SECTION 3 PRODUCTION (OU TRAVAUX) EN COURS
SECTION 3
Production (ou travaux) en cours
SOUS-SECTION 1
Évaluation des productions (ou travaux) en cours
I. Généralités
1Aux termes de l'article 38 ter 2e alinéa, de l'annexe III au CGI, les productions en cours sont les biens ou les services en cours de formation au travers d'un processus de production. Il s'agit donc des produits ou travaux en voie de formation ou de transformation à la clôture de l'exercice.
2Comme il a été indiqué ci-avant 4 A 2511, n°s 14 et suivants , les productions en cours, qui se rencontrent plus spécialement chez les entrepreneurs de bâtiments ou de travaux publics et dans les entreprises effectuant des travaux sur des matériels qui leur sont confiés, n'ont pas à être comprises dans le stock de ces entreprises. Elles doivent dès lors être distinguées des produits en cours de fabrication dans les entreprises industrielles, ces produits constituant, en principe, des stocks (cf. DB 4 A 2511, n°s 11 et suiv. ).
3Ainsi, il a été jugé que des appartements construits par un entrepreneur de construction et non encore achevés à la clôture de l'exercice ne peuvent, à cette date, être regardés comme des stocks mais constituent des travaux en cours à porter à l'actif pour leur prix de revient (CE, arrêt du 25 juillet 1975, req. n°s 94844 et 96449, 8 et 9 s.-s.).
4Toutefois, il est évident que ces travaux, se présentant comme la contrepartie des dépenses engagées pour leur exécution, doivent faire l'objet d'une évaluation à la clôture de l'exercice.
Leur inscription à l'actif du bilan n'a donc d'autre objet que de compenser la prise en compte au titre des charges d'exploitation des dépenses correspondantes. Elle doit, dès lors qu'aucun profit n'est encore réalisé, rester sans influence sur les résultats de l'exercice.
II. Définition
5Pour l'application des dispositions de l'article 38-3 du CGI - qui prévoit leur évaluation au prix de revient - les travaux en cours s'entendent, en principe, des travaux inachevés à la date de la clôture de l'exercice et qui, de ce fait, ne peuvent être regardés comme ayant d'ores et déjà donné naissance, à cette date, pour l'entreprise intéressée, à une créance acquise.
À cet égard, il est admis, d'une manière générale, qu'un travail doit être considéré comme inachevé tant qu'il n'a pas fait l'objet d'une réception provisoire ou été mis à la disposition du maître de l'oeuvre.
6En ce qui concerne les travaux donnant lieu à des réceptions partielles, l'Administration estime toutefois que chaque tranche doit, pour l'application de cette règle, être envisagée isolément. En outre, lorsque le contrat ou le marché comporte une clause spécifiant que le versement d'acomptes entraîne le transfert au maître de l'oeuvre de la propriété ou du risque de perte de la chose, les travaux correspondant aux acomptes ainsi versés doivent être exclus des travaux en cours.
7En définitive, qu'il s'agisse de travaux privés ou de travaux publics, les travaux en cours à la date de la clôture de chaque exercice doivent s'entendre, en principe :
- si le contrat ou le marché ne comporte pas une clause spécifiant que le versement d'acomptes entraîne transfert au maître de l'oeuvre de la propriété ou du risque de perte de la chose, des travaux qui, à cette date, n'ont pas encore été l'objet, en tout ou en partie, d'une réception provisoire et n'ont pas été mis à la disposition du maître de l'oeuvre ;
- si le contrat ou marché comporte une telle clause, des travaux effectués depuis la date à laquelle a été arrêtée la situation ayant donné lieu à la fixation du dernier acompte.
III. Évaluation
1. Évaluation au prix de revient.
a. Principes.
8L'article 38 nonies de l'annexe III au code précité, reprenant la règle fixée par l'article 38-3 du même code, prévoit que les productions en cours sont évaluées au coût de revient lequel est constitué par le coût d'achat des matières et fournitures consommées augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production à l'exclusion des frais financiers (cf. toutefois ci-avant DB 4 A 2521, n° 28 ).
