Date de début de publication du BOI : 20/12/1996
Identifiant juridique : 7G2321
Références du document :  7G2321
Annotations :  Lié au BOI 7G-10-98

SOUS-SECTION 1 DÉDUCTION DU PASSIF

b. Nature des dettes.

28  La prohibition de l'article 773-2° du CGI ne vise que les dettes consenties par le défunt. Elle n'atteint pas celles qu'il n'a pas consenties ou qu'il a consenties à un autre qu'un héritier ou une personne réputée interposée.

Peuvent ainsi être déduites :

- les dettes consenties par le mari seul commun en biens s'il s'agit de la succession de la femme ;

- les dettes contractées par un tuteur au nom de son pupille s'il s'agit de la succession de ce dernier ;

- les dettes résultant d'une décision judiciaire, d'un quasi-délit, d'un quasi-contrat ;

- les dettes consenties au profit d'un tiers et échues à un héritier par succession ou par cession.

29  Enfin, la prohibition de l'article 773-2° du CGI n'est applicable qu'aux seules dettes d'origine contractuelle et ne peut viser celles résultant d'un quasi-usufruit qui trouve sa cause dans la loi 1 [Cass. com., arrêt du 4 décembre 1984, n° 9105, X... , RJ p. 45].

En l'espèce, la défunte avait consenti à ses enfants une donation-partage de la nue-propriété d'un immeuble, tout en se réservant l'usufruit de celui-ci. À la suite d'une déclaration d'utilité publique, ce bien a ultérieurement été vendu à l'État et le prix intégralement versé à la mère. Les droits des intéressés se sont donc trouvés reportés sur cette somme d'argent (application de l'art. L 13-7 du Code de l'expropriation).

Ainsi, après transformation de l'usufruit portant sur un immeuble en un quasi-usufruit, les enfants de nus-propriétaires sont devenus créanciers. Ils pouvaient donc déduire de l'actif de la succession de leur mère, dans les conditions prévues par l'article 768 du CGI (cf. ci-avant n° 1 ), le solde de l'indemnité d'expropriation qui leur restait dû à son décès.

En revanche, c'est à bon droit qu'un tribunal a écarté du passif successoral une dette consentie par le défunt à son fils, dette qui était établie uniquement par des documents comptables auxquels se référait un acte de constitution de société enregistré avant le décès (Cass. com., arrêt du 15 avril 1986, affaire X... ).

2. Exception : Contrat de travail à salaire différé.

30Les articles L 321-13 et suivants du code rural prévoient au profit de certains descendants d'exploitants agricoles qui sont restés à la terre et ont travaillé sur le domaine familial sans être rémunérés autrement qu'en nature, une présomption d'existence du contrat de travail à salaire différé qui leur permet de réclamer le montant de leurs salaires, lors de l'ouverture de la succession de leur auteur.

Ce droit qui peut être caractérisé comme un droit de créance contre la succession constitue une charge de celle-ci sans que la prise en compte du salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers.

Les conditions de déduction de l'actif successoral des dettes résultant de l'application des dispositions susvisées sont fixées par l'article 774 du CGI, qui institue une exception au principe de la non-déduction des dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes interposées, prévu à l'article 773-2° du CGI 2 .

L'existence de cette dette est suffisamment prouvée, à l'égard de l'administration, par tous actes et écrits, même postérieurs au décès d'un exploitant agricole, susceptibles de faire preuve en justice entre les cohéritiers ou représentants de l'exploitant. L'héritier créancier de la succession est toutefois tenu de fournir, dans les formes et suivant les règles déterminées par l'article L 20 du LPF (cf. ci-avant n° 10 ), une attestation, datée et signée par lui, mentionnant le montant de sa créance sur la succession de l'exploitant.

Le montant de la créance attribuée à l'héritier est égal pour chaque année de participation, sans que le nombre des années retenues puisse excéder dix, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) en vigueur au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant.

  III. Dettes reconnues par testament (CGI, art. 773-3° )

31Ces dettes, présumées fictives, ne sont déductibles que si leur existence est prouvée dans les conditions habituelles par un moyen autre que le testament.

