SOUS-SECTION 4 EFFETS DE LA NOTIFICATION DE REDRESSEMENTS
SOUS-SECTION 4
Effets de la notification de redressements
1La notification de redressements comporte trois effets :
- elle interrompt le cours de la prescription applicable au droit de reprise de l'administration ;
- elle ouvre un délai de réponse de trente jours qui s'impose, en principe, tant au contribuable qu'à l'administration ;
- elle fixe les limites de l'imposition à établir à l'issue de la procédure.
A. INTERRUPTION DE LA PRESCRIPTION
I. Principe
2Aux termes de l'article L. 189 du LPF, la prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement.
Toutes les notifications de redressements régulièrement faites dans les conditions prévues à l'article L. 55 dudit livre interrompent donc la prescription.
Il en est de même depuis l'intervention de l'article 3-II de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977, codifié à l'article L. 76 du LPF pour les impositions d'office. En effet, sauf dans les cas prévus au 2e alinéa de l'article L. 67 du LPF, il y a lieu d'informer le contribuable des motifs de la procédure retenue ainsi que des bases ou des éléments servant au calcul des impositions arrêtées d'office, qu'il s'agisse de taxation ou d'évaluation d'office (cf. DB 13 L 1551, n os90 et suiv. ).
3II suffit, pour que la prescription soit interrompue, que la notification parvienne au redevable au plus tard le jour de l'expiration du délai de reprise, c'est-à-dire, sous réserve du cas où serait applicable la prescription décennale dont le délai est calculé de quantième à quantième, au plus tard le 31 décembre de la dernière année de ce délai. Toutes les précautions utiles devront être prises par le service pour que la notification, qu'elle soit faite par la poste ou directement, puisse être considérée comme réalisée à cette date.
Nota : La remise directe le 31 décembre interrompt valablement la prescription alors même que la notification par voie postale, effectuée parallèlement, ne serait parvenue que le 2 janvier (CE, arrêt du 1er décembre 1982, req. n° 27387).
4En revanche, la prescription ne peut être regardée comme interrompue :
- par une notification contenue dans un pli recommandé remis à la poste le 30 décembre de l'année d'expiration du délai de répétition, alors que c'est seulement le 2 janvier de l'année suivante que l'administration des postes a laissé au domicile du contribuable un avis l'informant que la lettre dont il s'agit était à sa disposition au bureau de poste (CE, arrêt du 5 octobre 1973, req. n° 87519, RJ, n° IV, p. 103) ;
- par une notification expédiée par lettre recommandée le 30 décembre de l'année d'expiration du délai de répétition, qui a été présentée au domicile du contribuable le lendemain, mais qui, en l'absence de ce dernier, n'a pas donné lieu de la part du préposé des postes au dépôt d'un avis d'instance et n'a été effectivement délivrée au redevable que le 2 janvier de l'année suivante (CE, arrêt du 21 novembre 1973, req. n° 87265, RJ, n° IV, p. 119).
• Notifications successives.
À l'intérieur du délai de reprise, l'administration a la possibilité de notifier successivement plusieurs redressements. Le délai, dont elle dispose ensuite pour mettre en recouvrement l'ensemble des impositions supplémentaires, court à compter de la dernière notification (dernier acte interruptif de prescription).
Par ailleurs, une notification de redressement reçue avant l'expiration du délai de reprise interrompt valablement la prescription même si elle a été remplacée ensuite par une nouvelle notification (CAA Nantes, arrêt du 9 février 1994, n° 92469).
II. Conséquences
1. Ouverture d'un nouveau délai de reprise.
a. Principe.
5 Conformément au droit commun, l'interruption de la prescription a pour conséquence de faire courir, à compter de la date où la notification a été effectuée, un nouveau délai de même nature et de même durée que celui qui a été interrompu.
La durée de ce nouveau délai est donc toujours égale à celle du délai de reprise applicable au cas d'espèce et a pour point de départ l'année au cours de laquelle la notification est effectuée.
6L'imposition supplémentaire consécutive aux redressements notifiés doit donc être mise en recouvrement avant l'expiration du délai susvisé, faute de quoi la prescription est acquise au contribuable.
C'est ainsi qu'une notification de redressements intervenue le 15 mars 2000 en matière d'impôts sur les revenus ou taxes sur le chiffre d'affaires et portant sur l'année 1998 a ouvert un nouveau délai venant à expiration le 31 décembre 2003.
La mise en recouvrement de l'imposition correspondant à cette notification devra intervenir au plus tard le 31 décembre 2003.
7En ce qui concerne la date de mise en recouvrement, il y a lieu de retenir la date effective de mise en recouvrement du rôle telle qu'elle a été fixée par décision administrative (CGI, art. 1659) ou la date de notification de l'avis de mise en recouvrement.
L'attention des agents est appelée sur l'intérêt qui s'attache à ce que, dans la pratique, les impositions afférentes à des redressements notifiés dans le délai de reprise soient mises en recouvrement à une date aussi proche que possible de celle de la notification desdits redressements.
