CHAPITRE 3 PAIEMENT DES DROITS
CHAPITRE 3
PAIEMENT DES DROITS
SECTION 1
Généralités
1En matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et de taxes additionnelles à ces droits et taxe, un seul comptable (le receveur des impôts ou le conservateur des hypothèques, suivant le cas) établit à la fois l'assiette et la liquidation de l'impôt et procède à son recouvrement.
2En vertu des dispositions de l'article 1701 du CGI, les droits appliqués aux actes et aux mutations par décès sont payés avant l'exécution de la formalité de l'enregistrement, de la publicité foncière ou de la formalité unique, aux taux et quotités fixés par la loi.
Nul ne peut en différer le paiement ou en atténuer le montant pour quelque autre motif que ce soit, même en cas de contestation. En revanche, le demandeur peut solliciter une restitution s'il y a lieu, le moment venu.
Le paiement de l'impôt est donc préalable à l'accomplissement de la formalité et indivisible comme cette dernière.
Les assujettis doivent, sous peine de refus de la formalité, acquitter la totalité des droits réclamés par le receveur ou le conservateur des hypothèques qui tient de la loi un pouvoir discrétionnaire en premier ressort.
3Il existe toutefois des dérogations à la règle du paiement immédiat de l'impôt, notamment dans les cas suivants : paiement fractionné ou différé (CGI, art. 1717 et suiv., cf. ci-après 7 A 432 ) ; enregistrement en débet (cf. ci-après 7 A 53 ) ; exigibilité des pénalités. Dans ce dernier cas, lorsqu'une demande en remise est formulée, l'administration a prescrit d'enregistrer immédiatement l'acte ou la déclaration comme si la totalité des droits exigibles était versée.
4Le paiement des droits doit être effectif, autrement dit réalisé en espèces ou par un mode de règlement assimilé. Le paiement par compensation avec une créance sur l'État n'est pas admis. Cependant dans certains cas, les droits peuvent être acquittés en valeurs du Trésor (CGI, art. 1715 et suiv.) ou par la remise d'oeuvres d'art (CGI, art. 1716 bis , et annexe II, art. 310 G et 384 A). [Ces divers points sont commentés dans la DB 12 A].
Le CGI règle, en matière de paiement des droits, deux situations distinctes :
1° L'obligation au paiement, c'est-à-dire la détermination des personnes tenues d'acquitter l'impôt contre lesquelles le Trésor peut exercer une action en recouvrement ; cette obligation a été largement étendue, notamment par l'obligation faite aux officiers publics de faire l'avance des droits exigibles sur leurs actes et par l'institution de la solidarité des parties (cf. ci-après, n°s 5 et suiv. ) ;
2° La contribution au paiement, c'est-à-dire la quotité pour laquelle chacun des intéressés doit rester définitivement débiteur de l'impôt (cf. ci-après, n°s 23 et suiv. ).
A. OBLIGATION AU PAIEMENT
I. Actes sous seing privé
5 Toutes les parties ayant figuré à ces actes sont solidaires pour le paiement des droits (CGI, art. 1705-5° ).
Par ailleurs, la partie présentant l'acte à l'enregistrement est obligée d'acquitter l'intégralité des droits dès lors que la formalité est indivisible, à charge pour elle de se retourner contre les divers intéressés pour être remboursée de ses frais en sus.
Ainsi, la clause d'un acte mettant les droits à la charge d'une partie déterminée n'est pas opposable à l'administration.
6Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les parties à un acte sont solidaires pour le paiement non seulement des droits à percevoir lors de la formalité, mais encore des suppléments de droits dont l'exigibilité est établie ultérieurement.
Àcet égard, il a été jugé que :
7-à l'occasion d'un redressement opéré, à raison d'opérations contenues dans un acte de partage, la totalité des sommes dues du fait de ce redressement pouvait être réclamée à un seul copartageant (Cass. com., arrêt du 23 mai 1973, affaire X... ; RJ III, p. 86) ;
8- en vertu de l'article 1705 du CGI toutes les parties qui ont figuré dans un acte sont tenues solidairement des droits d'enregistrement auxquels cet acte est soumis ; l'article 1712 du même code a pour objet de régler le recours des parties entre elles à l'occasion du paiement des droits. Il s'ensuit que le service peut notifier un redressement à l'un quelconque des débiteurs solidaires de la dette fiscale, chacun d'eux pouvant opposer à l'administration, outre les exceptions qui lui sont personnelles, toutes celles qui résultent de la nature de l'obligation ainsi que celles qui sont communes à tous les débiteurs (Cass. com., arrêt du 15 mars 1988, aff. X... , Bull. Civ IV, n°109, p 76 et Cass. Com., arrêt du 16 mai 1995, Bull. IV, n° 146, p.131).
