SOUS-SECTION 2 COMMUNICATION DU DOSSIER AU CONTRIBUABLE
SOUS-SECTION 2
Communication du dossier au contribuable
1Le rapport par lequel l'administration soumet le différend qui l'oppose au contribuable à la commission départementale des impôts, ainsi que tous les autres documents dont l'administration fait état pour appuyer sa thèse (cf. DB 13 M 242 ) doivent, aux termes de l'article R* 60-1 du LPF, être tenus à la disposition du contribuable intéressé au secrétariat de ladite commission pendant le délai de vingt jours précédant la réunion de cette dernière.
En application de l'article L. 60 du LPF, cette communication doit être faite sous réserve du secret professionnel relatif aux renseignements concernant d'autres contribuables. Elle doit cependant porter sur les documents contenant des indications relatives aux bénéfices ou revenus de tiers, de telle manière que l'intéressé puisse s'assurer que les points de comparaison retenus par l'Administration visent bien des entreprises dont l'activité est comparable à la sienne.
2Ainsi, les avis ou décisions de la commission départementale ne sont opposables aux contribuables que dans la mesure où ces derniers ont été mis à même de connaître et, par suite, de critiquer les points avancés par l'Administration. La procédure devant la commission revêt en effet, un caractère contradictoire.
Jugé à cet égard que le caractère contradictoire inhérent à la saisine de la commission départementale est respecté lorsque le représentant, dûment mandaté, du contribuable a pris connaissance en temps utile des différents éléments du dossier qui a été soumis dix jours plus tard à la commission (CE, arrêt du 6 juin 1984, n° 37357).
Dans un arrêt du 10 octobre 1984 (n° 50393), le Conseil d'État a considéré que la mise du dossier à la disposition du contribuable pendant un délai inférieur à dix jours est sans influence sur la régularité de la procédure, dès lors que l'intéressé a été convoqué en temps utile et que son mandataire a eu la faculté de consulter le dossier avant la réunion de la commission.
Nota : Les deux arrêts susvisés ont été rendus avant l'intervention du décret n° 87-552 du 17 juillet 1987 qui a modifié l'article R* 60-1 du LPF en portant de dix à vingt jours le délai de tenue à la disposition du contribuable du rapport de l'administration et des autres documents visés à l'article L. 60 du LPF.
3Par contre, le forfait fixé par la commission départementale des impôts sans que le contribuable ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier et de faire connaître ses observations ne peut être regardé comme établi suivant une procédure contradictoire et les impositions correspondantes doivent être annulées.
4Le droit du contribuable de prendre connaissance de son dossier est exercé dans les locaux du secrétariat de la commission. En vue de faciliter l'exercice de cette prérogative, le directeur des Services fiscaux peut autoriser le secrétaire à délivrer un double ou une copie du rapport préparé par l'Administration et de ses annexes aux redevables qui présentent une demande écrite en ce sens au moins vingt jours avant la date fixée pour la réunion de la commission. Il convient alors de relever la date de réception de la demande ainsi que celle à laquelle elle a été satisfaite.
Mais cette mesure ne prive pas les redevables du droit de consulter sur place les documents mis à leur disposition.
A. CONTENU DE LA COMMUNICATION
I. Principes applicables
5a. Les documents à communiquer au contribuable sont ceux dont l'Administration fait état dans son rapport et au cours de l'examen de l'affaire par la commission.
Dès lors, la procédure est irrégulière, en principe, lorsque la commission statue au vu d'éléments ou pièces qui n'ont pas été portés à la connaissance du redevable. Il en est ainsi en cas de défaut de communication préalable à celui-ci :
- d'une liste de clients (CE, arrêt du 11 janvier1967, req. n° 64596, RJ, 2e partie, p. 5) ;
- de reproductions photographiques d'un livre confidentiel (CE, arrêt du 27 février 1967, req. n° 63620 et 69079, RJ, 2e partie, p. 55) ;
- de documents destinés à justifier des termes de comparaison (CE, arrêt du 6 octobre 1972, req. n°s 8167 et 81758, RJ, n° IV, p. 64).
6b. La communication à faire au redevable doit, en principe, être limitée au nom ou à la raison sociale des personnes ou sociétés choisies comme termes de comparaison, abstraction faite de toute indication susceptible de révéler directement ou indirectement, les bénéfices ou revenus des tiers intéressés.
C'est donc seulement si les termes de comparaison désignés sont suffisamment nombreux qu'il peut être fait état de moyennes, de pourcentages de bénéfices bruts ou nets, de rapports entre les rémunérations et le chiffre d'affaires et le bénéfice, etc.
Ainsi, lorsque à l'occasion d'un litige relatif à la rémunération d'un dirigeant de sociétés, l'Administration ne s'est pas bornée à communiquer à la commission départementale les noms des entreprises prises comme termes de comparaison mais lui a également fait connaître les rémunérations moyennes versées aux dirigeants desdites entreprises et des pourcentages faisant ressortir l'importance de ces dernières rémunérations par rapport à l'ensemble des salaires versés, l'avis émis par la commission, au vu de ces seuls renseignements doit être regardé comme régulier et, par suite, est opposable à la société, alors d'ailleurs que ladite commission n'a pas eu, en ce qui concerne les entreprises citées par l'Administration, connaissance d'autres renseignements qui n'auraient pas été communiqués à la société (CE, arrêt du 3 juillet 1970, req. n°s 72767 et 73391, RJ, n° IV, p. 103).