L'émission d'impositions supplémentaires s'appliquant à plusieurs années successives et atteignant un chiffre élevé peut, toutefois, être échelonnée pour permettre à un contribuable éprouvant des difficultés de paiement d'acquitter l'intégralité de sa dette mais il convient, dans ce cas, de veiller à ce que, pour chacune des années considérées, la date de mise en recouvrement prévue soit largement antérieure à celle de l'expiration du délai de prescription qui a commencé à courir à compter de la notification.
Cet échelonnement peut être accordé à la demande des contribuables, par priorité à ceux dont la bonne foi est reconnue et si les droits du Trésor sont suffisamment garantis, sur une durée qui ne saurait normalement excéder dix-huit mois.
Bien que les autres contribuables ne soient pas systématiquement exclus du bénéfice de cette mesure, pour autant qu'il n'en résulte pas de risque accru d'insolvabilité pour le Trésor, le service est invité à se montrer plus strict dans l'octroi des mesures d'échelonnement à l'égard des redevables de mauvaise foi.
En cas de circonstances exceptionnelles, la période pourra être étendue à deux ans.
b. Cas particuliers.
1° Omissions révélées en matière d'impôts directs et de taxes assimilées par une réclamation contentieuse ou par une instance devant les tribunaux (cf. LPF, art. L. 170 ; DB 13 L 1212, n os12 et suivants ).
8Le délai général de reprise de l'administration, au regard de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés et des taxes assimilées visées aux articles L. 169 et L. 169 A du LPF expire le 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due.
9Toutefois, conformément aux dispositions de l'article L. 170 dudit livre, les omissions ou insuffisances d'impositions révélées, pour les mêmes impôts et taxes, soit par une instance devant les tribunaux, soit par une réclamation contentieuse, notamment à l'occasion de l'application des règles posées par l'article L. 204 concernant les compensations, peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle eu titre de laquelle l'imposition est due.
10La conjugaison de ces deux textes avec les dispositions de l'article L. 189 du LPF relatives à l'interruption des prescriptions par des notifications de redressements appelle les précisions suivantes qui sont données sous forme d'exemple.
Le délai général de reprise pour les impositions dues au titre de 2000 expire le 31 décembre 2003.
Si l'insuffisance d'une déclaration de revenus de l'année 2000 est révélée par une instance close ou une réclamation contentieuse ayant fait l'objet d'une décision en 2003, cette insuffisance peut être réparée dans le délai spécial de l'article L. 170 du LPF venant à expiration le 31 décembre 2004.
Or, conformément au principe énoncé ci-avant n° 5 , la notification de redressements fait courir une prescription semblable à celle qu'elle a pour effet d'interrompre.
Il en résulte les deux situations suivantes :
- si l'insuffisance est notifiée dès 2003, elle interrompra le délai général et ouvrira à l'administration, pour mettre en recouvrement l'imposition supplémentaire, un nouveau délai prenant fin le 31 décembre 2006 (dans cette hypothèse, le délai spécial serait couvert par le délai général) ;
- si l'insuffisance n'est notifiée qu'en 2004, c'est le délai spécial prévu par l'article L. 170 du LPF qui sera interrompu, le délai général étant expiré. Par suite, le nouveau délai dont disposera le service pour mettre en recouvrement la cotisation supplémentaire s'achèvera dès le 31 décembre 2005.
Il convient de noter que si la décision était rendue en 2004, après l'expiration du délai général de répétition, deux nouvelles situations seraient susceptibles de se présenter dans le cadre du délai spécial ouvert par l'article L. 170 du LPF :
- si la notification de l'insuffisance est effectuée en 2004, l'imposition correspondante doit être mise en recouvrement dans le délai prévu par ledit article L. 170, c'est-à-dire au plus tard le 31 décembre 2005 ;
- si la notification de l'insuffisance est effectuée en 2005, un nouveau délai de durée égale à celui prévu par l'article L. 170 est ouvert, et l'imposition doit être mise en recouvrement au plus tard le 31 décembre 2006.
2° Cas où l'administration a accordé d'office la décharge d'imposition correspondant aux redressements notifiés : persistance de l'effet interruptif de la prescription.
11L'effet interruptif de prescription, attaché à la notification, reste acquis, même dans le cas où l'administration, après avoir, mis en recouvrement l'imposition correspondant aux redressements, en accorde ultérieurement d'office la décharge. Par suite, l'administration est en droit de procéder à l'établissement d'une nouvelle imposition, dans la limite du redressement notifié, et ce jusqu'à l'expiration du délai de répétition qui a recommencé à courir à compter de la notification (CE, arrêt du 17 décembre 1969, req. n° 73350, RJCD, 2e partie, p. 152).
A cet égard, il est toutefois précisé que lorsque l'administration a prononcé un dégrèvement, elle ne peut établir sur les mêmes bases une nouvelle imposition sans avoir, préalablement, informé le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer (CE, arrêt du 8 avril 1991, n° 67938).
