SECTION 6 COLLECTIVITÉS AUTRES QUE LES SOCIÉTÉS
SECTION 6
Collectivités autres que les sociétés
GÉNÉRALITÉS
1D'une façon générale et en vertu des articles 206-1 et 1654 du CGI, l'impôt sur les sociétés s'applique à l'ensemble des personnes morales de droit privé ou de droit public se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. Par suite, il est susceptible de concerner des collectivités autres que les sociétés à condition, toutefois, qu'elles soient dotées de la personnalité morale.
En théorie, le champ d'application de l'impôt sur les sociétés est donc indépendant de la nature juridique des collectivités en cause, du but qu'elles poursuivent ainsi que de la nature des revenus dont elles jouissent.
2S'agissant des personnes morales de droit public, cet impôt peut donc, sous réserve d'exemptions particulières expresses, viser aussi bien l'État et les collectivités publiques territoriales (départements, communes, syndicats de communes), y compris des services publics non personnalisés chargés d'activités techniques et dotés, le cas échéant, d'une certaine autonomie financière, que les collectivités publiques spécialisées, c'est-à-dire les établissements publics disposant d'un patrimoine distinct de celui des institutions administratives territoriales, et ceci quelle que soit leur fonction (gestion d'une entreprise industrielle ou commerciale, accomplissement de tâches administratives, représentation des intérêts socio-professionnels auprès des pouvoirs publics).
3S'agissant de personnes morales de droit privé, il est susceptible de concerner aussi bien les associations déclarées, les syndicats professionnels, les fondations, les congrégations religieuses reconnues, les sociétés mutualistes, les ordres professionnels et, d'une manière générale, tous les groupements d'individus ayant le plus souvent pour but la défense d'intérêts professionnels, culturels ou religieux ou l'organisation d'oeuvres de prévoyance, d'assistance, de bienfaisance. Il ne fait, en principe, aucune distinction entre les établissements reconnus d'utilité publique, ceux réputés d'intérêt public et ceux dont les attributions sont de strict intérêt privé.
4Par ailleurs, l'article 206-5 du CGI prévoit que les établissements publics -autres que les établissements scientifiques, d'enseignement et d'assistance- ainsi que les associations et collectivités non soumis à l'impôt sur les sociétés en vertu d'une autre disposition sont assujettis à cet impôt en raison de la nature particulière de leurs revenus.
En outre, l'article 206-5 bis du même code dispose que les associations intermédiaires agréées en application de l'article L. 128 du code du travail sont soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions prévues au 5 de l'article 206 du CGI.
5Il résulte de ces dispositions que les collectivités autres que les sociétés sont imposables, en principe, à l'impôt sur les sociétés selon la nature des revenus dont elles disposent :
61° Revenus se rattachant à une exploitation ou des opérations de caractère lucratif (CGI, art. 206-1 ).
Il s'agit de profits engendrés par l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou non commerciale, auxquels s'ajoutent éventuellement les revenus fonciers et mobiliers et les bénéfices agricoles s'y rattachant. Ils sont généralement soumis à l'impôt sur les sociétés d'après les règles et taux de droit commun.
Toutefois, les collectivités privées sans caractère lucratif échappent à cet impôt sous certaines conditions (cf. ci-après H 1161, n°s 25 et suiv. ).
72° Revenus ne se reliant pas à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif (CGI, art. 206-5 ).
Sont ainsi visés -lorsqu'ils ne se rattachent pas à une exploitation commerciale, industrielle ou non commerciale- les revenus suivants :
- produits de la location d'immeubles bâtis et non bâtis dont les collectivités en cause sont propriétaires ou auxquels elles ont vocation en qualité de membres de sociétés immobilières de copropriété visées à l'article 1655 ter du CGI ;
- produits de l'exploitation de propriétés agricoles ou forestières ;
- revenus de capitaux mobiliers dont elles disposent -à l'exception des dividendes des sociétés françaises- lorsque ces revenus n'entrent pas dans le champ d'application de la retenue à la source visée à l'article 119 bis du CGI ;
- dividendes des sociétés immobilières et des sociétés agréées visées aux 3° ter à 3° sexies de l'article 208 et à l'article 208 B du même code perçus à compter du 1er janvier 1987.
Ces revenus sont soumis à l'impôt sur les sociétés sous une cote distincte et taxés à des taux réduits.
8Les collectivités qui bénéficient à la fois de revenus provenant d'une exploitation ou d'opérations de caractère lucratif et de revenus (fonciers, agricoles, mobiliers ou certains dividendes) ne se rattachant pas à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif sont susceptibles, en principe, d'être imposées à l'impôt sur les sociétés sous deux cotes distinctes : l'une au taux de droit commun, l'autre au taux réduit.