Observations. - Ces arrêts confirment la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation (cf. Com., 23 mai 1973, affaire X... ; cf. ci-dessus, n° 7 ; rapproch. Com., 6 mars 1985, Bull. IV, n° 88, RJ, n° 26).
Cela étant, d'une manière générale, il convient d'adresser, en matière d'enregistrement et de taxe de publicité foncière, les notifications de redressements aux personnes désignées par l'article 1712 du CGI comme devant supporter finalement le paiement des droits. Il s'agit :
- du nouveau possesseur (acquéreur, locataire ...) en cas de mutation constatée par acte civil ou judiciaire ;
- de la partie à laquelle l'acte profite dans les autres cas.
Toutefois, la notification devra être adressée à une personne autre que celles visées à l'article 1712 précité lorsque :
- le rehaussement fait suite à la vérification de la comptabilité du cédant ;
- le nouveau possesseur ou la personne à qui l'acte profite s'avère insolvable à la date du contrôle des actes.
9Lorsqu'un acte contient plusieurs dispositions indépendantes et donnant ouverture à des droits distincts, les suppléments de droits qui frappent chaque disposition ne peuvent être réclamés qu'aux personnes que cette disposition intéresse.
II. Actes notariés
10L'obligation des parties est la même à l'égard des actes notariés. Mais le notaire est tenu de faire l'avance des droits, sauf s'il engage un recours contre les parties (CGI, art. 1705-1° et 1711 ). Il doit, au moment du dépôt des actes au bureau, verser les droits réclamés par le receveur ou le conservateur et son obligation s'étend à toutes les perceptions dont chacun de ses actes forme le titre.
11Ainsi, il a été jugé qu'en vertu de l'article 635-1-1° du CGI, les actes des notaires doivent être enregistrés dans le délai d'un mois à compter de leur date, et aux termes de l'article 1705-1° du même code, les droits des actes à enregistrer sont acquittés par les notaires pour les actes passés devant eux.
Les droits qui doivent être ainsi payés sont ceux qui résultent des dispositions fiscales en vigueur au jour de la présentation à la formalité applicables aux actes considérés. La circonstance que le régime fiscal en cause ait été rétroactivement modifié entre la date de l'acte et celle de la présentation est inopérante en ce qui concerne l'obligation de paiement pesant sur les notaires (Cass. com., arrêt du 15 mars 1988, Bull. IV, n° 107, p.75 ; cf. ci-avant 7 A 221, n° 4 ).
12Si une annexe d'actes obligatoirement soumis à l'enregistrement est jointe à un acte relevant de son ministère, le notaire est personnellement responsable des droits et amendes exigibles sur ces actes. Cette responsabilité n'est toutefois que subsidiaire (CGI, art. 862).
En revanche, il n'est pas tenu d'avancer les droits dont l'exigibilité est simplement révélée par un de ses actes (par exemple, les droits dus sur une mutation secrète de propriété révélée incidemment par les énonciations d'un acte notarié).
13Il y a lieu d'ajouter que l'obligation de faire l'avance des droits cesse pour le notaire aussitôt que la formalité est effectuée. Dès lors, quand le comptable des impôts procède à une perception insuffisante, il ne peut plus s'adresser qu'aux parties pour le recouvrement des droits supplémentaires exigibles.
14Enfin, l'obligation faite aux notaires d'avancer les droits exigibles sur les actes de leur ministère vise exclusivement les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière. De ce fait, les notaires ne sont pas tenus de faire l'avance de la TVA due à raison de la cession de certains immeubles ou droits sociaux.
III. Actes extrajudiciaires
15Ces actes sont soumis à des règles semblables à celles exposées pour les actes notariés (CGI, art. 1705-2° ).
IV. Actes judiciaires
16Les greffiers sont tenus de présenter à l'enregistrement les arrêts et jugements et les actes au greffe, et d'acquitter, en même temps, les droits correspondants (CGI, art. 1705-3° ).
Toutefois, pour les arrêts et jugements rendus à l'audience, si le montant des droits ne leur a pas été consigné par les intéressés, les greffiers peuvent s'affranchir de toute responsabilité en déposant au bureau, dans les dix jours de l'expiration du délai légal un extrait de l'acte (CGI, art. 1706 et 1840 D).
Le recouvrement des droits simples et de la pénalité est alors poursuivi contre les parties qui sont solidaires vis-à-vis du Trésor (CGI, art. 1707 ).