2. Limites de l'effet interruptif de la notification.
12La notification n'a d'effet interruptif qu'au regard des impôts qui y sont visés et qu'à l'encontre, en principe, du contribuable qui en est le destinataire.
13Toutefois, dans le cas des sociétés soumises au régime fiscal des sociétés de personnes (CGI, art. 8), le Conseil d'État a jugé que, dès lors que la procédure de vérification des déclarations doit être suivie directement entre l'administration et la société (articles 60 du CGI et L. 53 du LPF), la notification faite à cette dernière des redressements du bénéfice social interrompt la prescription à l'égard de tous les associés pour l'impôt sur le revenu afférent à leur quote-part de bénéfices dans la société (CE, arrêt du 20 février 1974, req. n° 83452, RJ, n° IV, p. 36 ; CE, arrêt du 8 avril 1994 n os 60405-65876, X... ).
Jugé également que la notification de redressements adressée à une société civile immobilière est interruptive de prescription à l'égard de l'associé mis en demeure, sur le fondement de l'article 2 de la loi du 16 juillet 1971, de payer solidairement l'impôt dû par cette société à la suite d'un contrôle fiscal (CE arrêt du 9 décembre 1985, n° 54469).
14En outre, la notification n'interrompt la prescription qu'à concurrence du montant des redressements notifiés. L'administration ne peut donc, après l'expiration du délai de reprise, mettre en recouvrement un complément d'impôt établi sur des bases supérieures à celles ayant fait l'objet d'une notification interruptive de prescription (CE, arrêts des 27 avril 1960, req. n° 47013, RO, p. 64 et 3 février 1984, plén. n° 38230).
L'imposition ainsi établie ne saurait être régulière que dans la mesure du redressement notifié avant l'échéance du délai normal de prescription (CE, arrêt du 29 avril 1964, req. n° 58496).
15Enfin, l'effet interruptif de la prescription qui découle d'une notification de redressements est indépendant des motifs qui justifient ces redressements. Par suite, lorsque ayant reconnu l'inexactitude de ces motifs, l'administration procède, après l'expiration du délai normal de reprise, à une nouvelle notification des mêmes redressements en invoquant un autre fondement, ce changement de motifs ne prive pas la première notification de l'effet interruptif de prescription qui lui est attaché (CE, arrêts des 19 mars 1975, req. n° 89867, RJ, n° IV, p. 12 ; 30 mai 1979, n° 10430, 17 mai 1982, n° 19339 et 12 juin 1992, n° 72194).
III. Date d'interruption de la prescription
16La prescription est interrompue dès le jour où la notification des redressements est réalisée ou réputée réalisée.
17Dans tous les cas, que le pli ait été retiré ou non par le contribuable, l'interruption de la prescription prend effet à la date de la présentation à domicile (cf. DB 13 L 1513, n os15 et suiv. ).
18Par ailleurs, lorsque le contribuable a déménagé, changé le lieu de son exploitation ou transféré son siège sans avoir accompli auprès de l'administration postale les formalités nécessaires pour la réexpédition de son courrier ou sa remise à un fondé de pouvoir, la prescription sera interrompue par la présentation du pli à l'adresse figurant dans les dernières déclarations et communications fiscales du contribuable. Il en sera ainsi non seulement lorsque le contribuable n'aura pas été atteint par le pli, mais également lorsque l'enquête du préposé de la Poste aura permis l'acheminement de ce dernier et sa distribution à la nouvelle adresse de l'intéressé.
19En cas d'absence temporaire, le juge considère qu'il appartenait au contribuable de prendre toutes dispositions utiles pour faire suivre son courrier (CE, arrêts des 11 mai 1983, n° 30084 ; 21 mars 1984, n° 36044 ; 2 juillet 1986, n° 50872) et ce, quelle que soit la cause de l'absence (voyage, vacances [cf. DB 13 L 1211, n° 26 ], déplacement pour des motifs professionnels attesté par l'employeur [CE, arrêt du 18 mars 1983, n° 36114], fermeture de l'établissement pour transformations [CE, arrêt du 27 juillet 1988, n° 62603]).
La notification retournée à l'expéditeur est donc régulière, car réputée avoir été normalement effectuée.
Au surplus, il est précisé que dans un arrêt n° 91932 du 30 novembre 1993, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé qu'un ordre de réexpédition n'était pas opposable à l'administration dès lors que celle-ci n'avait pas été avisée d'une absence temporaire du contribuable (cf. en ce sens, CAA Lyon, 24 mars 1999, n° 981824).
Remarque : Dans le cas de remise directe de la notification entre les mains du contribuable, la prescription est interrompue à la date de la signature de l'accusé de réception, de la mention d'acceptation des redressements, ou de la formulation des observations sur la copie de la notification à conserver au dossier (cf. DB 13 L 1513, n° 17 ).