La présente section traite uniquement, au regard du champ d'application de l'impôt sur les sociétés, des collectivités qui :
- se livrent à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ;
- recueillent des revenus réputés non lucratifs.
SOUS-SECTION 1
Collectivités se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif
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A. COLLECTIVITÉS PUBLIQUES SE LIVRANT À DES ACTIVITÉS LUCRATIVES
1L'article 206-1 du CGI soumet également à l'impôt sur les sociétés -sous réserve des dispositions de l'article 207-1-6° et 6° bis- les établissements publics, les organismes de l'État jouissant de l'autonomie financière et les organismes des départements et des communes se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif.
2Les collectivités dont il s'agit sont donc, sous réserve d'exonérations spécifiques (cf. H 135 ), passibles de l'impôt sur les sociétés à raison des activités lucratives exercées.
3L'assujettissement des collectivités concernées à l'impôt sur les sociétés doit s'apprécier par rapport à la réalité de l'activité pratiquée, la liste des collectivités publiques donnée par l'article 167-1 et 2 de l'annexe IV au CGI apparaissant comme non limitative et susceptible, par ailleurs, de modifications (création ou disparition d'établissements).
I. Définition objective du caractère lucratif en fonction de la nature de l'activité exercée
4En principe, l'exercice d'une profession industrielle, artisanale, commerciale ou non commerciale suffit à traduire le caractère lucratif de l'activité, lequel est alors réputé s'étendre aux revenus fonciers, mobiliers et agricoles qui peuvent s'y rattacher.
L'appréciation du caractère lucratif de l'activité déployée par des collectivités publiques ne présente pas généralement de grandes difficultés.
5Dans la plupart des situations, en effet, l'aspect industriel, commercial ou non commercial de cette activité se révèle sans aucune ambiguïté.
Tel est, en premier lieu, le cas des établissements industriels de l'État, services non personnalisés, certes, mais dont les activités de fabrication par la mise en oeuvre de moyens mécaniques perfectionnés sont indiscutables (Monnaies et Médailles par exemple) et qui seraient assujettis à l'impôt sur les sociétés s'ils n'en étaient pas exonérés par des dispositions spéciales (CGI, art. 206-1 et annexe IV, art. 165-2 et 167-2).
Tel est également, en second lieu, le cas des établissements publics considérés comme industriels et commerciaux. En effet, lorsqu'il s'agit d'établissements publics nationaux qui sont obligatoirement créés par des dispositions spécifiques, les textes concernés énoncent, en principe, explicitement le caractère industriel ou commercial en cause (Électricité de France, Gaz de France ...).
6Mais l'attention est appelée sur le fait que le caractère industriel et commercial d'un établissement public ne saurait être déduit de sa seule forme juridique.
En effet, eu égard à l'évolution de la jurisprudence administrative qui a nuancé la classification de droit administratif entre établissements publics industriels et commerciaux et établissements publics administratifs en la confrontant à la réalité des activités effectivement exercées par ces organismes, il n'y a pas de corrélation systématique entre la notion d'établissement public industriel et commercial et la taxation à l'impôt sur les sociétés.
Ainsi, le tribunal des conflits a décidé dans un arrêt du 23 novembre 1959 que l'Office national interprofessionnel des céréales (ONIC) est un établissement public à caractère administratif dont les activités peuvent, néanmoins, être commerciales, donc lucratives.
De même, le 24 juin 1968, la même juridiction a jugé que le Fonds d'orientation et de régularisation des marchés agricoles (FORMA), établissement public à caractère industriel et commercial, exerce en fait une activité purement administrative.
Aussi, la circonstance qu'un établissement public se trouve placé sous le statut juridique d'établissement public à caractère industriel et commercial, si elle constitue toujours une présomption d'intention spéculative, n'entraîne pas nécessairement assujettissement au régime de droit commun de l'impôt sur les sociétés lorsque l'organisme est en mesure de démontrer qu'en fait ses activités sont exclusives de toute recherche de profit.
En conséquence, la situation fiscale des établissements publics au regard de l'impôt sur les sociétés et corrélativement au regard de l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés doit s'apprécier non par référence à leur statut juridique, mais par rapport à la réalité des activités qu'ils exercent.
À cet égard et à titre indicatif, certains critères tels que la nature de la mission assignée à l'organisme, l'étendue du contrôle ou de la tutelle exercée par les pouvoirs publics ainsi que la part des subventions par rapport au total des recettes, sont de nature à permettre d'appréhender le caractère lucratif ou non de l'activité exercée par l'établissement public.
