent la masse des apports ou sommes assimilées non déjà remboursées en franchise, doivent supporter l'impôt frappant les revenus distribués.
3Toutefois, contrairement à ce qui se passe en cours de société, les attributions faites aux associés au moment de la dissolution sont censées s'appliquer, en premier lieu, au remboursement des apports ou des sommes assimilées. Autrement dit, si la répartition de l'actif a lieu en plusieurs fractions, les premières doivent être réputées avoir pour objet le remboursement des apports, l'impôt n'étant appliqué au boni de liquidation qu'après ce remboursement. Il est en effet légitime dans ce cas, que les actionnaires soient réputés retirer leur mise sociale en priorité, car au moment des premières attributions, la liquidation n'étant en général pas totalement achevée, on ignore si et dans quelle mesure d'autres répartitions interviendront.
A. ATTRIBUTIONS SUSCEPTIBLES D'ÊTRE REPRISES EN FRANCHISE D'IMPÔT
4Conformément aux dispositions des articles 112-3° et 159 du CGI les associés peuvent reprendre en franchise d'impôt, lors de la dissolution de la société, le montant de leurs apports réels ou assimilés, qu'il s'agisse du capital proprement dit ou des primes d'émission (cf. ci-dessus n°s 1 et 2 ).
5Si, au cours de la société, le capital a été réduit par suite de pertes, les associés peuvent retirer en franchise d'impôt une somme égale au capital abandonné, réserve faite toutefois, du cas où la réduction opérée sur une fraction du capital provenant d'une incorporation de réserves ou d'une prime de fusion dont le remboursement ne serait pas dispensé de toute imposition.
6De même ne doivent pas être soumises à l'impôt, les attributions faites en compensation d'un capital provenant d'apports réels ou de sommes assimilées qui, lors de son remboursement, a été soumis aux impositions frappant les revenus distribués par suite de l'existence de bénéfices ou de réserves non distribuées.
B. ATTRIBUTIONS IMPOSABLES
7En fin de société, toutes les attributions autres que celles qui viennent ainsi d'être énumérées constituent le boni de liquidation et doivent supporter les impositions frappant les revenus distribués.
Sont imposables notamment :
a. Les réserves de toute nature figurant en tant que telles au bilan.
b. Les réserves incorporées au capital depuis le 1er janvier 1949 2 .
Qu'il intervienne en cours ou en fin de société, le remboursement de ces réserves constitue toujours une distribution de revenus.
c. Les bénéfices incorporés au capital depuis le 1er janvier 1949 2 .
L'incorporation directe de bénéfices au capital est, par application de l'article 113 du CGI, assimilée à une capitalisation de réserves.
En conséquence, les remboursements en fin de société, de bénéfices directement incorporés au capital depuis le 1er janvier 1949 2 , donnent lieu aux impositions frappant le remboursement de réserves capitalisées depuis la même date.
d. Les sommes incorporées au capital ou aux réserves (primes de fusion ou de scission) à l'occasion d'une fusion ou d'une opération assimilée réalisée depuis le 1er janvier 1949 2 ou à l'occasion d'une fusion antérieure au 1er janvier 1949 2 dans le cas où cette opération n'a supporté ni l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières ni la taxe additionnelle au droit d'apport (cf. ci-dessus 4 J 1225, n°s 15 à 18 ).
e. Les bénéfices d'exploitation non encore imposés.
f. Les bénéfices dont l'imposition a été différée (provisions, décotes sur stocks, réserves spéciales de réévaluation, plus-values exonérées sous condition de remploi, etc.).
g. Les plus-values réalisées ou constatées sur les divers éléments de l'actif social et résultant de la différence entre le prix de cession de ces biens (ou leur valeur réelle, lorsque les éléments sont directement transférés dans le patrimoine personnel des associés) et leur valeur comptable ; ces plus-values doivent être comprises dans le boni de liquidation même si elles ont bénéficié d'un taux réduit pour le calcul de l'impôt sur les sociétés.
1 Dans un souci d'harmonisation avec le droit privé (art. 1844-3 du code civil) il est fait désormais référence à la création d'une personne morale nouvelle et non à la création d'un être moral nouveau.Sur la notion de création d'une personne morale nouvelle, cf. 4 H 621.
2 En ce qui concerne les sociétés de capitaux dont le siège a été transféré d'Algérie en France après l'indépendance, la date du 31 mai 1953 se substitue à celle du 1er janvier 1949 (RM n° 16242 LAURIOL, JO déb. AN 30 mai 1975 p. 3417).