7En revanche, la commission ne pourrait pas prendre régulièrement en considération des chiffres retenus par l'Administration si celle-ci s'abstient d'indiquer l'identité des tiers concernés.
Il s'ensuit que, lorsque l'Administration produit devant la commission départementale des termes de comparaison de manière à établir le caractère exagéré des rémunérations servies par une société à ses dirigeants, elle est tenue de désigner nommément les entreprises choisies, dès lors qu'en ne faisant état que de données moyennes, elle ne méconnaît pas le secret professionnel. À défaut, la procédure suivie devant la commission est irrégulière, et l'avis rendu est inopposable à la société (CE, arrêt du 20 juin 1984, n° 24403).
Serait également irrégulière la communication de la seule identité desdits tiers à l'exclusion des renseignements chiffrés que l'Administration peut fournir sans violer le secret professionnel, tels que les moyennes et pourcentages visés ci-après au n° 14 et qui permettent au contribuable de s'assurer que les points de comparaison retenus visent bien des entreprises dont l'activité est comparable à la sienne (CE, arrêt du 11 mars 1966, req. n° 64340, RO, p. 111 et du 29 octobre 1969, req. n° 75852, RJ, 2e partie, p. 116).
Il en serait de même de la communication des seuls termes de comparaison, sans l'indication du montant moyen durant la période examinée, des chiffres d'affaires et des bénéfices annuels de chacune des entreprises dont l'activité est analogue à celle du contribuable (CE, arrêt du 7 mai 1980, req. n° 10160).
8Cette décision combine les règles de communication du dossier au contribuable qui sont prévues à l'article R* 60-1 du LPF avec celles relatives au secret professionnel et spécialement avec l'autorisation donnée à l'Administration par l'article L. 136 du même livre de communiquer à la commission départementale des éléments de comparaison extraits de déclarations d'autres contribuables.
À cet égard, le Conseil d'État s'inspire des dispositions de l'article L. 201 du LPF selon lesquelles les communications concernant les entreprises ou personnes nommément désignées ne doivent porter que sur des moyennes de chiffres d'affaires ou de revenus de façon à respecter le secret professionnel.
Il en déduit que l'Administration peut et donc doit faire état devant la commission de moyennes de chiffres d'affaires et de bénéfices calculées par entreprise retenue comme terme de comparaison et non pas seulement de moyennes globales pour l'ensemble des entreprises choisies.
L'application de cette méthode commande néanmoins que le choix des termes de comparaison porte sur un nombre suffisant d'entreprises, afin que les arguments avancés par l'Administration soient concluants.
Bien entendu, pour qu'il puisse être fait application de cette méthode sans risque de violation du secret professionnel, le service ne doit citer devant la commission départementale que des chiffres correspondant à la moyenne de résultats ou de bénéfices dégagée par chacune des entreprises citées comme termes de comparaison au cours d'une période portant sur au moins trois exercices consécutifs, même si la période en litige est plus courte.
En revanche, l'Administration ne pouvant mettre à même le contribuable de discuter isolément des conditions d'exercice de la profession propres aux tiers cités comme termes de comparaison, il ne peut pas être fait état devant la commission du montant moyen de rémunération annuelle allouée aux dirigeants ou salariés de chaque entreprise considérée isolément, alors même que ceux-ci ne seraient pas nommément désignés. Il convient seulement de procéder à des comparaisons à partir de moyennes globales de rémunérations versées à des personnes exerçant des fonctions comparables établies par groupe d'entreprises - choisies en nombre suffisant - présentant des caractéristiques voisines.
9Le secret professionnel interdit donc à l'Administration de faire état :
- de chiffres concernant directement un tiers dont l'identité est indiquée : c'est, dans ces conditions, à bon droit que l'Administration a refusé de communiquer à un contribuable, contestant le montant du bénéfice retenu pour son activité de chirurgien sous le régime de l'évaluation administrative, le total des frais professionnels admis pour son associé dans l'exercice de la même profession (CE, arrêt du 18 février 1976, req. n° 95566, RJ IV, p. 5).
Les renseignements chiffrés concernant des personnes ou entreprises nommément désignées, ne peuvent, en effet, être donnés qu'au tribunal administratif en chambre du conseil au cours d'une instance contentieuse, lorsque celui-ci a demandé à l'audience de les obtenir, pendant son délibéré, pour son intime conviction (LPF, art. L. 201, al. 2 ; cf. DB 13 O 3544 ).
- ou de moyennes établies à partir de termes de comparaison en nombre insuffisant.
