SECTION 2 JUSTIFICATION DES CHARGES
SECTION 2
Justification des charges
A. LES CHARGES DOIVENT ETRE APPUYÉES DE PIÈCES JUSTIFICATIVES
I. Principe
1Il résulte tant de l'article 54 du CGI que de la jurisprudence du Conseil d'État et de la doctrine administrative que la comptabilité présentée par les contribuables doit être appuyée de pièces justificatives destinées à permettre le contrôle de la réalité des frais et charges portés en déduction du bénéfice imposable (pièces de caisse, reçus, carnets de paie).
Il est observé à cet égard qu'en application de l'article 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, l'établissement de factures est obligatoire pour tout achat de produits ou toute prestation de services effectués pour une activité professionnelle (cf. 4 G 3331, n°s 25 et 27).
2Lorsque la comptabilité n'est pas appuyée de justifications suffisantes, le service est en droit de discuter les frais généraux (frais de représentation, de voyages, etc.) qui lui paraissent exagérés.
Il a été jugé à cet égard que lorsque le contribuable n'a pu fournir les pièces de dépenses susceptibles de justifier l'exactitude de certains frais portés dans ses charges d'exploitation, l'Administration est en droit de réintégrer d'office le montant des frais en cause dans les bénéfices imposables (CE, arrêt du 7 juillet 1958, req. n° 36425).
3Bien entendu, les charges ne doivent pas présenter un caractère fictif. Ainsi, dans le cas d'une société qui, ayant attribué à la caisse des retraites de son personnel, organisme doté d'une personnalité juridique propre, des dotations bénévoles s'ajoutant à celles qu'elle lui alloue statutairement a, au cours des mêmes années, emprunté auprès de cette caisse des sommes d'un montant égal aux compléments de dotation accordés moyennant un intérêt de 2 %, il a été jugé qu'en se bornant, pour traduire ces opérations dans sa comptabilité, à passer une écriture unique « dotation de l'exercice à emprunt de plus d'un an » et en ne virant pas au compte courant de la caisse de retraite les compléments de dotation qu'elle lui attribuait mais qui restaient à sa disposition, la société doit être regardée comme s'étant livrée à des opérations fictives qui ne peuvent lui permettre de déduire de ses bénéfices ni les dotations complémentaires susvisées, ni les intérêts correspondants dont le versement n'est pas justifié par un véritable prêt de la caisse des retraites (CE, arrêt du 3 novembre 1971, req. n° 81012, RJ II, p. 176).
4Dans le cas d'un commerçant, qui exerçant l'activité de transporteur, a comptabilisé dans ses frais généraux des achats de caisses d'emballage qu'il a tenté de justifier en .présentant des factures qui n'avaient pas été établies par le véritable fournisseur, il a été jugé que l'Administration a refusé à bon droit de tenir compte desdits achats dans les charges de l'entreprise (CE, arrêt du 9 avril 1976, req. n° 96508).
Nota. - Au cas particulier, la matérialité des achats n'était pas contestée par le service, mais le contribuable, qui avait refusé de révéler l'identité du fournisseur réel, avait produit de fausses factures établies au nom d'un fournisseur ayant cessé toute activité depuis plusieurs années.
Le Conseil d'État a déjà jugé, à propos de « fausses factures » de cette nature qu'elles étaient sans valeur probante et constituaient des irrégularités comptables (CE, arrêt du 12 juin 1974, req. n° 88618, RJ IV, p. 65).
Par l'arrêt sus-analysé, la Haute Assemblée admet que, pour déterminer le montant de la base d'imposition, le service est fondé à faire abstraction des achats pour lesquels il est présenté des factures établies par un autre que le véritable fournisseur.
Néanmoins, il est rappelé que l'Administration sans se priver pour autant du bénéfice du présent arrêt doit, dans toute la mesure du possible, tenir compte, dans les reconstitutions de résultats qu'elle effectue, d'un montant d'achats compatible avec la productivité apparente de l'entreprise.
Il est, en outre, souligné que l'utilisation de « fausses factures » peut constituer l'infraction définie et réprimée par l'article 1740 ter du CGI.
