SOUS-SECTION 4 IMPUTATION OU RESTITUTION DE LA TVA EN CAS DE VENTES OU SERVICES RÉSILIÉS, ANNULÉS OU IMPAYÉS
SOUS-SECTION 4
Imputation ou restitution de la TVA
en cas de ventes ou services résiliés, annulés ou impayés
1L'imputation ou la restitution de la TVA perçue à l'occasion de ventes ou de services qui sont, par la suite, résiliés, annulés ou qui restent impayés est prévue par l'article 272-1 du CGI.
2En ce qui concerne la notion de résiliation, d'annulation et d'impayé ainsi que le mécanisme de la rectification des factures, il convient de se reporter à la DB 3 D 1211, n°s 34 et suivants.
A. PRINCIPES
3L'article 272-1, 1er alinéa du CGI dispose que la TVA qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 du même code lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés ou lorsque les créances correspondantes sont devenues definitivement irrécouvrables.
L'article 272-1, 2e alinéa du CGI prévoit par ailleurs que l'imputation ou le remboursement de la taxe peuvent être effectués dès la date de la décision de justice qui prononce la liquidation judiciaire (cf. 3 D 1211, n° 34 ).
Le 3e alinéa de l'article 272-1 du CGI précise en outre que l'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale (cf. 3 D 1211, n°s 34 et suiv. ).
4Les opérations résiliées, annulées ou impayées, ne peuvent donner lieu à restitution de la taxe que dans la mesure où ces opérations ont effectivement supporté ladite taxe.
5Ainsi, en ce qui concerne les opérations annulées ou résiliées, seules peuvent donner lieu à une éventuelle restitution de taxe, les ventes ou prestations de services pour lesquelles l'exigibilité de l'impôt -livraison, débit ou encaissement- est intervenue avant l'abrogation du contrat dont l'exécution avait précédemment donné lieu au versement de la taxe.
6En ce qui concerne les opérations impayées, la question du remboursement de la taxe y afférente ne peut se poser que pour celle dont l'exigibilité se situe avant l'encaissement du prix des marchandises ou des services rendus (essentiellement les livraisons de biens).
7Les services, travaux immobiliers, ventes à consommer sur place, ne sont pas normalement concernés par l'application des dispositions de l'article 272-1, puisque l'exigibilité de la taxe se situe, en principe, à la date de l'encaissement pour ces opérations.
8Lorsque le règlement d'une opération a été effectué par un chèque sans provision, l'exigibilité de la taxe n'est pas réellement intervenue.
Dès lors, le redevable qui a acquitté la taxe lors de la remise du chèque peut obtenir, par voie d'imputation ou de remboursement, la récupération de la taxe initialement acquittée lors de la remise du chèque (RM, n° 29093 à M. Delfosse, député, JO débats AN du 7 juillet 1980, p. 2853), mais cette récupération intervient, dans le cadre de la procédure normale de rectification des erreurs de déclaration et non dans celle prévue à l'article 272 du CGI.
9Cela étant, dans le cadre de la procédure prévue à l'article 272-1 du CGI, l'impôt ne peut être restitué qu'au profit du contribuable qui l'a versé, sous réserve que soient apportées toutes les justifications utiles quant à la réalité des opérations annulées ou résiliées ou à l'irrécouvrabilité des créances en cause (cf. n°s 13 et suiv. ).
10Les règles ci-dessus ont été confirmées dans un arrêt du Conseil d'État du 8 janvier 1975, requête n° 89843 SA-Comptoir Rozzen d'approvisionnement.
La société achetait à des marchands de bestiaux des animaux qu'elle plaçait pour engraissement chez les éleveurs auxquels elle en facturait le prix avec la TVA applicable.
Après avoir été déclarée en état de liquidation des biens, cette société avait procédé à l'annulation des factures dont le montant avait été réglé directement par les éleveurs à ses fournisseurs d'animaux. Puis, soutenant qu'il s'agissait, en ce qui la concerne, de ventes annulées, elle avait demandé le remboursement de la TVA figurant sur les factures litigieuses.
