Date de début de publication du BOI : 09/03/2001
Identifiant juridique : 4A242
Références du document :  4A242

SECTION 2 INDEMNITÉS DIVERSES

2. Autres indemnités.

26En revanche, les indemnités qui ne sont pas allouées en contrepartie de la valeur d'éléments de l'actif immobilisé doivent être rattachées aux bénéfices de l'entreprise imposables au taux normal.

27Il en est ainsi, non seulement des indemnités destinées à couvrir les frais que l'exproprié devra engager en vue de retrouver des locaux d'exploitation et d'y transférer ses installations, mais également des indemnités qui sont destinées à compenser des pertes temporaires de recettes. En effet, les frais couverts par ces différentes indemnités étant déductibles, il est normal que celles-ci soient, en contrepartie, imposables. Il est de même équitable que les sommes versées à titre de compensation de recettes soient imposées dans les mêmes conditions que les recettes elles-mêmes.

Le Conseil d'État a jugé que constituent des recettes à prendre en compte pour la détermination des résultats d'exploitation :

28- l'indemnité dite de « remploi » qui a pour objet de couvrir l'ensemble des frais à exposer par l'entreprise en vue d'acquérir un bien de même nature et de même valeur que celui dont elle a été expropriée, à l'exception du prix d'acquisition lui-même car, bien que représentative d'une partie du préjudice découlant de l'expropriation, cette indemnité ne constitue pas une contrepartie de la valeur du bien exproprié mais est destinée à compenser des frais qui seront eux-mêmes déductibles du bénéfice imposable (CE, arrêt du 18 juillet 1973, req. n° 86950, RJ, II, p. 95). Il en est ainsi quel que soit l'emploi ultérieur donné par l'entreprise à la somme qui lui a été allouée à ce titre (CE, arrêt du 6 février 1981, n° 19087).

À cet égard, la circonstance que le commerçant exproprié ou évincé ne se réinstalle pas ne saurait modifier a posteriori la nature de l'indemnité perçue par l'intéressé, ni par suite changer son régime fiscal alors même qu'il aurait été tenu compte des dépenses inhérentes à la réinstallation pour la fixation contractuelle ou judiciaire du montant de l'indemnisation. À concurrence de la fraction couvrant l'estimation des frais et du préjudice devant résulter du transfert de l'entreprise, cette indemnité doit être comptabilisée parmi les gains divers de l'exercice de cessation d'activité et en conséquence comprise dans les éléments du bénéfice d'exploitation de cet exercice (RM, Gabriel, JO déb, AN, 15 décembre 1977, p. 8745, n° 36778) [Voir également ci-dessous n° 38 , arrêt du 1er février 1984] ;

Remarque : Dans un arrêt en date du 9 juin 1971 (req. n° 77864, RJ II, p. 93), la Haute Assemblée a exceptionnellement admis que l'indemnité de remploi devait être regardée comme faisant partie du prix de cession de l'élément d'actif exproprié, au même titre que la fraction principale de l'indemnité d'expropriation. Mais en faisant application de la théorie de l'accessoire pour déterminer le régime fiscal de l'indemnité de remploi, elle a rendu un arrêt qu'il faut considérer comme un arrêt d'espèce.

Dès lors, il convient de continuer à considérer l'indemnité de remploi comme un élément du bénéfice d'exploitation imposable. Corrélativement, la déduction immédiate ou sous forme d'amortissement des frais exposés par l'entreprise à l'occasion du remplacement de l'élément d'actif exproprié est maintenue. D'ailleurs, par un nouvel arrêt en date du 11 juin 1975 (req. n° 93269, RJ II, p. 77), le Conseil d'État a confirmé sa jurisprudence antérieure et jugé que l'indemnité de remploi constituait bien une recette de l'exercice, passible de l'impôt au taux normal.

29- l'indemnité pour « transfert et remontage des installations transportables » et l'indemnité pour « frais généraux déboursés sans contrepartie » qui ont pour objet de compenser des frais qui, par nature, sont également déductibles du bénéfice imposable (CE, arrêts des 18 juillet 1973 précité et 24 mars 1982, n° 18050) ;

30- l'indemnité pour « perte temporaire de bénéfice » destinée à compenser la perte temporaire de recettes qui eussent été imposables (arrêt du 18 juillet 1973 précité).