10La Haute Assemblée a jugé également (CE, arrêt du 14 janvier 1983, n° 25233) que, pour assurer le caractère contradictoire du débat devant la commission départementale sans méconnaître le secret professionnel, l'Administration, lorsqu'elle fait état de termes de comparaison choisis parmi des entreprises dont l'activité est analogue, a le choix entre deux méthodes. Elle peut à cet égard :
- soit faire connaître le montant moyen, durant trois exercices, des chiffres d'affaires et des bénéfices annuels de chacune de ces entreprises nommément désignées ;
- soit indiquer, « pour chaque année proche ou contemporaine de l'année d'imposition », des moyennes constatées dans un nombre suffisamment important d'entreprises également nommément désignées.
Pour l'établissement de l'exagération des rémunérations allouées par les sociétés à leurs dirigeants ou principaux salariés, l'Administration ne doit, en toute hypothèse, fournir que des moyennes obtenues à partir de chiffres de rémunérations perçues par des personnes exerçant des fonctions comparables relevés dans plusieurs entreprises similaires.
Dans tous les cas, les entreprises choisies comme termes de comparaison doivent être nommément désignées. Néanmoins, dans la mesure où la comparaison des chiffres moyens par entreprise afférents à trois exercices au minimum est plus significative que celle consistant à faire état de moyennes globales, il conviendra, autant que faire se peut, d'appliquer le système le plus significatif.
11Enfin, par un arrêt du 26 novembre 1984 (n° 43366), le Conseil d'État a confirmé la jurisprudence de l'arrêt précité du 14 janvier 1983, tant en ce qui concerne la pertinence des termes de comparaison choisis pour démontrer le caractère exagéré des rémunérations allouées par une société à ses dirigeants ou à ses principaux salariés, que la comparaison du montant lui-même des rémunérations.
12L'attention est appelée sur la nécessité de procéder à un choix approprié des termes de comparaison à utiliser devant l'organisme paritaire.
Leur pertinence, qui est exigée par la jurisprudence du Conseil d'État comme preuve du bien-fondé de la comparaison (cf. notamment, arrêt CE, 1er février 1984, n°s 36508 et 36509), est subordonnée, en effet, à la condition qu'ils soient précis et adéquats (arrêt CE, 3 juin 1985, n°s 37749 et 37750).
Les entreprises retenues à ce titre doivent donc présenter des caractéristiques similaires ou, à tout le moins approchantes de celles de l'entreprise objet de la comparaison (cf. arrêt CE, 20 juin 1984, n° 25552).
En outre, les termes retenus doivent être fournis en nombre suffisant afin que la comparaison qu'ils servent à établir revête un caractère significatif.
13En ce qui concerne la comparaison du montant des rémunérations proprement dites, le service est tenu, de manière à pouvoir justifier la seule fraction de ces rémunérations qu'il se propose de regarder comme normale, de définir avec précision la nature et l'étendue des fonctions ou des missions exercées par le bénéficiaire desdites rémunérations et le rôle effectif joué par celui-ci au sein de l'entreprise au regard notamment de son développement et de l'accroissement de son chiffre d'affaires (cf. arrêts CE, 1er février 1984, n° 36508 précité ; 20 juin 1984, n°s 24402 et 24404 ; 20 juin 1984, n° 25252 précité ; 20 juin 1984, n° 36960 ; 3 octobre 1984, n°s 48928 et 50420 ; 3 juin 1985, n°s 37749 et 37750).
À partir de cette définition, il est nécessaire, pour mettre en évidence le caractère excessif des rémunérations attribuées, d'en comparer le montant avec celui des rémunérations versées aux dirigeants ou principaux salariés des entreprises retenues comme éléments de comparaison. Bien entendu, dans le cas où les rémunérations de plusieurs dirigeants d'une même entreprise sont remises en cause, il y a lieu de procéder à une démonstration distincte, c'est-à-dire d'individualiser, dirigeant par dirigeant, les rémunérations perçues par chacun d'eux. La globalisation des rémunérations acquises par les intéressés est dénuée de toute signification et de tout effet et ne pourrait qu'être sanctionnée par le juge de l'impôt.
À cet égard, afin de s'assurer une position solide, il est également indispensable de fournir toutes indications nécessaires sur la nature et l'importance des fonctions ou missions exercées par les dirigeants ou principaux salariés des entreprises ainsi choisies comme termes de comparaison (cf. arrêt CE, 20 juin 1984, n° 25252 précité). Les fonctions des cadres dirigeants de ces entreprises doivent, en effet, être similaires ou très voisines de celles exercées au sein de la société par la personne dont les rémunérations sont considérées comme excessives.
En tout état de cause, il convient de s'abstenir de désigner nominativement les personnes occupant les postes de dirigeants retenus pour l'établissement de la comparaison. Il suffira de « situer » ces postes en les décrivant (par exemple, directeur commercial de l'entreprise X, dont les fonctions consistent à ...).
Si ces renseignements peuvent être fournis sans risque d'enfreindre les règles du secret professionnel, la comparaison des rémunérations doit, cependant, être impérativement pratiquée d'après des moyennes annuelles globales établies par rapport aux rémunérations - dont il est fait masse - de l'ensemble des dirigeants retenus.
S'agissant de la méthode à appliquer pour l'établissement de cette comparaison, il est insisté sur la nécessité de pratiquer une comparaison année par année, qui seule peut être réellement significative.