Si le greffier ne délivre pas l'extrait, il encourt de ce chef une amende de 100 F et est, en outre, responsable des droits simples exigibles et débiteur de la pénalité (CGI, art. 1840 D).
V. Actes administratifs
17Les droits doivent être acquittés par les fonctionnaires qui ont rédigé ces actes (CGI, art. 1705-4° ).
Àdéfaut de consignation des droits par les parties, ces fonctionnaires peuvent s'affranchir de toute responsabilité en déposant un extrait des actes. Le recouvrement est alors poursuivi contre les parties tenues solidairement (CGI, art. 1840 D).
L'extrait doit être déposé dans les dix jours de l'expiration du délai légal (CGI, art. 1840 D). Il leur en est délivré recépissé.
VI. Mutations verbales entre vifs
18Le principe de la solidarité s'étend également aux mutations verbales, sous la condition cependant que la mutation soit prouvée à l'encontre des deux contractants.
VII. Mutations par décès
19 Les droits de mutations par décès sont payés par les héritiers, donataires ou légataires.
Les cohéritiers sont solidaires (CGI, art. 1709 ).
C'est ainsi que l'héritier sous bénéfice d'inventaire est tenu solidairement au paiement des droits, comme l'héritier pur et simple (Bône, 20 avril 1940).
De même, lorsque les droits dus sur un legs ont été mis par le testateur à la charge de la succession, cette disposition n'est pas opposable à l'administration qui peut réclamer au légataire le paiement des droits exigibles sur son legs (Cass., 4 juin 1924).
Depuis la réforme réalisée par l'ordonnance du 23 décembre 1958, le conjoint survivant est considéré comme un héritier et il devient solidaire des autres héritiers pour le paiement des droits de mutation par décès.
Les cohéritiers (au nombre desquels il faut compter le conjoint survivant, s'il vient à la succession par le seul effet de la loi) étant solidaires, la notification de redressements faite à l'un d'eux vaut à l'égard des autres.
Dès lors, l'administration n'est pas tenue de notifier le redressement auquel elle entend procéder à tous les débiteurs solidaires de la dette fiscale, chacun d'eux pouvant opposer au service, outre les exceptions qui lui sont personnelles, toutes celles qui résultent de la nature de l'obligation ainsi que celles qui sont communes à tous les codébiteurs.
Il a donc été considéré que le tribunal qui a retenu qu'aucun texte ne permet de notifier un redressement à un seul des héritiers pour l'ensemble des cohéritiers a violé l'article 1709 du CGI, ainsi que l'article 1203 du Code civil (Cass. com., arrêt du 23 juin 1987, aff. X... , Bull. Civ. IV n° 159, p 120).
20La solidarité n'existe pas entre les héritiers et les légataires même universels, ni entre les légataires.
Il n'y a pas solidarité entre l'ascendant, le descendant ou le conjoint d'un militaire ou civil victime de la guerre et les autres héritiers (CGI, art. 1710).
VIII. Dispositions particulières
21 Certaines dispositions particulières visant le paiement des compléments de droits et pénalités exigibles en cas de non-respect des engagements pris par les redevables pour l'obtention de mesures fiscales de faveur dérogent au principe de la solidarité des parties.
Il en est ainsi notamment à l'égard :
- des acquisitions de terrains à bâtir (CGI, art. 691 et 1840 G ter ) ;
- des acquisitions d'immeubles destinés à l'habitation (CGI, art. 710 et 1840 G quater ) ;
- des acquisitions réalisées par les preneurs de baux ruraux (CGI, art. 705-I et II et 1840 G quater A) ;
- des acquisitions de bois et forêts (CGI, art. 703 et 1840 G bis ) ;
- des acquisitions immobilières réalisées dans le cadre des dispositifs spéciaux relatifs à l'aménagement et au développement du territoire, à l'amélioration des structures des entreprises et au développement de la recherche scientifique et technique (CGI, art. 697 et 1756-1). Dans une telle situation, seule l'entreprise bénéficiaire des mesures fiscales de faveur, entreprise exploitante ou société absorbante le cas échéant, peut être recherchée en paiement du complément de droits et pénalités exigibles.
IX. Indication du montant des droits payés au Trésor
22Les états de frais dressés par les avoués, avocats, huissiers, notaires, commis doivent faire ressortir distinctement, dans une colonne spéciale et pour chaque débours, le montant des droits de toute nature payés au Trésor (CGI, art. 865).
Cette disposition a pour but de permettre aux parties de connaître précisément la part de l'impôt dans le montant total des frais.