31Voir également, dans le même sens, CE, arrêt du 27 juin 1973, (req. n° 85390, RJ, II, p. 74) en ce qui concerne une indemnité dite « de déplacement d'installations » perçue par une entreprise à l'occasion de la cession d'un terrain.

3. Exercice de rattachement des indemnités d'expropriation.

32Une entreprise expropriée d'un bien figurant à son actif devient titulaire d'une créance certaine dans son principe et dans son montant à la date du jugement qui a fixé l'indemnité d'expropriation. Elle est dès lors tenue de faire figurer cette créance comme valeur d'actif au bilan de clôture de l'exercice en cours, même si le jugement ne lui est notifié qu'au cours de l'exercice suivant.

Les incertitudes subsistant à la clôture de l'exercice sur le point de savoir si le jugement sera ou non frappé d'appel et sur la date à laquelle l'indemnité sera effectivement payée peuvent seulement justifier, éventuellement, la constitution d'une provision (CE, arrêt du 17 octobre 1973, req. n° 86009, RJ, II, p. 111).

Au cas où le jugement qui a fixé le montant de l'indemnité d'expropriation est effectivement frappé d'appel, cette circonstance ne peut également que justifier, le cas échéant, la constitution d'une provision (CE, arrêt du 6 novembre 1974, req. n° 93547, RJ. II, p. 148) 1 .

33Il convient d'observer, à cet égard, qu'une ordonnance d'expropriation devenue définitive a pour effet de transférer à l'autorité expropriante la propriété du bien exproprié. Il s'ensuit que, lorsque ce bien figurait à l'actif d'une entreprise industrielle et commerciale, celle-ci est tenue de faire apparaître cette modification dans la consistance de son actif dans le bilan de clôture de l'exercice au cours duquel l'expropriation a eu lieu. Dans le cas où , à cette date, l'entreprise ignore le montant exact de l'indemnité d'expropriation qui lui sera attribuée, elle doit, jusqu'à la fixation définitive de la somme à recevoir, substituer au bien exproprié, à concurrence de sa valeur comptable, les droits à l'indemnité nés de l'expropriation.

C'est seulement lorsque l'indemnité a été fixée :

- soit par la commission arbitrale d'expropriation [CE, arrêt du 21 juillet 1970, req, n°s 78463 et 78879, RJ, II, p. 166] 2 ,

- soit par le juge compétent (CE, arrêt du 4 février 1972, req. n° 79751, RJ, II, p. 20), que la créance peut être regardée comme devenue certaine dans tous ses éléments et doit être rattachée, conformément aux dispositions de l'article 38 du CGI, aux résultats de l'exercice au cours duquel la décision de fixation est intervenue, alors même que cette indemnité ne serait pas versée au cours dudit exercice.

  II. Indemnités reçues à la suite de mesures de nationalisation ou d'expropriation prises par un gouvernement étranger

34Aux termes de l'article 238 bis-C, 1er alinéa, du CGI, « le règlement des indemnités qui sont allouées aux personnes physiques ou morales françaises atteintes par une mesure de nationalisation, d'expropriation ou toute autre mesure restrictive de caractère similaire prise par un gouvernement étranger ne donne lieu à aucune perception au titre de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu ».

Il résulte de ces dispositions que les sociétés françaises qui possédaient des participations dans des sociétés étrangères atteintes par l'une ou l'autre des mesures susvisées ainsi que les personnes physiques exploitant en France une entreprise industrielle ou commerciale, qui avaient fait figurer de telles participations à l'actif de leur entreprise, n'ont pas à tenir compte, pour la détermination de leur bénéfice imposable, du montant des indemnités qui leur sont allouées en compensation de l'expropriation de leurs droits.

Il en est ainsi, même dans le cas où les entreprises dont il s'agit ont déjà amorti tout ou partie de ces participations en raison de la perte que paraissaient devoir entraîner les mesures prises.

Quant aux entreprises qui reçoivent une indemnité du Gouvernement d'un État étranger, à la suite d'une mesure restrictive prise par ledit Gouvernement à l'égard de l'établissement qu'elles exploitaient directement dans cet État, elles n'ont pas à tenir compte de cette indemnité pour l'établissement de l'impôt dont elles seraient, le cas échéant, redevables en France en application du principe de la territorialité.