9À cet égard, le Conseil d'État a jugé que les travaux en cours doivent, dans toutes les entreprises - y compris celles de prestations de services - figurer à l'actif du bilan pour leur prix de revient (CE, arrêts des 18 novembre 1983, n° 29395 et 11 janvier 1985, n° 36783).
Ce prix de revient ne peut être inférieur à la somme des frais exposés et des charges supportées pour l'exécution des travaux à la clôture de l'exercice.
b. Détermination du prix de revient.
10L'évaluation du prix de revient des travaux en cours doit être établie en tenant compte :
1° Du coût des matériaux utilisés, de la main-d'oeuvre et des frais de chantier ;
2° Du coût des matériaux approvisionnés sur le chantier et non encore utilisés ;
3° D'une quote-part des frais généraux du siège et des amortissements, dans la mesure où ces frais peuvent être considérés comme se rapportant à des dépenses engagées pour l'exécution desdits travaux.
11Mais il s'agit là, bien entendu, d'une question de fait qui ne peut être résolue qu'en fonction de la nature des frais exposés par chaque entreprise.
Il est toutefois précisé, à cet égard, qu'il peut être fait abstraction des frais purement commerciaux et administratifs ainsi que des frais financiers.
En ce qui concerne la quote-part des frais généraux et amortissements imputables aux travaux en cours exécutés pendant un exercice, les entreprises peuvent valablement la déterminer forfaitairement en appliquant à l'ensemble des frais et amortissements afférents audit exercice :
- soit le rapport existant entre, d'une part, le total des dépenses de matériaux, de main-d'oeuvre et des frais de chantier engagés au cours de l'exercice considéré et afférents aux travaux en cours et, d'autre part, le total des dépenses et frais de même nature engagés pendant le même exercice et afférents à l'ensemble des travaux effectués au cours dudit exercice ;
- soit le rapport, établi dans les mêmes conditions, mais en fonction des seules dépenses de main-d'oeuvre.
12Mais les entreprises ne sont, en aucun cas, autorisées à déterminer l'évaluation de leurs travaux en cours en faisant subir au prix de mémoire desdits travaux un abattement correspondant au pourcentage de bénéfice adopté pour effectuer les devis des travaux et fixer le prix de marché.
En effet, l'évaluation au prix de revient des travaux en cours a pour objet de compenser exactement, au compte de résultat, le coût de ces travaux et il n'est nullement établi que le résultat final de l'opération se traduira par un bénéfice ou, tout au moins, par un profit se répartissant selon le même pourcentage sur les diverses parties du travail.
2. Comptabilisation.
13En application des dispositions de l'article 38-2 bis du CGI, la créance sur le client doit être inscrite au bilan dès l'achèvement des prestations ou, pour les travaux d'entreprise donnant lieu à réception complète ou partielle, à la date de réception ou à celle de la mise à la disposition du maître de l'ouvrage si elle est antérieure. Le compte de prestations en cours correspondant est alors annulé.
C'est ainsi que l'entreprise de travaux immobiliers qui, au cours d'un exercice livre à ses clients des travaux ayant fait l'objet d'une « réception provisoire », doit inscrire les créances qui en résultent dans les valeurs d'actif de cet exercice, alors même que la « réception définitive » des travaux ne serait intervenue qu'au cours d'exercices postérieurs (CE, arrêt du 24 mai 1978, n° 1864).
14Néanmoins, en ce qui concerne les contrats ou marchés ne comportant pas une clause spécifiant que le versement d'acomptes entraîne transfert au maître de l'oeuvre de la propriété ou du risque de perte de la chose (cf. ci-dessus n° 7 ), l'Administration ne s'oppose pas à ce que, pour la totalité ou pour certains de leurs travaux, les entreprises inscrivent au titre des produits d'exploitation les créances afférentes aux travaux effectués, telles qu'elles apparaissent sur la dernière situation établie avant la date de clôture de l'exercice considéré, et excluent corrélativement la fraction correspondante desdits travaux de leurs travaux en cours.
Lorsqu'une entreprise entend, pour un chantier donné, faire état de ce mode de comptabilisation des travaux elle peut l'utiliser soit dès la clôture de l'exercice en cours au moment du commencement des travaux, soit à la clôture de l'un quelconque des exercices au cours desquels sont exécutés lesdits travaux.