II. Tolérance
- menues acquisitions de produits consommables.
5Il est, cependant, admis que les menues acquisitions de produits consommables peuvent ne pas être assorties des factures correspondantes (cf. 4 G 3331, n°s 25 à 27).
- Frais de voyage, réception et représentation.
6De même, la déduction des frais de voyage, de réception et de représentation des chefs d'entreprise ne doit pas être refusée systématiquement pour le seul motif que le montant de ces frais n'est pas justifié par la production de documents formant preuve certaine lorsque les sommes comptabilisées au titre de ces frais correspondent effectivement à des dépenses d'ordre professionnel et ne sont pas excessives eu égard à la nature et à l'importance de l'exploitation ainsi qu'à toutes autres circonstances propres à chaque cas particulier.
Le Conseil d'État a jugé qu'il y avait lieu d'admettre en déduction les frais de déplacement retracés sur un cahier de dépenses par un exploitant individuel dès lors que leur montant apparaissait justifié eu égard au nombre de journées passées chaque année en déplacement pour les besoins de la profession (CE, arrêt du 15 octobre 1965, req. n° 55359, 9e s.-s.).
- commerçants s'approvisionnant directement à la culture.
7La justification du coût d'achat s'opère normalement par la production de la facture établie par le vendeur. Cependant, lorsque les commerçants qui s'approvisionnent directement à la culture ou sur les marchés n'ont pas la possibilité de produire un tel document, il n'y a pas lieu de refuser, pour ce seul motif, de tenir compte de la comptabilité produite si cette dernière est bien tenue et si les résultats sont en rapport avec l'importance et la productivité de l'entreprise. Les intéressés doivent d'ailleurs généralement être en mesure de fournir des justifications telles que : fiches de poids, fiches de sorties délivrées dans les marchés, récépissés d'expédition par chemin de fer, fiches émanant du service vétérinaire, pièces de régie, etc.
8Vente dans une exploitation industrielle et commerciale de produits récoltés par l'exploitant.
Dans la mesure où l'exploitation agricole ne constitue pas une extension de l'activité commerciale au sens de l'article 155 du CGI (voir 4 F 113. Extension d'activités), le bénéfice de l'exploitation industrielle ou commerciale peut, sous réserve du droit de contrôle de l'Administration, être déterminé en retenant les produits tirés de l'exploitation agricole pour une valeur calculée forfaitairement d'après le cours moyen des produits analogues dans le commerce et dans la région. Il en est ainsi, par exemple, dans le cas d'un horticulteur fleuriste disposant d'un magasin de vente au détail distinct de son exploitation ou d'un industriel utilisant dans son entreprise des bois ou des produits provenant de forêts lui appartenant.
III. Justifications propres à certaines charges
9Par ailleurs, certains frais énumérés à l'article 39-5 du CGI doivent donner lieu à des justifications de nature particulière (sur cette question, cf. ci-après 4 C 45 ).
10Enfin, et en ce qui concerne les pourboires, il est rappelé qu'ils constituent un élément du chiffre d'affaires taxable quelles que soient les modalités selon lesquelles ils sont réclamés à la clientèle. Les modalités relatives à l'application de la tolérance administrative qui permet aux employeurs de distraire le montant des pourboires de la base imposable à la TVA sont précisées dans la documentation administrative 3 B 1123 n°s 31 et suiv.
Les pourboires doivent être regardés comme transitant dans la comptabilité, même lorsqu'ils sont laissés à l'appréciation de la clientèle et que l'exploitant ne les encaisse pas effectivement.
Dans ce cas, il appartient à ce dernier d'évaluer sous sa responsabilité le montant des pourboires perçus par son personnel et de les faire figurer dans ses écritures comptables.
En ce qui concerne les conséquences de cette règle au regard de la détermination du bénéfice imposable, il convient de souligner que selon l'article L 147-1 du Code du travail 1 les perceptions faites « pour le service », sous quelque modalité que ce soit, sont intégralement acquises aux employés à titre de rémunération de leur travail dans l'entreprise.