35En outre, le 2è alinéa de l'article 238 bis-C susvisé prévoit que peuvent être réparties en franchise d'impôt, entre les actionnaires, porteurs de parts et personnes ayant des droits similaires, les indemnités perçues par une société exploitant directement à l'étranger des établissements ayant fait l'objet de mesures de nationalisation, d'expropriation ou de toute autre mesure restrictive de caractère similaire, à la condition :

1° que la répartition intervienne dans un délai maximal d'un an, à compter de l'encaissement effectif des sommes reçues au titre de l'indemnité ;

2° qu'elle soit imputée sur les postes du passif correspondant le plus étroitement aux éléments transférés.

Il conviendra de se reporter, sur ce dernier point, à la division 4 K 13 .

  III. Indemnités de réquisition

36L'Administration peut, dans des circonstances exceptionnelles, exiger d'une entreprise, par voie de réquisition, la remise de biens mobiliers ou immobiliers.

Quelle que soit l'autorité qui procède à la réquisition, l'exploitant perçoit :

a. une indemnité pour privation de jouissance ;

b. lorsqu'il s'agit de la réquisition de locaux professionnels, une indemnité destinée à compenser le manque à gagner qu'il subit par suite de l'empêchement où il se trouve de continuer à exercer sa profession dans les lieux réquisitionnés.

Il convient de considérer que le total des indemnités perçues, ayant sa source dans l'actif commercial de l'entreprise, constitue une recette imposable sous déduction des charges visées à l'article 39 du CGI (frais généraux divers, etc.) ainsi que, bien entendu, de l'amortissement des immeubles, lorsqu'ils sont la propriété de l'exploitant.

Le Conseil d'État a ainsi jugé que la réquisition par l'autorité administrative des immeubles commerciaux, du mobilier et du matériel figurant à l'actif d'une entreprise hôtelière équivaut pour cette dernière, au même titre qu'une location amiable, à la poursuite de son exploitation. Les indemnités correspondant à cette réquisition sont donc considérées comme des bénéfices commerciaux, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre la partie des indemnités de réquisition correspondant à la privation de jouissance et celle qui est destinée à compenser les pertes résultant d'un arrêt de l'exploitation (CE, arrêt du 11 février 1949, req. n° 92135, RO p. 146).

Les indemnités de réquisition doivent, conformément à la règle générale, être rattachées aux résultats de l'exercice au cours duquel elles ont acquis le caractère de créances certaines dans leur principe et dans leur montant.

  IV. Indemnités d'éviction perçues par les entreprises

37En cas de refus de renouvellement de leur bail, les entreprises reçoivent, sauf exceptions 3 , une indemnité dite d'éviction qui est régie par les dispositions du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 modifié, relatif aux rapports entre bailleurs et locataires de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal.

Ce décret dispose que l'indemnité d'éviction « comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement de frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que de frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ».

38Le régime d'imposition des divers éléments de cette indemnité varie selon la nature du préjudice que cette indemnité est destinée à réparer.

Les sommes qui sont destinées à compenser la perte d'éléments de l'actif immobilisé et, notamment un droit au bail, doivent être assimilées à un prix de cession. En conséquence, les plus-values ou moins-values réalisées à cette occasion bénéficient du régime fiscal des plus-values ou moins-values d'actif immobilisé. En ce sens CE, arrêt du 25 novembre 1985, n° 40357.

En revanche, les sommes qui couvrent les frais normaux de déménagement et de réinstallation ainsi que les frais et droits de mutation sont imposables au taux normal (CE, arrêt du 27 mai 1983, n° 27921). Il en est ainsi même si le contribuable a été, en fait, dans l'impossibilité de se réinstaller dans un autre local et aurait subi de ce chef, la perte intégrale de son fonds de commerce (CE, arrêt du 1er février 1984, n° 36169).

Cas particulier. - L'entreprise dont le bail est résilié, est imposée selon le régime forfaitaire 4 .

39L'application des règles générales au cas particulier conduit aux solutions suivantes.