  IV. Dettes hypothécaires garanties par une inscription périmée depuis plus de trois mois lors de l'ouverture de la succession (CGI, art. 773-4° )

32Dans la mesure où elles sont échues, ces dettes sont présumées remboursées et les héritiers ne sont pas admis à rapporter la preuve contraire.

Si elles ne sont pas échues, elles sont déductibles sur production de l'attestation du créancier (cf. ci-avant n° 10 ).

Bien entendu, les dispositions de l'article 773-4° du CGI ne sont pas applicables si l'inscription a été renouvelée avant le décès. Dans ce cas, la dette est garantie par une inscription en cours de validité.

Si l'inscription n'est pas périmée, mais si le chiffre en a été réduit, l'excédent seul peut être déduit.

  V. Dettes prescrites (CGI, art. 773-5° )

33Les dettes prescrites, capital et intérêts, ne sont pas déductibles. L'administration est en droit d'invoquer la prescription même si les héritiers ne la soulèvent pas.

Bien entendu, il faut que la dette soit prescrite au sens de la loi civile dans les différents délais prévus notamment aux articles 2262, 2270, 2271, 2272, 2273 et 2277 du Code civil et 179 et 185 du Code de commerce.

Les redevables peuvent établir que la prescription ayant été interrompue n'est pas acquise.

  C. PASSIF SOUMIS À IMPUTATION SPÉCIALE

  I. Dettes afférentes à des biens exonérés

1. Dettes contractées pour l'achat ou dans l'intérêt de biens exonérés.

34Selon le 1er alinéa de l'article 769 du CGI, les dettes à la charge du défunt qui ont été contractées pour l'achat de biens compris dans la succession et exonérés des droits de mutation par décès ou dans l'intérêt de tels biens, sont imputées par priorité sur la valeur desdits biens, pour le montant qui excède la part du de cujus dans la communauté.

Cette règle a pour but d'éviter le cumul abusif, pour le même bien, d'une part, de l'exonération des droits de mutation et, d'autre part, de la déduction du passif contracté pour son achat sur la valeur des autres éléments de l'actif successoral.

Elle s'applique, par exemple, dans le cas des crédits à la construction utilisés pour l'acquisition d'immeubles exonérés (cf. infra 7 G 2627, n° 22  ; 7 G 2628, n° 14 et 7 G 2629, n° 21 ). Elle s'applique aussi aux dettes contractées dans l'intérêt de tels biens comme, par exemple, les ouvertures de crédit destinées à couvrir les travaux de réparation d'un immeuble exonéré.

Ne tombent pas sous le coup de ces dispositions :

- les dettes qui ne résultent pas d'un contrat ;

- les dettes afférentes aux biens exonérés lorsque ces biens, pour l'acquisition desquels les dettes ont été contractées, sont sortis du patrimoine du défunt. La partie de cette dette non remboursée au jour du décès est déductible de l'actif successoral, si les conditions générales de déduction sont réunies (cf. ci-avant n° 1 ).

Cas particulier : Exonération partielle.

35Lorsqu'un bien n'est assujetti aux droits de mutation à titre gratuit que pour une fraction de sa valeur, le passif afférent à ce bien est déductible de l'actif héréditaire dans la même proportion (cf. exemple infra 7 G 2622, n° 38 ).

2. Dettes garanties par des biens exonérés.

36La même imputation est pratiquée pour les dettes garanties par des biens exonérés de droit de mutation par décès lorsqu'il est établi que le ou les emprunts ont été contractés par le défunt ou son conjoint en vue de soustraire tout ou partie de son patrimoine à l'application de ces droits (CGI, art. 769 , al. 2).

Dans cette hypothèse, l'administration doit établir l'intention des redevables de soustraire leurs biens à l'impôt.

3. Remarque commune.

37Les dispositions de l'article 769 du CGI s'appliquent même si le bien exonéré fait l'objet d'un legs particulier, bien que le légataire particulier ne soit pas tenu au paiement du passif.

  II. Dettes contractées à l'étranger

38En règle générale, les dettes contractées à l'étranger sont déduites dans les mêmes conditions et sous les mêmes justifications que celles contractées en France (cf. toutefois ci-avant 7 G 2321, n° 17 ).