Par ailleurs, selon la jurisprudence constante du Conseil d'État (cf. 3 B 1123, n° 44), les pourboires encaissés directement par le personnel de l'établissement doivent être considérés comme une recette de l'exploitant correspondant à une charge d'exploitation d'égale valeur.
Il convient d'admettre, dans ces conditions, que les pourboires versés directement au personnel constituent, en principe, des charges déductibles par le seul fait qu'ils sont pris en recette pour la détermination du chiffre d'affaires.
Mais les agents chargés du contrôle devront, bien entendu, s'assurer que le montant global des sommes ainsi déduites correspond à l'application aux recettes d'exploitation du pourcentage de majoration pour service pratiqué dans l'établissement et dont il appartient à l'exploitant de justifier.
Les solutions et recommandations qui précédent sont applicables tant en matière de bénéfice réel que de bénéfice forfaitaire. Elles impliquent en ce qui concerne ce dernier régime que les pourboires encaissés directement par les employés soient compris dans le montant des affaires réalisées et des salaires du personnel qui doivent être indiqués sur la déclaration spéciale annuelle n° 951 M.
IV. Dématérialisation des factures (télétransmission)
11L'article 289 bis du CGI, issu de l'article 47 de la loi de finances rectificative pour 1990, permet désormais aux entreprises d'échanger des factures par voie télématique. Celles-ci sont considérées comme des factures sous réserve du respect de certaines conditions (CGI, art. 289 bis-I et III) :
- identité du message émis et du message reçu ;
- édition d'une liste récapitulative ;
- restitution en langage clair ;
- restitution sur papier, à la demande de l'administration.
Chaque système de télétransmission est soumis à une procédure d'autorisation initiale au cours de laquelle l'administration peut effectuer des tests techniques. Par ailleurs, il est prévu une autorisation pour toute demande de modification ou d'utilisation d'un système préalablement autorisé.
Enfin, la sécurité de fonctionnement est renforcée par la possibilité donnée à l'administration de réaliser des tests inopinés portant sur le fonctionnement du système de dématérialisation.
Des précisions complémentaires sur ce régime sont apportées par le BOI 3 E-1-92 auquel il convient de se reporter en tant que de besoin.
B. DÉDUCTION FORFAITAIRE DE CERTAINS FRAIS
12L'obligation pour les entreprises de conserver les justifications de toutes leurs opérations pour appuyer leurs écritures comptables et leurs déclarations de résultat est parfois difficile à respecter en ce qui concerne certaines dépenses telles que frais de carburant et menus frais généraux.
Aussi dans un souci de simplification, le paragraphe II de l'article 106 de la loi de finances pour 1990 (codifié à l'article 302 septies A ter A du code général des impôts) offre aux contribuables qui optent pour la comptabilité super-simplifiée la possibilité d'évaluer de façon forfaitaire certaines dépenses et les dispense de produire les justificatifs relatifs à certains frais généraux accessoires (cf. ci-dessus n°s 5 et 6 ).
13L'article 30 de la loi de finances rectificative pour 1996 a étendu aux exploitants agricoles les mesures de simplification applicables depuis 1990 aux entreprises industrielles et commerciales soumises au régime simplifié d'imposition et qui optent pour la tenue d'une comptabilité super-simplifiée (CGI, art. 302 septies A ter A, DB 4 G 344).
Le décret n° 97-260 du 18 mars 1997 précise les modalités déclaratives des exploitants qui choisissent l'enregistrement forfaitaire des frais de carburant.
Les nouvelles dispositions s'appliquent pour la détermination des résultats des exercices clos à compter du 1er janvier 1997.
Ces dispositions ont été commentées par le BOI 5 E-2-97 auquel il convient de se reporter.
1. Dépenses relatives aux carburants.
14L'article 302 septies A ter A du CGI prévoit que « les frais relatifs aux carburants consommés lors des déplacements professionnels de l'exploitant peuvent être enregistrés forfaitairement d'après un barème qui est publié chaque année ».
. S'agissant des dépenses de carburant supportées par l'exploitant, seules les entreprises individuelles relevant de l'impôt sur le revenu soumises de plein droit ou sur option au régime simplifié d'imposition et ayant opté pour la comptabilité super-simplifiée peuvent bénéficier de la mesure. Par suite les personnes morales en sont exclues.
