SOUS-SECTION 2 CONDITIONS DE PERSONNES
SOUS-SECTION 2
Conditions de personnes
1Il résulte de l'article L. 256 du LPF que l'avis de mise en recouvrement doit être établi au nom du redevable légal de l'impôt, qu'il s'agisse ou non d'une personne physique.
Ce principe à caractère très général, doit cependant être adapté dans certains cas particuliers.
A. CAS DES REDEVABLES INCAPABLES
2Le redevable visé dans l'avis de mise en recouvrement doit disposer d'une totale capacité juridique et pouvoir exercer lui-même et sans autorisation les droits dont il est titulaire.
En cas d'incapacité, des règles spécifiques sont applicables qui diffèrent selon que le redevable est représenté ou seulement assisté (cf C 14 , append. n os 35 à 40).
I. Le redevable est représenté
3Lorsque l'incapacité est totale, le redevable est représenté dans l'administration de ses biens et l'exercice de ses droits et actions.
C'est ainsi par exemple que :
- le mineur non émancipé est représenté par l'administrateur légal ou par le tuteur ;
- le débiteur en liquidation des biens est représenté par le syndic (cf. C 14 , append. n os 29 à 33) ;
- la succession vacante est représentée par le curateur.
Si, au moment de l'authentification de la créance du Tréser, le redevable se trouve dans une telle situation, l'avis de mise en recouvrement doit être établi au seul nom du représentant légal, expressément visé en cette qualité.
II. Le redevable est assisté
4Lorsque les motifs pour lesquels il y a incapacité sont moins graves, l'incapable reste à la tête de ses affaires. mais on lui impose un conseil aux fins d'autorisation.
Telle est la situation :
- du prodige pourvu dun conseil judiciaire
- du redevable en règlement judiciaire assisté d'un syndic (cf. C 14 , append n os 29 à 33).
Quand un redevable est placé sous un tel régime d'assistance, l'avis de mise en recouvrment qui est établi doit le viser personnellement. Mais corrélativement le titre de l'Administration doit être dénoncé à l'assistant légal. A cette fin une copie de cet avis doit être adressée à l'intéressé par lettre recommandée avec avis de réception.
B. CAS DES GROUPEMENTS
5Lorsque la personne imposable est un groupement, l'authentification des impositions exigibles est effectuee à son nom ou. sous réserve des indications données ci-après C 14. n os11 à 28 . a celui de son représentant.
Il peut en être ainsi même quand le groupement n'est pas doté de la personnalité morale si, par ailleurs. le droit fiscal lui reconnaît une existence propre. Tel est le cas par exemple, de la société de fait (cf. C 14 , append. n os 17 et 18). Mais il convient de souligner que, dans cette hypothèse, l'avis de mise en recouvrement établi au nom du groupement non doté de la personnalité morale produit seulement ses effets au plan de l'assiette de l'impôt. C'est ainsi par exemple, qu'en matière de taxes sur le chiffre d'affaires l'autonomie des sociétés de fait ou des sociétés en participation par rapport à leurs associés a nettement a été affirmée dans un arrêt du 27 mars 1963. rendu en assemblée plénière (req. n° 53433) par lequel le Conseil d'État a jugé que « si les associations en participation ne constituent pas une personne morale, elles n'en constituent pas moins une forme de société » et que « du point de vue fiscal l'entreprise exploitée par une association doit être traitée d'une manière distincte sans que puisse être invoquée par les membres de l'association la confusion existant entre ladite association et eux-mêmes pour leur part dans cette société ». De même, une jurisprudence constante du Conseil d'État, dans laquelle s'inscrit l'arrêt du 4 novembre 1981 (req. n° 22403), reconnaît à la société de fait le caractère d'une « personne » au sens de l'article 283 du CGI, tenue d'acquitter la taxe sur la valeur ajoutée due au titre des opérations qu'elle réalise. La dichotomie existant entre les règles applicables à l'assiette et au recouvrement de l'impôt conduit à considérer que l'avis de mise en recouvrement établi au nom de la société, et qui a été reconnu comme valable par la Haute Assemblée, ne produit ses effets qu'au plan de l'assiette de l'impôt. En revanche, il ne saurait constituer un titre exécutoire sur le fondement duquel des mesures de poursuites pourraient valablement être engagées. C'est la raison pour laquelle, dans une telle situation, il est également nécessaire de notifier des avis de mise en recouvrement aux associés qui forment ledit groupement (pour une application de ces directives, cf. ci-après C 14, n os17 et 18 , le cas des sociétés de fait et des associations en participation).