Lorsque la résiliation du bail entraîne la cession ou la cessation de l'entreprise, l'indemnité de résiliation, si elle correspond à des éléments de l'actif immobilisé, est prise en compte pour la détermination des plus-values imposables, le cas échéant, dans les conditions prévues aux articles 150 A à 150 T du CGI.

Si elle est destinée à compenser la perte de recettes d'exploitation, elle n'est pas de nature à modifier l'évaluation du bénéfice forfaitaire, une compensation s'établissant entre le montant de l'indemnité et celui des pertes de recettes.

Si, enfin, elle a pour objet de couvrir des frais de réinstallation, elle n'a pas à être prise en considération pour le calcul du bénéfice que l'entreprise peut produire normalement mais, corrélativement, ces frais ne peuvent être déduits pour l'évaluation du bénéfice forfaitaire que dans la limite de l'indemnité destinée à les couvrir.

  D. INDEMNITÉS D'ASSURANCES

40Les entreprises peuvent percevoir, à titre d'indemnités, soit un capital versé en vertu d'un contrat d'assurance sur la vie, soit des indemnités versées à la suite d'un sinistre (incendie, inondation, etc.) ou d'un autre événement entraînant une perte ou une charge.

Le régime fiscal des sommes ainsi versées par des compagnies d'assurances est le suivant.

  I. Capital perçu en vertu d'un contrat d'assurance sur la vie

41Lorsqu'une entreprise contracte un emprunt pour les besoins de son exploitation, elle peut être conduite soit à la demande de l'organisme prêteur, soit de sa propre initiative à souscrire une assurance sur la tête d'un de ses dirigeants afin de garantir le remboursement de cet emprunt.

42À la date du décès de l'assuré, le profit qui résulte de l'indemnisation du prêteur par la compagnie d'assurances doit être compris dans les résultats de l'exercice en cours, en application des dispositions prévues à l'article 38 du CGI. Corrélativement, l'entreprise déduit de ses résultats le montant des primes d'assurances versées qui n'ont pas été admises en déduction des résultats des exercices antérieurs (cf. DB 4 C 4231 n° 12 ).

Cette imposition peut entraîner des difficultés financières pour l'entreprise dès lors que l'extinction de la dette ne s'accompagne d'aucun versement de fonds à son profit.

Pour remédier à ces difficultés l'article 38 quater du CGI, prévoit, pour la détermination des résultats des exercices ouverts après le 31 décembre 1987 et quelle que soit la date de souscription des contrats d'assurance, un étalement sur cinq ans de l'imposition du profit en cause. Corrélativement, la déduction des primes d'assurances qui n'ont pas été retenues au titre des exercices antérieurs doit également être étalée sur cinq ans.

1. Champ d'application.

a. Entreprises bénéficiaires du dispositif.

43Le dispositif s'applique aux entreprises qui, ayant souscrit un contrat d'assurance-vie défini ci-après  :

- sont soumises de plein droit ou sur option à l'impôt sur les sociétés ;

- ou relèvent de l'impôt sur le revenu, d'après un régime de bénéfice réel, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

1   En revanche, il convient de considérer que la faculté de constituer une provision ne peut être exercée lorsque l'affaire en litige fait l'objet d'un pourvoi en cassation dès lors qu'un tel pourvoi n'a pas d'effet suspensif.

2   L'article 12 de l'ordonnance n° 58-897 du 23 octobre 1958, et les articles 2 à 5 du décret n° 59-1335 du 20 novembre 1959 ont remplacé la commission arbitrale par un juge unique dénommé juge de l'expropriation. L'article 18 de la loi n° 62-848 du 26 juillet 1962 avait prévu le remplacement du juge de l'expropriation par une chambre de l'expropriation. Ce dernier dispositif n'a jamais été mis en place et la loi n° 65-559 du 10 juillet 1965 a finalement rétabli, de jure , le juge unique de l'expropriation.

3   Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'une indemnité :

a . s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant ;

b. s'il est établi que l'immeuble doit être totalement ou partiellement démoli comme étant en état d'insalubrité reconnu par l'autorité administrative ou s'il est établi qu'il ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état.

4   Il est rappelé que le régime du forfait, en matière de bénéfices industriels et commerciaux, est supprimé pour la détermination des résultats des années 1999 et suivantes.