Le Conseil d'État a jugé que lesdites ventes ne peuvent être regardées :
- ni comme « annulées », dès lors que les animaux livrés aux éleveurs n'ont pas été renvoyés à la société ni conservés par eux à des conditions de vente différentes des conditions initiales ;
- ni comme « impayées », dès l'instant que la société n'a pas été dans l'impossibilité de recouvrer auprès des éleveurs, ses clients, le montant des factures litigieuses et qu'elle a accepté que le paiement du plus grand nombre d'entre elles soit fait directement à ses propres fournisseurs, les autres lui étant réglées à elle-même
Et il a décidé que la requérante ne pouvait obtenir la restitution qu'elle sollicitait à la suite de la cessation de son activité.
B. CONDITIONS DE L'IMPUTATION OU DE LA RESTITUTION FORME DES DEMANDES EN RESTITUTION
11Conformément à la règle générale, les demandes en restitution doivent être présentées au service du lieu d'imposition dans la forme prévue pour les réclamations ordinaires (cf. 13 O 2131 ).
12En ce qui concerne les conditions de l'imputation ou de la restitution de la TVA se rapportant aux livraisons de tabacs restées impayées par les débitants de tabacs, cf. 3 D 1211, n° 53 .
C. DÉLAI D'EXERCICE DU DROIT À IMPUTATION ET DE PRÉSENTATION DES DEMANDES EN RESTITUTION
13À défaut de précisions contenues dans les textes en vigueur, il y a lieu d'admettre (cf. 3 D 1211, n°s 37 et 38 ) :
- qu'une opération doit être tenue pour résiliée à la date où les parties sont replacées dans la situation antérieure à la réalisation de l'opération ;
- qu'une opération est annulée à la date où, après avoir passé commande et versé des acomptes, l'acheteur ne donnant pas suite à cette commande, se fait rembourser ses versements ;
- que les opérations pour lesquelles le vendeur a effectué sa livraison ou le prestataire a assuré son service, sont réputées impayées à la date où le créancier, dans l'impossibilité de recouvrer ce qui lui est dû et ayant épuisé son droit de poursuites à l'égard du débiteur, inscrit sa créance en comptabilité à un compte de charge Mais l'imputation ou la restitution de la taxe n'est pas liée à la comptabilisation de l'opération 1 ; elle est liée à la preuve de l'irrécouvrabilité de la créance et l'imputation ou la restitution ne peut être obtenue à raison de ventes ou services dont le recouvrement est simplement aléatoire (RM n° 22838, Sergheraert, AN du 22 septembre 1980, p. 4017).
En d'autres termes, la preuve du caractère définitivement irrécouvrable d'une créance, sans laquelle l'imputation ou la restitution de la TVA ne peut être obtenue, résulte du constat de l'échec des poursuites intentées par un créancier contre son débiteur.
La constatation d'une « provision pour dépréciation de la créance » ne peut avoir pour effet de permettre l'imputation de la taxe.
De même le versement d'une indemnité dans le cadre d'un contrat d'assurance-crédit ne constitue pas en soi une preuve du caractère définitivement irrécouvrable de la créance.
En revanche, il est admis, à titre de règle pratique, que la récupération de la TVA puisse intervenir lorsque le créancier établit que son débiteur a disparu sans laisser d'adresse ou que le règlement a été effectué par un chèque volé.
Règles applicables lorsque le débiteur a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire.
14Compte tenu des modifications apportées par l'article 272-1 du CGI dans sa rédaction issue de l'article 16 de la loi n° 88-1193 du 29 décembre 1988 et par la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises 2 , la taxe peut être récupérée :
- à la date du jugement arrêtant le plan de redressement et décidant la poursuite de l'activité de l'entreprise défaillante (art. 61 et suivants de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985). La quotité des créances demeurant impayées est, en effet, connue à cette date ;
- ou dès la date du jugement qui prononce la liquidation judiciaire de l'entreprise défaillante (art. 148 et suiv. de la loi du 25 janvier 1985) sans qu'il soit désormais nécessaire d'attendre le certificat du syndic ou le jugement de clôture.