C. CAS DES REDEVABLES DOMICILIÉS A L'ÉTRANGER
6Lorsque le redevable, qu'il ait ou non la nationalité française, a son domicile (s'il s'agit d'une personne physique), son siège social ou son principal établissement (s'il s'agit d'une personne morale), situé à l'étranger, l'avis de mise en recouvrement est établi à son nom, dans les conditions habituelles, et notifié soit par voie postale soit, si cette façon de procéder s'avère aléatoire, par voie de signification au Parquet (cf. ci-après C 14, n os24 et 27 ).
7Cependant, si un représentant en France a été désigné, l'authentification de la créance du Trésor peut indifféremment être effectuée au nom du représentant expressément pris en cette qualité. Cette manière de faire doit même être préconisée dans la mesure où la désignation du représentant a justement pour objet de permettre la communication des pièces relatives à l'assiette et au recouvrement.
8Pour une illustration de ces principes au cas des sociétés étrangères, (cf. ci-après C 14 , append. n os 20 à 27).
D. CAS DE PLURALITÉ DES DÉBITEURS
9Il peut se faire que, pour une même imposition, il existe plusieurs débiteurs. Cette pluralité de personnes détermine des modalités particulières de mise en recouvrement qui sont différentes selon la nature et l'origine de l'obligation au paiement mise à la charge des codébiteurs.
I. Analyse des cas de pluralité de débiteurs
1. Classification des codébiteurs en fonction de la nature de l'obligation mise à leur charge.
a. Obligation conjointe.
10Le principe est que la pluralité de débiteurs entraîne pluralité de rapports d'obligations : la dette fiscale se fractionne de plein droit entre les débiteurs pluraux. En pareil cas, les obligations sont dites « conjointes » (en réalité. le terme « disjointes » serait plus expressif).
Les dettes se répartissent entre les codébiteurs
- soit par parts viriles, c'est-à-dire chacun pour une somme égale ;
- soit proportionnellement, en fonction de leurs droits.
b. Obligation solidaire.
11Lorsqu'il y a solidarité, le créancier peut réclamer la totalité de la dette fiscale à l'un quelconque des débiteurs, sauf au débiteur qui aura payé le tout à se retourner ensuite contre ses codébiteurs pour les faire contribuer au paiement à ses côtés.
Il y a lieu de souligner que la solidarité, qui est particulièrement avantageuse pour le créancier, ne se présume pas et qu'elle doit être expressément prévue par un texte légal ou un acte (art. 1202 du Code civ.).
A noter, en outre, que la solidarité entraîne représentation mutuelle entre codébiteurs avec les effets qui y sont attachés ; il en résulte, notamment, que les actes interruptifs de prescription à l'égard de l'un produisent effet à l'égard de tous.
2. Classification des codébiteurs en fonction de l'origine de l'obligation mise à leur charge.
12Les codébiteurs peuvent être rangés en quatre catégories.
13 La première catégorie comprend des personnes qui ont participé à l'accomplissement d'un même fait générateur et qui, en conséquence, sont constituées redevables de l'impôt.
Tel est, notamment, le cas des parties à un acte sous seing privé soumis à la formalité de l'enregistrement (art. 1705-5° du CGI) ou des héritiers pour ce qui concerne les droits de mutation à titre gratuit (art. 1709 du CGI).
14La seconde catégorie comprend des personnes pour lesquelles l'obligation de payer l'impôt né du chef du redevable à raison de son activité personnelle découle d'engagements particuliers qu'elles ont souscrits dans le cadre des dispositions qui régissent la perception de l'impôt.
Tel est essentiellement le cas des cautions que les redevables peuvent être tenus de faire agréer pour exercer leur activité imposable (caution des marchands en gros de boissons : article 486, 2 e al. du CGI) ou qu'ils constituent pour obtenir le bénéfice d'un crédit de paiement (cautions des redevables admis à se libérer par obligations cautionnées : art. 1692 et 1698 du CGI).
15La troisième catégorie comprend des personnes pour lesquelles l'obligation de répondre du passif fiscal d'un redevable principal résulte de l'application de règles du droit commun ou du droit fiscal de répondre des dettes contractées par ledit redevable.
Entrent, par exemple, dans cette catégorie, les personnes suivantes :
- les associés de certaines sociétés civiles ou commerciales qui sont personnellement tenus au paiement de tout ou partie du passif fiscal dû par lesdites sociétés (cf. ci-après C 14 , append. n os 11 et suiv.) ;
- les héritiers qui, ayant accepté une succession, sont tenus au paiement du passif fiscal successoral (cf. ci-après C 14 . append. n os 2 à 10) ;
- du conjoint de la femme mariée du chef de laquelle sont nées des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsqu'il a donné son accord à l'exercice du commerce ou s'est immiscé dans l'activité de son épouse ;
- les personnes désignées à l'article 1929-4 du CGI, qui sont tenues solidairement au paiement de la taxe locale d'équipement ;
- le propriétaire du fonds de commerce, qui est solidairement tenu au paiement des dettes, notamment fiscales, nées du chef du locataire-gérant jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois suivant la publication du contrat de location-gérance (art. 8 de la loi du 20 mars 1956).
