Date de début de publication du BOI : 01/06/1979
Identifiant juridique : 12C5218
Références du document :  12C5218

SOUS-SECTION 8 CAS PARTICULIERS : HYPOTHÈQUES DES NAVIRES, BATEAUX ET AÉRONEFS

SOUS-SECTION 8

Cas particuliers : hypothèques des navires,
bateaux et aéronefs

Ainsi qu'il a été indiqué ci-avant (cf. supra C 5211 n° 9 ), les navires et autres bâtiments de mer, les bateaux de navigation intérieure et les aéronefs sont susceptibles d'être hypothéqués bien qu'il s'agisse de meubles. Cette exception à l'article 2119 du Code civil qui énonce que « les meubles n'ont pas de suite par hypothèque », découle de l'article 2120 du même code en ce qui concerne les navires et bâtiments de mer.

Pour ce qui est des bateaux de navigation intérieure, l'hypothèque de ces biens ressort des articles 95 à 117 du décret n° 56-1033 du 13 octobre 1956.

En ce qui concerne les aéronefs, l'hypothèque susceptible de les grever est prévue par les articles L. 122-1 à L. 122-13 du Code de l'aviation civile.

Sur de nombreux points, ces hypothèques particulières sont similaires aux hypothèques immobilières, aussi convient-il, ici, de n'examiner que leurs particularités.

  A. L'HYPOTHÈQUE MARITIME

1L'hypothèque maritime est réglementée par la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 (art. 43 à 57) et par le décret n° 67-967 du 27 octobre 1967 (art. 13 à 25) qui portent statut des navires et autres bâtiments de mer.

  I. Nature de l'hypothèque maritime

2L'article 43 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 précise que l'hypothèque susceptible de grever les navires et autres bâtiments de mer, c'est-à-dire ceux capables de navigation maritime, ne peut être que conventionnelle.

Elle résulte donc obligatoirement d'un contrat passé entre les parties (créancier et débiteur), ce qui exclut la possibilité d'inscrire sur les navires et autres bâtiments de mer, l'hypothèque légale du Trésor.

  II. Assiette de l'hypothèque maritime

1. Biens qui peuvent être hypothéqués.

3L'hypothèque maritime ne peut être consentie que sur les navires et autres bâtiments de mer francisés, c'est-à-dire ceux qui ont reçu l'acte de francisation qui confère le droit de porter le pavillon de la République française avec les avantages qui s'y attachent (art. 43 de la loi).

4L'hypothèque consentie par l'acheteur avant la francisation sur un bâtiment acheté ou construit à l'étranger n'est valable et ne produit ses effets qu'à la condition d'être publiée en France (art. 49 de la loi).

L'article 50 de la loi précitée du 3 janvier 1967 précise, par ailleurs, que les sûretés conventionnelles constituées avant la francisation sur un bâtiment sont valables et produisent effet à condition :

- d'avoir été publiées conformément à la loi du pavillon ou, à défaut, du lieu de construction du bâtiment ;

- d'avoir été portées à la connaissance de l'acquéreur avant l'acte de transfert du bâtiment ;

- d'avoir fait l'objet de la publicité réglementaire lors de la francisation.

5La sûreté hypothécaire peut également être constituée sur un bâtiment de mer en construction (art. 45 de la loi) ou encore sur une part indivise d'un bâtiment (art. 46).

6Qu'elle soit consentie sur le bâtiment en totalité ou sui une part indivise seulement, elle s'étend, sauf convention contraire, au corps du bâtiment ainsi qu'à tous les accessoires, machines agrès et apparaux mais non au fret (art. 46).

2. Transformation de l'assiette de l'hypothèque maritime.

7Dans l'hypothèse où le navire ou bâtiment de mer est perdu ou a subi des avaries, l'hypothèse prise est reportée sur :

- les indemnités dues au propriétaire à raison des dommages matériels subis par le bâtiment ;

- les sommes dues au propriétaire pour contribution aux avaries communes subies par le bâtiment ;

- les indemnités dues au propriétaire pour assistance prêtée ou sauvetage effectué depuis l'inscription de l'hypothèque dans la mesure où elles correspondent à la perte ou à l'avarie du bâtiment hypothéqué ;

- les indemnités d'assurance sur le corps du bâtiment.

  III. L'inscription de l'hypothèque maritime

1. Conditions de forme.

8Les conditions dans lesquelles l'hypothèque maritime est inscrite sont définies par le décret n° 67-967 du 27 octobre 1967.

Les conservations des hypothèques maritimes sont dévolues au service des douanes qui est d'autre part chargé de tenir les fichiers d'inscription des navires. La publication de l'hypothèque résulte de l'inscription de la sûreté sur un registre spécial tenu par le conservateur des hypothèques maritimes dans la circonscription duquel le navire est en construction ou dans laquelle le navire est inscrit s'il est pourvu d'un acte de francisation.

Les listes des conservations hypothécaires et des offices de douane habilités à tenir les fichiers d'inscription des navires ont été fixées par un arrêté du ministre du Budget du 25 janvier 1979. Ces listes sont publiées en annexe.