Mais il est bien entendu qu'en cas d'option pour ce mode de comptabilisation, l'entreprise doit l'utiliser jusqu'à l'achèvement du chantier en cause.
D'autre part, les travaux ainsi comptabilisés doivent, en tout état de cause, être exclus des travaux en cours.
15Dès lors, les travaux figurant sur des « situations de travaux » qui mentionnent les sommes dont les clients sont redevables et qui, eu égard aux relations contractuelles entre les clients et l'entreprise, rendent cette dernière immédiatement créancière des sommes en cause, constituent des créances acquises et ne peuvent être qualifiés de « travaux en cours » (CE, arrêt du 15 janvier 1982, n° 12118).
16 Remarque : Les deux systèmes de comptabilisation (date de réception ou de mise à disposition d'une part, d'après les situations de travaux, d'autre part) sont exclusifs l'un de l'autre. Aussi, le Conseil d'État a-t-il considéré que l'Administration est en droit d'opposer à l'entreprise -qui a opté pour le second système- les chiffres figurant sur les états de situation notifiés aux clients pour la détermination du bénéfice imposable, dès lors que n'est pas apportée la preuve de l'évaluation excessive de ces travaux (CE, arrêt du 11 octobre 1978, n° 5639).
3. Incidence de la taxe sur la valeur ajoutée.
17Cf. ci-avant DB 4 A 2521, n°s 39 et suivants.
IV. Cas particuliers d'évaluation des productions en cours
Marchés en cours pour lesquels les dépenses déjà effectuées sont supérieures au prix convenu.
18Les entreprises du bâtiment ou de travaux publics peuvent constituer des provisions pour pertes afférentes à des opérations en cours à la clôture de l'exercice dans les conditions exposées ci-dessous 4 A 2532 .
Entreprises de constructions navales.
19Les entreprises de constructions navales doivent, en principe, à la clôture de chaque exercice, évaluer au prix de revient, à titre de travaux en cours, les navires non encore achevés à la date de cette clôture. Corrélativement, les acomptes déjà reçus de l'armateur demeurent sans incidence sur les résultats dudit exercice.
Toutefois, et par analogie, avec les solutions retenues en ce qui concerne les entreprises du bâtiment et des travaux publics, il a paru possible d'autoriser les entreprises de constructions navales, pour tous leurs navires en cours de construction ou pour certains d'entre eux, à inclure parmi les produits d'exploitation les créances afférentes aux travaux effectués, telles qu'elles apparaissent sur la dernière situation établie avant la date de clôture de l'exercice considéré. La fraction correspondante desdits travaux doit alors être exclue des travaux en cours 1 .
Mais lorsque, pour un navire donné, une entreprise fait état de ce mode de comptabilisation, soit dès la clôture de l'exercice en cours à la date du commencement des travaux, soit à la clôture d'un exercice ultérieur, elle doit en faire application jusqu'à l'achèvement du navire.
Entreprises tenant une comptabilité super-simplifiée.
20L'arrêté du 10 février 1983 (CGI, ann. IV, art. 4 LA), pris en application de l'article 72 de la loi de finances pour 1983 permet aux chefs d'entreprises qui recourent à la comptabilité super-simplifiée d'apprécier forfaitairement le coût de revient des productions en cours, lequel est réputé égal au montant des acomptes réclamés au client avant facturation.
En pratique, il convient de retrancher des recettes annuelles le montant des avances et acomptes reçus, puis de porter à l'actif du bilan et au crédit du compte de résultat les productions en cours pour une somme égale au montant des acomptes demandés, à l'exclusion du montant de la TVA, lorsque le compte de résultat est présenté hors taxe (cf. ci-avant DB 4 A 2521, n°s 39 et suiv. ).
Il est précisé que cette méthode d'évaluation des productions en cours doit être utilisée tant que les conditions d'activité de l'entreprise ne connaissent pas de changement substantiel.
1 S'agissant des règles de déduction des provisions pour pertes sur travaux en cours, cf. ci-après 4 A 2532 .