Bien entendu, lorsque le défunt est domicilié hors de France et que seuls les biens français sont imposables, seul le passif grevant ces biens est admis en déduction.

ANNEXE I

 • Com. 19 novembre 1991 ; Bull. IV, n° 348, p. 241 :

« Sur le moyen unique.

Vu l'article 768 du Code général des impôts :

Attendu qu'il résulte de ce texte que ne sont déductibles de l'actif successoral soumis aux droits de mutation par décès que les dettes à la charge du défunt, dont l'existence est dûment justifiée, au jour de l'ouverture de la succession ;

Attendu qu'en raison du décès de M. X... , qui exerçait la profession d'agent d'assurances, agent immobilier et marchand de biens, ses héritiers ont licencié le personnel et prétendu faire figurer dans le passif successoral les indemnités de licenciement ainsi que les salaires et charges sociales correspondant à la période postérieure au décès ; que, l'administration des impôts ayant refusé cette déduction et procédé à un redressement, la fille et héritière du défunt a fait opposition à l'avis de mise en recouvrement émis pour obtenir paiement du supplément de droits d'enregistrement et d'indemnités de retard estimés dus ;

Attendu que, pour accueillir l'opposition à l'avis de mise en recouvrement, le jugement retient que les licenciements étaient la suite nécessaire du décès, puisque ni la fille ni l'épouse du défunt n'avaient la possibilité de poursuivre l'exercice de la profession de leur auteur, et qu'ainsi l'existence des dettes au jour de l'ouverture de la succession était justifiée ;

Qu'en statuant ainsi, le tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE ... ».

ANNEXE II

 Com. 23 février 1993, Bull. IV, n° 73 p. 49

« Vu l'article 768 du Code général des impôts ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, pour la liquidation des droits de mutation par décès, les dettes à la charge du défunt sont déduites lorsque leur existence au jour de l'ouverture de la succession est dûment justifiée ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que, dans la déclaration de la succession de M. X... , décédé le 4 août 1986, M. Y... , légataire universel, a fait figurer au passif les frais de ravalement d'un immeuble dépendant de la succession ; que, l'administration des Impôts ayant refusé cette déduction et procédé à un redressement, M. Y... a fait opposition à l'avis de mise en recouvrement des droits en résultant ;

Attendu que, pour accueillir la demande, le jugement retient que les frais du ravalement effectué par le légataire universel étaient la suite directe de l'arrêté municipal prescrivant que les travaux devaient être achevés avant la fin de l'année 1985 et précisant qu'en cas d'inexécution, des poursuites seraient engagées en vue de l'application des sanctions prévues par la réglementation en vigueur ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, si l'obligation de faire exécuter les travaux de ravalement en vertu de l'arrêté municipal, en l'absence d'engagement pris par le défunt avant le décès, affectait la valeur vénale réelle de l'immeuble, le montant indéterminé des travaux ne constituait pas une dette à la charge du défunt certaine au jour de l'ouverture de la succession, le tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE... »

ANNEXE III

 Com. 4 mai 1993, n° 784 D

« Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Sarreguemines, 4 avril 1990), que Charles X... a donné sa caution solidaire au remboursement d'un emprunt de 294 995,70 francs contracté par son fils Gérard et qu'il a contracté solidairement avec son fils un emprunt de 634 000 francs ; que dans la déclaration de succession de son père, Gérard X... a prétendu inclure dans le passif successoral la totalité de ces sommes, ainsi que celle de 294 955 francs représentant selon lui la valeur des travaux qu'il avait effectués et payés sur un immeuble faisant partie de la succession ; que l'administration des Impôts n'a pas admis ces déductions, à l'exception de la première, qu'elle a acceptée pour moitié ; que Gérard X... a fait opposition à l'avis de mise en recouvrement émis pour obtenir paiement du supplément de droits d'enregistrement et pénalités estimés dus ;