7Dans la réalité des faits, un même établissement public peut être constitué en vue de plusieurs fins distinctes et se livrer à des activités dont les unes sont purement administratives alors que d'autres ont un caractère industriel et commercial. Sur le plan du droit administratif chacune de ces activités est soumise au régime juridique correspondant à sa nature propre (Tribunal des conflits, arrêt du 10 février 1949), mais vis-à-vis de la classification envisagée, c'est l'activité principale de l'établissement qui détermine son caractère (CE, arrêt du 16 novembre 1956, Union syndicale des industries aéronautiques).
Au regard du droit fiscal, il convient, au contraire, d'envisager séparément l'activité lucrative et l'activité administrative.
Ainsi, une chambre de commerce qui se livre à des opérations de conditionnement des laines, à l'exploitation d'un aéroport, réalise de ce fait des opérations lucratives. En revanche, en tant qu'elle effectue auprès des pouvoirs publics la représentation des intérêts des commerçants et des industriels, elle ne se livre pas à une activité lucrative.
II. Appréciation du caractère lucratif de l'activité exercée
8Le caractère lucratif de l'activité exercée par les collectivités publiques est, en principe, lié directement et uniquement à la nature de cette activité.
Il s'ensuit que ledit caractère doit être apprécié en lui-même et non pas en considération de l'affectation finalement donnée aux profits réalisés.
Le Conseil d'État, section du contentieux, dans un arrêt du 8 mars 1968 (req. n° 58649), a fait application de cette règle à une chambre de commerce concessionnaire de l'exploitation d'un aéroport. Après avoir rappelé que les opérations lucratives au sens de l'article 206-1 du CGI s'entendent de celles qui sont de nature à engendrer des profits, il a indiqué que les obligations auxquelles était soumis un établissement public (porter les excédents dégagés par l'exploitation à un fonds de réserve ne pouvant servir qu'au remplacement ou à l'amélioration des équipements devant revenir à l'État en fin de concession), si elles restreignaient les conditions d'emploi desdits excédents, ne lui ôtaient pas tout droit d'en disposer.
Accessoirement, il a confirmé le principe de la séparation des activités énoncé ci-dessus en faisant valoir que la charge de l'impôt sur les sociétés ne devait pas être supportée par la chambre de commerce en tant qu'établissement public administratif et sur le patrimoine correspondant, mais en qualité de concessionnaire de l'exploitation de l'aéroport.
III. Classement des collectivités publiques se livrant à des activités lucratives
9L'article 165-1 de l'annexe IV au CGI dispose que, nonobstant toutes dispositions contraires, les établissements publics ayant un caractère industriel ou commercial sont passibles de tous les impôts directs et taxes assimilées applicables aux entreprises privées similaires.
Il ajoute que le même régime s'applique à tous les organismes de l'État, des départements ou des communes ayant un caractère industriel ou commercial, s'ils bénéficient de l'autonomie financière, à l'exception, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, des régies de services publics des départements, communes et syndicats de communes, qui sont exonérées de cet impôt.
Le deuxième alinéa du même article précise que, s'ils ne bénéficient pas de l'autonomie financière, les organismes de l'État visés au premier alinéa sont passibles de tous les impôts directs et taxes assimilées applicables aux entreprises privées similaires, à l'exception de l'impôt sur les sociétés, dont ils sont exonérés.
L'article 167-1 et 2 de l'annexe IV au CGI énumère les collectivités publiques qui sont notamment soumises au régime prévu à l'article 165-1 ou à celui de l'article 165-2.
10Cette liste n'est pas limitative. Aussi doit-elle être actualisée en fonction de la création ou de la disparition de certains établissements publics.
Il convient de distinguer, d'une part, les établissements publics, eux-mêmes susceptibles d'un double classement en fonction de la compétence territoriale de l'autorité administrative dont ils constituent un démembrement (État, département, commune) et suivant la nature du rôle qui leur est dévolu, et d'autre part, les organismes publics.
1. Établissements publics à caractère industriel ou commercial.
a. Établissements publics nationaux.
11Sont notamment concernés :
- les établissements assurant le fonctionnement d'entreprises nationalisées : Électricité de France, Gaz de France, Entreprise de recherche et d'activité pétrolière (ERAP), etc. ;
- les établissements chargés de l'exploitation d'installations portuaires, d'aéroports : ports autonomes de Bordeaux, Dunkerque, Le Havre, Marseille, Nantes, Saint-Nazaire, Rouen, Strasbourg ; aéroports de Paris, de Bâle-Mulhouse (ce dernier ayant, en fait, un caractère international) ;
- les établissements publics chargés de l'information : Agence France Presse, par exemple ;
- les établissements publics réputés présenter un caractère d'intérêt national : Commissariat à l'énergie atomique, Centre national des études spatiales, Office national des forêts, etc.