16La quatrième catégorie comprend les personnes dont l'obligation au paiement résulte d'une décision de justice.
Sont essentiellement visés les dirigeants de sociétés qui, sur le fondement des articles 1745 du CGI, L. 266 ou L. 267 du LPF, ont été condamnés à payer au Trésor les impôts dus par la personne morale.
3. Classification des codébiteurs en fonction du caractère de l'obligation mise à leur charge.
17Les débiteurs d'une même dette peuvent, en principe, être simultanément recherchés en paiement.
Dans certaines hypothèses, la loi peut cependant contraindre le créancier à engager des poursuites à rencontre de l'un des débiteurs avant de réclamer le règlement aux autres codébiteurs dont l'obligation n'est donc que subsidiaire.
C'est ainsi, par exemple, que la caution peut en principe invoquer à son créancier « un bénéfice de discussion » auquel elle peut cependant expressément renoncer (ce qui doit nécessairement être le cas pour les cautions constituées au profit des comptables des impôts).
De même, il est de règle que le recouvrement peut être entrepris à l'encontre des associés de certaines sociétés, tenus de plein droit au paiement du passif social, seulement lorsque les poursuites exercées à l'encontre de la société sont demeurées vaines (cf. C 14 , append. n os 13 et suiv.)
II. Conséquences de la pluralité de débiteurs au plan de la mise en recouvrement
18Il ressort des termes généraux de l'article L. 256 du LPF qu'un avis de mise en recouvrement peut être délivré à toute personne qui, à quelque titre que ce soit, est tenue au paiement de sommes entrant dans le champ d'application de cet avis.
Lorsqu'il existe plusieurs débiteurs, ce texte permet donc d'authentifier la créance non acquittée dans les délais légaux par l'établissement d'un avis de mise en recouvrement au nom de chacun d'entre eux.
L'émission successive, au nom de personnes différentes, d'actes portant authentification d'une même imposition présente cependant le grave inconvénient de porter atteinte à l'unicité de la procédure.
Il convient donc de limiter cette manière de procéder aux seuls cas où elle s'avère absolument indispensable.
Il résulte de ces considérations que les règles suivantes doivent être appliquées.
1. Règles applicables aux codébiteurs dont l'obligation au paiement ne résulte pas d'une décision de justice.
a. Créances qui ne sont ni conjointes ni cautionnées.
19Toute créance comportant plusieurs débiteurs et qui n'est ni fractionnée ni cautionnée doit être authentifiée au moyen d'un avis de mise en recouvrement émis au seul nom de l'un d'entre eux.
Il est en effet souhaitable qu'au stade initial de la procédure de recouvrement, l'on se borne à mettre en cause une seule des personnes obligées au paiement.
20Lorsque les codébiteurs de l'imposition appartiennent à la première catégorie définie au n° 13 ci-dessus, la détermination de la personne à laquelle le titre exécutoire est décerné est laissée à l'appréciation du receveur en fonction, par exemple, de la solvabilité des intéressés.
21S'agissant des cas où il existe des codébiteurs des seconde et troisième catégories visées aux n os14 et 15 ci-dessus, l'avis de mise en recouvrement doit obligatoirement être adressé au principal obligé, c'est-à-dire au redevable légal de l'impôt. Remarque est du reste faite que les débiteurs formant la troisième catégorie ne sont pas toujours connus du service au moment où la créance d'impôt prend naissance et que leur obligation résulte le plus souvent d'un fait ou d'un acte qui intervient postérieurement à l'établissement de l'impôt.
22La mise en cause d'un codébiteur autre que celui auquel l'avis de mise en recouvrement authentifiant la créance du Trésor a été décerné est effectuée par la voie d'une mise en demeure procédant dudit avis de mise en recouvrement (cf. ci-après C 13, n° 14 et C 14. n os14 , 16 et 19 ).
23Il y a lieu de noter qu'il résulte de la combinaison de l'article L. 275 du LPF et des articles 2249 et 2250 du Code civil que la notification d'un avis de mise en recouvrement à l'un des codébiteurs solidaires interrompt le délai de prescription de l'action en répétition et ouvre le délai de prescription de l'action en recouvrement contre les autres codébiteurs.