Par ailleurs, l'hypothèque sur un bâtiment de mer en construction doit être précédée d'une déclaration faite par le constructeur, pour son compte ou pour le compte d'un client, auprès du conservateur des hypothèques maritimes dans la circonscription duquel le navire est en construction (exception faite pour les navires dont la jauge brute ne dépasse pas dix tonneaux). Cette déclaration doit contenir toutes les indications propres à identifier le bâtiment.

9Le requérant de l'inscription présente au conservateur des hypothèques maritimes un des originaux du titre constitutif d'hypothèque - lequel reste déposé s'il est sous seing privé ou reçu en brevet - ou une expédition s'il en existe une minute (Il est à noter qu'en vertu de l'article 43 de la loi du 3 janvier 1967, l'hypothèque doit, à peine de nullité, être constituée par écrit).

10Au titre constitutif d'hypothèque, le requérant joint trois bordereaux signés par lui et qui doivent comporter :

- les noms, prénoms, professions et domiciles du créancier et du débiteur ;

- la date et la nature du titre ;

- le montant de la créance exprimée dans le titre ;

- les conventions relatives aux intérêts et aux remboursements ;

- le nom et la désignation du navire hypothéqué la date de l'acte de francisation ou de la déclaration de mise en construction ;

- élection de domicile par le requérant au lieu du siège de la conservation des hypothèques maritimes.

11L'inscription d'hypothèque effectuée est mentionnée sur la fiche matricule du navire par les soins du conservateur qui remet au requérant :

- l'un des bordereaux déposés au pied duquel il certifie avoir fait l'inscription au registre spécial prévu ;

- l'expédition du titre s'il est authentique.

12En ce qui concerne les hypothèques consenties par l'acheteur avant la francisation sur un bâtiment acheté ou construit à l'étranger, elles doivent être inscrites sur le registre du futur port français d'attache.

13Enfin il est précisé qu'en vertu de l'article 16 du décret du 27 octobre 1967 :

- « tout propriétaire d'un navire construit sur le territoire de la République française ou dans l'un des pays énumérés aux articles 119 bis-3 et 429-3 du Code des douanes, qui demande à le faire admettre à la francisation, doit obligatoirement joindre aux pièces requises à cet effet un état des inscriptions prises sur le navire en construction ou un certificat constatant qu'il n'en existe aucune » :

- « les inscriptions non rayées sont reportées d'office à leurs dates respectives par le conservateur sur le registre du lieu de francisation si celui-ci est autre que celui de la construction » ;

- « si le navire change de port d'attache, les inscriptions non rayées sont reportées d'office sur son registre par le conservateur du nouveau port avec mention de leurs dates respectives ».

2. Conditions de fond.

14Selon les dispositions de l'article 44 de la loi du 3 janvier 1967 seul le propriétaire du navire (ou son mandataire muni d'un mandat spécial) a qualité pour consentir une hypothèque maritime sur les biens visés ci-dessus (cf. supra n os3 à 6 ).

  IV. Rang des hypothèques maritimes entre elles

15Lorsque plusieurs hypothèques ont été prises sur le même bâtiment ou sur la même part de propriété du bâtiment, le rang est déterminé, par l'ordre de priorité du bâtiment. le rang est déterminé par l'ordre de priorité des dates d'inscription. Le créancier le premier inscrit est d'abord payé, puis le deuxième et ainsi de suite.

Pour ce qui est des hypothèques inscrites le même jour, elles viennent en concurrence quelle que soit la différence d'heure de l'inscription.

  V. Effets de l'hypothèque maritime

16L'hypothèque maritime comporte un droit de préférence et un droit de suite.

1. Le droit de préférence

17Il agit entre les divers créanciers du débiteur classés dans l'ordre des inscriptions (cf. supra15 ).

Les intérêts pour deux années échues et l'année courante sont colloqués au même titre que le principal de la créance.

Il est à noter que les hypothèques prennent rang après les privilèges du nouvel article 191 du Code de commerce mais avant tous les autres (art. 31 de la loi du 3 janvier 1967).

En vertu de ce texte les créances privilégiées primant l'hypothèque maritime, quel que soit le rang de celle-ci, sont les suivantes :

1. Les frais de justice exposés pour parvenir à la vente du navire et à la distribution de son prix ;

2. Les droits de tonnage ou de port et les autres taxes et impôts publics de mêmes espèces, les frais de pilotage, les frais de garde et de conservation depuis l'entrée du navire dans le dernier port ;

3. Les créances résultant du contrat d'engagement du capitaine, de l'équipage et des autres personnes engagées à bord ;

4. Les rémunérations dues pour sauvetage et assistance et la contribution du navire aux avaries communes ;

5. Les indemnités pour abordage ou autres accidents de navigation, ou pour dommages causés aux ouvrages d'art des ports et des voies navigables, les indemnités pour lésions corporelles aux passagers et aux équipages, les indemnités pour pertes ou avaries de cargaison ou de bagages ;

6. Les créances provenant des contrats passés ou d'opérations effectuées par le capitaine hors du port d'attache, en vertu de ses pouvoirs légaux, pour les besoins réels de la conservation du navire ou de la continuation du voyage, sans distinguer si le capitaine est ou non en même temps propriétaire du navire et s'il s'agit de sa créance ou de celle des fournisseurs, réparateurs, prêteurs ou autres contractants.