15Cette mesure de simplification concerne :
• les frais relatifs aux carburants ...
Il s'agit des dépenses d'essence, de gazole, de GPL utilisés comme carburants à l'exclusion des frais relatifs à l'entretien, la réparation, l'assurance ou l'amortissement du véhicule.
• ... consommés lors de déplacements professionnels
Les frais de carburant supportés à raison des déplacements ou voyages peuvent faire l'objet d'une évaluation forfaitaire dès lors qu'ils correspondent effectivement à des dépenses professionnelles effectuées pour les besoins de l'entreprise.
Sur la notion de frais de voyage et de déplacement exposés par l'exploitant individuel, il y a lieu de se reporter aux commentaires développés ci-après 4 C 425 n°s 2 et 3 .
16La mesure de simplification vise essentiellement les frais de carburant afférents aux véhicules affectés à un usage mixte pour lesquels il n'existe pas toujours de justificatif.
Par suite sont exclus du bénéfice de cette mesure les frais de carburant qui concernent :
• d'une part les véhicules uniquement affectés à un usage professionnel tels que les camions, tracteurs, véhicules utilitaires
• d'autre part les véhicules utilisés par les entreprises qui ont pour objet même le transport de personnes ou de marchandises (taxis, transporteurs )
17Les dépenses de carburant à prendre en compte sont déterminées par application d'un barème forfaitaire au nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel.
L'exploitant doit donc, comme par le passé, être en mesure de justifier de l'utilisation professionnelle du véhicule et du kilométrage parcouru à ce titre.
Le barème à utiliser qui se distingue de celui concernant l'évaluation des frais professionnels des salariés et des professions non commerciales, est publié chaque année par l'administration (cf. annexe 1).
Ces dispositions restent sans incidence sur les modalités de déduction des autres dépenses afférentes aux véhicules (assurance, entretien,...).
18Cela étant, la forfaitisation des frais de carburant constitue une simple faculté offerte aux contribuables. L'option pour l'évaluation forfaitaire de ces dépenses est indiquée expressément sur l'état annexe joint à la déclaration de résultats (cf. art. 2 du décret n° 90-1249 du 31 décembre 1990 ; v. annexe 2). Elle comporte des conséquences tant sur le plan comptable que sur le plan fiscal.
En effet, la déduction fiscale des frais forfaitaires relatifs aux dépenses de carburant est subordonnée à leur enregistrement dans la comptabilité super-simplifiée. Bien entendu dans le cas où les dépenses réelles sont en tout ou partie enregistrées, seule la différence qui existe, le cas échéant, entre le montant forfaitaire total et les frais réels doit faire l'objet d'une comptabilisation supplémentaire.
19En pratique, les exploitants doivent annexer à leur déclaration un état rédigé sur papier libre conforme au modèle joint en annexe 3. Ils doivent y mentionner leur option ainsi que :
- le type et l'immatriculation du ou des véhicules concernés ;
- le nombre total de kilomètres parcourus en distinguant ceux effectués pour les besoins de l'entreprise ;
- le montant forfaitaire des frais de carburant ;
- les modalités de comptabilisation des frais de carburant.
20Exemple :
- nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel : 10 000 ;
- prix du kilomètre estimé forfaitairement : 0,5 F 2 ;
- évaluation forfaitaire des frais de carburant : 5 000 F ;
- dépenses réelles de carburant enregistrées par l'exploitant en cours d'exercice : 3 500 F ;
- déduction supplémentaire susceptible d'être pratiquée par l'exploitant :
5 000 F (évaluation forfaitaire) - 3 500 F (frais réels) = 1 500 F.
Cette somme doit être enregistrée en comptabilité : ainsi, le compte de charges correspondant peut être débité par le crédit du compte de l'exploitant (voir modèle en annexe 3).
1 Article L 147-1 du Code du travail : Dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites « pour le service » par tout employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l'employeur, ou centralisées par lui, doivent être intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement.
2 Chiffre utilisé pour la simplification des calculs. Voir barème en annexe n° 1.