Date de début de publication du BOI : 10/08/1998
Identifiant juridique : 13O3111
Références du document :  13O31
13O311
13O3111

CHAPITRE PREMIER COMPÉTENCE DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF


CHAPITRE PREMIER

COMPÉTENCE DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF


La compétence des tribunaux administratifs se définit tant au regard de la matière en litige (compétence « ratione materiae » : sect. 1) qu'au point de vue territorial (compétence « ratione loci » : sect. 2).

En outre, pour remédier aux inconvénients et incertitudes que les problèmes de compétence font parfois peser sur les instances engagées devant les juridictions administratives, une procédure de règlement appropriée a été instituée (sect. 3).


SECTION 1

Compétence « ratione materiae »


L'article L. 3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel pose en principe que les tribunaux administratifs sont, en premier ressort et sous réserve d'appel, juges de droit commun du contentieux administratif 1 .

Toutefois, en matière fiscale, les tribunaux administratifs ne statuent que sur les contestations relatives aux impôts, contributions, droits et taxes pour lesquels une disposition législative n'a pas expressément exclu leur compétence.

D'une manière générale, cette compétence est fixée :

- soit par une disposition formelle du LPF : ainsi, l'article L 199 du LPF prévoit que les tribunaux administratifs sont compétents en matière d'impôts directs 2 et de taxes sur le chiffre d'affaires ou taxes assimilées 3  ;

- soit par une référence aux règles du CGI ou du LPF incluse dans les lois relatives aux impôts ou taxes nouvellement instituées : cf. par exemple, l'article 1723 sexies du CGI en matière de taxe locale d'équipement et l'article 1723 ter-A du CGI pour ce qui est de la taxe sur les défrichements des bois et forêts.

La compétence « ratione materiae » des tribunaux administratifs et ses limites sont illustrées par une jurisprudence abondante. À de nombreuses reprises, le Conseil d'État a été, en effet, appelé à se prononcer sur les contestations que peut connaître la juridiction administrative (cf. 13 O 3111 ) et celles qui relèvent d'une autre juridiction (cf. 13 O 3112 ).


SOUS-SECTION 1

Contestations relevant de la compétence
de la juridiction administrative



  A. REGLES GÉNÉRALES CONCERNANT TOUS LES IMPÔTS


Le tribunal administratif a notamment qualité pour se prononcer :

• Sur la légalité des actes administratifs.

1La juridiction administrative est compétente pour connaître des réclamations fondées sur l'illégalité ou l'irrégularité substantielle des actes par lesquels les ressources communales sont votées, autorisées, réparties ou mises en recouvrement (CE, arrêt du 30 novembre 1928, n°s 96510 et 97030, X... , RO, 5264, Leb. chron., p. 1233, 2e esp.).

• Sur les exceptions opposées à l'action entrant dans sa compétence.

2Lorsqu'elle est saisie d'une action entrant dans sa compétence, la juridiction administrative a qualité pour se prononcer, le cas échéant, sur les exceptions opposées à cette action ; il n'en est autrement que s'il s'agit d'exceptions qui ressortissent à la compétence exclusive des tribunaux judiciaires ; seules les exceptions remplissant cette condition constituent des questions préjudicielles qui imposent à la juridiction administrative l'obligation de surseoir à statuer jusqu'à ce que lesdites questions aient été tranchées par le tribunal de l'ordre judiciaire compétent (Tribunal des conflits, arrêt du 23 novembre 1959, n° 1701, Sté Mayol, Arbona et Cie, RO, p. 511, Leb. chron., p. 872 et 939 ; CE, arrêt du 22 février 1960, n° 24187, SA X... et Cie, RO, p. 24, Leb. chron., p. 137).

• Sur certaines questions de nationalité.

3Ainsi, les prescriptions de l'article 124 du Code de la nationalité ne sont applicables qu'aux questions préjudicielles de nationalité concernant les personnes physiques. Les personnes morales ne pouvant exercer l'action principale en reconnaissance de nationalité française, ou d'extranéité prévue à l'article 129 du même Code, aucune disposition législative n'attribue aux tribunaux judiciaires une compétence exclusive pour se prononcer soit par voie principale, soit par voie de question préjudicielle sur la détermination de la nationalité des personnes morales (Tribunal des conflits, arrêt du 23 novembre 1959, cité ci-dessus).

Dès lors, la question de la nationalité d'une société doit être tranchée par la juridiction qui a compétence pour connaître de l'action à l'occasion de laquelle elle est soulevée et ne saurait constituer une question préjudicielle imposant à ladite juridiction l'obligation de surseoir à statuer (ibid.).

Mais la question de savoir quelle est la nationalité qui a pu être acquise par un contribuable à la suite de son mariage relève de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire. Lorsqu'une requête présente à juger une telle question, la juridiction administrative doit surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle ait été résolue par le tribunal compétent (CE, arrêt du 11 octobre 1954, n° 32335, dame X... , RO, p. 132, Leb. chron., p. 529).

4Sur l'interprétation d'une convention internationale : cf. 13 O 113 n° 20 et 1611 n° 16 .

• Sur les réclamations relatives aux poursuites.

5Il résulte des dispositions des articles L 281 et L 199 du LPF que les tribunaux administratifs sont habilités à connaître des contestations liées à l'exercice des poursuites pour le recouvrement des impôts directs, des taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées qui portent sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt.

Le contentieux des poursuites est étudié DB 12 C 231 à laquelle il convient de se reporter.

• Sur les contestations des syndics et liquidateurs portant sur le montant des droits réclamés au redevable en état de liquidation des biens ou de règlement judiciaire 4 .