15Par ailleurs, la récupération de la TVA n'est régulière que si elle est effectuée dans le délai général de péremption des déductions prévu à l'article 224 de l'annexe II au CGI, c'est-à-dire avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle le fait générateur de l'imputation est intervenu.
Lorsqu'une demande en restitution est présentée, elle doit être adressée au service du lieu d'imposition dans le délai prévu à l'article R* 196-1 du LPF, c'est-à-dire avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle au cours de laquelle se situe la résiliation ou l'annulation des opérations ou l'irrécouvrabilité de la créance.
D. MONTANT DE LA TAXE À IMPUTER OU À RESTITUER
16En ce qui concerne les opérations annulées ou résiliées donnant lieu à la restitution des marchandises ou produits livrés et, le cas échéant, au remboursement du prix déjà payé, la situation à reconstituer est en principe, celle qui existait avant le contrat. La restitution ou l'imputation porte donc sur la totalité de la taxe afférente à l'opération annulée ou résiliée.
Mais dans le cas où le redevable à qui les marchandises sont retournées a cessé d'être assujetti, il n'est plus autorisé à détenir ces marchandises dégrevées de la TVA qui était incluse dans leur coût. En conséquence dans ce cas, seule peut être restituée la différence existant éventuellement entre la taxe acquittée à raison de l'opération annulée et celle résultant de l'imposition de la livraison à soi-même de la marchandise prélevée.
17Le défaut de paiement dûment établi des opérations soumises à la TVA dont l'exigibilité est constituée par l'encaissement (cf. 3 E 1414, n° 7 ) mais pour lesquelles le redevable a opté pour le paiement d'après les débits, entraîne de plein droit la restitution intégrale de celle-ci au profit du redevable.
18Dans le cas de livraisons de biens ayant donné lieu à paiement de la TVA par le fournisseur et qui restent impayées, l'Administration estimait que la récupération de la taxe (par imputation ou restitution) devait entraîner le reversement de celle déduite lors de l'achat des marchandises, objets desdites livraisons ou, ce qui revient au même, que la restitution devait être limitée à la différence entre la taxe acquittée à raison de ces livraisons de biens et celle ayant été déjà régulièrement déduite au titre des achats correspondants. Cette doctrine avait d'ailleurs été confirmée par le Conseil d'État (CE, arrêt du 18 février 1976, req. n° 95344, SA Moritz).
Mais la Haute Assemblée est revenue sur sa doctrine antérieure infirmant de ce fait celle de l'Administration. Elle a en effet considéré dans un arrêt du 23 juin 1978 (req. n° 4779, société Blech Frères et Cie) :
- que les opérations qui ne sont pas effectivement soumises à l'impôt et qui, en application de l'article 271 du CGI, entraînent l'obligation de régulariser la taxe déductible ayant grevé leur prix de revient, s'entendent de celles qui n'entrent pas dans le champ d'application de la TVA ou qui figurent au nombre des opérations, autres que les exportations, qui sont exonérées de cette taxe ;
- qu'en revanche, ne sont pas au nombre de ces opérations, celles qui ayant été régulièrement et effectivement soumises à la TVA, peuvent, au cas où le vendeur ou le prestataire a obtenu dans les conditions prévues à l'article 272 du CGI, l'annulation de la taxation en invoquant le défaut de paiement, être à nouveau soumises à la taxe si le client acquitte par la suite, totalement ou partiellement, le prix convenu.
Il résulte de cet arrêt qui s'applique aussi bien à la TVA qu'aux taxes parafiscales assises et recouvrées suivant les mêmes règles que la TVA, que l'on doit désormais considérer que le vendeur n'est pas tenu de reverser la TVA antérieurement déduite lorsque des livraisons de biens demeurées totalement ou partiellement impayées ont donné lieu à imputation ou à restitution de la taxe perçue.
1 Celà étant, la récupération de la TVA correspond normalement au moment où le créancier est autorisé à inscrire sa créance à un compte de charge définitif.
2 La loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 a substitué la procédure unique du redressement judiciaire (pouvant être éventuellement transformée en liquidation judiciaire) aux régimes de règlement judiciaire et de liquidation des biens.