Date de début de publication du BOI : 01/01/1978
Identifiant juridique : 12C5221
Références du document :  12C522
12C5221
Annotations :  Lié au BOI 7A-1-99

SECTION 2 LES HYPOTHÈQUES LÉGALES DU TRÉSOR

SECTION 2  

Les hypothèques légales du Trésor

Comme tous les créanciers, le Trésor peut exercer ses droits sur les biens immeubles des redevables en vertu des dispositions de l'article 2092 du Code civil selon lequel, « quiconque s'est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ».

Mais, outre les sûretés ordinaires sur les immeubles auxquelles il peut recourir (hypothèque judiciaire et hypothèque conventionnelle) il bénéficie, pour le recouvrement de ses créances de garanties particulières : les hypothèques légales lui octroient le CGI et le Code de l'urbanisme.

Le Trésor dispose ainsi d'une hypothèque légale :

- sur tous les biens immeubles pour le recouvrement des impositions de toute nature et amendes visées à l'article 1907 du Code général des impôts (CGI, art 1929 ter ) :

- sur les immeubles dépendant des successions, pour le recouvrement des droits de mutation par décès (CGI, art 1929-2) ;

- sur les immeubles en nature de bois et forêts ayant bénéficié lors de leur acquisition, de l'un des régimes de faveur prévus aux articles 703, 793-1-3 et 793-2-2 du CGI, pour la garantie du paiement des droits complémentaires et supplémentaires de mutation en cas de déchéance du maintien de ce régime (CGI, art. 1929-3) :

- sur le terrain et sur les constructions pour le recouvrement du versement pour dépassement du plafond légal de densité (Code de l'urbanisme, art. L. 333-11 nouveau).

Avant de commenter les hypothèques légales inhérentes aux droits de mutation par décès et sur les bois et forêts ainsi qu'au versement pour dépassement du plafond légal de densité il convient d'examiner les règles relatives à l'hypothèque légale commune à toutes les impositions.

En conséquence, dans une première sous-section, on étudiera ces règles et les modalités pratiques d'exécution que les comptables des impôts doivent adopter.

Une deuxième sous-section sera réservée aux hypothèques particulières aux droits d'enregistrement susvisés.

Enfin dans une troisième sous-section il sera traité de l'hypothèque légale accordée au Trésor par l'article L. 333-11 nouveau du Code de l'urbanisme.

SOUS-SECTION 1

Hypothèque légale commune à toutes les impositions
(CGI, art. 1929 ter)

L'hypothèque légale du Trésor commune à toutes les impositions a été instituée par l'article 8 de l'ordonnance n° 58-1372 du 29 décembre 1958 repris à l'article 1929 ter du CGI qui énonce que « pour le recouvrement des impositions de toute nature et amendes fiscales visées à l'article 1907, le Trésor a une hypothèque légale sur tous les biens immeubles des redevables ».

Il convient de préciser la portée et les conditions d'exercice de cette hypothèque ainsi que les modalités pratiques de son inscription à la conservation des hypothèques, sans perdre de vue les règles générales gouvernant les hypothèques qui ont fait l'objet de la section précédente (cf. C 521 ).

  A. CHAMP D'APPLICATION DE L'HYPOTHÈQUE LÉGALE COMMUNE A TOUTES LES IMPOSITIONS

  I. Créances garanties par l'hypothèque légale

1L'hypothèque légale s'applique à toutes les créances recouvrées par les comptables de la Direction générale des Impôts et qui ont le caractère d'impositions ou d'amendes fiscales.

1. Impositions.

2L'hypothèque légale garantit le recouvrement :

- des droits de timbre et d'enregistrement ;

- de la taxe de publicité foncière ;

- des taxes différentielle et spéciale sur les véhicules à moteur ;

- du prélèvement sur les bénéfices tirés de la construction ;

- des retenues à la source, prélèvements et autres impositions sur les revenus des capitaux mobiliers ;

- des retenues à la source sur certaines sommes payées à des personnes domiciliées ou établies hors de France instituée par les articles 10 et 12 de la loi n° 76-1234 du 29 décembre 1976 (CGI, art. 182 B et 219 quinquies et 182 A et 39 I et II de l'ann. III) ;

- des autres impôts directs recouvrés par les comptables des Impôts : taxe d'apprentissage, participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue ;

- des taxes sur le chiffre d'affaires et des taxes assimilées ;

- des droits indirects ;

- de la taxe sur les objets précieux institués par l'article 10 de la loi n° 76-660 du 19 juillet 1976 (CGI, art. 302 bis A à 302 bis E et ann. II art. 267 quater D et E).