Attendu qu'il est reproché au jugement d'avoir refusé d'accueillir cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en cautionnant solidairement le remboursement par Gérard X... du montant du prêt que celui-ci avait contracté auprès du Crédit hôtelier commercial et industriel, M. Charles X... a pris, dès la conclusion du contrat de cautionnement, l'engagement ferme et non éventuel de s'acquitter de la totalité du prêt envers le prêteur, de sorte que cette dette devait être déductible de l'actif de la succession de M. Charles X...  ; qu'en en décidant autrement, le tribunal a violé l'article 2021 du Code civil, ensemble l'article 768 du Code général des impôts ; alors, d'autre part, que M. Charles X... s'était de même engagé à payer, dès la conclusion du contrat, auprès de la Banque populaire de Lorraine, le montant total du prêt contracté solidairement avec M. Gérard X... , sans que le recours ouvert contre celui-ci pour lui imputer éventuellement sa part, ne puisse limiter le quantum de la dette de M. Charles X...  ; qu'en décidant néanmoins que M. Charles X... n'était débiteur au jour de l'ouverture de sa succession que de la moitié du prêt, le tribunal a derechef violé l'article 1203 du Code civil, ensemble l'article 768 du Code général des impôts ; alors, encore, qu'il n'était pas contestés par l'administration fiscale que M. Gérard X... avait fait entreprendre dans l'immeuble de M. Charles X... des travaux pour un montant égal aux sommes que M. Gérard X... avait empruntées et dont il était tenu, en sa qualité de débiteur principal et de débiteur solidaire ; qu'en décidant cependant d'office que les factures qu'il avait établies à cette occasion n'étaient pas suffisantes pour démontrer qu'il avait assuré le coût des travaux, le tribunal a violé les articles 4 et 16 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'une dette solidaire n'oblige les co-débiteurs solidaires que pour leur part et portion et doit incomber exclusivement à l'un d'eux si l'affaire pour laquelle la dette a été contractée ne concernait que lui ; qu'en décidant au contraire que M. Charles X... ne devait être débiteur que de la moitié du prêt qu'il avait contracté solidairement avec M. Gérard X... pour financer les travaux de réparation de son immeuble, sans préciser si les parties s'y étaient engagées pour une part identique ou si elles en avaient profité chacune, le tribunal a violé les articles 1213 et 1216 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que le grief énoncé dans la quatrième branche du moyen est nouveau et, mélangé de fait et de droit, irrecevable devant la Cour de Cassation ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas du jugement que l'administration ait admis que M. Gérard X... ait financé les réparations de l'immeuble dépendant de la succession ; que le grief de la troisième branche n'est donc pas fondé ;

Attendu, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 768 du Code général des impôts, pour la liquidation des droits de mutation par décès, les dettes à la charge du défunt sont déduites lorsque leur existence au jour du décès est dûment justifiée ; qu'en décidant que ne remplissait pas ces conditions le montant d'un cautionnement solidaire consenti par le défunt, cautionnement qui n'avait pas perdu son caractère d'obligation éventuelle au moment où ont été liquidés les droits de succession à l'ouverture de la succession et en excluant du passif successoral la fraction de la dette solidaire incombant à l'héritier, le tribunal, loin d'avoir méconnu les textes invoqués aux première et deuxième branches du moyen, en a fait l'exacte application ;

Qu'ainsi, irrecevable en sa quatrième branche, le pourvoi n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ... »

1   Aux termes de l'article 587 du Code civil : « si l'usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer comme l'argent, les graines, les liqueurs, l'usufruitier a le droit de s'en servir mais à charge de rendre à la fin de l'usufruit soit des choses de même quantité et même qualité, soit leur valeur estimée à la date de la restitution ».

2   Il est précisé, à cet égard, que l'article 74 de la loi de modernisation de l'agriculture (n° 95-95 du 1er février 1995 - JO du 2 février 1995, p. 1754) a rétabli, dans le CGI, l'article 774 qui avait été abrogé indirectement par les articles 1er, 2 et 4 de la loi n° 93-934 du 22 juillet 1993 relative à la partie législative du Livre III (nouveau) du code rural. Aussi, les sommes dues à certains descendants d'exploitants agricoles au titre d'un contrat de travail à salaire différé continuent, donc, par dérogation au principe de non-déductibilité des dettes consenties par le défunt à ses héritiers, de pouvoir être déduites de ractif successoral de leur débiteur dans les conditions prévues à l'article 774 du CGI.