6Jugé que, lorsque, dans une faillite (liquidation des biens) ou une liquidation judiciaire (règlement judiciaire), le syndic ou le liquidateur conteste le chiffre des droits réclamés au redevable, on ne se trouve pas en présence d'un simple incident de la faillite ou de la liquidation judiciaire pour lequel la juridiction consulaire serait compétente, mais d'un litige mettant en jeu les principes mêmes qui régissent la perception de l'impôt. Un tel litige soulève une question de la compétence exclusive de la juridiction administrative (Cass. civ, arrêt du 5 juin 1935, X... et faillite Brun Frères, Bull. n° 15, 1935, p. 199, TJCA 53007).

7 • Sur les litiges relatifs au remboursement des frais de constitution de garantie [solution implicite] (CE, arrêt du 26 juillet 1982, n° 25385).

8 • Sur la qualification d'une activité au regard de la loi fiscale (CE, arrêt du 20 janvier 1980, n°s 7235 et 7236).

9 • Sur la « taxe » de raccordement au réseau téléphonique (CE, arrêt du 21 mars 1980, n° 17795).

10 • Sur les litiges relatifs à la « taxe » de pacage sur les pâturages communaux (CE, arrêt du 7 mai 1980, n° 7747).

11 • Sur les redevances domaniales mises à la charge du concessionnaire d'un port de plaisance (CE, arrêt du 7 mai 1980, n° 5969).

12 • Sur les recours pour excès de pouvoir en matière gracieuse (CE, arrêt du 12 mai 1980, n° 21751 ; 15 octobre 1980, n° 17482 ; 15 octobre 1982, n° 23391 et 2 mars 1983, n° 26020).

13 • Sur le fait de déterminer si une société civile immobilière est passible ou non de l'impôt sur les sociétés (CE, arrêt du 28 novembre 1979, n° 10816).

14 • Sur une demande de sursis à exécution d'une décision de contrainte administrative prise par un comptable public pour poursuivre le recouvrement forcé d'une créance fiscale (CE, arrêts du 13 juin 1980, n°s 10219 et 11497, plénière).

15 • Sur le contentieux portant sur les droits perçus à l'occasion de la délivrance d'un permis de construire (CE, arrêt du 24 juillet 1981, n° 11573).


  B. RÈGLES PARTICULIÈRES CONCERNANT LES IMPÔTS DIRECTS


16Le tribunal administratif est notamment compétent :

- pour connaître des réclamations portant sur l'imposition des centimes additionnels communaux (CE, arrêt du 15 juin 1870, n° 44043, X... , RO, 2230, Leb. chron., p. 764). Mais, si un contribuable peut, à l'appui d'une demande en dégrèvement, contester la légalité de la mise en recouvrement de centimes additionnels spéciaux ou pour insuffisance de revenus en se fondant sur ce que les ressources recherchées auraient été appliquées à des dépenses contraires à la loi, il n'est pas recevable à contester par ce moyen la régularité de la perception de centimes ordinaires que le conseil municipal vote librement dans la limite de l'autorisation législative (CE, arrêt du 26 juillet 1946, X... , RO, p. 67) ;

- pour statuer sur la demande d'un contribuable tendant à faire ordonner son inscription au rôle de la contribution des patentes (actuellement taxe professionnelle) dès lors que ledit tribunal a qualité pour connaître de tous les litiges relatifs à l'existence ou au montant des impôts directs (CE, arrêt du 14 juin 1948, n° 77699, X... , RO p. 58, Leb. chron., p. 558) ;

- pour apprécier si un étranger qui possède une résidence en France y est ou non domicilié au sens de l'article 80 des lois codifiées par le décret du 15 octobre 1926 (CGI, ancien art. 164) [CE, arrêt du 22 mars 1937, n° 44935, RO, p. 192] ;

- et, de même, pour apprécier si un contribuable de nationalité française est ou non domicilié en France (CE, arrêt du 13 juillet 1962, n° 53373, RO, p. 156). En ce sens également, CE, arrêt du 11 mars 1970, n° 69588, RJ, n° III, p. 59 ;

- pour juger le litige d'ordre fiscal portant sur le lieu d'imposition d'une maison située sur la ligne séparative de deux communes dès lors qu'il n'existe, sur les limites mêmes des communes, aucune contestation présentant à juger une question préjudicielle (CE, arrêt du 23 mai 1960, n° 35333, demoiselle X... , RO, p. 89, Leb. chron., p. 964 et 974).

 

1   Voir toutefois les développements concernant le règlement des questions de compétence au sein de la juridiction administrative (cf. 13 O 313 ) et ceux relatifs à la connexité (cf. 13 O 344 ).

2   Le prélèvement institué par l'article 244 bis du CGI sur certains profits immobiliers réalisés par des personnes physiques ou morales n'ayant pas d'établissement en France a la même nature que l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés sur lequel il s'impute. Les litiges relatifs à ce prélèvement relèvent donc de la compétence du juge administratif (Tribunal des conflits, 18 mars 1991, n°s 2636 et 2637). Cette décision s'applique également aux prélèvements des articles 244 bis A et 244 bis B du CGI.

3   le 2ème alinéa du même article prévoit que le tribunal de grande instance est compétent en matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre et de taxes assimilées à ces droits ou taxes (cf. 13 O 411 ).

4   Régimes remplacés depuis le 1er janvier 1986 par celui du redressement et de la liquidation judiciaires des entreprises (loi n° 85-98 du 25 janvier1985).