2. Le droit de suite.

18Comme en matière d'hypothèques immobilières, le droit de suite produit ses effets à l'égard du tiers détenteur du navire. Il permet au créancier de saisir et faire vendre le bâtiment de mer.

a. Conditions d'exercice du droit de suite.

19Aux termes de l'article 55 de la loi du 3 janvier 1967 précitée, les créanciers ayant hypothèque inscrite sur un bâtiment ou portion de bâtiment, le suivent, en quelque main qu'il passe, pour être colloqués et payés suivant l'ordre de leurs inscriptions.

Toutefois le droit de suite ne peut être exercé qu'autant que l'inscription de l'hypothèque maritime est antérieure à la mutation en douane c'est-à-dire à la condition que l'inscription de la sûreté à la conservation des hypothèques maritimes soit effectuée avant celle concernant la cession du bâtiment.

20Dans le cas où l'hypothèque ne porte que sur une portion du bâtiment, le créancier ne peut saisir et faire vendre que la portion qui lui est affectée.

Toutefois si plus de la moitié du navire se trouve hypothéquée, le créancier peut, après saisie, le faire vendre en totalité, à charge d'appeler à la vente les copropriétaires (art. 55 de la loi).

21L'article 56 de la loi du 3 janvier 1967 ajoute d'autre part qu'en cas de copropriété, par dérogation à l'article 883 du Code civil, les hypothèques consenties durant l'indivision, par un ou plusieurs des copropriétaires, sur une portion du bâtiment, continuent de subsister après le partage ou la licitation.

Le même article précise, d'autre part, que si la licitation s'est faite en justice, le droit des créanciers, n'ayant hypothèque que sur une portion du bâtiment, sera limité au droit de préférence sur la partie afférente à l'intérêt garanti par l'hypothèque.

Par ailleurs, afin de garantir les droits des créanciers, l'article 57 de la loi dispose d'une part, que toute opération volontaire qui entraîne la perte de la francisation d'un bâtiment grevé d'une hypothèque est interdite, et, d'autre part, que si cette opération est, en outre, commise dans l'intention de violer cette interdition, l'auteur est passible des peines prévues à l'article 408 du Code pénal.

b. Mise en oeuvre du droit de suite.

22Le droit de suite du créancier titulaire d'une hypothèque maritime s'exerce au moyen de la procédure de la saisie-exécution (cf. supra C 2215 n os 9 à 27).

c. Les diverses issues de la procédure engagée.

23L'acquéreur d'un navire hypothéqué contre lequel le créancier exerce son droit de suite ne peut, à défaut de se prévaloir de la nullité de l'hypothèque ou de son inscription ou encore de son extinction, que purger le bâtiment de la garantie ou se laisser saisir.

1° Purge de l'hypothèque.

24Aux termes de l'article 21 du décret du 27 octobre 1967, l'acquéreur d'un bâtiment ou d'une portion de bâtiment hypothéqué qui veut se garantir des poursuites du créancier hypothécaire est tenu, avant la poursuite ou dans le délai de quinze jours suivant la réception du procès-verbal de saisie, de notifier à tous les créanciers inscrits, au domicile élu dans leurs inscriptions :

- un extrait de son titre, indiquant seulement la date et la nature de l'acte, le nom du vendeur, le nom, l'espèce et le tonnage du bâtiment et les charges faisant partie du prix ;

- un tableau sur trois colonnes dont la première contiendra la date des inscriptions, la seconde le nom des créanciers, la troisième le montant des créances inscrites. Il est rappelé que tout navire doit être pourvu d'un tableau sommaire des inscriptions hypothécaires à jour à la date de son départ.

La notification aux créanciers doit contenir constitution d'avocat près le Tribunal de grande instance.

Par ailleurs, par le même acte, l'acquéreur doit déclarer qu'il est prêt à acquitter sur le champ les dettes hypothécaires jusqu'à concurrence du prix d'acquisition sans distinction des dettes exigibles et non exigibles.

25Si les créanciers acceptent l'offre ainsi faite, ils bénéficient également du paiement des intérêts qui ont été colloqués au même titre que le principal de la créance.

S'ils renoncent à l'offre, ils ont droit de requérir la mise aux enchères du bâtiment ou d'une portion du bâtiment selon le cas en offrant de porter le prix proposé à un dixième en sus et de donner caution pour le paiement du prix et des charges.

La réquisition de la mise aux enchères, signée du ou des créanciers, doit être signifiée à l'acquéreur dans les dix jours des notifications faites par ce dernier. Elle doit contenir assignation devant le tribunal de grande instance du lieu où se trouve le navire ou, s'il est en cours de voyage, du lieu où il est attaché pour voir ordonner qu'il sera procédé aux enchères requises.