- des impositions perçues au profit :

• des collectivités locales et, notamment, la taxe locale d'équipement et taxe complémentaire, la participation pour construction en surdensité, le versement pour dépassement du plafond légal de densité 1 . La taxe départementale d'espaces verts ;

• des fonds et organismes divers à la condition que les impôts ou taxes auxquels ces impositions sont rattachées puissent donner lieu à l'inscription de l'hypothèque légale.

Il en est ainsi des taxes parafiscales dont l'assiette est commune aux impôts ou taxes perçus au profit de l'État ou de toute autre collectivité publique (CGI, ann. II, art. 367).

Toutefois l'hypothèque légale ne peut être inscrite au titre des impositions visées ci-dessus qu'autant que le redevable a encouru une majoration ou une pénalité pour défaut de paiement.

3Il est, par ailleurs, précisé que l'inscription de l'hypothèque légale ne peut être requise pour la garantie du recouvrement des produits domaniaux ainsi que les taxes parafiscales dont l'assiette est indépendante de tous impôts ou taxes et auxquels elles ne sont pas rattachées par un texte institutif.

2. Amendes fiscales et pénalités.

4L'hypothèque légale du Trésor garantit également le recouvrement des amendes et pénalités sanctionnant le défaut, total ou partiel, de paiement des impositions susvisées.

Il en est ainsi des pénalités sanctionnant :

- le défaut de versement ou le versement tardif des impôts ou taxes (CGI, art. 1727) ;

- les insuffisances de déclarations ou de versements (CGI, art. 1728, 1729, 1731, 1734, 1829) ;

- le défaut de déclaration ou le retard dans le dépôt entraînant une taxation d'office (CGI, art. 1733).

- les droits complémentaires et supplémentaires exigibles en cas de caducité du régime fiscal de faveur appliqué à des mutations à titre onéreux de terrains à bâtir ou d'immeubles assimilés (CGI, art. 1840 G ter ).

De même les frais de poursuites engagés pour le recouvrement des impositions et des pénalités sont garantis par l'hypothèque légale.

5En revanche les pénalités sanctionnant simplement le retard dans l'exécution de formalités ou d'obligations qui ne doivent pas obligatoirement être accompagnées du paiement de l'impôt n'entrent pas dans le champ d'application de l'hypothèque légale.

Il en est ainsi notamment des amendes fiscales sanctionnant le défaut de production ou la production tardive d'un document (CGI, art. 1725) et les omissions ou inexactitudes relevées dans les documents produits (CGI, art 1726).

De même l'hypothèque légale ne garantit pas le recouvrement :

- des pénalités prononcées par le tribunal correctionnel ou administratif en toute matière fiscale 2  ;

- des pénalités correctionnelles prononcées par le tribunal correctionnel en matière de contributions indirectes lorsque l'infraction est relevée par procès-verbal 2 .

6 Cas particulier. - Compléments de droits et indemnités de retard établis à la suite d'une erreur du service.

L'indemnité de retard applicable en vertu de l'article 1927 du CGI en cas de paiement tardif de l'impôt constitue la sanction d'une faute ou d'une négligence commise par le contribuable lui-même. Cette indemnité ne saurait, dès lors, être appliquée lorsque le retard résulte d'une erreur exclusivement imputable à l'Administration.

Dans ces conditions, les compléments de droits établis à la suite d'une erreur du service ne doivent donner lieu à application de l'indemnité de retard et donc à inscription éventuelle de l'hypothèque légale du Trésor, en cas de retard dans le paiement de ces droits, que s'ils ont fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement suivi d'une mise en demeure.

Dans ce cas, il est admis que l'indemnité de retard n'est liquidée qu'à partir de la date à laquelle pourraient être engagées les poursuites, c'est-à-dire après l'expiration du délai de vingt jours partant de la notification de la mise en demeure prévue à l'article 1916 du CGI.

Ainsi, aucune indemnité de retard ne doit être appliquée lorsque le paiement des compléments de droits en cause est obtenu à la suite soit de l'envoi d'un simple avis officieux, soit de la notification d'un avis de mise en recouvrement non suivi d'une mise en demeure.

3. Portée de la garantie.

7L'hypothèque légale du Trésor ne garantit que les impositions et les amendes fiscales et pénalités expressément désignées dans le bordereau d'inscription.

  II. Personnes dont les immeubles peuvent être grevés de l'hypothèque légale

8L'hypothèque légale du Trésor atteint tous les biens immobiliers appartenant :

9 a. Aux redevables ou contrevenants, personnes physiques ou morales (simples particuliers, sociétés, coopératives, etc.) ;

b. Aux tiers déclarés solidairement responsables du paiement de l'impôt :

101° Soit en vertu de dispositions légales :

- gérants majoritaires de sociétés à responsabilité limitée déclarés responsables des impôts de ces sociétés (CGI, art. 1724 ter ) ;

- officiers publics ou ministériels tenus au paiement des droits d'enregistrement sur les actes de leur ministère (CGI, art, 1705, 1 er à 4 e ) ;

- parties solidaires pour le paiement des droits d'enregistrement (CGI, art. 1705, 5 e et 6 e à 1710) ;

- personnes condamnées comme complices de contribuables eux-mêmes condamnés pour fraude fiscale et personnes qui, en exécution des dispositions des articles 1777 et 1778 du CGI, ont été condamnées comme coauteurs ou complices du délit visé à l'article 1771 du même code (CGI, art. 1691) ;

2° Soit en vertu d'obligations contractuelles : cautions données par un particulier, une banque ou un établissement agréé.

En revanche l'hypothèque légale n'atteint pas les biens des personnes visées dans les avis de mise en recouvrement en leur qualité de représentant des redevables (tuteurs, curateurs, syndics).

  III. Biens atteints par l'hypothèque légale

11L'hypothèque légale peut être inscrite sur tous les biens immeubles, par nature ou destination, qui sont la propriété du redevable de l'impôt ou des tiers tenus au paiement - définis ci-dessus - au moment où la créance du Trésor est devenue exigible. Elle peut également être opérée sur tous les biens qui ont pu advenir, à ces mêmes personnes, depuis cette date.

C'est ainsi que le matériel qui sert à l'exploitation d'un établissement commercial et qui est réputé immeuble par destination peut, en raison de sa nature, être soumis à l'hypothèque légale prévue à l'article 1929 ter du CGI.

Il est rappelé que ce matériel est soumis au privilège du Trésor dans les conditions prévues par les articles 1920-1 et 1926 du CGI, c'est-à-dire lorsqu'il n'existe pas d'hypothèque conventionnelle. Il peut être intéressant pour le Trésor d'inscrire son hypothèque légale sur ce matériel pour éviter l'inscription d'une hypothèque conventionnelle qui ferait échec au privilège du Trésor.

12Si, aux termes de l'article 2122 du Code civil, l'hypothèque légale du Trésor peut être prise sur la généralité des immeubles du contribuable ou des tiers tenus au paiement, elle ne produit ses effets que sur les immeubles désignés dans l'inscription en vertu de la règle de la spécialité édictée par l'article 2146 du même code.

  B. INSCRIPTION DE L'HYPOTHÈQUE LÉGALE PRÉVUE PAR L'ARTICLE 1929 TER DU CGI

  I. Époque d'inscription de l'hypothèque légale

13L'article 1929 ter du CGI prévoit que l'hypothèque légale du Trésor ne peut être inscrite qu'à partir de la date à laquelle le contribuable a encouru une majoration ou pénalité pour défaut de paiement 3 .

Constituent notamment des majorations ou pénalités pour défaut de paiement les sanctions fiscales suivantes prévues au Code général des impôts :

- l'indemnité de retard visée à l'article 1727 ;

- les majorations visées aux articles 1729, 1731 et 1733 ;

- l'indemnité de retard et l'intérêt de retard visés à l'article 1728 ;

- l'amende visée à l'article 1732 ;

- l'intérêt de retard calculé d'après le taux légal en matière civile pour apurement des obligations cautionnées en dehors des délais fixés (CGI, art. 1698, 4 e al. et 384, 3 e al., ann. III).

14Par ailleurs l'inscription de l'hypothèque légale est susceptible d'être prise tant que la créance n'est pas atteinte par la prescription.

Toutefois, certains événements placent l'administration dans l'impossibilité de faire inscrire efficacement l'hypothèque légale du Trésor (cf. supra 5214 n os 17 à 23).

On rappellera, cependant, que l'inscription de l'hypothèque légale prise après l'un de ces événements peut se révéler utile.

Il en est ainsi lorsque le jugement prononçant le règlement judiciaire ou la liquidation des biens est infirmé en appel.

Les comptables des impôts doivent en conséquence tenir compte de cette éventualité lorsqu'un débiteur est déclaré en état de règlement judiciaire ou de liquidation des biens.

Enfin, d'une manière générale l'inscription de l'hypothèque légale du Trésor ne peut être requise qu'autant qu'un avis de mise en recouvrement a été notifié au redevable. En outre lorsque le retard dans le paiement est imputable exclusivement à une erreur du service, l'inscription ne peut être requise qu'après notification d'une mise en demeure (cf. supra6 ).

1   En cas de retard dans le versement d'une échéance et dans l'hypothèse seulement où l'hypothèque prévue par l'art. L 333-11 nouveau du Code de l'urbanisme n'a pas été inscrite.

2   Mais le jugement de condamnation emporte hypothèque judiciaire.

3   Pour ce motif, elle ne peut être inscrite en garantie de droits dont l'exigibilité est éventuelle ou conditionnelle. Seule une hypothèque conventionnelle peut donc être prise avec l'accord du propriétaire.